Chapitre 24 : Françoise Grandier
Les cavaliers s'approchèrent enfin de la ville. Comme il avait été convenu entre Oscar et Nakao, le groupe se sépara. D'un côté la jeune femme et André se dirigeaient vers l'arrière du Palais impérial, accompagnés par un des samouraïs dont la mission était de garder les chevaux. De l'autre côté, Nakao et le reste des hommes entreprenaient l'assaut de l'entrée principale de la demeure impériale. En fait leur but n'était pas d'y pénétrer mais de maintenir le maximum de gardes à leur attention, laissant le champ libre à l'infiltration de leurs comparses.
André arrêta sa monture dans un endroit sombre, près d'un arbre, à proximité des portes. Il enjamba la croupe de son cheval et mit pied à terre avant de proposer son aide à la jeune femme. Oscar hésita un instant. Depuis quand avait elle besoin de quelqu'un pour descendre de cheval ? Elle voulait éviter de sentir à nouveau ses mains sur sa taille, le contact proche de son corps… mais avait-elle le choix ? Son superbe kimono était loin d'être aussi ample que les vêtements japonais qu'elle avait déjà portés et une chute serait vraiment mal venue. Résignée, elle se laissa porter par le samouraï.
André la saisit par la taille et la souleva délicatement, bien loin de la brutalité de leur première rencontre, il la fit glisser le long de son torse afin de s'assurer un maximum d'équilibre. Le souffle suspendu, Oscar sentit le tissu brodé de sa poitrine frôler le buste de son compagnon. Elle baissa timidement son regard sur son « porteur » et croisa le regard vert, brillant tel un joyau. L'instant se figea, enfin crut elle… elle sentit alors ses pieds toucher le sol : la magie s'était évaporée.
OSCAR encore émue : merci
ANDRE : ce fut un plaisir.
Elle devait se reprendre. La mission ! Ils étaient là pour la mission : délivrer Katsumoto ! Elle passa ses mains dans ses cheveux pour rassembler les quelques mèches qui s'étaient envolée durant la chevauchée et remit sa tenue en place. Elle sentait son regard sur elle. Il ne la quittait pas. La voyait il comme une femme à présent ? … la trouvait–il belle ?
OSCAR : André, te souviens-tu de ton nom ?
ANDRE surpris par une telle question : mon nom ?
OSCAR : oui, donnes-moi ton nom de famille
ANDRE : Grandier
OSCAR comme dans un songe : Grandier….
Sans plus d'explication, Oscar s'approcha de sa monture et délassa son épée et le sabre qui étaient solidement accrochés au pommeau. Elle attrapa également une sacoche qu'elle avait préparé avant de partir. Elle tendit ensuite le sac et l'épée à André qui regarda l'arme d'un air étrange.
ANDRE : que veux tu que je fasse avec ça ?
OSCAR : tu es censé être un français en voyage, pas un samouraï : un français porte une épée pas un sabre ! Et puis je ne peux pas porter deux sabres sur moi !
ANDRE : comment ça porter un sabre ? Où veux tu le mettre…
Mais comme Oscar glissait déjà la longue lame dans son dos, sous son kimono, André se tut instantanément. Que faisait elle ? Elle avait sorti la lame aiguisée de son fourreau et l'avait doucement, sans geste brusque, « rangée » entre ses omoplates, la lame coupante à fleur de peau.
ANDRE : mais tu es folle, tu vas te blesser
OSCAR surprise de l'entendre parler d'elle au féminin : non… pas si je fais des mouvements calmes…et puis si je mets le fourreau, cela se verra sous mon kimono.
Sachant qu'il ne la ferait pas changer d'avis, André ôta son sabre de sa ceinture et referma le ceinturon autour de sa taille. Il ne s'était jamais battu avec une épée mais la principale différence était la finesse de l'arme : la force n'était pas l'atout principal de l'épéiste, c'était plutôt sa précision et sa vitesse.
Après ces quelques préparatifs, Oscar et André s'approchèrent finalement de l'entrée gardée du Palais. Ne sachant pas trop ce que la jeune femme avait mijoté comme plan, André restait quelque peu en arrière. Comme ils s'y étaient attendus, les deux gardes s'avancèrent à la rencontre des deux intrus.
GARDE : « halte ! Vous êtes ici en la demeure du grand Empereur Meiji. »
OSCAR sans laisser le temps au garde d'en dire plus : « Je me nomme Françoise Grandier, je suis attendue par Monsieur Omura, voici mon serviteur »
GARDE ne pouvant que s'incliner devant l'assurance de la jeune femme : « veuillez pardonner mon insolence… je vous prie … »
Les gardes saluèrent la jeune beauté, sans doute une riche femme de l'occident, pour pouvoir avoir ainsi l'honneur de rencontrer le seigneur Omura, pensèrent-ils.
Le deux français pénétrèrent dans la place. Un grand jardin faisait face à cette entrée, Oscar engloba le paysage du regard et nota que seule une des habitations était gardée… la cellule de Katsumoto. C'est alors que des coups de feu retentirent : les samouraïs attaquaient l'entrée principale du palais… c'était le moment d'agir. D'un commun accord, Oscar et André se dirigèrent vers la baraque et contournèrent les gardes avant de pénétrer dans la maison. Ils trouvèrent Katsumoto assis, accroupi, les mains jointes, son wakizashi posé devant lui. Il releva la tête en entendant les intrus.
ANDRE : « mon oncle… »
KATSUMOTO surpris par la tenue des « invités », un sourire étirant ses lèvres : « eh bien, il semble que des choses aient changé pendant mon absence »
ANDRE comprenant le sous entendu : « mais non, mon oncle, c'est…. »
OSCAR le coupa : « on n'a pas le temps, j'entends des hommes dehors »
Sur ces mots, Oscar commença à déboutonner son kimono sous le regard incrédule des deux hommes, dont un en particulier.
ANDRE : mais qu'est ce que tu fais ?
OSCAR : tu crois vraiment que je peux me battre dans cette tenue ? Et puis je ne veux pas risquer d'abîmer le travail de Taka.
ANDRE craignant ce qu'il allait découvrir : mais…
Mais la surprise fut de taille : au lieu de dévoiler quelque centimètre de nudité, la jeune femme dévoila simplement une chemise et un pantalon. Elle avait pris la précaution de revêtir ces vêtements dans le cas où ils devraient se battre. Elle ôta ensuite délicatement la lame du sabre qui était maintenue à sa taille par une lanière et tendit l'arme à Katsumoto.
OSCAR : « je me suis permise de vous apporter ceci »
KATSUMOTO en s'inclinant : « je vous remercie »
Pour finir, elle plia délicatement le kimono brodé et demanda à André de le glisser dans sa sacoche.
OSCAR en lui tendant l'étoffe : « tiens… je ne voudrais pas que le cadeau de ta mère soit endommagé… »
ANDRE en le rangeant, dans un murmure : « oui ce serait dommage … »
