Comme je dormais rarement pendant toute la nuit sans me réveiller au moins une ou deux fois, il ne fut pas difficile de me réveiller vers trois heures du matin. Le plus dur fut de RESTER éveillée et je dus me gifler pour ne pas me rendormir en pensant : « Oh, et puis zut ! Après tout, c'est pas mes affaires ! Ca ne concerne apparemment que Joseph, alors brin ! » Mais je réussis tout de même à me lever. Arrivée en dessous de la trappe, je me demandais une dernière fois si c'était une bonne idée, mais je ne voulais pas encore faire la peureuse. Je regardais autour de moi : personne, naturellement.

Je respirais profondément, attrapais la poignée de la trappe en me hissant sur mes orteils, l'ouvris et dépliais l'échelle qui y était attachée. Cela faisait un bruit horrible et je m'arrêtais, aux aguets, de peur que quelqu'un ne se réveille. Le calme était complet.

Lorsque je posais le pied sur le premier barreau, mon rythme cardiaque accéléra : je paniquais à la pensée de qui j'allais bien pouvoir rencontrer là-haut. J'essayais de me persuader que ça ne pouvait pas être quelqu'un de très méchant, mais bon. Je montais donc en me répétant que j'étais folle.

La première chose que je remarquais dans le grenier, c'était qu'il y avait de la lumière. Lorsque je posais les pieds sur le plancher, je ne vis personne. Il y avait quelques cartons et coffres, par-ci, par-là. Mais au fond, prés de l'unique fenêtre, il y avait un matelas. A côté, une veilleuse allumée était la seule source de lumière de la pièce, en plus de la pleine lune. Il y avait donc bel et bien quelqu'un ici, mais il ou elle se cachait quelque part dans l'obscurité. Contrairement à ce que j'avais imaginé, il ne faisait pas froid, mais très chaud. L'air était empli d'une odeur fétide de poussière et de transpiration. De toute évidence, la personne qui vivait ici ne s'était pas lavée depuis plusieurs jours. « Il y a quelqu'un ? » fis-je prudemment. Question idiote puisque je savais pertinemment que nous étions deux dans la pièce. Je restais immobile, à l'affût d'un quelconque geste ou bruit.

Je pus entendre le bruit d'un carton que l'on pousse, et le plancher craquer. Ce bruit se déplaçait, jusque dans un des coins les plus sombres du grenier.

Le cœur battant, je m'approchais, sur la pointe des pieds, de l'endroit d'où provenait le grincement du plancher. Rien. Je regardais derrière un énorme carton qui m'arrivait au-dessus du nombril. Comme le coin était très sombre, je me penchais lentement, croyant avoir vu quelque chose ressemblant à un œil…

Tout à coup, la chose sur laquelle je me penchais se redressa brusquement, me repoussant brutalement en arrière, en criant : « BOUH ! ». Je tombais par terre, dos à un coffre. La « chose » se mit à ricaner. Je connaissais ce ricanement. Et lorsqu'elle sortit de sa cachette et avança vers moi, je vis, à la faible lumière de la lampe, qu'elle était coiffée de dreadlocks…

« TOI ! » m'écriais-je.

Jeff ricanait toujours en s'approchant de moi : « Je t'ai bien eue, hein ! »

J'essayais de reculer, mais comme le coffre derrière moi m'en empêchait, je me levais en criant presque : « Mais c'est pas vrai, mais qu'est-ce que tu fais là ! Tu n'as rien à faire ici ! J'en ai marre de te voir ! Tu… »

Il se précipita vers moi et plaqua sa main sur ma bouche : « Tais-toi ! T'es folle de hurler comme ça ! Si Joseph se réveille et voit que tu es là, c'est toi qui te feras tuer, ma tiote ! A la rigueur, je m'en ficherais, mais on a besoin de toi ! »

Alors, non seulement il puait la sueur, mais de plus, sa main puait tellement que je faillis m'évanouir. C'était vraiment atroce, à se demander où il l'avait mise – le fond de ma pensée, c'est qu'il avait dû se sentir très solitaire, sans filles, mais je ne m'enfoncerais pas plus dans les détails…

Lorsque enfin il retira sa main, je m'essuyais sans retenue la bouche sur ma manche – quelle horreur ! – et lui demandais d'un ton hargneux : « Et pourquoi vous auriez besoin de moi ? »

Il cessa de ricaner bêtement et devint sérieux. Je ne sais pas pourquoi, cela m'inquiéta.

