Nous sommes en deux mille trois, j'ai quinze ans et demi. La machine à remonter le temps a depuis peu été mise au point par un inventeur russe, désormais logé à Paris. Mes parents ont gagné un concours qui permettait de l'essayer gratuitement. Ils décidèrent alors de nous y emmener aussi, moi, ma sœur Aurélie, quatorze ans et mon frère Jules, dix-huit mois.

Nous sommes en route pour le passé. Dans la voiture, ils discutent de ce qu'ils vont bien pouvoir faire. Ils envisagent de remonter le temps dans le début des années soixante pour assister à leur naissance. Moi, avec mon baladeur, je ne les écoute pas.

Nous sommes arrivés à Paris, devant un immense immeuble d'au moins vingt étages. Devant l'entrée, il y a deux gardes très armés, genre Men In Black. Ils nous demandent ce que nous voulons. Maman leur montre alors les tickets « Gagné ! » et ils nous laissent passer.

Maman fut parcourue d'un frisson : « Eh ben, drôlement bien gardé ici ! » Moi, au contraire, je transpirais car la chaleur montait un peu plus au fur et à mesure que l'ascenseur dans lequel les gardes nous avaient emmenés montait.

Je n'étais pourtant pas si couverte que ça : j'avais mis ma robe courte noire sur un pantalon noir et une ceinture, et j'étais chaussée de mes petites chaussures rouges - que ma cousine Anaïs m'avait données.

L'ascenseur s'arrêta après l'étage quinze mais j'eus beau loucher sur le chiffre d'après (il est vrai que je n'avais pas mes lunettes), je ne voyais qu'un point noir. Il n'y avait plus d'étage après. En sortant de l'ascenseur, j'en parlais à Aurélie. Un garde derrière nous m'expliqua : « C'est secret ici, et donc très protégé ! » Je jetais alors un coup d'œil aux murs des couloirs : des caméras partout ! Ah oui quand même…j'aurais eu du mal à le voir tout seule !

On arriva devant une porte qui ressemblait très fort à celle d'un ascenseur. Un garde nous pria de nous retourner pendant que l'autre tapait un code secret. J'entendis alors comme un interphone : « Mot de passe ? » Et la voix du garde – très discret : « No present, no future, but only past » Tiens, pourquoi en anglais ? Peut-être que c'était plus prudent parce qu'ils pensaient que nous ne comprendrions pas. Manque de bol pour eux, je suis assez douée en anglais, et je trouvais d'ailleurs qu'une fois traduit, ce code sonnait plutôt con.

Une porte s'ouvre. Nous pouvons de nouveau nous retourner et entrer. Là, la chaleur était très forte, mais encore supportable. La pièce était très grande, des tas de bouteilles et tubes renfermaient des produits chimiques de toutes sortes et de toutes couleurs – et odeurs, je me demandais d'ailleurs si c'était vraiment utile à la construction d'une machine à remonter le temps. Celle-ci était au milieu de la pièce et l'on pouvait nettement apercevoir que des rayons rouges l'entouraient. « Un système d'alarme » pensais-je. A ce moment, un vieux bonhomme sortit d'un tas de bibelots : « Ah, je l'ai trouvée ! » s'écria-t-il en tenant une vis à bout de doigts. Il sembla ne pas nous voir. Il alla mettre cette vis – tout à fait banale – sous une cloche en verre ; c'est cet instant précis que Jules choisit pour éternuer et le vieux nous vit enfin. Il était tout ridé et avait une grande barbe et un ventre assez imposant. En fait, on pourrait assez facilement le comparer à un père Noël mais il était en blouse blanche et portait des grosses chaussures, des boots…violettes. Lorsqu'il nous vit, il se mit à sourire et il se précipita sur Jules pour lui donner un bisou bien piquant – à cause de la barbe – et, après, il nous souhaita la bienvenue. Après quoi il nous proposa des bonbons. Je refusai, mes parents et Aurélie firent de même. Par contre, Jules, à la vue des chocolats, fit un de ces sourires coquins dont il a le secret et il se retrouva tout content avec un énorme carré de chocolat blanc dans la main. Le vieux mit des lunettes et, en tapotant sur son ordinateur, fit disparaître les rayons qui entouraient la machine. « Vous pouvez nous laisser » dit-il à ses deux gardes qui se retirèrent sur-le-champ. Puis il nous invita à nous approcher de la machine. Elle ressemblait grossièrement à une balle de golf de cinq mètres de diamètre. « Voici donc la fameuse machine à remonter le temps. Depuis tellement longtemps que je travaille sur le sujet, j'ai enfin découvert qu'un bête assemblage de c., de d. et de p. permettais de remonter quelques heures, alors j'ai fortement augmenté les doses et l'on peut remonter plusieurs siècles, au moins jusqu'au VIIIéme siècle. Je n'ai pas réussi à trouver plus de matériaux pour aller jusqu'en préhistoire, mais nous devrions y remédier sous peu. » Robert, mon beau-père, l'interrompit : « De toute façon nous n'avons pas l'intention d'aller très loin. » Le vieux acquiesça d'un hochement de tête et me regarda : je remarquai alors qu'il avait des yeux aussi violets que ses boots – très subtil assortiment des couleurs, non ?

