Après que nous eûmes avalé nos sandwiches, Michael et moi nous mîmes en route vers la direction indiquée par Jeff. Nous marchions en silence, main dans la main, avec comme une impression de vide. Au moins, il allait être heureux là où il allait. Michael me regarda un instant, je resserrais mes doigts autour des siens : Et nous ? Où allions-nous ? Allions nous enfin pouvoir être ensemble, et heureux ?

Il me sourit, puis regarda de nouveau devant nous – vers le futur, comme s'il avait deviné mes pensées.

Au bout d'une vingtaine de minutes de marche et de contemplation de panneaux, nous arrivâmes à la rue indiquée.

« C'est cette maison-là ?

-Non, c'est plus loin, c'est le numéro vingt-cinq. »

Nous nous arrêtâmes devant une vieille bâtisse en briques noires, et au toit en tuiles rouges usées. Les marches du perron, en pierre blanche, étaient sales et émiettées par le temps, la porte en chêne était par contre parfaitement vernie. Dans une rue où toutes les maisons étaient d'un blanc immaculé, avaient de beaux jardins et étaient impeccablement alignées, cette maison-ci faisait plutôt tâche.

« Tu es sûr que c'est ici ? » demandais-je à Mike en relisant, par-dessus son épaule – enfin son épaule étant trop haute pour moi, c'était plutôt par-dessus son bras que je regardais, mais bon c'est une façon de parler – l'adresse qu'il tenait dans sa main. Il me montra, à droite de la porte, l'ardoise noire clouée sur la pierre. Dessus, un « 25 » tracé à la craie.

« Il a peut-être mal écrit… » dis-je avec une once d'espoir. Contrairement à moi, Michael avait l'air curieux : « Et si on sonnait ? » Nous montâmes les marches du perron et j'appuyais sur la sonnette, qui résonna en faisant un bruit assez moche – genre la vieille sonnette de l'époque de Louis XIV.

On attendit, ne sachant pas trop si nous devions rester devant la porte ou faire demi-tour.

La lourde porte finit par s'ouvrir et je reconnus, entre regret et soulagement, le jeune homme qui m'avait donné cette adresse. Il nous fit un grand sourire en s'exclamant : « Ah, vous voilà ! Je vous attendais ! » Mike et moi échangeâmes un regard étonné. Il nous invita à entrer.

L'intérieur était à peu près aussi miteux que l'extérieur, de la tapisserie qui se décollait, au canapé défoncé, à la vieille télé en noir et blanc. De la même façon que la lourde porte d'entrée en chêne, seule la cheminée en pierre blanche finement polie et sculptée était magnifique. L'air était agréablement frais, ce qui tranchait avec le soleil de plomb de dehors. Richard nous pria de nous asseoir et nous offrit de l'eau, si rapidement que nous ne pûmes en placer une. Ce ne fut que le verre dans la main que je pus lui demander : « Hem… excusez-moi, mais…

-Oh, pas de ça. Tutoies-moi, on se connaît ! »

Un peu surprise, je repris : « Comment se fait-il que tu nous attendais ? »

Il sourit de plus belle : « C'est simple, on ne parle que de vous à la radio depuis ce matin. Je savais que vous viendriez ici. »

Sur ces mots, il alluma sa vieille radio. On parlait justement de nous aux infos : « Le jeune chanteur Michael Jackson, membre du groupe de soul music Jackson Five, est toujours porté disparu. Rappelons qu'il a été enlevé hier soir par une jeune groupie qui résidait chez la famille Jackson…

-C'est ridicule ! » s'écria Michael en fusillant la boîte à sons du regard. « Je n'ai pas été enlevé, je me suis enfui de mon plein grès !

… la police recherche activement les jeunes personnes, et nous sommes sans nouvelles depuis une folle course-poursuite qui a eu lieu ce matin. La police essayait d'attraper le couple qui s'enfuyait avec un complice, du nom de Nigel Jefferson d'après les renseignements donnés par Joseph Jackson. Nigel Jefferson était déjà connu des commissariats pour achat et consommation de produits illicites, attentat à la pudeur, et gestes insultants envers un agent… »

Michael et moi nous mîmes à pouffer.

