Pendant deux semaines, nous vécûmes un véritable conte de fées.

Le jardin était étroit, mais on y voyait bien le coucher du soleil, assis sur un vieux tronc d'arbre, couché en plein milieu. Mike et moi avions adopté ce programme, le soir : douche, coucher de soleil en pyjamas dans le jardin, dîner près de la cheminée tard le soir, et enfin dodo encore plus tard. Le matin, nous nous levions assez tard, Michael verrouillant la porte chaque soir comme il l'avait promit. Souvent, avant de nous endormir, nous nous regardions dans les yeux et nous entendions alors la musique mystérieuse. Michael finit par la connaître par cœur et quelque fois, il se mettait à la chantonner dans la maison. Nous nous endormions parfois dans les bras l'un de l'autre, parfois chacun d'un côté du lit, mais dans tous les cas je me réveillais entourée de sa chaleur et je me disais que ça allait être une journée magnifique. Je me trompais rarement.

Comme il nous était déconseillé de sortir, nous restions à l'intérieur à regarder la TV. Je n'aimais pas vraiment la télévision, mais ça me donnait une excuse pour poser ma tête sur l'épaule de Mike, donc ça ne me dérangeait pas outre mesure. D'autres fois, nous nous retrouvions autour d'un Scrabble, ce qui me permettait d'enrichir mon vocabulaire, et nous parlions. Richard nous posait toujours des tas de questions sur nous, mais ne disait rien de sa vie à lui.

Mike n'ayant rien prévu pour la fugue, il n'était jamais maquillé. Sans fond de teint, sa peau respirait enfin, mais j'en profitais pour m'occuper un peu de lui. J'avais demandé à Richard d'acheter de l'argile verte. Je faisais bouillir de l'eau que je versais dans un bol, et j'appelais Michael.

« Qu'est-ce qu'il y a ?

-Viens par ici…

-Je dois boire ?

-Non. Assieds-toi et mets ta tête au-dessus du bol. » Il s'exécuta et je mis une serviette sur sa tête.

« C'est quoi, tout ça ?

-Une recette de ma mère pour ouvrir les pores. »

Après, je l'entraînais dans la salle de bain, m'armais d'un mouchoir et retirais les points noirs que je pouvais enlever : « Mike, arrête de bouger !

-Mais ça fait maleuuhh !

-J'en ai pas pour longtemps, tu n'en as presque pas. Mais si tu gigote tout le temps, ça va me compliquer la tâche ! »

Je jetais un œil dans son dos : « Aha… allez, enlève-moi ça ! » dis-je en tirant son T-shirt. Il l'enleva en râlant et je dégageais quelques intrus de sa peau. Une fois terminé, j'allais chercher l'argile et en mis largement sur son visage et son dos. Il se leva, se regarda dans le miroir et observa : « Ben, j'suis beau comme ça, tiens… !

-Attends un peu avant de l'enlever. »

A ce moment, Richard entra dans la salle de bain et prit peur en voyant Michael : « Aah ! Les Martiens nous attaquent ! »

Mike le fusilla du regard, j'éclatais de rire.

Un quart d'heure après, je rinçais son dos avec un gant de toilette et de l'eau, puis son visage. Son visage était si précieux, j'y allais délicatement. Michael me regardait pendant que j'enlevais l'argile de sa peau. Puis je pris une serviette pour le sécher à petits tapotements. Enfin, je passais la main sur sa joue pour y apprécier la finesse du grain de peau. Mike posa sa main sur la mienne. Je le regardais, ses yeux fixaient intensément les miens. Pendant cinq minutes, nous nous regardions, ce moment n'appartenait qu'à nous. Finalement, il lâcha ma main en me disant : « Je suis si heureux avec toi. » Je l'enlaçais : « Moi aussi, tu ne peux pas savoir à quel point ! »

Nous partagions tant de moments de bonheur, ma joie de vivre était continuelle.

Un soir, cependant, je le trouvais pensif, devant la cheminée, un air de nostalgie extrême sur le visage. Je m'assis à côté de lui, lui prit la main. Il se tourna vers moi.

