Mes inquiétudes me faisant passer une nuit plutôt agitée, je me réveillais vers neuf heures et demie dans la vraie réalité : Havenhurst.
J'hésitais beaucoup à descendre prendre mon petit déjeuner car je ne savais pas à quelle heure la famille avait l'habitude de se lever. Et d'un autre côté, je ne savais pas si je pouvais rester en pyjama, ou s'il était plus correct que je m'habille pour manger. Finalement, après de nombreuses minutes de réflexion, je décidais de jouer le tout pour le tout et je sortais de ma chambre en chemise de nuit.
En descendant, je croisais Michael qui, à mon grand soulagement, était lui aussi resté en pyjama. En m'apercevant, il me dit : « Alors, tu as passé une bonne nuit ? » ce à quoi je répondis par l'affirmative. C'est donc ensemble que nous nous rendîmes dans la salle à manger. La Toya et Randy étaient en train de manger. Michael, en entrant, demanda à la cantonade : « Où est m'man ?
-Elle est partie en ville. » répondit Randy. « Ah bon. » fit Michael avant de me faire signe de m'asseoir. Je ne m'attarderais pas à la description de la table, mais je peux vous dire qu'il y avait pas mal de trucs à manger. Je me contentais cependant d'une tartine à la confiture de fraises.
Après le repas, je demandais à Michael où se trouvait la salle de bain – cela faisait un certain temps que je ne m'étais pas lavée et ça commençait à se « sentir ». Il m'emmena dans sa chambre et me désigna une porte : « On une salle de bain privée mais si tu veux, il y en a une aussi dans la chambre de Jackie, et une en bas. Il y en a aussi une dans la chambre de mes parents, mais bon…je ne te la conseille pas trop… » Je lui dis que la sienne irait très bien et il me fit donc entrer dans sa salle de bain – c'était peut-être à cause de l'atmosphère intime de la salle de bain, mais Michael me semblait tout à coup plus intimidé que d'ordinaire. Il me montra la cabine de douche (impressionnante), la baignoire (gigantesque) et les lavabos (magnifiques). Il ouvrit une armoire où étaient entreposés les savons, shampooings, serviettes et autres. Puis il quitta la pièce en bafouillant : « euh…si tu veux tu…tu peux fermer à clef, là… »
Je décidais de ne pas perdre de temps et optais pour une douche rapide – Ca fait tellement de bien de sentir bon ! – mais en ouvrant l'armoire pour trouver de quoi me sécher, j'eus une mauvaise surprise : mon Dieu que les serviettes sont petites ! Je pouvais tout juste cacher le « haut » et le « bas » (c'est à dire du haut de la poitrine jusqu'au milieu de mes cuisses) mais pas plus ! Alors je traversais la chambre de Michael à toute vitesse pour rejoindre la mienne : par bonheur, je n'ai croisé personne ! Je me séchais donc et me rhabillais, puis je redescendis dans la chambre de Michael pour remettre la serviette dans la salle de bain. En sortant de sa chambre, je croisais La Toya qui m'interpella : « Ah, tu viens de prendre une douche ? Tu veux que je sèche tes cheveux ?
-Ouais, je ne dis pas non ! » Je la suivais donc dans sa chambre où elle prit un séchoir : « Ne t'assois pas sur mon lit ! » m'ordonna t-elle, me faisant sursauter, alors que mon derrière était à dix centimètres de son lit. Je la trouvais bien tatillonne. Alors nous allâmes dans ma chambre. Pendant qu'elle entreprenait de me faire un brushing, je lui demandais : « Où est Michael ?
-Il est au studio avec Randy et Marlon, au bout du jardin. Ils s'amusent à inventer des mélodies, des chansons…
-Ah, ils peuvent écrire des chansons ?
-Bien sûr, pourquoi ne pourraient-ils pas ? Seulement, Berry Gordy, le patron de Motown, refuse de les enregistrer ! Mais, ils s'amusent, ils font les guignols, quoi ! N'empêche que quelquefois, ils font des trucs sympas, d'ailleurs, dés que j'aurais fini de te sécher les cheveux, on pourra aller les voir !
