« Tu as des frères et sœurs ? » demanda Michael, lorsque, dix minutes plus tard, nous réussîmes à nous calmer.
« -Oui, j'ai un frère et une sœur.
-Seulement ?
-Ben oui…tu sais, dans mon époque, les familles sont beaucoup moins nombreuses ! » répondis-je, amusée de la réaction de surprise de Michael.
« -Tu ne t'ennuies pas ? » dit La Toya.
« -Certainement pas ! Ils prennent chacun la place de trois frères et trois sœurs ! » plaisantais-je
« -Je pense qu'à moi, cela me ferait bizarre de ne pas me sentir constamment entouré ! » dit Michael
« -Ben, au cas où, tu as toujours les fans ! Tu ne peux pas te sentir seul ! » dis-je en souriant. Il eut un air un peu triste en répondant : « Oh, que si ! Cela peut paraître paradoxal, mais malgré tout l'amour qui me provient d'eux, je me sens parfois seul. Et puis les fans sont gentils dans le fond, ils ne se rendent pas compte du mal qu'ils nous font…ça t'attrape la manche d'un côté, ça t'arrache les cheveux de l'autre, et de tous les côtés, ça hurle ton nom…
-Un jour, Mike a failli se faire étrangler, car des fans le tiraient par son écharpe ! » ajouta La Toya. Michael hocha la tête en se pinçant les lèvres : « Oui, c'est vrai…il y a des fois où c'est vraiment effrayant ! … »
« -J'ignorais que tu ressentais cela ainsi… » dis-je tout doucement. Je me sentais un peu vexée que Michael puisse sentir ses fans comme un danger permanent, mais en même temps, je réalisais à quel point il avait peur de la foule. J'admettais que les fans hystériques pouvaient être violents.
« -Ce n'est pas de leur faute, ils ne s'en rendent pas compte. » répéta t-il.
« -Ta famille ne te manque pas ? » demanda La Toya, changeant de sujet. Je souris : « A moi, non…pas encore, du moins !
-Tu ne crois pas qu'ils doivent se demander où tu es ? » Je haussais les épaules : « Je n'en sais rien…à vrai dire, je n'ais pas tellement l'impression d'être indispensable à…
-Il ne faut pas dire ça. » me coupa Mike
« -Pourquoi ?
-Bien sûr que tu leur es indispensable ! Tu es leur fille, et la sœur aînée !
-Et alors ? Ils ne…oh, et puis s'il vous plaît, ne parlons plus de ça ! …J'ai eu tellement de mal à quitter cette vie, à venir ici, avec vous !
-Avec lui ! » corrigea La Toya en désignant son frère du doigt. Je souris. Michael sourit aussi et nos regards se croisèrent.
Il fini par conclure : « Comme tu veux. Si tu désires arrêter de parler de ce sujet, nous n'en parlons plus. »
Comme il ne tient jamais en place, il ne cessait de bouger pendant la conversation : il se levait, faisait les cent pas, dansait, se rasseyait, se relevait, tout en discutant. Aussi, lorsqu'il se remit à faire les cent pas, La Toya, excédée, lui dit : « Tu commence à être énervant à toujours bouger !
-Mais je ne peux pas rester assis !
-Ce n'est rien, La Toya, laisse-le… » dis-je calmement
« -Ecoutes » reprit-elle sans faire attention à moi : « Soit tu restes tranquille, soit tu sors !
-Tu exagères ! » m'exclamais-je
« -Mais il me donne le tournis ! »
« -Désolé ! » fit Michael « je vais essayer de rester calme. » Il se rassit.
Mais dés les cinqminutes suivantes, il se montra nerveux, jouant de plus belle avec les plis du drap, puis il « craqua » et fini par se relever : « Je vous laisse, je me sens incapable de rester en place !
-Eh bien, va dans une autre pièce ! » s'exclama sa sœur
« -La Toya… » fis-je en soupirant
« -Laisse » me dit Michael : « Elle a raison, je dois être insupportable. Continuez à discuter tranquillement, je vais dans ma chambre…je t'assure que ce n'est rien ! » ajouta t-il en voyant ma tête. Et il sortit.