« Quelque chose ne va pas ? » demandais-je avec un faible sourire. Mike sembla d'autant plus triste, lorsqu'il se retourna vers les flammes de la cheminée en murmurant : « Je veux rentrer à la maison. »

Nous arrivâmes à la grille d'entrée d'Havenhurst, tôt le matin, dans la vieille voiture de Richard. Plein de journalistes, notre voiture s'arrête, ils reconnaissent Mike, les flashs crépitent. Nous restons silencieux, Richard au volant, Mike et moi derrière. Les flashs sont infernaux, des bribes de questions m'arrivent au cerveau : « Pourquoi l'avez-vous enlevé ? », « Etait-ce une façon de le garder à vous seule ? », « Qu'est-ce que ça vous fait de rentrer ? »…

Michael me prend la main et la serre doucement avec un petit sourire. Richard klaxonne, un garde approche, voit Michael dans la voiture, parle un instant dans son talkie-walkie, puis fait ouvrir la grille. La voiture roule dans l'allée et s'arrête dans le parking. Richard se retourne vers nous et nous dit : « Allez, les enfants, c'est le moment de descendre. A moins que tu ne le veuilles pas, Lucile ? » Joseph, Katherine et un garde s'avancent. Je ne veux pas descendre de la voiture, mais je serre la main de Michael. Il se tourne vers moi, je lui lance un regard hésitant. Il me dit tout bas : « Viens avec moi, je ne veux pas que tu partes. » Il regarde un instant ses parents par la fenêtre, et ajoute doucement : « Pas maintenant, ne me laisse pas. »

Du courant, quelque chose d'inexplicable passa entre nous, nous nous regardâmes, il ouvrit la portière et je le suivis. Nous fîmes un signe à Richard, puis nous tenions fermement par la main, afin de signifier que rien ne nous séparera, lorsque nous approchâmes du couple Jackson. Katherine me regarda, je soutins sévèrement son regard, elle se tourna alors vers Mike, mais avant qu'elle ne dise quoi que ce soit, Joseph marmonna : « Nous en reparlerons plus tard. »

Nous entrâmes donc dans la maison.

Mike se précipita dans les chambres pour retrouver La Toya et Janet qu'il serra fort dans ses bras. Je restais dans l'encadrement de la porte et fis un petit signe discret. Les questions fusèrent : « Où êtes-vous allés ? Et Jeff, où est-il ? Qui vous a retrouvés ? » Brusquement, je fus énervée par ces questions, je me croyais entourée de journalistes, encore, je n'avais aucune envie de parler, je montais dans ma chambre sans rien dire, dans la surprise générale.

Je m'allongeais sur mon lit, sur le dos et je regardais le plafond, les pensées dans le vague. J'entendis la porte s'ouvrir, je ne bougeais pas. Une main prit la mienne, je tournais la tête : Mike.

Il s'assit sur le lit et me demanda : « Qu'as-tu ?

-Je ne sais pas… » je réfléchis : « Je ne sais pas si j'ai bien fais de revenir… »

Il baissa les yeux : « Si tu n'étais pas revenue avec moi, je l'aurais mal vécu… tu sais, j'ai besoin de toi. »

L'amour et la compassion m'envahirent, je le pris dans mes bras : « Tu ne peux pas savoir à quel point tu m'es précieux, j'aurai eu aussi beaucoup de mal à te quitter, mais vois-tu… je ne me sens pas en sécurité ici… » Il se redressa et me fixa : « Est-ce que c'est par moi que tu te sens menacée ?

-Bien sûr que non, Mike, tu sais bien que je parle de tes parents. Je suis déjà une intruse, je suis blanche, je suis française, je suis une fan, je suis aimée de toi, je t'ai poussé à fuguer…

-C'est faux, j'ai fuis avec toi de mon plein gré ! » répéta t-il.

« -Soit, mais si tu ne m'avais pas connu, tu ne l'aurai pas fait ! »

Il resta silencieux. Je murmurais : « Et ça… tes parents ne me le pardonneront pas…. »

Il prit mes mains et me fit me redresser en tirant. Nous fûmes assit l'un en face de l'autre sur le lit. Il dit d'un air décidé : « Sans toi je ne serai rien !

-Ne dis pas de bêtises, tu as tant de fans !