« J'ai pas le droit de le dire… » commença t-il. Il avait l'air d'hésiter : « En fait, je n'aime pas beaucoup cette idée, c'est les parents de Marlon qui l'ont voulu…

-Qui ont voulu quoi ! » insistais-je. Je n'avais jamais vu Jeff aussi sérieux : ses sourcils étaient froncés et il avait l'air de ne pas savoir par où commencer. D'ailleurs, si je n'avais pas été si inquiète, j'en aurais ri.

« -Bon…euh…tu as entendu parler du jour où, euh…eh ben Michael il était avec deux putes… ? »

Je ne voyais pas où il voulait en venir mais je sentais que c'était mal partit : « Quel rapport avec moi !

-Eh bien…elles étaient là pour…euh…l'initier, mais, en fait, elles ont pas réussi…

-Mais quand vas-tu te débarrasser de cette manie de toujours tourner autour du sujet ! Dis-moi ce que j'ai à faire là-dedans ! » m'énervais-je.

Il me tourna le dos, mais je pus remarquer qu'il se massa la tempe, comme s'il commençait à avoir mal à la tête. Je stressais, car la dernière fois qu'il avait été flou comme ça sur un sujet, ça s'était plutôt mal passé… Et, encore maintenant, il parlait de sexualité. Comme je répétais sans cesse : « Vas-y, dis-le-moi ! », il prit mes bras, et me fit reculer en murmurant d'un air las et fatigué: « Calme-toi ! Mais, tais-toi ! » et me fis m'asseoir sur un coffre.

Je finis par me calmer – enfin, par me taire, parce que j'étais loin d'être calme.

Il soupira et sortit quelque chose de sa poche que je ne vis pas tout de suite : « Ecoute…prends ça ! Je ne suis pas très d'accord avec cette idée, et…j'veux pas que t'aies d'ennuis ! » Et il le mit dans ma main. Je n'osais pas le regarder, mais un petit coup d'œil rapide confirma ce que j'avais deviné par la texture : c'était un préservatif ! Mon cœur me remonta jusqu'aux amygdales : « Qu'est-ce que c'est ! » je fis, tremblante comme une feuille. Je redoutais sa réponse, même si je la connaissais déjà.

« -C'est un…

-JE SAIS CE QUE C'EST !Pourquoi tu me donnes ça ! CA VEUT DIRE QUOI ? "

A plusieurs reprises, il était sur le point de répondre, mais je ne le laissais pas en placer une. Je paniquais car je ne voulais pas imaginer la signification de tout cela. Je m'étais levée et m'agitais dans tous les sens, les larmes au bord des yeux. Il ne chercha même pas à me demander de me taire et observa mon manège quelques secondes.

Puis, il me serra les poignets et me dit : « Bon, tu vas me laisser répondre, maintenant ? …C'est toi qui dois initier Michael. »

Agitée de sanglots, je baissais la tête et fini par tomber à genoux. Je le savais. Je ne sais pas pourquoi, mais quelque chose m'y avait préparée. Je comprenais tout, à présent : Les parents qui voulaient toujours que je sois avec Michael ou Jeff ;Joseph, tirant Jeff hors de la chambre d'hôtel, lui avait dit : « Nous avons deux mots à nous dire. » je n'y avais pas fais attention sur le moment, pensant qu'il parlait d'une sérieuse engueulade, mais je m'étais trompée et cette phrase prenait maintenant tout son sens. Tant de choses devenaient soudain totalement claires… Et Katherine, voulant nous rapprocher davantage en nous envoyant danser…

Cela était tellement évident !

Je m'étais montrée si naïve !

Jeff m'avait lâché les poignets, était allé chercher quelque chose prés de son matelas et s'assit sur le coffre en face de moi, en s'allumant une cigarette. Moi, j'étais restée à genoux sur le plancher, complètement anéantie.

« Pourquoi moi ? » réussis-je à dire.

« -Parce que vous êtes proches et qu'avec toi, il y a plus de chances qu'il passe à l'acte. C'est Joe qui me l'a dit. » répondit-il en soufflant le fumée par ses narines.

« -Il va penser que je l'ai trahi…j'peux pas lui faire ça…

-Je comprends pas que ça te gêne…tu devrais être contente !

-Mais je ne suis pas prête pour cela ! Et de plus, Michael m'a récemment confié qu'il ne pourrait pas le faire, à cause du traumatisme qu'il a eu !