Quelques secondes de silence passèrent, pendant lesquelles je fixais La Toya d'un regard noir. Elle le savait et faisait comme si de rien n'était. Au bout d'un moment, elle ne tint plus, fut gênée et sourit nerveusement : « Quoi ! » Je détournais mon regard : « …Rien. »
Je commençais à me lever de mon lit. Aussitôt, elle accourut : « Où tu vas ?
-Il faut que j'aille aux toilettes.
-Je t'accompagne ! » dit-elle en se précipitant sur moi
« -Mais je vais bien, c'est pas la peine ! » Elle ne voulu rien entendre et me suivit dans l'escalier. Je commençais à me demander si elle me permettrait d'y aller seule, ce qu'elle fit heureusement, mais lorsque je sortis, elle me prit par le bras : « Allons, maintenant il vaut mieux que tu retournes te coucher !
-La Toya, ce ne serait pas plutôt toi qui aurais besoin de repos ? » Elle fronça les sourcils et essaya de me tirer par le bras vers ma chambre. Je restais accrochée à la rampe d'escalier et elle tirait de plus belle. On était bien parties pour se battre : « Non ! Mais laisse-moi !
-Comment ça, non ! » Au fur et à mesure que nous nous disputions, notre ton montait de plus en plus.
« -Occupe-toi de tes affaires, je ne suis pas un bébé !
-Peut-être, mais tu es malade !
-Laisse-moi tranquille ! Je voudrais descendre !
-Pourquoi ?
-Ben parce que je veux descendre ! » A ce stade, toute la maison devait être au courant de notre « discussion »
« -A pieds nus !
-Oh, mais ne t'inquiètes pas ainsi ! »
Michael sortit de sa chambre et, en nous voyant, moi collée à la rampe, et sa sœur essayant de me délier les doigts, il s'avança en se marrant : « Mais qu'est-ce que vous avez à hurler comme ça ! » La Toya le pria de me raisonner : « Aide-moi, empêche-la de descendre !
-Ben pourquoi ? Laisse-la descendre, si elle veut descendre ! Elle est grande, non ? » Je lui souris. La Toya le regarda d'un air dégoûté puis elle me lâcha enfin les doigts et s'éloigna : « Oh, et puis zut ! T'as qu'à t'en occuper, toi, puisque t'as toujours raison !
-Ne te fâche pas comme ça ! » lui dit-il en rigolant de plus belle. Elle haussa les épaules, les bras croisés. Michael se tourna vers moi : « Alors, tu voulais descendre, eh bien nous y allons. Tu veux qu'on aille se promener dehors ? » J'acquiesçais, mais au même moment, La Toya râla derrière : « Mais elle n'a même pas de pantoufles !
-Et alors ? C'est très agréable de marcher dans l'herbe à pieds nus ! » lui répondit-il.
Puis il me prit la main, me sourit et nous descendîmes l'escalier. D'en haut, La Toya protestait : « J'vous dis que ce n'est pas une bonne idée ! Son état va s'aggraver ! » En la présence de Mike, je me sentais plus forte, aussi, j'eus le courage de lui lancer : « Et moi, je te dis que je vais bien, alors lâche-moi les baskets ! » Furieuse, elle nous suivit en m'engueulant : « Okay, okay ! Mais ne viens pas te plaindre si tu tombes dans les pommes ! »
En parlant avec La Toya, je ne m'aperçu pas tout de suite que Michael s'était arrêté à l'entrée du salon et qu'il tirait à présent sur ma main pour me faire reculer. Je le regardais, et suivis des yeux un point devant lui qu'il fixait, comme paralysé.
Jeff était assit sur le canapé.