-Avec plaisir ! » Puis, tout en connaissant déjà la réponse, j'ajoutais : « Ca ne les contrarie pas trop de ne chanter que des chansons d'autres compositeurs ? » Elle fit la moue :
« Tu parles ! Bien sûr que si ! En plus, ils ne sont autorisés à rien d'autre qu'à chanter ! Tito ne joue pas de guitare, et Jermaine ne peux pas jouer de sa basse non plus ! Tu sais, d'un air de dire les musiciens professionnels de la Motown font toujours mieux ! Et puis quoi, encore ! Si tu veux mon avis, un de ces jours, ils vont finir par affirmer que nous sommes des Jackson parmi d'autres mais qu'on a eu de la chance et c'est tout ! » Dans ma tête, je riais, car je savais que c'était précisément ce qui allait se passer deux ans plus tard. Elle continua à se plaindre des méthodes de la maison de disques quand elle déclara : «…un de ces jours, nous quitterons Motown !
-Je sais. » lui répondis-je machinalement. La Toya stoppa net de parler.
Après un petit moment de silence, elle me dit : « Ah ouais ? Et qu'est-ce que tu en sais ! »
-J'avalais difficilement ma salive : « Je peux te l'expliquer…mais tu ne me croiras jamais. » Je lui racontais alors tout, ma passion pour Michael, la machine à remonter le temps et mon arrivée ici. A la fin de mon histoire, elle était assise sur ses talons en face de moi, le menton posé dans sa main : « C'est vrai que je trouvais ta façon de t'habiller un peu bizarre…
-Tu me crois ?
-Oui, bien entendu, si tu mentais, ça se verrait…C'est donc pour cela que tu savais pour Motown, …et tu sais où on va aller ? » J'acquiesçais. La Toya se rassit sur mon lit : « Et mon père…Joseph…comment il est…avec les garçons…ce qu'il me fait !
-Oui, je sais même à quoi vous ressemblerez dans dix ans ! » Elle me dévisagea en réfléchissant. J'ajoutais en souriant : « D'ailleurs, Mike sera super beau…mais encore vingt ans plus tard, il sera super moche. » Elle leva un sourcil avec un regard étonné puis elle fixa ses orteils : « Je suppose donc que tu me connaissais avant même de m'avoir rencontré ?
-Exactement !
-Eh ben ! Mais, tout de même, tu devais beaucoup tenir à Michael pour faire cette folie !
-Ce n'est pas une folie » fis-je en rigolant « ça a été simple comme bonjour !
-Tu ne me réponds pas…dis-moi exactement ce que tu ressens pour Mike…Tu n'as pas remonté le temps jusqu'ici pour ne lui demander qu'un autographe, pas vrai ? »
Je me sentis rougir : « Ben non…mais ça risque d'être long !
-Vas-y ! » Je pris ma respiration et je me lançais : « Voilà, en lisant toutes ses biographies, en voyant toutes ses photos, ses vidéos, en écoutant ses CD…
-Cidiz ?
-C'est une forme évoluée des disques ; je pense que tu en verras dans quelques années.
-J'en ai un peu entendu parler, mais ça coûte si cher…et c'est très rare, en plus !
-Eh bien à mon époque, ça coûte environ 20 eur…euh, dollars !
-Continue.
-Euh…oui, donc je me suis aperçue que la personnalité de Michael était celle que je cherchais…
-Il est chiant, pourtant !
-Oui, mais je l'aime comme ça !
-Tu l'aimes, c'est normal ! Toutes les filles normalement constituées sont folles de lui !
-Attends…il y a « aimer » et « aimer »…
-Je ne comprends pas, toutes les fans des Jackson Five…
-Non, je veux dire que je l'aime vraiment…passionnément !
-Comme ça ? » Elle mit ses mains sur son cœur en prenant un air pensif.
« -Oui !
-Je vois… » Elle mit une main sur mon épaule et soupira « Pourtant, je pense que tu connais sa religion !
-Ca n'a strictement rien de physique, La Toya ! Ce n'est qu'un sentiment, mais ce n'est pas un désir…sexuel ! Comment t'expliquer…ça se passe là – je désignais ma tempe – et là –je mis la main sur mon cœur – voilà…c'est ce que je ressens…
-Une sorte de très grande amitié, une amitié amoureuse ? » continua La Toya. Je souris en hochant la tête : « Oui, c'est pour cela que je suis venue…Mais je ne sais pas si je peux lui dire…
-Que tu es amoureuse de lui ?
-Non…que je viens du futur.
-Oh, ça ? Dis-le lui sans crainte ! Je le connais ! Avec son imagination incroyable, je suis sûre qu'il te croira sans hésitations !
-Euh…tu en es si sûre que ça ?
-Certaine ! » Elle me tendit un miroir : mon brushing était parfait ! En m'observant, je la remerciais.
