Chapitre 2 : Lune d'argent… d'un certain point de vue

Sheyla partit tout de suite, sans même attendre le lendemain. De toute façon, la nuit était retardée de plusieurs heures sur la petite lune, il faisait encore jour lorsque son X-Wing se posa tranquillement sur une aire d'atterrissage à l'extérieur de la colonie. La lune n'était faite que de grandes plaines arides, même montagneuses en certains endroits. Bref, de la pierre partout, d'immenses étendues vides et déserte… Si ce n'était la petite ville bâtie par des bannis et des hors-la-loi en guise de refuge, il y avait bien longtemps de cela. Une ville étroite et polluée, mal entretenue (pour ne pas dire pas du tout), aux rues tortueuses et aux vieilles bâtisses délabrées. Comparée à Theed, Avontar était une véritable poubelle. Sheyla marcha vers la cité d'un pas décidé, sans s'arrêter. Elle croisa deux ou trois manants à l'air louche qui se retournèrent sur son passage en chuchotant, mais elle continua jusqu'à l'entrée de la colonie, deux grandes portes automatiques noires, autrefois destinées à écarter les suppôts de l'Empire ou de la République qui auraient voulu imposer leur loi à la cité. Ici il valait mieux vous cacher si vous apparteniez aux Vestiges de l'Empire ou encore aux gardes de la Nouvelle République (voire au Temple Jedi, ce qui était le cas de Sheyla). En entrant dans la ville, elle eut l'impression que tout était devenu obscur, comme si un voile épais couvrait la lumière du soleil. Elle frissonna. Il faisait beaucoup plus froid qu'à l'extérieur. Ou du moins, il semblait. Elle compris que l'influence du côté obscur de la Force était très important ici, bien trop pour elle d'ailleurs. La jeune Jedi se sentait oppressée, comme si des milliers d'yeux l'épiaient à chaque angle de rue. Elle prit une grande bouffée d'air, comme si elle en manquait, puis avança dans l'allée principale, guère plus grande qu'une ruelle de Theed. « Bon, cherchons ce Rosamund », se dit-elle. Elle vit un passant, l'air affairé, marchant à grands pas dans la rue, et décida de l'interpeller.

-Hé ! Hé, monsieur !

Le type se retourna et lui fit face. Sheyla eut une soudaine envie de vomir en le voyant, qu'elle s'empressa de refouler. Une moitié du visage de l'homme était mécanique, faite de rouages cliquetants d'un air sinistre. L'autre était tellement recouverte de cicatrices que l'œil valide disparaissait presque sous les lambeaux de peau recousue. Pas de doute, c'était un humain, mais quel humain… En y regardant de plus près, Sheyla observa qu'il portait deux blasters de chaque côté et un fusil E-11 dans son dos. Et quelque chose qui ressemblait à une vieille dague en cortose accrochée à sa ceinture. Sans compter le nombre incalculable de munitions, pack blaster et autres petites fournitures typiques du chasseur de primes de ce bas monde.

Sheyla déglutit et tenta de l'aborder.

-Euh… je voulais vous demander…

« Ohé, ma petite, ne perd pas tes moyens comme ça… » lui clama son cerveau. Elle s'en remit à la Force, et presque aussitôt, se sentit plus à l'aise, plus détendue.

-Savez-vous où je peux trouver John Rosamund ?

L'homme se gratta le menton, donnant la vague impression de réfléchir.

-Vous ai jamais vue ici. Nouvelle dans le coin ?

-C'est cela, répondit Sheyla froidement, sans trahir la moindre émotion.

Elle avait beau être calme, elle ne cessait de tripoter la ceinture dissimulée sous sa robe.

-Mmmh, dit-il en la fixant intensément de son œil mécanique. Rosamund, hein ? Sa fille tient l'auberge Le Banc du Spatioport. Deuxième rue à droite. Z'avez qu'à lui demander.

-Sa fille ?

-Ouais, Jamila. Charmante gosse. Un peu isolée ici, mais, héhé, vaut mieux pour elle que ça ne dure pas… L'est peut-être un peu trop aguichante pour des vieux rustres comme nous.

Il émit un rire gras ressemblant fort à un porc qu'on égorge, ou bien à un vieil alcoolique, bien qu'il semblait parfaitement sobre.

-Qu'est-ce que vous lui voulez, au vieux John ?