Tout se passa très vite : je ne pus m'empêcher de pousser un petit cri de stupéfaction et je perdis l'équilibre le temps d'une seconde. Michael m'empêcha de tomber par terre. Katherine, qui était dans la pièce, se précipita sur moi : « Mon Dieu, elle fit une rechute ! Allez la recoucher ! » cria t-elle à l'adresse de Mike et La Toya. Ils me relevèrent et voulurent que je m'appuie sur leurs épaules, mais je me dégageais en répétant : « Je vais bien ! » Ce n'était pas réellement le cas, mais je ne voulais pas qu'ils s'abaissent à m'aider, moi, une simple fan. Je remontais donc dans ma chambre devant eux, en voyant des étoiles autour de moi.
Je repensais à ces dernières secondes : je n'avais pas arrêté de fixer mon regard sur Jeff, qui l'avait soutenu. Et lorsque j'avais manqué de m'évanouir, il n'avait pas fait le moindre petit geste pour me venir en aide, comme s'il s'était attendu à ma réaction et qu'il en était fier. Toujours aussi égoïste.
Je m'allongeais dans mon lit et La Toya remonta mes couvertures. J'étais bouleversée. J'étais tout à l'heure si heureuse de vivre que j'en avais complètement oublié Jeff, ainsi que ce qui m'attendait. Tout cela m'était soudainement retombé dessus et me donnait l'impression qu'une brique avait atterri dans mon estomac.
La Toya soupira : « Je t'avais bien dis que ce n'était pas une bonne idée ! » Je la regardais. Sa remarque venait de me donner des soupçons. Je me redressais brusquement en lui criant : « Tu veux dire que tu savais qu'il était là !
-Non, certainement pas ! » répondit-elle, étonnée et un peu vexée. Son air sincère m'apprit assez qu'elle ne pouvait pas être complice.
« -Je me demande qui l'a fait entrer… » fit Michael. Puis soudain, il eut une idée et me regarda les yeux écarquillés : « La trappe !…C'était lui qui y était ! » Il me parut d'une lenteur stupéfinate. Il ne faisait que confirmer ce que je savais déjà, puisque je l'avais vu et, du même coup, appris mon « devoir » dans cette maison, mais si je lui disais que je le savais, il risquerait de me demander des explications, ce que je redoutais. Je me devais de faire comme si je ne savais rien. Je haussais les épaules : « Oui, sans doute. »
La Toya nous regardait sans comprendre : « Quelle trappe ? » Nous lui expliquons : « Hier, on a vu Joseph porter un plateau de nourriture dans la trappe du grenier et le ressortir vide. On s'est dit que quelqu'un y était…
-Et apparemment, ça devait être Jeff. » termina Michael. La Toya fut bouche bée : « Jeff ? Mais pourquoi tu veux que Joseph le cache là-haut ?
-Ca, on n'en sait encore rien ! » répondit-il. Je me gardais bien de rajouter quoi que ce soit. Ils continuèrent à émettre des hypothèses :
« Peut-être qu'ils préparent un truc…ils font la paire, tous les deux !
-Ou peut-être pas ! C'est peut-être parce que ses parents n'en veulent plus ! » dit Michael en rigolant.
« -Mike, soit sérieux !
-Ben quoi, c'est une possibilité ! » répliqua-il en haussant les épaules.
Je restais les yeux dans le vague, repensant à ma nuit dans le grenier. Je les enviais d'être aussi naïfs. J'aurais bien voulu être comme eux, ne sachant pas que j'allais subir, et faire subir au garçon que j'aimais, un nouveau traumatisme. Je n'aurais jamais dû monter dans ce grenier. J'ai toujours pensé que ma curiosité m'attirerait des ennuis. Et bien c'est fait.
La Toya s'aperçut que j'étais dans mes pensées et me dit : « Et alors, tu ne dis rien, toi ! » Je me forçais à sourire un peu en rehaussant les épaules et regardais Michael en espérant qu'il arrête le massacre. Il sembla lire dans mes pensées car, en me regardant à son tour dans les yeux, il lui répondit à ma place : « Tu sais, avec le souvenir qu'elle a de lui, je doute qu'elle ait très envie de continuer sur ce sujet…
-Ben justement, Michael ! » s'écria t-elle « Tu as raison ! Joseph le garde ici parce que sa famille ne veut pas le reprendre, mais sachant que Lucile ne veut pas le voir, il le met à l'abri des regards dans le grenier !
