Chapitre 17 : Coup de théâtre
! Attention ! Ce chapitre pourrait choquer les jeunes lecteurs !
Tout le monde s'était rassemblé dans ce qu'on pouvait appeler la place du village. Une sorte d'estrade avait été dressée en son centre, des sièges étaient disposés autour de la scène. Un théâtre ! Comme chaque année à la même époque, les villageois organisaient un spectacle racontant les plus grands contes de la culture japonaise. Comme c'était souvent le cas en France, seuls les hommes étaient autorisés à se produire sur scène : fardés, poudrés… ici des masques aux couleurs criardes remplaçaient ces artifices.
La soirée était joviale, tous oubliaient la rudesse et le danger de cette vie hors du reste du monde. A la grande surprise d'Oscar, Katsumoto monta également sur scène, bien entendu il jouait le sauveur de la belle en détresse. Les rires, les applaudissements fusèrent devant les différents tableaux. La jeune femme surprit même Taka, la veuve du samouraï rouge, sourire pour de bon, pas le sourire forcé que tant de personnes lui adressaient sans cesse. D'un regard plus discret elle regarda également An-San, son éternel sabre à la main, ne regardant que partiellement la scène, surveillant toujours du coin de l'œil les alentours, comme s'il craignait quelque chose. Au bout de quelques instant, se sentant sans doute observé, le jeune homme se tourna vers elle… il lui sourit et détourna ensuite son visage … pour la première fois elle l'avait vu sourire… mais c'était le sourire à un « ami »… seulement un ami…
Afin d'oublier les soubresauts de son cœur, Oscar se concentra sur le spectacle, appréciant ce moment de fête et d'amusement… soudain une étrange lueur apparut sur une des manches des acteurs, un reflet. La jeune femme tourna la tête pour en découvrir l'origine et découvrit avec stupeur une ombre, juchée sur un toit ! Un homme, tout de noir vêtu, une sorte d'arc à la main… l'homme se releva légèrement, banda l'arc prêt à tirer sur les acteurs…
'Katsumoto !' s'entendit-elle crier
Tous se retournèrent à son appel… mais trop tard, l'homme venait de décocher sa flèche, tuant un des acteurs ! Très vite, plusieurs samouraïs vinrent faire bouclier devant leur chef, alors que des dizaines d'hommes en noir descendaient des toits pour massacrer hommes, femmes et enfants. Les guerriers dégainèrent dans l'instant leur sabre, et firent face aux intrus.
De son côté, Oscar, désarmée, se dirigea vers Taka accompagnée de deux enfants, et les conduisit à l'intérieur d'une des maisons.
On entendait les maintes combats, les corps tombant au sol, les paysans s'enfuirent tant bien que mal. Mais ils étaient à l'abri … à l'abri ? Non ! Avec une violence sans pareil, des hommes traversèrent les murs de papier, bien faible protection face à ces tueurs. Oscar se plaça devant Taka et les enfants, elle n'avait aucune chance face à ces hommes : deux … ils n'étaient que deux mais elle, elle n'avait aucune arme, même pas le sabre de bois qu'elle avait appris à manier.
Par-dessus l'épaule d'un des meurtriers, elle aperçut l'armure rouge… « Si je pouvais l'atteindre, je pourrais me servir du sabre » pensa-t-elle. Mais comment faire ? Elle regarda à droite, à gauche, cherchant désespérément une solution. Dans un dernier espoir, elle regarda Taka… son wakizashi… certes ce petit sabre, principalement destiné au suicide rituel, était une maigre arme face aux lames de ses adversaires, mais jamais elle ne laisserait ces hommes les tuer, pas tant qu'elle serait en vie.
D'un geste vif, elle tira le petit sabre du obi de la japonaise et se lança sur le premier adversaire, elle devait tenir aussi longtemps que possible. Elle esquissa tant bien que mal la première lame meurtrière… elle ne pouvait pas gagner ce combat mais quitte à mourir, elle essayerait de sauver Taka et les enfants de ces monstres. Dans un ultime mouvement, Oscar planta le wakizashi dans la joue d'un des hommes en hurlant 'à l'aide, An-San..'. Le long sabre lécha la peau délicate de son bras avant de tomber, mort.
Mais la jeune femme eut à peine le temps de reprendre son souffle que le second homme se précipitait sur elle pour l'envoyer en enfer ! Sans attendre, Oscar saisit le sabre reposant au sol et égorgea l'assassin d'un geste. Elle se retourna vers Taka pour s'assurer qu'ils allaient tous bien… Mais comme s'il en venait de partout, de nouveaux assaillants pénétrèrent dans la demeure, par les portes, les murs déchirés et même par les toits. Ils étaient beaucoup trop nombreux, jamais elle ne pourrait faire face seule. Mais deux hommes s'effondrèrent devant elle, sans qu'elle ne fasse le moindre geste : An-San lui apparut alors, le regard grave, le sabre recouvert de sang… mais vivant !
AN-SAN : tu m'as appelé ?
OSCAR : merci d'être venu nous aider
Mais la discussion s'arrêta là… les combats reprirent de plus belle. Les lames meurtrières poursuivaient leurs macabres danses dans le fracas et les cris. Petit à petit, les hommes en noir tombaient, dominés par la puissance guerrière des samouraïs. Oscar et An-San se battaient sans relâche, dos à dos ou côte à côte, comme un seul homme. Quand chacun eut enfin éliminé son dernier adversaire, pris par le combat, ne voyant que des ennemis, ils se retournèrent face à face, prêts à tuer : leurs lames s'arrêtèrent à quelques millimètres de leurs gorges respectives… même geste, même attaque, même respiration… Alors dans un même mouvement, les deux guerriers ôtèrent la dangereuse lame… ils restèrent ainsi…
