Chapitre 27 : Repos de la guerrière

Le ciel clair et la lune quasiment pleine permirent au samouraï de suivre sans difficulté majeure le sentier qui menait au village. Il faisait avancer son cheval au pas, inutile de réveiller sa passagère. Enfin ils abordèrent la lisière du village. Nakao hésita. Devait il amener Oscar dans sa maison ou la raccompagner chez Taka ? An-San accepterait il de la recevoir chez lui ? Il choisit la seconde solution : ils devraient bien se retrouver en face l'un de l'autre ! Le samouraï stoppa donc sa monture devant la demeure de la brodeuse.

An-San entendit un cheval s'arrêter devant sa maison… Oscar ? Etait elle enfin revenue ? Il se releva rapidement, les muscles endoloris par sa position inconfortable : le sommeil avait eu raison de lui sans qu'il s'y attende. Il ne prit même pas le temps de prendre son sabre, laissé seul au sol. Beaucoup plus empressé qu'il ne le voulut, il se retrouva dehors. Sa mère était déjà près des cavaliers et le regarda avec beaucoup de tendresse.

TAKA : « Nakao nous l'a ramenée »

NAKAO à An-San : « approche et évite de la réveiller »

An-San obéit. Il s'approcha et la vit. Des fines mèches de cheveux collées au visage, les traits tirés, nichée dans l'étau rassurant de l'homme. Elle était comme lui… comme dans un flash, il se revit, tant d'années auparavant, niché dans le bras de celui qui allait devenir son père. Il n'était alors que tristesse, détresse, peur.

Nakao fit alors doucement glisser Oscar, endormie, le long du flan de sa monture, à destination des bras du maître d'armes. Elle semblait si légère… comment ce petit soldat pouvait-elle avoir tant de force en elle ? Oscar lova alors sa joue contre l'épaule de son porteur. Taka regarda alors ce spectacle, attendrie et remercia Nakuo par un salut et un sourire…. Un des plus beaux sourires qu'il n'ait jamais vu. Elle alla ensuite rejoindre son fils.

AN-SAN : « inutile mère, retourne te coucher, je m'occupe d'elle »

TAKA : « bien mon fils »

Le samouraï déposa Oscar sur son futon et commença à lui ôter ses bottes. Quand il eut fini, il sentit la main frêle saisir la sienne : dans un demi sommeil, elle murmura « merci Nakao… » puis, les traits détendus, replongea dans les bras de Morphée. « Oui, merci Nakao » répéta-t-il.

Lorsqu'elle se réveilla de longues heures plus tard, elle reconnut le cadre familier de sa chambre. Elle était de retour ! Et André ? Où était il ? Elle constata qu'on l'avait laissé habillée et se contenta de remettre ses bottes. Dehors, Taka s'affairait sur une étoffe et son visage s'illumina à l'approche de la jeune femme.

TAKA : « tu nous as fait une vraie frayeur »

OSCAR en s'inclinant : « veuillez me pardonner de vous avoir causer du soucis »

Taka ne répondit rien mais se contenta de se lever et de la serrer dans ses bras. Oscar avait du mal à interpréter la réaction de la brodeuse : jamais elle n'avait vu une japonaise montrer ainsi ses sentiments… elle en fut profondément émue.

« Où est André ? » osa-t-elle enfin.

TAKA : « il a été demandé par Katsumoto, mais il ne devrait pas tarder »

OSCAR : « très bien dans ce cas, je vais en profiter pour me rafraîchir un peu »

TAKA : « va ma fille »

OSCAR en déposant un baiser sur la joue de la japonaise : « merci pour tout Taka ».

Les sources chaudes… Etait ce la plus belle et agréable création de la nature ? Sans doute. Elle se laissa bercer par le calme du bruissement de l'eau, la mélodie des feuilles imperceptiblement brassées par le petit souffle vaporeux. Comme à chaque bain, Oscar se laissa envahir par la paix de ce lieu magique. Le frôlement de l'eau tiède effaçant le moindre chagrin, la moindre blessure… elle s'endormit.

Elle se réveilla après quelques minutes, quelques heures… elle ne savait pas trop… mais elle avait une impression bizarre. Elle prit le temps d'ouvrir les yeux pour identifier cette étrange sensation. Son regard s'habitua progressivement à l'ambiance brumeuse et put enfin distinguer l'objet de son trouble. André ! André était assis, face à elle, le regard émeraude fixé sur elle… mais plus que le malaise d'être ainsi observée, nue, simplement protégée de sa vue par quelques centimètres d'eau… ce fut de le savoir dans le même état qu'elle ! Le jeune homme, visiblement dénudé, était sagement installé à quelques mètres d'elle !

ANDRE : bien dormi ?

OSCAR les joues écarlates : oui

ANDRE : tant mieux

OSCAR essayant de trouver le premier sujet neutre qui lui passait par la tête : ta mère m'a dit que Katsumoto voulait te voir ?