Le suivant, nous entrâmes à l'intérieur de la machine. Il n'y avait, à mon grand étonnement, que quelques mannettes et boutons. La majeure partie de la machine était occupée par un matelas, des toilettes et un réfrigérateur.

Le vieux nous désigna une manette avec quatre chiffres : « Ca, c'est le truc qui fait tout fonctionner : c'est ici que vous pouvez choisir l'année de votre destination, à côté, vous choisissez le mois, ici le jour et celui-là change l'heure. » Puis il nous désigna une carte : « Si vous ne l'utilisez pas, vous changerez d'époque, mais pas de lieu. Cette carte vous permet de choisir le pays, la ville et même la rue de votre choix. Vous n'avez qu'à appuyer sur le bouton correspondant. » Et nous montrant un bouton rouge et un bouton vert : « Si vous vous trompez dans les coordonnées choisies, il vous suffit d'appuyer sur le bouton vert qui vous servira à les rectifier. Le rouge sert à mettre la machine en marche puis à l'arrêter, c'est le…courant si vous préférez. Et tout cela autour de moi (il désigna le matelas et le reste), c'est pour survivre. Le voyage n'est pas long, mais si vous êtes coincés dans une époque peu supportable, vous trouverez ici le nécessaire. En fait, je vous explique tout ça un peu pour rien » continua-t-il après réflexion « parce que je viendrais avec vous, car, après tout, c'est moi qui l'ai inventée et donc je la connais mieux que vous, forcément ! Hahahaha…Hep ! Attention, jeune homme ! » Il repoussa un peu Jules, décidément plutôt intéressé par tous ces boutons. « Celui-ci, il faudra le surveiller, hein ? Bon, si vous voulez bien me suivre, il faut que je vous fasse passer un petit test, vous savez, rien de méchant, blablabla… » Il s'éloigna avec les parents, la frangine et le frangin.

Moi, je suis restée dans la machine. Je passe devant les boutons et je réfléchis…tous comptes faits, moi je m'en fous un peu de la naissance de mes parents. Si je suis venue, c'est pour autre chose…J'ai tant rêvé de ce moment – allez, on change l'année, dix-neuf cent soixante quatorze – quel est mon rêve au juste ? Il existe dans le passé un jeune homme de presque seize ans, noir, beau, mondialement connu aujourd'hui mais aussi très différent – le mois…voyons, le même qu'aujourd'hui, juin – j'en ai tant pleuré, je me disais toujours que si je pouvais le rencontrer, je serais la plus heureuse des filles – le même jour – je n'en ai jamais parlé à personne mais je l'espérais si fort – sur la carte, je choisis « Amérique » - alors maintenant qu'une chance incroyable se présente – j'appuie sur « Californie » - je la saisis sans hésiter – ville : Encino – et tant pis pour les conséquences – je presse le bouton rouge…

Alors la machine se referme avec un épouvantable bruit de métal rouillé, j'ai l'impression que la Terre tremble ; de l'extérieur, j'entends les autres qui accourent bruyamment, les protestations du vieux, les cris de ma mère, Robert qui appelle : « Lucile, qu'est-ce que t'as fais ! » Dans la machine, la température augmente, le thermomètre accroché au frigo indique trente six degrés – j'espère qu'il conserve bien ! – J'ai du mal à respirer, je m'assois sur le matelas. J'ai soif… non, le frigo est trop loin… je vois trouble, et ça n'a rien à voir avec mes lunettes. Je m'allonge. J'entends vaguement Aurélie qui hurle pourquoi je ne l'ai pas prévenue. La chaleur est insupportable…les pleurs de Jules que le bruit affole…mes tympans vont exploser… à moins que ce ne soient mes poumons…quarante et un degrés…je m'évanouis.