« Appel à la population, si vous avez des renseignements à propos de ces personnes, veuillez en informer le poste de police le plus proche de chez vous. Merci. Météo : demain matin… » Richard éteignit la radio et posa un journal sur mes genoux : « Vous êtes en première page, à croire qu'il y a des fans à la rédaction ! »

En effet, la première chose que je vis, ce fut le gros titre, en gras, étalé sur le haut de la page : « Soul star enlevée par sa groupie ! » en dessous, une des fameuses photos de cette aussi fameuse descente d'avion. C'est incroyable, je n'avais pas remarqué à quel point les flashs avaient fusé à ce moment-là ! Sur cette photo, Mike et moi étions en train de courir à la limousine. En légende, je lisais : « Michael Jackson et Lucile, lors de leur dernière apparition publique. » Mon nom était écrit en italique.

« Apparemment ils ont dû prendre leurs informations auprès de mes parents, ils ne connaissent que ton prénom… » Il se mit à lire l'article en continuant à marmonner : « Ils auraient été voir mes frères et mes sœurs, ils auraient su que ton nom c'est Destribats »

Prononcé en américain, je ne reconnu pas tout de suite mon nom, mais je réagis bientôt : « Comment le sais-tu ? Et eux ? Je ne l'ai pourtant dis à personne !

-Moi, je le sais car j'ai lu ta carte d'identité le jour où tu m'as surprit fouillant dans ton sac. Je l'ai dit à La Toya pendant que Janet et Randy jouaient dans la même pièce que nous ; et un jour, j'ai surpris Marlon, qui téléphonait à Jermaine, parler de toi et prononcer ton nom. Je suppose qu'il y a dû y avoir des fuites. » dit-il avec un sourire. « Mais le fait que mes parents ne le sachent pas prouve que ça ne part pas dans tous les sens !

-C'est une bonne chose. » observa Richard, assit dans un fauteuil mité en face de nous. J'avais presque oublié sa présence, aussi, je le regardais d'un air un peu absent.

Il sourit et fit : « Vous formez vraiment un beau couple, tous les deux ! » Michael leva les yeux de son journal et regarda Richard, interloqué. De nouveau, nous échangeâmes un regard.

Notre hôte garda son sourire pendant cinq bonnes minutes, puis il se leva brusquement en s'écriant : « Okay ! » en frappant dans ses mains. Je sursautais et renversais de l'eau sur ma jambe. Reculant mon verre, je laissais échapper : « Merde ! » pour aussitôt plaquer ma main sur ma bouche, confuse : « Pardon ! »

Richard rigola : « Ce n'est rien, va ! Il ne faut pas avoir peur comme ça ! » Michael posa sa main sur mon épaule, je le regardais : il souriait d'un petit air moqueur. J'eus un rire nerveux.

Richard continua : « Bon, je disais que j'allais préparer le repas. Si vous voulez, vous pouvez visiter le domaine. Vous n'en aurez pas pour longtemps, ça n'est pas bien grand. »

J'aurais préféré rester assise à feuilleter le journal, mais la curiosité de Mike le fit se lever, faire quelques pas, se retourner vers moi et me dire : « Viens ! » en me tendant la main. A regret, je me levais et nous fîmes le tour de la maison. Il y avait peu de pièces et elles étaient petites. Toutes étaient dans un piteux état, à croire que la maison avait été abandonnée aux vandales les plus destructeurs depuis plusieurs années. Les murs, les vitres, les meubles avaient été hâtivement réparés, et des cartons encore fermés se retrouvaient dans les pièces. « C'est autre chose que Havenhurst… » soufflais-je à Michael. Cela n'avait pas l'air de le déranger outre mesure.