-Mais toi, tu l'aimes ?

-Oui…

-Et bien, penses que c'est pour son bien !

-Pour son bien ! Vraiment ?

-Bien sûr, voyons ! Plus tôt il commencera, plus il éprouvera de plaisir plus tard !

-Qu'est-ce que tu en sais ?

-Ben…je suis l'exemple même ! Je t'assure que c'est vrai, j'ai commencé à quatorze ans, moi ! »

Il avait l'air tout fier de dire ça. Il me dégoûtait.

« -Et s'il se sent forcé ? Qu'on n'y arrive pas !

-T'inquiètes, si tu l'excites suffisamment, ça ira tout seul. » répondit-il naturellement, comme si c'était évident pour tout le monde.

Il avait l'air de trouver des réponses à tous les problèmes. Mais je ne voulais pas faire ça à Mike. J'étais sûre que ça allait mal se passer, que ça ne ferait que renforcer son malaise à propos de l'amour et de la sexualité. D'autre part, je ne voulais pas non plus me retrouver enceinte à mon âge, même de Michael. Tout se présentait mal et plus j'y pensais plus je paniquais. Je me plaignais à Jeff et lui faisais la liste de mes craintes.

« -Moi non plus je veux pas que tu sois enceinte de lui, j'ai déjà du mal à accepter qu'il aura le droit de te posséder. C'est pour ça que je t'ai donné une capote. »

Ses dernières phrases eurent pour effet de m'achever : « ME POSSEDER ! Je ne suis la pute de personne, et encore moins de toi ! Reprends ce truc, je n'en aurais pas besoin ! Je ne ferais jamais ce coup-là à Mike ! Je te jure que ça n'arrivera pas ! »

Furieuse et complètement paniquée, je balançais le préservatif au fond du grenier. Cela enragea Jeff qui râla : « Eh, tu sais combien ça coûte des trucs comme ça ! En plus, je te l'ai acheté pour t'aider !

-Non ! Tu veux que je l'utilise pour te donner l'impression que Michael ne sera pas tout à fait en moi et pour que je ne sois pas enceinte de lui ! Tu ne fais pas cela pour m'aider, tu fais ça pour toi et ta conscience ! » J'étais vraiment exaspérée et furieuse d'un pareil égoïsme : monsieur ne pouvait pas se faire à l'idée que quelqu'un d'autre que lui puisse me pénétrer, alors il me donnait une capote !

Poussant rageusement Jeff, je le fis tomber de son coffre : « Mais tu n'as pas à te fatiguer ainsi, car ça n'arrivera pas ! »

Le cœur battant à mille à l'heure, je descendis rapidement, toute tremblante, refermais la trappe, me précipitais dans ma chambre et me mis à pleurer sur mon lit.

J'étais nue au milieu d'une rue, les passants formaient un cercle autour de moi et ils me pointaient du doigt en riant. Peu à peu, leurs yeux devenaient jaunes, puis rouges, et les doigts pointés sur moi devenaient des lames avec lesquelles ils m'écorchaient jusqu'au sang. Je voulais hurler : « Arrêtez, vous me faites mal ! » mais aucun son ne sortait de ma gorge meurtrie. Alors tous les passants ne formèrent plus qu'un jeune homme : Jeff.

Il sourit, puis lui aussi eut les yeux rouges, les crochets et la langue d'un serpent. Cette langue passa sur mon cou ensanglanté, Jeff arracha sa chemise, et siffla en avançant torse nu, les bras tendus vers moi : « Je te veux…caresse-moi ! » Je fermais mes yeux et lorsque je les rouvris, il avait disparu dans un nuage de fumée noire. Je pris la chemise déchirée qui était restée à terre et m'en entourait pour cacher ma nudité. Je me mis à courir, pendant que le décor évoluait comme des nuages qui flottaient autour de moi. Je fus arrêtée par une silhouette élancée que je reconnu immédiatement : Richard, le gars un peu dérangé que j'avais rencontré à la fête. Il me tendit la photo sur laquelle il m'avait reconnue. Lorsque je la pris, le décor devint une forêt noire, sombre et très inquiétante.