«- Pour le brushing ?
-Non, pour tes conseils ! » On éclata de rire. Puis La Toya se leva pour aller ranger le miroir, sa brosse et le séchoir dans la salle de bain. Quand elle revint, je fus surprise par son air : elle avait l'air inquiète.
« -Quelque chose ne va pas ?
-Ben, Joseph…je viens d'y penser…il n'aime pas beaucoup que nous ayons des amis, alors lorsqu'il reviendra…je ne sais pas trop comment il te recevra.
-Je sais, j'ai lu qu'il avait déjà menacé un petit garçon avec un couteau…
-Ouais, alors toi tu es plus âgée et en plus, tu es seule, sans tes parents…ouilleouilleouille !
-Oh, ça va ! Il ne va pas me tuer !
-A ta place, je n'en serais pas si sûre…
-Et ta mère, elle ne dit rien? » La Toya ne répondit pas. Bien sûr que Katherine ne dit rien, elle pratique la Politique de l'Autruche. Je tentais de rassurer La Toya : « Allez va, s'il vient, je m'en irais et puis voilà ! » Elle soupira : « Mouais…bon, t'as raison, mais…fais gaffe ! Enfin, n'en parlons plus. Allons voir les frangins au studio ! Ton prince charmant t'attend ! » Je lui donnais une petite tape en rigolant. Puis nous nous dirigeâmes vers le studio, au fond du parc de la villa d'Encino, demeure des Jackson.
Le studio était en fait un grand garage aménagé pour que les garçons puissent se défouler –artistiquement. Des instruments y étaient disposés et un nécessaire à enregistrements – je ne sais pas comment ça s'appelle – était en cours d'installation.
Lorsque nous entrâmes, les garçons étaient penchés sur le piano et ils ne nous virent pas tout de suite. Michael dit à Randy, qui était installé au piano : « Refais encore ton truc, là, j'aime beaucoup. » et Randy s'exécuta : il joua une mélodie très rapide et très entraînante parmi lesquelles, à ma grande surprise, je reconnus les trois premières notes de la chanson Workin' Day And Night qui figurerait sur le premier album solo de Michael, cinq ans plus tard.
Puis Randy nous aperçu, La Toya et moi, et il s'interrompit. Alors, seulement à ce moment, Marlon et Michael nous aperçurent à leur tour. Michael, comme d'habitude, me sourit dés qu'il me vit : « Salut ! » et en voyant mes cheveux devenus épais à la La Toya, il s'approcha de moi, et, avançant sa main, il me demanda : « Je peux toucher ?
-Bien sûr, Michael ! » Alors, timidement, il prit délicatement une mèche de mes cheveux qu'il laissa glisser entre ses doigts. Le brushing de La Toya, en plus de les avoir un peu gonflés, les avait rendu doux et très légers. « Tu es une championne » souffla Michael à sa sœur en ne cessant de lisser mes cheveux du bout des doigts. « Fais voir ? » fit Randy en s'approchant de moi, suivit de prés par Marlon. Je fis un écart : « Ah, mais ça ira, oui ! » ils éclatèrent de rire.
Janet entra dans le studio : « Les mecs, on mange ! » puis elle vit La Toya et moi « Ah, vous êtes là aussi ? Ben…on mange. » et elle referma la porte en partant. Randy sortit de la pièce en râlant : « Pff ! Juste au moment où on s'amusait le plus ! » Nous le suivîmes jusqu'à leur maison, d'où s'échappait une délicieuse odeur de frites. En traversant le parc, je réalisais qu'il n'y avait absolument aucuns bruits venant des fans et je rejoignit Marlon : « Au fait, quand iras-tu voir Jane ?
-Qui ?
-Tu sais, la fille dont je t'ai parlé hier soir…
-Ah oui ! Eh ben j'y suis allé tout à l'heure, il y a deux heures.
-Et alors ?
-Elle est mignonne…je lui ais signé des autographes et on s'est prit en photo !
-Tous les deux ? …ouahh ! » fis-je d'un air taquin. Il s'éloigna d'un air outré, ce qui me fit encore plus rire. Michael me rejoignit et nous nous mîmes à suivre Marlon en répétant : « Oh, les amoureux ! » Janet se joignit à nous et La Toya, qui était restée en retrait, ne parvenait visiblement pas à se retenir de rire.
Je me plaisais décidément de plus en plus dans cette famille.
Après le repas, je demandais à me lever de table et je sortis dehors. Je venais de penser que Jane me cherchait sûrement pour me raconter que son idole venait de la rencontrer.