-Oui mais ça n'est pas pareil ! C'est seulement grâce à ma célébrité. Tu es la seule que je connaisse qui m'aime pour ce que je suis réellement, et non pas parce que je suis une star quelconque ! Les fans sont si envahissants, nous sommes surprotégés, tu ne pourra jamais imaginer à quel point c'est difficile ! Il m'arrive souvent de craquer. Toi, tu es une fille normale, tu m'apporte l'amour, la douceur, l'insouciance et la fraîcheur dont j'ai besoin.

-Mais le fait que tu sois si protégé peut être justement dangereux pour nous deux.

-Je sais. »

Il me regarda, s'approcha de moi et à mon grand étonnement, m'embrassa longuement. La surprise laissa place au plaisir. Je me laissais aller, fermais les yeux et l'entourais de mes bras. J'entendis une musique, pas la même qu'avant, cette fois une musique plus intense, tout aussi mystérieuse. Je me sentis de la même façon que lors de notre première nuit chez Richard : je me sentis plus sauvage, et je sentais dans sa façon de me serrer dans ses bras et de m'embrasser que Michael l'était également. Ce fut un sentiment bizarre surtout avec cette musique dans tête.

Contre toute attente, il passa allégrement sa main sur mes jambes, puis sous ma robe. Je sentis bientôt ses mains parcourir mon ventre et mon dos. Je passais les miennes sous son T-shirt. Cette chaleur encore me rendit folle, je ne pus réprimer un profond soupir, ce qui le rendit d'autant plus fougueux. Il s'appuya sur moi de sorte à ce que je sois obligée de m'allonger, et il fut sur moi, entre mes genoux. Il arrêta de m'embrasser un moment, sa respiration était haletante. Nous nous regardâmes et nous comprîmes que nous étions sur le point de non-retour, que nous ne pouvions pas retourner en arrière, et qu'il fallait s'avouer que ça n'avait pas été désagréable. Nous avions découvert un autre côté de l'autre.

Confus, Michael se redressa en regardant autour de lui : « Je n'avais pas refermé la porte !

-Mike… »

Il se leva, et se retourna vers moi avec un sourire triste : « Rien que pour ces moments, j'aimerai pouvoir vivre normalement.

-Quitte les Jackson Five ! »

Il fut fort surprit mais me sourit. Cependant j'avais, moi, réalisé qu'une silhouette devant la porte s'était immobilisée. Michael se retourna aussi. Joseph se tenait devant nous et semblait paralysé par mes mots. Son regard me transperçait, ses narines palpitaient, ses lèvres tremblaient. Il ne prononça qu'un mot, convulsivement : « Dehors ! »

Ainsi donc, Papa Jackson ne supportait pas qu'une étrangère pousse son fils à quitter le groupe familial qui lui rapportait quelques précieux revenus. C'est d'ailleurs ce qu'il m'expliqua poliment : « Tu peux sortir avec mon fils, tu peux le baiser, l'enlever si ça t'amuse, tu peux faire ce que tu veux, mais jamais tu ne le fera quitter les Jackson Five, tu entends ! C'est la goutte qui a fait déborder le vase ! Je te donne cinq minutes pour faire tes valises et foutre le camp. Je ne veux plus te voir ici, c'est clair ! Quant à Michael, vous pouvez faire vos adieux, vous ne vous reverrez plus ! »

Quand il redescendit, je m'écroulais dans les bras de Mike : « Dis-moi que ce n'est pas vrai ! Nous ne pouvons pas nous séparer comme cela ! »

Il me serra dans ses bras, me berça comme une enfant, chantonna doucement en me caressant les cheveux. Son attitude me troubla, surtout lorsqu'il se redressa pour déposer un baiser sur mon front, je vis que ses yeux étaient humides.

« Excuse-moi ! » dit-il rapidement avant de sortir de la pièce.

Le cœur serré, je remis mes vieux habits initiaux, puis je descendis lentement les escaliers, sans croiser La Toya, ni Randy, ni Marlon, ni Janet… Cela m'arrangeait car les adieux m'auraient fendu le cœur. Cependant, j'aurais tant aimé un autre mot de Mike que : « Excuse-moi ! ». J'ouvris la porte et sortis. Oui, j'aurais voulu le revoir une dernière fois. Ou plutôt non, je n'aurais pas été capable de partir, donc il ne valait mieux pas… Mais alors, pourquoi étais-je si lente à traverser le parc ?

