Chapitre 20 : Adieux

L'hiver s'était terminé, le printemps s'était installé pour une nouvelle année, avec lui le réveil de la nature, dans la grande vallée, les couleurs roses avaient fleuri les cerisiers du temple. Comme l'avait promis Katsumoto, Oscar fut raccompagnée à la ville avec une partie des samouraïs, dont An-San qui, quelques semaines plutôt, s'était engagé à reconduire le capitaine parmi les siens.

Le cœur serré, la jeune femme avait quitté la demeure de Taka qu'elle avait appris à aimer comme une seconde mère, la japonaise lui avait fait cadeau avant son départ d'un paquet qu'elle ne devrait ouvrir qu'une fois seule. Très touchée par se geste, Oscar l'avait tendrement enveloppée dans ses bras, de pouvant contenir ses larmes.

A présent, ils étaient arrivés à destination : le chef fit ses adieux à la jeune femme en lui serrant la main comme le faisait un occidental, les autres samouraïs s'inclinèrent devant elle, salut qu'elle leur rendit le coeur en paix.

Enfin ce fut à son tour de lui dire adieu… An-San, qu'elle ne reverrait sans doute jamais… le seul homme à avoir pénétré son cœur de glace, sans même le savoir… elle voulait profiter de ces moindres instants, ces derniers instants à ses côtés… elle l'avait haï, elle l'avait respecté, dorénavant, son âme serait à jamais inscrite dans ses chairs. Il s'était approché d'elle, comme sa mère, il avait préparé un cadeau pour le soldat français : avant de se séparer, il lui tendit un objet allongé soigneusement enveloppé dans une étoffe rouge. Emue, Oscar prit le présent et dénoua le fin lien qui retenait l'enveloppe… un wakizashi… mais pas n'importe lequel… elle reconnut aisément celui qu'elle avait fait glisser le long du cou du maître d'armes : c'était l'arme de An-San. La gorge de la jeune femme se serra… il venait de lui faire un cadeau inestimable à ses yeux, les larmes, si longtemps retenues, commencèrent à couler en silence… elle n'avait rien à lui offrir en souvenir. Le cœur agonisant, elle regarda An-San, s'approcha de lui et déposa un simple baiser sur ses lèvres, puis, sans attendre le regard surpris du jeune homme, elle sauta sur son cheval et le lança au galop, loin, loin de son ultime amour…

'Adieu' entendirent-ils entre les sanglots

An-San resta quelques secondes médusé… pourquoi Oscar avait il fait ça ? Mais une main sur son épaule, le ramena à la réalité : « viens, fils, peut-être le reverras-tu un jour… » lui dit doucement Katsumoto

………………….

Le capitaine fut reçu dès son arrivée dans le bureau du Général de Brouillé, sous le regard de Monsieur Omura, émissaire de l'empereur. Oscar fut longuement interrogée sur son absence, sa capture, sa relaxe. Les militaires voulurent connaître les moindres détails qui pourraient précipiter la victoire de l'armée impériale sur les samouraïs.

Mais la jeune femme éluda les questions, elle avait appris le coût de la vie, elle avait compris que la seule chose qu'attendaient les deux hommes était la faille dans l'armée de guerriers, leur assurant une victoire sans conteste, un vrai petit jeu de massacre en somme. Or Oscar ne savait que trop bien où cela pouvait les mener, elle avait vu le peuple français, son peuple, se faire massacrer pour avoir voulu défendre leurs idées, pour avoir simplement voulu vivre ! Jamais elle ne voudrait être le catalyseur de cette boucherie.

Elle mentit… pour la première fois de sa vie, elle pouvait agir pour une cause qu'elle croyait juste : elle raconta que tout au long du voyage à cheval, on lui avait bandé les yeux, qu'elle avait été isolée dans une cabane, en dehors du village, qu'elle avait été bien nourrie mais qu'elle n'avait eu le droit de sortir que quelques minutes par jour, sous l'étroite surveillance d'un gardien.

La jeune femme avait du être convaincante car ses deux supérieurs acceptèrent finalement de lui laisser rejoindre ses appartements. Enfin seule, Oscar sentit son cœur reprendre un rythme normal, elle avait fait de son mieux pour paraître naturelle et répondre calmement au terrible interrogatoire.

A l'abri, elle déposa sa sacoche et put enfin admirer les précieux cadeaux de Taka et de An-San. Elle sortit le paquet de la japonaise et l'ouvrit délicatement sur son lit… une robe ! … non ce n'était pas une robe mais un kimono féminin : une magnifique pièce de tissu brodée à la main, un travail minutieux. Jamais personne ne lui avait fait un tel cadeau : outre la rareté de cet habit unique, on lui avait toujours interdit de porter le moindre élément féminin… Oscar serra le kimono contre son cœur en essayant de ne verser aucune larme qui aurait abîmé l'étoffe.

Elle reposa le vêtement et examina de plus près le wakizashi du samouraï. Comme l'armure de An-San, le fourreau de l'arme était noir, recouvert de quelques minuscules pièces de nacre. Elle ouvrit l'étui et dégagea la lame pour observer la qualité du travail : tout comme le kimono, le sabre était d'une rare qualité, la jeune femme en eut la certitude en faisant jouer les reflets de lumière sur le métal. Alors qu'elle allait rengainer le wakizashi, Oscar aperçut une fine inscription sur la lame, près du pommeau : ANDRE.