Je passais par la porte secrète et fis le tour du mur. Ca me faisait tout bizarre de me retrouver de l'autre côté, comme quand j'attendais impatiemment que Michael vienne à ma rencontre.
Justement, comme je m'en étais doutée, Jane accourut vers moi, toute excitée : « Où étais-tu, enfin ? Je te cherche depuis hier ! » me dit-elle, complètement essoufflée. « Ben…euh, je suis…partie…en ville, oui, euh…pour racheter des provisions. » tentais-je d'inventer. Jane haussa un sourcil : « Hm mm ? …Eh ouais, tu sais pas ce qui s'est passé ce matin ?
-Non…il y a eu une bagarre ?
-Mieux ! Ecoute ça, Marlon est venu me voir !
-C'est vrai? Ah ben, ça alors ! » m'écriais-je en prenant un air étonné. Jane fit sa fière : « Ouais, j'étais seule à cet endroit du mur et il est venu, là, il n'y a même pas quatre heures. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis contente ! Il est encore plus beau de prés, et en plus, il a été super sympa avec moi ! Et puis regarde : on a prit des photos de nous deux et il me les a toutes dédicacées, c'est génial !
-Oui, tu as eu beaucoup de chance ! C'est vraiment super pour toi ! » Mais Jane cessa de sourire aux anges, je lui demandais ce qui n'allait pas : « Mes copains et moi, on s'en va demain matin. On se verra plus ! » me dit-elle.
« - Ah…c'est dommage !
-Mmmmh ! On s'entendait plutôt bien ! Bon, je vais y aller, on prépare nos sacs ! »
-Nous échangeâmes alors nos numéros de téléphone, bien que je savais que ça ne servirait à rien – une fois de retour dans le présent, si je téléphonais, ce serait une Jane de quarante-cinq ans qui me répondrait ! – puis nous nous dîmes au revoir : « Salut, bonne chance pour le voyage !
-J'espère que tu verras Jackie ! » me lança t-elle en repartant.
Je repris la route jusqu'à l'entrée camouflée en me disant qu'elle me manquera et qu'il faudra que je dise à Marlon qu'elle est partie. Ah, mais pendant que j'y suis, je pourrais tout aussi bien lui donner son numéro de téléphone, je suis sûre que Jane ne serait pas contre recevoir un appel de son Jackson préféré, au contraire !
Je réfléchissais à tout cela quand j'aperçus que j'étais déjà arrivée aux fameux chênes. Après m'être faufilée jusqu'à la porte, j'avançais la main vers la poignée avant de réaliser…qu'il n'y en avait pas ! Bon, en tentant de ne pas paniquer, j'essayais de pousser puis de tirer la porte, sans effet. « Oh non ! » dis-je tout haut en m'énervant dessus et en sentant la panique m'envahir. Je m'étais enfermée dehors ! Je m'insultais mentalement. Quelle idiote, j'aurais dû laisser la porte ouverte ! J'avais entrepris de monter sur le muret et tentais à présent d'escalader la grille quand un garde m'interpella : « Hep, toi là, qu'est-ce que tu fais ? Descends immédiatement de là ! Que je t'y reprenne à essayer d'entrer !
-Mais non, ce n'est pas ce que vous croyez !
-Ah non, c'est quoi alors ?
-Je vais vous expliquer : voilà, en fait, je suis avec Michael et je n'arrive plus à entrer…
-Mais oui, et moi, je suis le Petit Chaperon Rouge ! » Je luttais pour ne pas hurler ; je détestais qu'on se fiche de moi dés lors que j'avais raison. J'allais répliquer quand j'entendis, derrière le garde, une voix familière : « Elle est avec moi, laissez-la. » et je fus fort soulagée de voir Michael apparaître de derrière le garde, tout sourires : « Alors, que faisais-tu ? On te cherche dans toute la maison !
-Mais Mike, je ne peux pas entrer !
-Bah, pourquoi ? Tu n'as pas pensé à entrer par la porte secrè…Ah, oui, c'est vrai, elle n'ouvre que de l'intérieur ! Tu sais, c'est une mesure de sécurité, au cas où les fans la trouveraient ! Eh ben ouais…ben, j'avais oublié ! » fit-il avec la tête de celui qui s'est rendu compte de sa gaffe. « Allez, descends de là et viens. » et il m'ouvrit la porte. Une fois que je fus entrée dans le parc, il me dit, sur le point d'éclater de rire : « Ca fait longtemps que tu attends dehors ?