Lorsqu'on revint voir Richard, il s'affairait aux fourneaux en disant : « C'était court, hein ? Le repas n'est pas encore prêt. Vous devriez en profiter pour prendre votre douche. »

Honneur aux dames, Mike me laissa la priorité : « Tu te rappelles où est la salle de bains ? » me chuchota t-il d'un air ironique. « Sur la porte c'est marqué à la craie. »

Comme il n'y avait pas de salle à manger et que la cuisine était trop petite pour recevoir une table, nous mangions directement sur une petite table basse, assis dans le canapé, devant la télévision. Michael était en peignoir, et j'avais déniché, avec l'aide de Richard, un énorme T-shirt qui me servait donc de chemise de nuit. Nos vêtement avaient été lavés au lavabo et séchaient étendus sur le dossier d'une chaise, devant la cheminée allumée. Cette source de chaleur n'était pas désagréable car la maison était relativement fraîche et nos cheveux étaient mouillés. J'appréciais beaucoup cette atmosphère. Pour sûr, c'était autre chose que Havenhurst, mais c'était si sécurisant, si intimiste, si douillet…

Nous mangions en silence, regardant le feuilleton en noir et blanc à la TV, quand Richard nous dit : « Et maintenant que vous êtes fugitifs, vous allez faire quoi ?

-Ben, on va rester ici ! » dis-je sur un air de plaisanterie.

« Ah bon, d'accord. » répondit-il. Je fus plutôt surprise de cet accord si rapide. A dire vrai, cela m'arrangeait, ça me plaisait bien cette façon de vivre. Mais bon, il faut aussi tenir compte de l'avis des autres. Michael ne se prononçait pas, mais je n'osais le lui demander. Avec le groupe, sa famille, ses fans, son avenir, il lui était impossible de songer à rester ici éternellement.

« -On ne te dérange pas, au moins ? » demandais-je à notre hôte

« -Oh non, pas du tout ! Vous me faîtes de la compagnie, au contraire ! Je suis enchanté de vous héberger ! »

Je lui souris, c'était vraiment très généreux de sa part !

« -Je peux te poser une question ? » fit Michael à côté de moi.

« -Oui, Michael ? » interrogea Richard.

« -Pourquoi on mange dans un bol avec des baguettes ?

-Parce que les assiettes sont sales, alors j'ai prit les bols. Comme ça changeait, j'ai décidé de faire complètement asiatique en mettant les baguettes. D'ailleurs je me suis arrangé pour que le riz colle un peu plus. Pourquoi, ça ne te convient pas?

-Ben, c'est pas ça, mais… » Le front plissé, il se concentrait pour attraper le riz. Il se battait littéralement avec ses baguettes : elles se croisaient ou s'écartaient mais refusaient catégoriquement de permettre à Mike de manger. Il en mettait partout sauf dans sa bouche. J'émis un rire moqueur et attendrit.

Michael me regarda du coin de l'œil : « C'est ça, moques-toi ! » Richard ne rigolait pas encore mais souriait toutes dents dehors.

Je posais mon bol sur la petite table, et m'approchais davantage de Mike : « Attends, tu t'y prends mal. » Je pris ses doigts et les plaçais sur la baguette : « Tiens-la comme si tu tenais un crayon. » Il s'exécuta et je plaçais la deuxième entre ses doigts. Etrangement, j'avais l'impression qu'un silence nous entourait, bien que le vieux feuilleton projetait toujours le même son. Peut-être était-ce parce je sentais que Michael regardait plus mon visage que ses baguettes. Ce n'était pourtant pas la première fois que je touchais ses mains.

Une musique, belle et étrange, se fit entendre. Je me rendis vite compte que ce piano n'existait que dans ma tête, mais je ne connaissais pas cette mélodie. Elle ne pouvait pas venir de moi, elle semblait lointaine. Michael ne bougeait plus ses mains et je sentais qu'il m'observait toujours. Je redressais la tête et nos regards se croisèrent. Immédiatement, la musique se fit plus forte, plus intense. Ce n'était plus un piano que j'entendais, mais tout un orchestre qui jouait cet air inconnu, et qui accompagnait même un chant dans une langue que je ne connaissait pas. Michael ne lâchait pas mes yeux du regard, je ne quittais pas les siens. Ma main tenait toujours la sienne, qui était elle-même sur ses baguettes, qui étaient, elles, dans son bol de riz. Nous ne bougions pas. Seuls nos yeux bougeaient, passant d'un œil à l'autre.