Lorsque je me réveille, la première chose que je remarque, c'est que la température a baissé. Je me lève du matelas et je suis plutôt surprise du silence qui règne. Le bruit infernal de la machine ainsi que les cris ne se font plus entendre. Je ressens toujours la soif, même si le thermomètre n'affiche plus que vingt huit degrés. J'ouvre le frigidaire et prends une bouteille d'eau. En buvant, je regarde autour de moi : aucune fenêtre donc, aucun moyen de savoir où je me trouve. Je me rapproche des boutons : ils se sont remis à zéro.

La bouteille finie, je surveille si je n'ai rien de cassé : à part un affreux mal de tête sûrement dû à la chaleur de tout à l'heure, j'ai un petit bleu sur le côté du ventre, endroit où je me suis allongée sur mon sac, mais rien de grave, apparemment, je n'ai pas roulé du matelas.

C'est pas tout ça, mais il faut que je sorte : Il faut que je sorte pour voir où je suis et aussi pour calmer un peu mon mal de tête. Comment est-ce que ça s'ouvre ? Je m'approche de la porte : un bouton rouge. J'espère que ça n'est pas le bouton d'autodestruction de la machine. J'appuie. J'attends une seconde, deux secondes…

La porte s'ouvre.

A première vue, je suis dans une forêt, il y a des arbres partout. Il faudrait que j'y fasse un tour, un de ces jours…et puis pourquoi pas maintenant ? Je retourne vers la machine, je mets une bouteille d'eau et des cuisses de poulet (froides et roulées dans du papier d'aluminium) dans mon sac et je ressors. Dehors, l'air est tiède, agréable. Le soleil est plutôt bas dans le ciel, je me demande quelle heure il est. Le vent est frais, par rapport à la machine, je suis bien ici.

Mais il ne faut pas que j'oublie pourquoi je suis là. Tout d'abord, il faut que je trouve une route. Je m'enfonce dans la forêt, heureusement pas trop profonde. Au bout de quelques minutes, je me retrouve sur un trottoir.

Est-ce bien Encino ? Sommes-nous vraiment en mille neuf cent soixante-quatorze ? Ce sont les questions que je pose à un passant. Celui-ci confirme en me regardant d'un air très bizarre…

Comment faire pour aller chez lui ? Soudain, j'ai une idée. J'arrête un taxi. Le conducteur, au début surpris par mon âge, s'arrêta devant moi. Je lui demandais si Havenhurst – « vous savez, la résidence des Jackson Five ? » – était loin d'ici. Il me répondit que c'était à une petite vingtaine de kilomètres. Je regardais dans mon sac si je pouvais payer le prix. Pas de chance, non seulement je n'avais pas le compte, mais - et j'avais complètement oublié ce détail - je n'avais que des euros ! Oh non ! J'avais tant espéré pouvoir le voir, j'avais pris tous ces risques pour rien ! Tout ça pour une histoire d'argent ! C'est fichu, maintenant je n'ai plus aucune chance, je ne pourrais jamais faire vingt kilomètres à pied ! C'est alors que toute ma fatigue est ressortie et je n'ai alors pas pus retenir mes larmes. Le conducteur avait l'air gêné, moi, je me confondais en excuses. Soudain, il me dit : « Bah, après tout, si tu as un chewing-gum, c'est bon ! Je ne dirai rien, va ! » Je repris alors espoir et, toute tremblante, je fouillais dans mon sac. Je crois que j'en ai un…je le sors…. C'en est un ! Toute souriante, je le donne au conducteur qui m'invite à monter. Une fois à l'intérieur, je lui demande l'heure. « Dix-neuf heures et demie. » me répond-il. Hein ? Pourtant quand je suis partie, il n'était même pas onze heures du matin ! Ah ben bien sûr, le décalage horaire ! J'avais oublié !

Nous y sommes arrivés. Havenhurst ressemble plus à un château qu'à autre chose. En descendant, je remercie chaleureusement le chauffeur, lui donne un deuxième chewing-gum et lui souhaite le bonsoir. Je regarde la propriété : elle est entourée par de grands murs blancs. Derrière la grille d'entrée, les arbres du jardin immense. Devant, des tas de fans scotchés dessus, entourant le mur de toutes parts et plusieurs sac de couchages jonchaient le trottoir que, d'ailleurs, on ne pouvait plus voir. Entre les branches des arbres de la propriété, on pouvait apercevoir des dizaines de gardes du corps qui surveillaient de loin s'il n'y avait pas d'admirateurs qui essayaient de passer. Les fans hurlaient : « Nous voulons voir les Jackson Five ! On veut Michael ! »

J'y étais. Je dus me pincer. Là, à environ quatre cents mètres, à l'intérieur de la propriété, c'était là qu'il habitait. Je restais quelque chose comme une bonne heure à regarder l'immense bâtisse à travers les barreaux et les arbres, même le mur qui séparait les fans du grand parc de la propriété me paraissait magnifique ! Je n'ai jamais osé rêver de m'approcher tant du but, je n'y croyais pas mais je décidais de me lâcher le bras, car le pinçon que je me faisais depuis cinq minutes commençait à me faire mal.