-Noonnn…un quart d'heure…
-Ben, quand même ! Désolé !
-C'est rien…j'ai fais connaissance avec ton garde !
-Et celui-là, en plus, c'est pas le plus futé…Pff ! » et il pouffa un coup en se pliant en deux. Sa réflexion avait vraiment l'air de le faire marrer. Après qu'il se fut calmé, nous pûmes prendre la direction de la maison, enfin !
Cet après-midi, la température de l'air augmenta assez brusquement. Et comme à 31°C dehors « il crève de chaud ! » comme le dirait si bien Randy, nous décidâmes de rester à l'intérieur, à faire des jeux de société.
Donc, à un moment, nous assistâmes à une partie d'échecs opposant La Toya à Marlon. Nous formions alors une équipe de supporters : Michael et moi encouragions La Toya, et Randy et Janet tenaient avec Marlon. Tout se passa bien jusqu'au moment où La Toya gagna. Marlon fronça les sourcils : « T'as triché ! » LaToya fit un bond : « Quoi !
-Ouais, c'est clair !
-Je n'ai pas triché, enfin ! » Janet y mit son grain de sel : « Si, je t'ai vue ! » Tout le monde tourna la tête vers elle, comme s'ils venaient juste de s'apercevoir de sa présence, puis la dispute reprit de plus belle. Marlon et Randy essayaient vainement de démontrer par a + b que La Toya avait triché, celle-ci tentant de prouver le contraire. Quant à moi, je la défendais, persuadée qu'elle avait gagné honnêtement. Je trouvais Marlon très gonflé car c'était lui qui criait le plus fort alors qu'il était en tort. Je lâchais : « Dis plutôt que tu n'acceptes pas la défaite ! »
Marlon allait répliquer avec force quand Michael, silencieux jusque là, intervint : « Tu es un très mauvais perdant et c'est tout ! »
Marlon explosa littéralement sur lui : « OH, TOI, GROS NEZ, ON T'A PAS SONNE !
-Marlon! » s'indigna La Toya. Michael resta bouche bée pendant quelques secondes. Peu à peu, ses yeux devinrent rouges. Marlon continuait à s'énerver sur lui : « Ouais, t'as bien entendu, Gros Nez, Grosses Lèvres ! Dégage, va donc pleurer dans ta chambre ! On veut pas de toi ici ! C'est vrai, où c'est que t'as dégoté ce tarin, eh, Gros Nez !
-Marlon !» ne cessait de répéter La Toya. Cette fois, Michael se leva et, en larmes, se précipita dans l'escalier pour s'enfermer dans sa chambre.
Pendant que La Toya engueulait Marlon, j'étais resté figée…de colère. Je savais à quel point Michael était sensible aux moqueries. Marlon ne pouvait pas se rendre compte de l'ampleur de sa bêtise. J'étais furieuse parce que les véritables insultes dont Michael était l'objet n'allaient pas arranger l'image qu'il avait de lui-même, déjà bien endommagée. Et le résultat, assez triste, de ces vexations, ce sera celui qu'on connaît aujourd'hui, depuis les années quatre-vingt-dix.
Je me levais brusquement et, lançant un regard plein de reproches à Marlon, je lui hurlais dans un élan de fureur : « MAIS T'ES CON OU QUOI ! » Et je me dirigeais vers les escaliers. Derrière moi, j'entendais Marlon me crier : « Tu es chez moi et donc tu n'as pas à me parler comme ça ! Retire tout de suite ce que tu m'as dis ! » Je n'en fis rien.
Arrivée devant la porte de Michael, je me demandais dans un premier temps s'il ne valait pas mieux que je m'occupe de mes affaires, mais la compassion l'emporta et je frappais à la porte, bien décidée à affirmer à Michael qu'il n'était pas aussi laid que sa famille le laissait penser : « Michael, est-ce que je peux entrer ?
-Qui est-ce ? » demanda t-il d'une voix pleine de sanglots.
« Lucile. » répondis-je. Il n'y eu plus de bruits pendant quelques secondes, comme si Michael réfléchissait, puis il consentit à m'ouvrir la porte.
Sa mine faisait pitié à voir : ses yeux étaient rouges et humides et sur ses joues, le fond de teint avait coulé là où des larmes avaient roulé. Il me fit entrer et referma la porte derrière moi. Je m'assis sur son lit, il s'assit à côté de moi.