ANDRE amusé de la voir ainsi faire front à cette situation : c'est vrai : il pense que les hommes d'Omura vont nous attaquer

OSCAR soudain inquiète : ici ?

ANDRE percevant ce trouble : non, sans doute en plaine… leur nombre n'aurait aucun avantage dans ces montagnes

OSCAR : sans doute…

Puis timidement

OSCAR : tu vas participer à cette bataille ?

ANDRE mal à l'aise : non !

OSCAR surprise : non ?

ANDRE : Katsumoto nous a donné une mission…

OSCAR : une mission ? à nous ?

ANDRE : oui à nous ! Nous avons ordre d'escorter les villageois hors de la vallée s'ils n'arrivent pas à repousser les soldats…

OSCAR : mais… je veux aller me battre avec les autres

ANDRE tranchant : non ! Ce sont les ordres de Katsumoto, nous devons les respecter !

Oscar sentait que la décision avait déjà était prise et personne ne pourrait rien y changer…pas même André. Ainsi elle resterait avec lui pour aider les villageois, bien… si c'était les ordres.

Le silence… Pourquoi cette tension soudaine ? L'un l'autre se regardait, cherchant à déchiffrer le moindre signe, le moindre geste qui pouvait trahir la pensée. L'espace du bain était à la fois large et affreusement étroit. Oscar sentait à nouveau la chaleur lui envahir le corps mais elle n'avait aucun doute sur son origine. L'eau tiède n'y était pas pour grand-chose. Le corps masculin assis dans ce même lieu suffisait à mettre son sang en ébullition.

Du côté d'André, ce n'était pas la sérénité non plus : son esprit trahissait son corps en imaginant les moindres courbes qui devaient danser à quelques pas de lui dans cette eau. Il aurait voulu être ce courant chaud qui glissait entre les jambes de la jeune femme, caressant ses rondeurs, léchant son intimité. L'air devint tout d'un coup suffocant ! A bout de souffle, il se leva d'un coup ! Oscar fit instinctivement un geste de défense en croisant ses bras sur sa poitrine et dévisagea l'homme ruisselant devant elle. Bien que l'eau caressait encore le bassin d'André, la jeune femme ne put s'empêcher d'entrevoir l'écrin de sa masculinité à la lisière de la surface.

ANDRE tendu : sais tu ce que j'ai enduré depuis ces dernières semaines ?

OSCAR pensant qu'il parlait de son mensonge en tant que femme : je suis désolée, je n'avais pas le choix

ANDRE comme s'il n'entendait pas ses paroles : comment quelqu'un comme toi peut-il exister ?

OSCAR perdant son calme, ne sachant pas ou il voulait en venir : que veux tu que je te dise ? Que j'ai pris plaisir à te mentir ? Que j'aime la vie que je mène ? Réponds moi !

Dans son élan de colère, Oscar venait à son tour de se lever, les poings serrés, prêts à frapper. Mais de quoi parlait elle ? Il la voyait sur le point de se battre, nue devant lui, alors qu'il était simplement subjugué par la vision apocalyptique qui venait de surgir de l'eau. Une déesse, un ange… sans en être consciente, Oscar venait de révéler un des plus beaux trésors qu'il n'ait jamais vu. Une taille fine, une silhouette menue mais parfaite et deux joyaux, rosis par la chaleur de l'eau. Il s'approcha d'elle et posa les poings serrés de la jeune femme sur sa poitrine.

ANDRE : crois tu que je veuille vraiment me battre ?

Puis sans attendre, il posa ses mains sur les épaules de la jeune femme et se pencha pour la serrer contre lui. Les mains tendues se déplièrent pour doucement repousser ce corps. Elle ne pouvait pas se laisser aller ainsi. Certes ce corps lui faisait envie… elle sentait que ses chairs voulaient battre à l'unisson avec cet objet de désir mais elle ne se sentait pas prête… mais le serait-elle un jour ? Elle n'avait jamais été femme avant de revêtir le kimono de Taka et maintenant elle se trouvait nue face à l'homme qu'elle aimait le plus au monde ! Voyant le regard interrogateur de la jeune femme, André la libéra et s'éloigna afin de sortir du bain.

ANDRE : je saurais attendre… Je t'ai apporté quelques vêtements propres, je te laisse t'habiller en paix.

Oscar le regarda s'éloigner les larmes aux yeux. Etait ce de la tristesse, de la déception, de l'amour ? Sans doute un peu des trois. Finalement elle sortit à son tour de ce lieu de béatitude et s'approcha des vêtements. Elle découvrit un fin pantalon de toile ainsi qu'un kimono, un kimono féminin mais taillé aux trois quarts. Oscar reconnut aisément le travail de la brodeuse. Elle se sécha et enfila cette nouvelle tenue qui lui laissait tout mouvement possible, mais dont la coupe était beaucoup plus raffinée que celle de son uniforme.