Richard avait disparut, laissant place à…Michael. Je voulu l'enlacer, mais lorsque je mis mes bras autour de son cou, ils passèrent à travers, comme au contact d'un spectre. Je regardais mes mains, interloquée. Lorsqu'il vit que j'étais nue, il eut un air profondément triste. Il murmura doucement : « Pourquoi tu me fais ça ? » la phrase se répéta en écho pendant que Michael semblait s'éloigner de moi, comme si quelqu'un faisait un zoom arrière. J'essayais de lui crier : « Attends-moi ! Ne me laisse pas seule, j'ai froid ! J'ai peur ! » Mais de nouveau, cette phrase resta dans ma tête sans sortir de ma bouche. Je tentais de courir après Michael, mais je faisais du surplace, tandis qu'il se tournait et s'éloignait vers le fond de la forêt, toujours avec l'écho de cette phrase : « Pourquoi tu me fais ça… ? » Lorsqu'il disparut tout à fait, je trébuchais sur une racine et tombais. A l'instant où j'essayais de me relever, une chose monstrueuse ressemblant à un loup passa à côté de moi à la vitesse de l'éclair et m'arracha au passage de la chair sur le côté du ventre. Et là, en sentant mes entrailles se vider, je me vis pousser un cri de douleur si fort que les veines et les muscles de mon visage apparaissaient à travers ma peau.

Je me réveillais en sursaut, le hurlement de fauve encore dans les oreilles, complètement en sueur, essoufflée, sous le choc. Il faisait jour, mes draps me collaient à la peau. J'étais en train d'essayer de me calmer, lorsque Michael entra dans ma chambre, tout sourire, rayonnant : « Tiens, regarde qui est réveillée ! … » chantonna t-il comme à lui-même en me souriant joyeusement. Après toutes mes émotions, dans le grenier et après ce cauchemar, je ne pus m'empêcher de fondre en larmes en le voyant si épanoui. Bouleversé par cet étrange contraste entre sa joie et mon chagrin soudain, il s'assit à côté de moi, sur mon lit, ôta mes mains de mon visage et les serra dans les siennes, comme il le fait chaque fois qu'il veut me consoler : « Héla, ça ne va pas ? … Que se passe t-il? » J'étais désolée de lui casser sa bonne humeur. Moi-même, j'étais surprise de pleurer ainsi. Michael continua à me demander : « C'est quelque chose que j'ai dit ? » Je réussis à calmer mes larmes : « Non, ce n'est pas à cause de toi…enfin…ce n'est rien, c'est juste un cauchemar… »

Rassuré, il me frictionna affectueusement le dos : « Eh ben…pour te mettre dans un état pareil, il a fallu qu'il soit bien horrible, ton cauchemar ! »

Cette matinée, je ne me sentis pas bien, mais alors, pas bien du tout. J'étais si fatiguée par ces émotions que je marchais difficilement. Je tremblais constamment et il n'était pas rare que je me plaigne de maux de tête. La famille associa ma pâleur à un coup de chaleur et Katherine me conseilla de rester au lit.

La Toya m'apporta un plateau : « Et alors, qu'est-ce que tu nous fais là ? »

Je n'eus pas envie de répondre. Elle fit un peu de place sur ma table de chevet, y posa le plateau et s'assit sur mon lit : « Je me demande comment tu as fais pour avoir cette insolation…tu es sortie, hier ? » Je haussais les épaules. Elle continua : « enfin bref, voilà ton petit-déjeuner.

-Je n'ai pas faim.

-Quoi, tu plaisantes ? Regarde, je t'ai mis une pomme et un verre de lait parce que tu m'as dis que tu aimais ça. Si tu en veux encore, je t'en rapporterai !

-Je n'en veux pas.

-Tu… »

Elle s'interrompit lorsque Marlon entra dans la chambre : « Alors comme ça, t'es malade ?

-Ouais » fit La Toya « Et elle refuse de manger !

-Quoi ? Mais qu'entends-je ? » reprit Marlon d'un air faussement dramatique « si tu guéris pas vite, tes parents vont pas être contents ! »

A ce moment, La Toya et moi on se regarda en rigolant un peu. Marlon ne nous capta pas : « D'ailleurs, ils doivent déjà être inquiets. Ils sont où ?

-Ils sont pas là. » répondis-je. La Toya sortit en souriant.