« Mike, c'est dégueulasse ce que ton frère te fait ! Tu devrais de défendre ! » Il haussa les épaules et essuya ses larmes de sa main : « Je vous ai entendu hurler d'ici…je ne comprends pas pourquoi Marlon fait ça, il est pourtant d'une nature calme…
-N'empêche qu'il faut absolument qu'il arrête de t'insulter ainsi !
-Tu sais, j'ai l'habitude… »
Il se passa de longues minutes avant que Michael ne me demande, les yeux remplis de larmes : « Lucile, …je suis laid ? »
Je sentais à ce moment que j'allais pleurer, moi aussi.
Je trouvais Michael perdu, désorienté. Je voulais l'aider : « Non, Michael, je te trouve superbe ! » J'avais fais exprès de dire que je le trouvais mignon, car je ne peux pas savoir si tout le monde pense comme moi. Ainsi, en ne disant pas « tu es beau », mon affirmation n'engageait que moi-même.
Il me regarda avec ses beaux yeux brillants et fit d'une toute petite voix : « C'est vrai ? » J'acquiesçais : « Mike, tu ne veux toujours pas me dire ce qui te complexe ?
Ne me dis pas que tu ne l'as pas remarqué. » me répondit-il avec un air froid. Je me rendis compte qu'il mourait d'envie d'en parler, mais qu'il n'osait pas. « Excuse-moi… » dis-je.
Il me prit doucement la main : « Ce n'est rien, continue à me parler… » J'adorais ça, lorsqu'il me prenait la main. J'avais toujours rêvé qu'un garçon me tienne un jour la main aussi tendrement, et il se trouvait que c'était Michael Jackson à quinze ans et demi qui l'avait fait en premier ! C'était le bon moment pour le lui dire…maintenant ou jamais… « Michael, je dois t'avouer quelque chose… » il s'approcha un peu plus de moi, tout ouï. « Seulement, promets-moi de ne pas me prendre pour une folle ! » il sourit :
« Je t'écoute. » Je respirais à fond :
« Voilà, je suis née en neuf cent quatre vingt sept… » Il pouffa vaguement. « Michael, c'est la vérité ! » Il essaya de reprendre son sérieux. « Je suis venue avec une machine à remonter le temps ! » Cette fois, il écarquilla les yeux :
« Raconte ! » Et je lui racontais, jusqu'au moindre détail, pour la deuxième fois, mon voyage dans le temps.
Pendant tout le temps de mon récit, il ne cessait de souffler : « Wow ! » Quand j'eus terminé, il me dévisagea, très curieux : « Dans ton époque…euh…
-Deux mille trois.
-Oui, euh…à quoi je ressemble ? » Je réfléchis et répondis :
« Je ne sais pas si je peux te le dire…tu sais, je ne sais pas du tout comment ça se passe…j'ai peur que ça change mon présent, même si je voulais le changer. Ca risquerait peut-être de tourner au vinaigre, de faire bazar, tu comprends ? »
Michael m'assura d'un signe de tête qu'il avait très bien comprit, puis il me regarda fixement dans les yeux. Ca m'effrayait un peu : il n'allait tout de même pas m'embrasser ! Tout à coup, me tenant fermement la main, il dévala les escaliers sans me lâcher, puis il me fit traverser le parc en courant. Il rejoignit Bill Bray et lui demanda si on pouvait sortir seuls, sans sécurité. Bill regarda à sa montre et réfléchit deux secondes : « Okay, Joker, mais pas trop longtemps ! » Alors, Michael se remit à courir. Essoufflée, je tentais de lui demander : « Michael, que t'arrive t-il ? Où on va ! » Il s'arrêta enfin et m'expliqua :
« Tu vas me montrer la machine à remonter le temps ! Je me suis toujours demandé à quoi ça pouvait ressembler ! » Il avait l'air vraiment enthousiaste. Je tentais de reprendre mon souffle :
« Mais enfin, elle est à plus de vingt kilomètres d'ici ! On ne peut pas y aller à pied !
Eh bien, ce n'est pas un problème ! » Et il m'entraîna derrière la villa : il y avait un parking. Garées, des limousines, des voitures de sport, et même une Rolls Royce ! Michael allait demander à un chauffeur de nous conduire dans une grande limousine quand je l'arrêtais : « Euh, Michael, il n'y aurait pas quelque chose de plus discret ? » Il me fit un clin d'œil et me désigna une voiture de sport rouge vif. De toutes évidences, il avait fait exprès de choisir la plus flashante. Je soupirais : « Tu appelles ça discret ? »