J'entendis des pas précipités se diriger vers moi, je fermais les yeux, je me dis que Michael venait me dire au revoir, et j'en ressentis une sorte de soulagement. Un superbe appel derrière moi m'arrêta : « Lucile, attends ! » Il était essoufflé, sa voix était cassée.

Une brise tiède me balayait le visage. Derrière moi, Michael s'approcha encore un peu, je l'entendis reprendre son souffle puis il me dit : « Ne pars pas. »

Je refermais les paupières en sentant mon cœur se briser douloureusement. Le silence. Seulement le vent qui soufflait à mes oreilles. J'aimerai me transformer en poussière et que le vent m'emporte, n'importe où, et qu'il m'éparpille aux quatre coins du monde, mais que je ne sois plus déchirée de l'intérieur, que je ne souffre plus. Un doigt, deux, trois doigts frôlèrent les miens, Mike prit doucement ma main.

Non, je ne pleurerai pas.

Je respirais un grand coup et me retournais pour lui faire face. C'est bien ce qu'il me semblait, les yeux rouges qui me fixaient maintenant avaient pleuré.

« Mike… » Je portais sa main à mes lèvres et la baisais : « Tu sais bien que si ça ne dépendait que de moi, je resterais ici.

-Eh bien, reste. » Je fus très surprise par sa réponse et le regardais.

« Tu te cachera ! » ajouta t-il. Il y avait quelque chose de fort, et en même temps de suppliant dans son air.

« -Mais enfin, où veux-tu… ?

-Dans le grenier. » coupa t-il.

De nouveau, je fixais ses yeux. De toutes évidences il y avait fermement réfléchit. Je souris. Il sourit aussi et m'enlaça. Ouf, que d'émotions ! Etait-ce bien fini ?

Il me fit faire demi-tour et nous fîmes marche arrière, vers la maison. J'étais néanmoins assez inquiète : « Donc, pour être ensemble, nous devrons être cachés. Tu n'as pas peur qu'on se fasse prendre ?

-Non, je ferai attention. On y arrivera, j'en suis persuadé.

-Mike, je n'en suis pas sûre. Rien qu'au moment où j'entrerai, on me verra…

-TU ES ENCORE LA, TOI !»

Le cri venait de la fenêtre, nous levâmes la tête : Joseph fulminait : « Je vais m'occuper de toi une bonne fois pour toutes, de sorte qu'on ne te voit plus jamais ! » Sa tête disparut de la fenêtre, je me sentis très mal à l'aise. Instinctivement, Michael posa sa main sur mon ventre et me fit reculer en fixant la porte d'entrée : « J'ai un mauvais pressentiment… » murmura t-il.

Presque au même moment, la porte s'ouvrit et Joseph apparut sur le seuil, un fusil de chasse dans les mains. Michael fit vaguement « non » de la tête.

Je réalisais alors que j'étais en danger. Je n'eus que le temps de voir Joseph mettre le fusil à hauteur d'épaule et me viser.

Mike me poussa brusquement en criant : « COURS, VITE ! »

Je faillis tomber, mais je me mis rapidement à détaller en direction de la porte secrète. Qu'elle est loin !

Attends une minute, c'est certainement juste pour m'effrayer, il est pas sérieux, il ne doit pas être chargé son fusil ! Il n'oserait quand même pas tirer sur un être humain, et une jeune fille en plus ! Un claquement sec à quelques mètres de moi me démontra que je me trompais. Mon cœur battait la chamade, je courais si vite que je pensais que j'allais m'envoler. Mais il est taré ! Il est complètement malade ce type ! Au moins cliniquement fou ! Il tirait encore en me poursuivant. Heureusement, il ne courait pas vite avec son fusil et visait comme un pied. La pluie commença à tomber lorsque je dus m'arrêter pour ouvrir la porte secrète et que je pus me faufiler entre les chênes. L'autre en profita largement pour tirer. Je fis le plus vite que je pus, m'égratignant plusieurs fois, la douleur me brûla sous les côtes, je sortis enfin et je courus encore un peu avant de m'arrêter et me retourner : plus de coups de feu. Aah, en somme il tire jusqu'à ce que je sois sortie de sa chère propriété, non mais quel monstre !

