Chapitre 19 : Larmes

Il resta un moment sans bouger… aurait-il du lui dire la vérité avant ? L'avait il trahi ? Il devait s'expliquer, il devait s'excuser. Il se leva et se dirigea sans attendre dans la chambre d'Oscar. Malheureusement, quand il ouvrit la porte, An-San découvrit la pièce vide, le kimono d'Oscar jeté sur le futon ! Où était il ? Parti ? Non ce n'était pas possible, il ne pourrait jamais franchir les montagnes en cette saison, c'était du suicide ! Inquiet, le samouraï sortit de la maison et chercha du regard la moindre trace d'Oscar.

Avec un soupir de soulagement, il remarqua une lueur jaunâtre vaciller à travers les murs de l'écurie : un cheval ! Oscar devait prendre une monture avant de partir. An-San se rua alors vers la cabane.

En effet, il était bien là : revêtu de ses vêtements militaires, Oscar préparait un des chevaux au voyage.

AN-SAN : où vas-tu ?

OSCAR : je pars, inutile d'essayer de me retenir, je suis las de tes mensonges

AN-SAN en s'approchant du militaire : qu'aurais tu fait à ma place ?

OSCAR continuant à s'affairer auprès de son cheval : je ne sais pas ; mais je n'ai jamais essayé de trahir les gens qui me faisaient confiance

AN-SAN : je devais savoir si tu étais une menace pour notre village

OSCAR qui s'était tournée vers lui : et maintenant ?

AN-SAN : je suis désolé… j'aurais dû te le dire plus tôt

Il posa sa main sur celle d'Oscar afin de lui faire lâcher la bride du cheval. Mue par la proximité de cet homme, Oscar voulait l'embrasser, se serrer dans ses bras, lui dire tout mais elle n'en avait pas le droit : elle n'appartenait pas à ce monde, à ces coutumes. Même si An-San voulait d'elle, elle refuserait toujours d'être domestiquée comme ces femmes japonaises. Elle était une guerrière, pas une servante.

OSCAR troublée: s'il te plait lâche moi…

AN-SAN : si je te lâche, resteras tu ?

OSCAR en détournant ses yeux de la capture de ces émeraudes : je ne sais pas…

AN-SAN : tu ne dois pas partir maintenant, la neige peut à tout moment te surprendre dans la montagne… d'ici quelques semaines, le chemin sera sûr… je te ramènerai vers les tiens.

« Vers les miens » pensa Oscar… « Mais je n'ai personne : ma mère me manque mais elle vit heureuse avec ma sœur et ses petits enfants… mon père ? non, il ne voit en moi que son successeur : lui-même en plus jeune… même Alain n'est plus là à mes côtés… à mes côtés il n'y a plus que lui, An-San, mais quand je partirai… oui quand je partirai, je serai seule… »

AN-SAN doucement : Oscar… reste encore un peu… tu as ma parole, dès que possible, je te conduirai à la ville.

Oscar baissa la tête devant la douce intonation du samouraï… elle savait qu'il avait raison… même si elle refusait de l'avouer, elle aurait sans doute réagit comme lui dans une situation similaire. Elle lâcha les rênes du cheval et glissa ses mains le long du corps. Suivant son mouvement, An-San libéra alors son emprise.

AN-SAN regardant son visage baissé : je sais que la vie ici peut te paraître difficile, j'ai ressentit la même chose à mon arrivée … mais les gens sont droits et aimables…

La jeune femme leva légèrement ses yeux vers lui : leur regard se répondait dans une sorte de tristesse commune.

AN-SAN : je suis arrivé ici, j'avais à peine huit ans… mes parents étaient missionnaires… nous parcourions les villages pour aider ceux qui le demandait… un jour…

La voix du jeune homme s'assourdit, ses yeux se remplirent de douleur et de larmes….

AN-SAN continuant : … un jour, l'armée est intervenue dans un des villages où nous nous étions arrêtés avec mes parents… seules quelques personnes s'en sont sorties… mes… mes parents n'ont pas eu cette chance…

Les larmes muettes coulaient à présent le long de ses joues…

AN-SAN : j'ai erré plusieurs jours avant de les rencontrer … malgré la peur qu'ils m'inspiraient, j'ai accepté de les suivre… si je ne l'avait pas fait, je serais sans doute mort à cet instant…

Il releva ses yeux vers la militaire et fut profondément touché de voir ses océans rivés sur lui, les larmes envahissant dans la même douleur ses traits fins… Sans savoir comment, An-San se retrouva avec Oscar dans les bras essayant tant bien que mal de le consoler d'une accolade fraternelle.