J'avais vu de nombreux ciels dans son regard, mais jamais je n'avais entendu une telle musique, qui semblait venir de lui. L'atmosphère se modifiait, le temps s'arrêtait rien que pour nous, le feu derrière Mike nous réchauffait, dans ses yeux marrons je voyais mon visage.

« Hem… » toussota Richard. Je clignais des yeux et, brusquement j'entendis de nouveau la télévision. Michael aussi cligna des yeux. Je me rasseyais face à Richard, je repris mon bol, et Michael mangea son riz. Richard nous regarda et nous dit : « Vous êtes marrants, tous les deux ! » D'un air étonné, Michael et moi échangeâmes un regard. Plus de musique. Juste une télé, une cheminée, et du riz.

Lorsque nous eûmes terminé le repas et que Richard eût débarrassé les bols, il nous dit : « Bien, alors pour dormir, il n'y a qu'un lit pour deux personnes en haut, et ici sur le canapé. » Il réfléchit et proposa : « Michael, si tu veux tu dormira sur le canapé, et Lucile dormira avec moi en haut. » Je regardais Mike d'un air embarrassé.

« Ou bien » continua Richard « Nous partageons le lit et Lucile dort sur le canapé ? » Cette fois, ce fut Mike qui m'envoya un regard dégoûté. Richard leva les yeux au ciel : « Ca va, j'ai compris. Je vous laisse le lit et je dors sur le canapé ! »

Aucun de nous ne broncha, nous optâmes donc pour cette solution. J'avais la nette impression que ça ne rassurait pas beaucoup plus Michael, mais il ne m'avait pas envoyé de regard dégoûté, donc je considérais que ça ne le gênait pas trop.

Nous montâmes donc dans la chambre. En nous éloignant de la cheminée, nous ressentions la fraîcheur de la maison qui nous faisait frissonner. Il était relativement tard, le soleil ne pouvait donc plus nous réchauffer. En arrivant dans la chambre, Michael commenta : « Dommage qu'il n'y ait pas de cheminée, ici ! » Je scrutais l'obscurité : aucune lampe, pas de trace d'ampoule au plafond, la seule façon d'éclairer la pièce était une bougie posée sur un tabouret qui tenait office de table de chevet.

« A l'ancienne ! » soufflais-je en m'approchant.

« Bien, il faut trouver de quoi l'allumer, maintenant ! » ricana Mike. Aucune boîte d'allumettes, pas de briquet… à moins que… je pris mon sac et fouillais dedans… il était encore là ! Je sortis un briquet devant son regard médusé : « D'où tu sors ça !

-Ben, de mon sac !

-Oui, je vois bien mais… tu fumes !

-Naaann ! Je l'avais gagné à une foire, il est toujours resté dans mon sac. » J'observais l'objet et l'approchais de la bougie : « Espérons maintenant qu'il n'est pas bidon… » Du premier coup, je pus allumer la bougie.

Au même moment, Richard entra avec des couvertures : « Le lit n'est pas fait, je pense que cela sera utile pour dormir. Lucile, tu m'aides ? » C'était pas comme si j'avais le choix ; je m'exécutais.

Le lit était tordu et le matelas complètement enfoncé. Je tapais sur les oreillers pour en évacuer la poussière, puis je dis en tendant la main : « Richard, passe-moi le drap. »

Là-dessus, il éclata de rire, mais quand je dis éclater, c'est vraiment éclater. Il était plié en deux, et il s'en fallait de peu pour qu'il ne se mette à se rouler par terre. Michael aussi se mit à rire, moins fort au début, mais son rire s'amplifiait peu à peu. Je restais complètement con, la main toujours tendue vers Richard, à les regarder se marrer comme des patates, sans comprendre. Franchement, qu'il y avait-il de si drôle à faire un lit ?

« Qu'est-ce que j'ai dit ? » demandais-je, blasée. Cette fois, Richard s'étrangla littéralement de rire et Michael se mit à pleurer, assit sur le plancher poussiéreux. Je m'assis sur le lit en soupirant, en attendant patiemment que l'un d'eux me donne une explication.