Bon, maintenant que j'y suis, que faire ? A cette heure, ils doivent être couchés. Et puis, moi aussi, il fait que je dorme. Mais la machine est à plus de vingt kilomètres, je ne vais tout de même pas reprendre un taxi…Et si j'osais…non, je suis bien trop timide…oh et puis zut, il faut que j'essaie…prenant mon courage à deux mains, je demandais à un petit groupe de fans en sacs de couchage s'ils ne pouvaient pas me passer une couverture. Alors une jeune fille un peu plus âgée que moi m'en tendit une : « Bien sûr ! » Me répondit-elle avec un large sourire. « Merci ! » Lui fis-je en lui rendant son sourire. Elle ria.

Je passais un bon quart d'heure à faire le tour d'Havenhurst afin de trouver un emplacement sans trop de monde, quand j'en aperçu enfin un, un petit espace d'environ deux mètres devant la grille, et il n'y avait PER-SONNE ! Je compris vite pourquoi : à cet endroit, il y avait bien trois ou quatre gardiens. Bah, c'est pas grave, de toute façon, je n'ai pas l'intention d'essayer d'entrer. Après avoir installé ma couverture tout prés du mur et avoir mangé une cuisse de poulet et quelques gorgées d'eau, je m'enroulais dans la couverture, plutôt froide, et je m'endormis en réfléchissant à ce que j'allais bien pouvoir faire le lendemain. La couleur du ciel, devenu à présent presque entièrement noir, m'indiqua qu'il ne devait pas être loin de dix heures du soir. Ce fus ma première journée en soixante quatorze.

Je suis réveillée en sursaut par les cris des admirateurs. Je regarde le ciel : le soleil est à peine levé. Je soupire, je baille, je m'étire : quelle nuit ! Je sors de mon sac une cuisse de poulet que je mange en vitesse et je me lève. Je m'approche un peu d'un groupe de fans où je reconnais la jeune fille qui m'avait prêté si gentiment la couverture hier soir. Elle me demanda, en me voyant arriver si j'avais passé une bonne nuit. Je lui répondis par l'affirmative. Elle me proposa alors une tartine beurrée que je ne pus refuser après que mon ventre eu gargouillé très bruyamment. Je m'assis à côté d'elle et bavardais un peu.

Elle apprit très vite que j'étais française lorsque je lui fis comprendre que je ne comprenais pas toutes ses phrases. Elle s'appelait Jane et allait avoir dix-sept ans le mois prochain. J'appris également qu'étant aux abords de Havenhurst depuis plus d'une semaine, elle avait remarqué que les frères ne sortaient pas souvent dehors. Elle me montra ensuite toute fière un autographe de Marlon : « C'est celui que je préfère ! Et toi ? » Je prétendis que je préférais Jackie. Elle haussa les épaules : « Bah, enfin ! Il est bien trop vieux pour nous, il a vingt-quatre ans ! Enfin bon, tu préfères peut-être les hommes mûrs ! » Elle sourit, contente de sa blague, puis continua : « De toute façon, tu ne pourras pas le voir aujourd'hui ; il est parti en voiture ce matin, il n'y a pas longtemps. D'ailleurs, j'ai été surprise que tu n'aies pas été réveillée par les cris des autres filles. Elles sont devenues folles : elles ont suivi sa voiture jusqu'à ce qu'elles ne la voient plus ! Hahaha ! Si tu avais pu voir ça, c'était vraiment drôle ! »

Je lui souhaitais bonne journée et je repartis dans mon coin. En m'asseyant sur le mur, au pied de la grille, je pouvais apercevoir quatre ou cinq fenêtres. Je me demandais si c'était celles de la chambre de Michael. Des cris soudains me tirèrent de mes pensées. Je tournais la tête : les fans se précipitaient vers la grille d'entrée avec des papiers, des photos et des crayons. Un des garçons venait sûrement leur signer des autographes. Mais comme cet endroit du jardin était rempli d'arbres, je ne pouvais savoir qui c'était. Puis je remarquais que les hurlements étaient ceux de filles plutôt jeunes, alors je me dis que ça devait être Randy. Deux gardes du corps le surveillaient de loin. Cinq minutes plus tard, les cris devinrent des plaintes et les fans retournèrent s'asseoir en regardant leurs papiers comme si c'était de l'or, j'entrevis Randy retourner dans la demeure en lançant des clins d'œil en direction de la grille.

