Chapitre 18 : Vérité

Après cette terrible journée, Taka avait soigné les blessures de An-San et de Oscar. La blessure de la jeune femme était impressionnante mais était sans réelle gravité, elle devrait seulement ménager son bras quelques jours.

Oscar reposait à présent dans son futon. Le sommeil avait décidé de la quitter… étrange malgré la tuerie à laquelle elle avait participé, aucun cauchemar ne vint perturber sa nuit. Elle se retournait sans cesse sous son édredon, cherchant à calmer son esprit en ébullition : elle se repassait la scène encore et encore… An-San qui était venu l'aider… son regard quand ils s'étaient fixés l'un face à l'autre. Il la troublait plus qu'elle ne le souhaitait. Elle avait été si heureuse de le savoir en vie… plus le temps passait à ses côtés, plus elle perdait l'envie de partir loin de ce monde… loin de lui.

Elle avait besoin de remettre ses idées en place, un peu d'air lui ferait sans doute du bien. Sans prendre la peine de se changer, elle sortit de la maison et entreprit une de ses habituelles balades nocturnes, pas de bain pour ce soir, elle avait simplement besoin de réfléchir. Sans même s'en rendre compte, ses pas la conduisirent finalement aux sources chaudes, comme envoûtés par un étrange enchantement. Oscar ôta ses sandales, glissa ses jambes dans l'eau vaporeuse et s'allongea sur la berge.

Comme souvent en ce lieu, les vapeurs et les doux remous de l'eau eurent raison de la résistance de la jeune femme : le sommeil l'enveloppa, les images se mirent à défiler… Katsumoto, les ninjas, Taka et les enfants, ses combats, sa mort… An-San… 'tu m'as appelé ?', 'Oscar'…. 'tu m'as appelé ?' « non ce n'est pas possible » pensa-t-elle soudain en émergeant de son songe… pourtant elle se rappelait parfaitement cet instant, quand pour la première fois il l'avait appelé par son prénom, quand il était venu à son aide ce soir… il ne lui avait pas parlé en japonais… mais en français. Oscar ouvrit les yeux : An-San parlait français, pas comme Katsumoto, non, c'était un langage sans accent, sans faute… depuis le premier jour il l'avait trompée, depuis le premier jour, elle s'était ridiculisée. Pourquoi ? Pourquoi cette machination ? Que cherchait il en agissant ainsi ?

La capitaine sortit ses jambes de l'eau, enfila ses sandales et se dirigea prestement vers la maison. Après quelques minutes, elle se posta devant la porte de Sa chambre : il était sans doute endormi… elle ouvrit discrètement la porte, posa sa lumière et s'approcha du lit. Il était là, allongé sur le côté, le visage caché par son épaule, elle s'accroupit pour prendre le wakizashi du samouraï qui était posé près du futon. D'un geste précis, Oscar sortit la petite lame du fourreau et la glissa le long de la gorge du jeune homme. Surpris par la rapidité du soldat, An-San venait à peine de saisir la garde de son sabre : il était à la merci du français.

OSCAR calmement : depuis quand ?

Le samouraï se tourna vers elle en prenant garde avec la lame tranchante sur sa gorge.

AN-SAN : « de quoi parles-tu ? Que fais tu dans ma chambre à cette heure ? »

OSCAR : depuis quand ?

An-San pouvait ressentir dans le ton de sa voix que le capitaine ne plaisantait pas.

AN-SAN : « je ne comprends pas ce dont tu parles, expliques toi »

OSCAR : tu te souviens quand je t'ai appelé 'Robert, le tueur'

Le regard du samouraï le trahit.

OSCAR en caressant la gorge de son arme: oui… je vois que tu as compris… alors depuis quand ?

AN-SAN : depuis toujours… mes parents étaient français… j'ai été adopté par Taka et son mari vers 8 ans…je

Mais Oscar n'écoutait plus. Elle lâcha le sabre et s'enfuit en courant.

AN-SAN en touchant la fine estafilade sur son cou : je suis désolé Oscar…