Richard, lorsqu'il retrouva une respiration à peu près normale, m'expliqua : « Tu peux pas comprendre, tu es française !

-Ben en quoi ça vous fait marrer ? Explique !

-Eh bien, en fait, tu t'es trompée d'accentuation, tu as dit 'shit' au lieu de 'sheet'… »

Je commençais à comprendre. De nouveau, je plaquais ma main sur ma bouche : « Ah d'accord ! »

Il continua, haletant : « Ce que tu as dis correspond à peu près à 'passe-moi la merde' » Il rigola de plus belle. Michael essuya ses larmes en réprimant un rire.

« Qu'est-ce que t'as ? » lui demanda Richard. Mike se demanda d'abord quoi, puis il se contenta de hausser les épaules.

« -Il n'aime pas les grossièretés. » dis-je.

« -Oh allez, Mike ! Lâche-toi, personne ne t'en voudra ! » s'exclama Richard. Je le regardais en coin. J'étais d'avis que Mike était sensible, et que c'était son problème s'il n'était pas grossier, c'était même très bien.

Nous nous remîmes à refaire le lit, quand Mike, en passant devant le tabouret, fit tomber la bougie qui s'éteignit. De nouveau dans le noir, nous nous exclamâmes d'une seule voix : « Oh, merde ! » Lorsque j'eus rallumé la bougie, Richard sourit à Mike et lui dit : « Pas mal, pas mal ! »

Nous nous exclamâmes tous de rire.

Michael ne voulant pas dormir en slip – c'était compréhensible – il demanda à Richard de lui prêter un vieux short. Je l'attendais dans le lit pendant qu'il se changeait dans la salle de bain. Pudique, il entra dans la chambre avec le vieux peignoir, qu'il enleva avant de se glisser dans les couvertures. Ca me faisait bizarre de l'observer s'installer et bouger son oreiller ; je partageais le même lit que Michael Jackson !

Lorsqu'il sembla ne plus bouger et prêt à s'endormir, je m'approchais de la bougie, qui était de mon côté et commençait à fondre sérieusement, pour l'éteindre, quand Mike attrapa mon bras et arrêta mon geste : « Attends ! » Le cœur palpitant, je tournais la tête vers lui, il me regardait, accoudé sur son oreiller : « Est-ce que toi aussi tu as entendu une musique, tout à l'heure ? » J'acquiesçais.

« Elle venait de tes yeux, n'est-ce pas ? » poursuit-il.

- "Non, elle venait des tiens.

C'était bizarre… » fit-il, pensif. Puis il me regarda de nouveau : « J'aimerai la réentendre… »

Il prit mes mains dans les siennes et nous plongeâmes dans le regard l'un de l'autre. J'entendis à nouveau cette musique magnifique qui m'emportait. J'étais hypnotisée par les yeux de Michael, je ne pouvais m'en détacher.

Encore, je vis mon reflet dans son regard, ainsi que celui de la bougie toute ratatinée derrière moi, qui était la seule source de lumière. Je voyais cette flamme dans ses yeux, qui dansait. Je nous voyais danser à la fête, sur la musique que j'entendais. Plus je m'approchais de lui, plus j'entendais ce chant magique, plus je voyais de merveilles dans ses yeux, et plus je voulais m'approcher davantage. Nous fûmes bientôt assez proches pour sentir le souffle de l'autre. Michael approcha ses lèvres des miennes… et la bougie s'éteignit.

La musique s'arrêta, je ré-atterris.

« Dommage… » murmura Mike.

Il eut un petit rire nerveux et nous nous éloignâmes l'un de l'autre, gênés. Ca me semblait ridicule, puisque nous nous aimions, mais notre nature plus que timide me semblait une excuse valable. Je m'allongeais et posais la tête sur mon oreiller à l'odeur poussiéreuse, en essayant de dormir. J'avais froid, j'aurais bien aimé dormir dans ses bras, mais je ne m'attendais pas à une telle action de sa part, et je me voyais mal le lui demander.