-Toya… » commença Michael. Elle sembla ne pas l'entendre et prit un air de réflexion très intense en continuant pour elle-même : « Quoique ça me semble un peu trop gentil de la part de Joseph…
-LA TOYA ! » répéta son frère. Elle sembla brusquement prendre conscience de ce qui se passait autour d'elle et prit un temps de réflexion avant de murmurer : « Ah…pardon ! »
Elle avait l'air embarrassée et le silence s'installa dans la chambre. Elle finit par se lever en disant : « Je crois que je ferais mieux de vous laisser seuls. » Là-dessus, elle quitta la pièce. Dans le fond, ça tombait bien parce que j'avais envie de rester seule avec Michael. Ce n'est pas que je lui en voulais, non, j'adorais La Toya ! Mais il se trouve que, naturellement, j'aimais beaucoup plus son frère – et d'une autre façon – et que, parfois, je la trouvais gênante. C'est pourquoi, en particulier dans l'état autant physique que moral dans lequel j'étais, je souhaitais me sentir plus proche de Mike, d'autant plus que, assit sur mon lit, il m'avait prit la main. Douce, tiède, avec des doigts longs et fins serrant doucement les miens, comme j'aimais cette main ! J'aurais aimé qu'elle serre toujours la mienne ! Mais bon, il ne faut pas charrier, Michael ne m'appartenait pas ! Entre ses repas, son repos, ses loisirs, ses séances d'enregistrement à la Motown, il n'avait pas que ça à faire de me tenir la main ! Raison de plus pour que je savoure chaque instant où il le faisait…
Aussi, à ce moment, je posais ma deuxième main sur la sienne, et il fit de même avec son autre main. Nos mains étaient donc les unes contre les autres, et je sentais leur chaleur jusque dans ma chair.
Comme je les observais, je sentis que Michael me regardait aussi fixement. Il me dit tout à coup : « Je sais à quel point cela t'a fait mal et que tu le vis difficilement, mais je ne pensais pas que ça te mettrait dans un tel état. » Je mis un bon moment à comprendre qu'il me parlait de ma nuit à l'hôtel avec Jeff. « Il faut que tu essaies d'oublier, afin que ce souvenir douloureux ne revienne pas chaque fois que tu vois ce type ! »
Il fallait que je lui dise que j'avais été dans le grenier, que je savais déjà que c'était Jeff, et pourquoi il était là…
« Michael…
-Oui ? »
Quoique non. Je ne voulais pas qu'il soit dans le même état de panique que moi, et puis il penserait peut-être que je suis dans le coup, il pourrait mal me juger…
« -…Eh bien…Je sais qu'on avait fait un pari, mais avec La Toya, dans un restaurant, lorsque je me préparais pour la fête de l'autre jour…ben, j'ai mangé de la viande.
-Hein… ? » Il me regarda les yeux ronds.
Je ne m'attendais pas tout à fait à ce qu'il devienne furieux, mais certainement pas à ce qu'il éclate de rire : « Comment cela ? …mais ce n'est pas dramatique !…je savais bien que tu ne tiendrais pas, mais ce n'est rien ! Mais tu me fais bien rire, tu vois…je n'ais pas l'impression que ton aveu soit dans le contexte initial ! » Il était mort de rire. Certes, cet aveu était ridicule. Je riais aussi. Et dire que j'étais sur le point de lui avouer que ses parents s'étaient mit dans la tête que je devais le dépuceler !