Le calme revint. J'espérais fort que Michael allait finir par sortir. Une fille rousse avec des couettes embrassa le stylo avec lequel Randy avait signé – « Il l'a touché ! » - et une autre, plus âgée, pleurait en tenant la photo dédicacée de Randy sur son cœur. Jane vint vers moi : « Est-ce que tu l'as vu ? » Ses longs cheveux blonds platine et raides tombaient sur ses yeux bleus. Elle paraissait excitée. « Oui, je l'ai aperçu…mais pourquoi es-tu si énervée ? Je pensais que tu avais dis que Marlon était ton préféré, et non pas Randy ! » Elle trancha : « Oui, c'est vrai, mais tu te rends compte ? Il vit avec lui, c'est son frère, c'est pas génial ? » Et elle repartit en sautillant. Je secouais la tête. Ah lala ! Je crois que je ne la comprendrais jamais !

Cela doit faire prés de quatre heures que je suis collée à la grille et, à part une dispute de filles qui voulaient prouver qui de Michael ou Randy était le plus mignon, il ne s'est strictement rien passé. J'aimerais tant entrer en contact avec Michael, mais comment ?

Je réfléchis à ça depuis que Randy est venu signer des autographes. Des autographes ? …Eh…je crois que ça me donne une idée…Vite, je retrouve Jane et je lui demande une feuille de papier : Elle en a tout un bloc, évidemment !

- « Bien sûr, mais pourquoi faire ? » Je lui réponds – un peu sèchement – de se mêler de ses affaires. En m'en allant, je l'entends me crier : « Toi, t'as une idée derrière la tête !

- Ouais, c'est ça ! » Je n'avais pas le temps de lui exposer mon plan. J'ai un crayon dans mon sac, parfait ! Je me mets alors à écrire une lettre (pas trop longue), en essayant de m'appliquer et de ne pas trop trembler.

Cher Michael,

Je suis une de tes nombreuses fans, derrière la grille. Je pense qu'il est inutile de répéter « Je t'aime » parce que c'est la raison pour laquelle je suis venue. Si je t'écris cette lettre, c'est pour te proposer de venir parler un peu avec moi. Tu ne peux pas savoir le chemin que j'ai fais pour venir te voir. Je veux seulement parler avec toi, ne t'inquiètes pas, je sais que tu es timide et je le suis beaucoup également. De toute façon, même si je le voulais, je ne pourrais pas te toucher, à cause de la grille.

J'ai presque seize ans. Si tu accepte de venir me rencontrer, tu me reconnaîtras assez facilement : Je ne suis pas très belle, je mesure environ 1m53, j'ai des longs cheveux châtains, je porte une robe et un pantalon noirs et j'ai des chaussures rouges. Je suis française.

Derrière trois arbres, pas loin de l'entrée de la grille. Je m'appelle Lucile et j'espère vraiment que tu accepteras mon invitation.

Je relis ma lettre : bon, les idées sont un peu dans le désordre, ça fait bordélique, mais bon ça se maintient. Bien, maintenant, il s'agit de la transmettre. J'appelais un gardien : « Pssst ! » Il se retourna. Il chercha pendant un petit moment d'où pouvait venir cet appel. Quand il me vit, il me dit : « C'est pour quoi ? Je te préviens, je n'ai pas le droit de te faire entrer !

Ce n'est pas pour entrer, je voudrais juste vous demander un service : pouvez-vous donner ceci à Michael Jackson, s'il vous plaît ? » Pendant une demi seconde, je m'attendais presque à le voir souligner son front de son doigt en disant : « Y a pas marqué la Poste, ici ! » Mais je me souvint que la pub n'existait pas encore. Il regarda la lettre, puis moi, puis la lettre de nouveau. Il semblait hésitant : « Tu sais, monsieur Jackson a déjà beaucoup de courrier. » Je lui expliquais que Michael n'aurait pas à répondre à cette lettre. Il se méfia. J'insistais : « Mais enfin, vous croyez vraiment que je vais me jeter sur lui ? Je ne lui veux aucun mal ! Je veux seulement le rencontrer, donc, soyez gentil, donnez-lui cette lettre en mains propres. Please ! » Finalement, il céda. Il me prit la lettre et se dirigea vers la demeure. Je poussais un soupir de soulagement : une étape de franchie ! Je vis le gardien entrer dans la maison. Il ne restait plus qu'à savoir si Michael accepterait de me voir en personne !