Je me demande ce qu'est devenu Mike ? Je ne m'inquiète pas, Joe n'aurait pas osé tirer sur son fils quand même ! En tout cas, c'est clair que je ne reverrai plus Michael. J'aurais préféré un au revoir moins brutal, mais le sort en a visiblement décidé autrement. Un regret épouvantable m'envahit, il me manquait déjà ! Je me rappelais, comme au ralentis, son geste pour me faire reculer, son regard effrayé, son cri pour me faire courir… en pensant que tout cela étaient les derniers gestes que j'avais pu voir de lui.

Il faut que je m'assois, j'ai mal partout, j'ai dû me coincer un muscle ou quelque chose dans le genre. Je repartirai quand il arrêtera de pleuvoir. Mince, cette ceinture me fait un mal de chien !

Assise dans l'herbe, je retirais ma ceinture les doigts tremblants. La fatigue, l'émotion sans doute. Beurk, la ceinture est toute crade d'un côté ! Qu'est-ce que c'est ? On dirait… j'ai écrasé quoi ? Mais non, c'est du sang !

Craignant ce que je vais voir, je me penche mes yeux sur ce qui me fait si mal. Ma robe est trempée de sang et de pluie. Là, un trou, le tissu et la peau sont brûlés. Mais c'est qu'il m'a eu ! Je n'avais pas sentit la morsure du plomb. Je n'ose pas regarder si la blessure est profonde. Mais c'est pas vrai ! Que faire ? Je mis ma main dessus pour faire compresse, mais la retirais aussitôt : ça me brûle !

Et le sang coule, je ne peux pas l'arrêter ! Préférant ne plus en voir davantage, je m'allongeais. La pluie me tombe sur le visage, me refroidissant et me procurant un plaisir fou. Je fermais mes yeux.

Ainsi donc, c'est fini. D'ici peu, je serai affaiblie par le froid, l'humidité, la perte de mon sang, la plaie s'infectera et je mourrai ainsi, étendue dans l'herbe près du mur d'Havenhurst, demeure des Jackson.

Plus tard, je moisirai, des champignons pousseront sur moi, et encore plus tard peut-être des fleurs. Oui, des fleurs. Des roses rouges comme l'amour et le sang, et Michael ira innocemment les cueillir en ignorant qu'elles ont prit racine dans mon corps.

C'était si débile ce que je me disais que je me mis à rire toute seule, un rire nerveux qui sonnait très faux. Je dû me calmer car ma plaie n'étant pas loin des abdominaux, je me sentais déchirée à chaque sursaut.

J'en ai marre d'être allongée sur l'herbe trempée, j'en ai marre que la pluie me tombe dessus. De la main, je nettoie mon visage trempé et pousse les mèches de mon front, en oubliant que ma main est pleine de sang et que je m'en suis mit partout. Qu'importe, la pluie me lave, dégouline sur mon visage, entre mes lèvres. Le goût du sang. Je me sens mal, je crois que je vais vomir. Non, je vais essayer de dormir, comme ça je mourrai sans souffrir. Mais j'ai si mal, ça me brûle.

J'écoute la pluie tomber, certains oiseaux courageux chantent encore, jusqu'à ce que mon énergie m'ait complètement quittée et que je sois trop vide pour rester attentive.

Quand je reviens à moi, il pleut toujours, il fait nuit. Je suis encore en vie. Hélas. Ma blessure me lance, j'ai froid, la pluie entre dans les yeux, dans mon nez, je respire difficilement, j'émets un râle. Naturellement, à cette heure et avec un temps pareil, il n'y a personne pour me venir en aide.

Je pense à Michael. Son doux visage revient dans ma cervelle engourdie, j'ouvre les yeux en espérant le voir entre les gouttes.

Soudain, mes nerfs lâchent, je me mets à pleurer, puis je gesticule dans tous les sens comme un enfant capricieux, je crie de haine, de rage, de désespoir, de douleur. Plus je bouge, plus j'ai mal, et plus je m'énerve encore. Je pète les plombs. Je suis seule, condamnée, la pluie s'en fiche et je me noie, je baigne dans mon sang et mes vêtements trempés qui me collent à la peau. Je pleure, je crie encore. De plus en plus, un seul prénom revient dans mon délire. Vois où ton amour t'as amenée. Tu ne peux même plus le voir, et il ne sait pas où tu es. Tu mourra sans lui.

Dans la nuit, étouffée par le bruit infernal de la pluie qui tombe, je n'entends que mes longues plaintes.