En l'observant en train de calmer son rire, en détaillant les traits fins de son visage, ses yeux rieurs, son nez un peu retroussé, ses lèvres tirées en un grand sourire, j'eus un profond sentiment d'affection pour lui et j'eus un élan pour l'enlacer mais je me retins au dernier moment, ne le sentant pas très à l'aise pour je ne sais quelle raison. Je le sentais comme intimidé, comme la première fois que l'on s'était vu. J'avais peur qu'il ne me trouve gênante, qu'il ne me prenne pour une fille fragile, qui passait son temps à chialer. Après tout, peut-être étais-je vraiment ainsi ? …
C'est lorsque son beau sourire s'effaça du visage de Mike que je réalisais que j'avais dû changer de physionomie, passant du sourire, à un air pensif et inquiet. En particulier lorsqu'il me demanda : « Tout va bien ?
-Bien sûr que oui. » mentis-je après une petite hésitation.
Il n'eût pas l'air très convaincu, mais au moment où il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, la voix de Katherine résonna dans les escaliers : « Mike, tu peux descendre une minute, s'il te plaît ? » Il se leva en s'excusant et sortit : « Je reviens ! »
Lorsqu'il referma la porte, je me retrouvais donc seule. Je me rallongeais afin de me reposer un petit peu. Je me mis à réfléchir : qu'avait-il ? Pourquoi avait-il l'air tout gêné ? Je n'étais plus une étrangère, tout de même. Nous nous étions bel et bien déclarés notre flamme réciproquement, non ? Mais vraiment, on aurait dit moi rencontrant une famille entière ! Peut-être était-il au courant de…Non, impossible ! Si ça avait été le cas, je pense qu'il m'en aurait parlé…Mais moi je le sais, pourtant je ne lui en ais pas touché un mot. Peut-être raisonne t-il comme moi et estime préférable de ne pas en parler ? Je haussais les épaules.
Je m'étais mise à compter les mouches quand la porte s'ouvrit brusquement. Je me redressais : « Michael ? » Non. C'était Joseph.
Que faisait-il ici ? Il avait l'air furieux. Pourquoi ? Contre moi ? Qu'avais-je donc fait ! Il repoussa la porte derrière lui et avança directement vers mon lit. Mon rythme cardiaque s'accéléra. Que me veut-il ? Que va t-il me faire ? Sans aucune précaution, il me prit les poignets et tira dessus en marmonnant : « Marre de cette gamine qui se plaint toujours et qui s'évanouit pour un rien ! … » Moi, me plaindre ? Il me souleva complètement, me faisant sortir de mon lit, et me posa violemment par terre, sur mes deux pattes, ce qui me fit un mal de chien. Je n'eus qu'un sursaut. Paralysée par la peur, je ne pus sortir aucun son. « Malade, ça ? Balivernes ! Tu tiens sur tes jambes, alors debout ! » Bien entendu que je tenais sur mes jambes…à partir du moment où il m'avait planté dessus comme sur deux piquets, là…
Il jeta des coups d'œil autour de lui, toujours sans me lâcher les poignets, comme si quelqu'un pouvait nous voir, surtout qu'il avait fermé la porte. J'aurais voulu que Mike soit resté. Il continua encore plus bas : « Monsieur Jefferson m'a informé que tu savais pourquoi nous te gardions. » C'était la première fois qu'il s'adressait directement à moi, surtout en me tutoyant. A cette phrase, et à l'attente de la suivante, je serrais mes poings. Mes mains étaient moites. Me lâchant les poignets, il m'attrapa les épaules, qu'il secouait légèrement à chacune de ses phrases : « Tu sais que l'avenir de Michael dépend de toi ! Reste droite ! Nous ne te gardons pas ici par pure charité, figure-toi ! » ajouta t-il en voyant que je ne réagissais pas. A vrai dire, j'en avais tellement sur la patate que je n'avais plus aucune réaction. « Estime-toi heureuse de pouvoir manger et dormir chez nous, mais en échange, tu te dois bien de nous rendre un service. Et si cela ne te convient pas, tu seras mise à la porte, et je m'arrangerais personnellement pour que tu ne revoies plus ton petit chéri ! »
Je transpirais de plus en plus. Je réalisais soudain que ma lèvre inférieure tremblait et que je gémissais. Je reprenais aussitôt mon contrôle en refermant ma bouche. Encore une fois, il regarda un peu derrière lui puis, enfin convaincu de n'être vu de personne, il murmura si bas que je dus calmer ma respiration pour le comprendre : « Mais si le travail est bien fait et que tu désires être payée, on peu s'arranger… » Sa voix s'adoucit et il me parlait à présent comme à un enfant à qui l'on demande ce qu'il souhaite pour son Noël : « Dis-moi…combien tu veux ? Cinquante dollars ? Soixante ? Non ! CENT ! Je peux monter à deux cents si tu veux… » Il voulait me payer ! Je rêve ! Il me prenait pour une pute ! J'étais pétrifiée. Il attendit, se fâcha de nouveau et se remit à me secouer : « Bon, tu te décides, oui ! Je n'ai… » Il s'interrompit en regardant en direction de la porte. En tendant l'oreille, je m'aperçus aussi que quelqu'un montait. Joseph me lâcha et retourna vers la porte. Il m'adressa un dernier regard noir avant de sortir précipitamment.