A son tour, Marlon s'assit donc sur mon lit et entreprit de faire l'imbécile : en se frottant les mains, il observa ce qu'il y avait sur le plateau et s'exclama : « Mais ça m'a l'air bon, tout ça ! » en se tournant vers moi, il ajouta avec une tête d'attardé: « Le lait et les fruits, c'est plein de vitamines ! » Je rigolais, alors il continua avec son air idiot: « Tu me crois pas? Tu demanderas à Mike ! Avec son régime végétarien, il va s'y connaître, lui, en nutrition ! »

Tout en plaisantant, tranquille, il avait prit le couteau, et épluchait à présent la pomme, et la coupa en quartiers. Il enleva les pépins en chantonnant, puis il prit un quartier et fit « l'avion qui entre dans le hangar » comme on le fait à un bébé : « VrrrrRRrrrr…demandons ouverture de la porte…VrrrRRRRrrrrr…fermeture… » Et ainsi, hilare, il me fit avaler toute ma pomme, quartier par quartier. A la fin, il demanda : « C'est bon ? » Je fis oui de la tête, alors il me tendit mon verre de lait : « Tiens, bois ça, maintenant. » il m'ébouriffa les cheveux et sortit.

Des escaliers, je pus entendre La Toya lui dire : « Alors ?

-J'ai réussis à tout lui faire bouffer !

-Comment t'as fais ?

-Comme ça…VrrrrRRRrr… » j'entendis comme une poursuite et La Toya râler : « Mais arrêteuuh ! »

En souriant un peu, je bus quelques gorgées de lait, reposais le verre sur la table, et m'allongeais pour me reposer.

Ce jour-là, il commença à faire mauvais : des nuages gris prirent place dans le ciel et semblèrent ne plus vouloir en bouger. Puis il se mit à pleuvoir. Ce mauvais temps, en plus de mon état de santé, provoqua chez moi une déprime. Michael ne venait presque jamais me voir, et je commençais à me demander s'il m'aimait vraiment, qu'est-ce que je faisais ici, si cela avait vraiment valu la peine d'avoir prit tous ces risques, à quoi ça rimait, tout ça, si Michael n'était pas lui non plus dans le complot, ce qu'ils allaient faire de moi…

Je me représentais toute la famille contre moi et je me demandais si je n'aurais pas mieux fait de rester chez moi, dans le futur, puisque ici j'étais aussi malheureuse que dans mon époque, etc. Mais lorsque l'un des membres de la famille entrait avec sa bonne humeur habituelle pour me tenir compagnie et discuter avec moi, en particulier Mike, je me corrigeais en me disant que j'étais tout de même mieux ici…même si c'était peut-être pour une mauvaise cause, ici au moins on se souciait de moi…

Je broyais du noir et ne leur adressais la parole que très peu. Ils devaient penser que parler me fatiguait, car ils ne me posèrent plus de questions. Du coup, il existait à présent une sorte de barrière entre nous : personne ne se parlait. Ca faisait comme si l'on se faisait la gueule. L'atmosphère n'était pas tendue, mais gelée.

Cependant, à un moment où La Toya et Michael étaient venus me voir, il y eu un changement.

Nous nous ennuyions car nous ne parlions pas. Ils étaient tous les deux à genoux par terre, les coudes sur mon lit. Je les regardais sans vraiment les voir, Michael jouait avec les plis du drap, et La Toya frottait sa main pour essayer d'y enlever une tache.

Vint un moment où Michael éternua. Tout à coup, tranchant le silence. Cela m'avait déjà réveillée, mais La Toya fit un brusque mouvement sur le côté, comme pour ne pas être touchée par les postillons, mais si fort et si brutalement qu'elle tomba par terre. Le fait de la voir disparaître ainsi derrière le lit et atterrir avec un bruit mou, en plus de l'éternuement soudain de Michael avec les postillons volant en tous sens firent naître en moi une énorme envie de rire…

Je me rendais soudainement compte de la chance que j'avais d'être là où j'étais, avec le jeune homme que mon cœur avait choisi, et que je pensais ne jamais pouvoir rencontrer. Je vivais, je respirais, j'avais un cœur, une âme et des sentiments intenses. J'adorais Michael si fort, tout à coup, que je me sentis bien.

Je fus prise d'un rire nerveux, mais incontrôlable. Tous les deux eurent l'air étonnés de me voir rire comme ça, alors qu'il y a deux secondes, j'avais une tête de déterrée. La Toya se mit enfin à rire (elle était toujours à terre), ainsi que Michael. Nous fûmes ainsi tous les trois en train de nous marrer, dégageant la tension qui nous serrait le cœur depuis quelques temps. Je n'en pouvais plus, j'avais mal à la tête et aux abdos, je n'arrivais plus à respirer, mais cela me soulageait et j'aimais voir Michael rire d'aussi bon cœur.

J'allais mieux.