Je baladais doucement ma jambe pour voir jusqu'où je pouvais m'étaler, et mon sang ne fit qu'un tour lorsque je sentis le pied de Mike plus près que prévu. Nous nous éloignions bien vite. Après plusieurs secondes de silence, Michael me souffla : « Tu as le pied gelé. » Je me tournais vers lui – mes yeux s'étaient habitués à l'obscurité, je pouvais voir certains de ses traits – il était tourné vers moi et lui aussi me regardait.

« -Et toi, tu as le pied chaud ! » répondis-je.

Je crus voir un sourire se dessiner sur son visage : « Tu as froid ? » demanda t-il.

« -Un peu… » dis-je avec une lueur d'espoir.

Il s'approcha et me dit : « Viens. » J'hésitais un eu car je n'étais vêtue que d'un T-shirt et d'une culotte, j'avais les jambes nues, le contact allait donc être « osé » mais comme c'était Mike qui l'avait demandé, fait surprenant de sa part, je m'exécutais. Je n'osais pas trop me coller à lui, mais il avait passé un bras derrière mon dos et me rapprocha davantage. J'entourais son cou de mes bras et passais mes mains froides sur son dos nu.

« Passe tes mains sous mon T-shirt. » lui murmurais-je. Il me regarda d'un air un peu surprit. Je m'empressais d'ajouter : « Pas trop haut, bien sûr ! » Je me soulevais un peu pour qu'il puisse passer un bras sous mon torse et il glissa timidement ses mains sous le vêtement et je sentis leur chaleur sur mon ventre. En même temps, il approcha ses jambes des miennes.

Cela me fit un effet fou et je me surpris à avoir des envies inhabituelles : je voulais l'entourer de mes jambes, je voulais enlever mon T-shirt pour avoir toujours plus de contact et de chaleur, je voulais…

Je réfugiais mon visage dans son cou. Il fallait que je me calme !

J'étais si bien là… Je n'avais plus froid du tout. Michael me murmura : « J'espère que tu es réchauffée… je ne te garantie pas qu'on arrivera à dormir comme cela mais bon, on peut essayer. » Je le sentis sursauter au rythme de son rire. Même si je savais qu'il ne voyait pas mon visage, je souris. Quel bonheur !

Naturellement, je ne dormis presque pas de la nuit. Sachant Michael à mes côtés et m'entourant de ses bras, mon cœur battait la chamade sans se calmer et je fus incapable de m'endormir. Je ne savais pas ce qu'il en était de lui. Lorsque je me réveillais, après environ deux heures de sommeil, je pris de nouveau conscience de la chaleur de ses mains sur mon ventre et je voulus rester toute la journée au lit en sentant ce contact rassurant. Mais en bougeant un peu, je constatais que mine de rien, j'avais dû boire pas mal la veille, et je dû me lever. Après être passée par la salle de bains, je descendis. Je constatais avec stupeur que Mike était dans la cuisine.

« Mais » dis-je, surprise : « Tu dormais encore lorsque je me suis levée !

-Eh bien maintenant, il ne dort plus ! » fit Richard en rigolant. Mike leva un sourcil, d'un air de dire on va dire ça… Il s'approcha de moi et me souffla : « C'est lui qui m'a réveillé ! Il dit que l'avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. » Il avait des cernes, je supposais qu'il avait autant dormi que moi. Il continua : « On se lève à l'aube pour avoir la pêche, qu'y disait, tu parles ! Je m'en fous, la prochaine fois, je ferme la porte à clef pour dormir ! »

C'était exceptionnel de le voir de mauvais poil, mais d'un autre côté, la situation était plutôt comique : Richard avec sa bonne humeur habituelle faisait des crêpes, et Michael, assit, mangeait en faisant la tête, prêt à s'endormir dans son assiette.

« Et toi, pourquoi tu t'es levée ? » demanda Mike entre deux bâillements. Je haussais les épaules : « Besoin urgent.

-Je vois… »

Richard alluma sa vieille télévision : infos, on parlait encore de nous.

« Éteins ça, s'il te plaît ! » râla Mike.

- Je me demande combien de temps encore nous pourrons nous cacher avant qu'ils ne nous retrouvent. » dis-je en regardant Richard éteindre le poste.