Je tremblais de fatigue, de peur et de rage. Pour qui me prenait-il ? Tout cela me donnait la nausée. J'étais encore debout devant mon lit, lorsque Michael entra : « Excuse-moi, Maman voulait que je l'aide à… ça ne va pas? » Il venait de se retourner vers moi après avoir refermé la porte. Ma respiration était saccadée, j'étais parcourue de sueurs froides et de frissons, mais je lui répondis un peu vite : « Toutvabien. » Je me rendis compte seulement après que ma voix était rauque. Un peu embarrassée, je m'éclaircis la voix. Michael avança doucement vers moi en me fixant de ses yeux écarquillés : « Mais…tu es encore plus pâle que ce matin ! » Sentant que je ne pouvais plus cacher les tremblements de mes jambes, je m'assis sur mon lit : « Ah bon…je…je vais bien, pourtant ! … » J'avais toujours le regard dans le vague. Il s'assit à côté de moi et m'observa pendant plusieurs minutes, alors que je refusais de le regarder, me sentant incapable de tenir son regard.
Ne pouvant plus rester enfermée dans cette chambre avec ce jeune black qui commençait à devenir embarrassant, je me levais et me dirigeais vers la porte pour sortir. Il ne dit rien. Je venais de descendre l'escalier lorsque la porte de ma chambre se rouvrit. D'en heut, Michael m'interpella : « Où tu vas ?
-Je ne sais pas. » Je m'arrêtais. Il descendit lentement, les mains dans les poches et, stoppant devant moi, il regarda ses pieds, fit un petit tour autour de moi, me rappelant le début du clip de The Way You Make Me Feel, puis il fit des petits demi-cercles avec la pointe de tes chaussures en murmurant : « Et…tu n'étais pas sensée te reposer ?
-Non, non, je vais parfaitement bien ! Je me sens en pleine forme ! » répondis-je avec un enthousiasme qui sonnait un peu faux.
« -Bien…c'est chouette que tu sois guérie…alors…
-Qu'est-ce que tu fais en dehors de ta chambre, toi ! » Il fut interrompu par La Toya qui montait l'escalier.
« -Ne recommence pas, toi! » lui dis-je
« -N'empêche que la dernière fois que je me suis inquiétée pour toi, ça s'est révélé exact !
-Oui, mais là je vais beaucoup mieux et je n'ai plus besoin de me reposer. » Elle resta à me regarder les mains sur les hanches puis elle fini par dire : « Si tu le dis…
-Tu es bien élégante, aujourd'hui, tu as un rendez-vous galant ? » fit remarquer son frère en riant
« -N'importe quoi…nous allons en ville avec Maman.
-Okay, je vais me préparer.
-C'est inutile, tu ne viens pas !
-Pourquoi ?
-Je sais pas, Maman a dit que Lucile avait besoin d'une compagnie, donc tu reste avec elle. » Le sourire qu'avait fait naître la blague de Michael disparut de mon visage. Je craignais de comprendre : « Et, euh…Jeff va avec vous ?
-Bien sûr que non, il reste ici ! Il ne restera plus que vous trois dans la maison. »