-Juste lui poser quelques questions, dit Sheyla qui venait de déceler une certaine animosité chez son interlocuteur.

-Mmmh… Bien peur qu'elle ne puisse pas beaucoup vous aider, la Weird Jam'.

-Weird Jam ?

-Ouais, c'est le surnom de la petiote. Vous comprendrez…

Sheyla hocha la tête.

-Merci de votre aide. Je me retire.

Elle salua le vieux chasseur de primes d'une légère révérence, puis se releva brusquement en se rappelant que cette manière de saluer les gens était peut-être un peu trop… un peu trop Jedi.

-Hé ! dit-il avant qu'elle ne parte.

-Qu'y a-t-il ?

-Ne traînez pas trop dans le coin, conseil de vieux loubard. Vous non plus vous n'êtes pas moche, si vous voyez ce que je veux dire… Et ça manque de jeunes femmes par ici, ne vous attendez pas à des accueils chaleureux, enfin…

-Je sais me défendre, mais merci quand même, répondit Sheyla en souriant.

Puis elle s'éloigna en direction de l'auberge.

En arrivant à l'adresse désignée par l'homme, elle découvrit une auberge très étrange. C'était comme une bulle dans la ville : elle était propre et bien entretenue, son enseigne brillait au néon au-dessus de l'entrée. Sheyla entra par des portes automatiques, qui émirent une petite musique lorsqu'elle les franchit. L'air de rien, elle s'assit à une table, non loin du comptoir, duquel une jeune femme parlait avec animosité à deux étranges créatures. Les clients étaient tous plus étranges les uns que les autres. Des humains, bien sûr, mais pas en majorité. Sheyla repéra deux ou trois Rodiens, un Gamorréen, deux Twi'lek qui discutait aprement avec la jeune serveuse dans une langue que cette dernière semblait maîtriser parfaitement. La jeune femme était brune, d'un brun très foncé, très longs, et portait une coiffure plutôt complexe, de nombreuses tresses entrelacées les unes dans les autres avec des rubans dorés. Elle portait une robe parfaitement de type naboo, avec de nombreux voiles et froufrous. C'est vrai qu'elle était très belle et Sheyla comprenait aisément les problèmes que devait rencontrer une jeune femme aussi jolie dans un endroit aussi… disons, problématique.

Se faisant discrète, la jeune Jedi continua à observer la serveuse et les clients entrants ou sortants, d'un œil à demi intéressé, seule dans son coin.

-Je peux vous servir quelque chose ?

Sheyla sursauta. La jeune femme se tenait derrière elle avec un grand sourire, mais ce sourire sonnait faux sur ce visage fatigué, comme une fausse note dans une mélodie bien trop douce. Le plus étrange, c'était qu'elle avait réussi à surprendre un Chevalier Jedi accompli, ayant déjà, à l'âge de vingt-six ans, le titre de Maître, à cause de ses capacités extraordinaires et de sa grande sagesse.

-Si vous avez une tasse d'ardees, pourquoi pas, dit Sheyla, troublée.

-Bien sûr.

Elle se détourna de la table. À un moment, les yeux de Sheyla rencontrèrent les siens. Ils étaient très bleus, très clairs. Ce fut comme un choc. Une drôle de sensation, qu'elle n'éprouvait que rarement, se déclencha en elle, comme un arc électrique particulièrement fort. Il sembla un instant que la jeune femme elle aussi avait ressenti le « transfert d'énergie » puis elle repartit vers le comptoir, non sans jeter un coup d'œil intrigué à Sheyla, qui ne l'avait pas lâchée des yeux. Lorsqu'elle revint avec la tasse d'ardees qu'elle déposa sur sa table, elle semblait désireuse d'en savoir plus sur cette étrange cliente.

-Excusez-moi… Je peux m'asseoir ? On peut peut-être discuter…

-Rien ne me ferait plus plaisir, dit Sheyla, bienheureuse de savoir qu'elle n'aurait pas à aller chercher la jeune femme pour lui poser des questions.

La serveuse s'installa à côté de Sheyla, se servit une tasse d'ardees qu'elle sirota doucement.

-Alors, dites-moi, commença-t-elle, vous êtes nouvelle ici ? Je ne vous ai jamais vue, ni sur Naboo, ni dans la colonie… Vous ne venez pas ici pour des vacances, je suppose ?

-Non, pas vraiment, soupira Sheyla.

-Ah… qu'est-ce qui vous amène, alors ? Vous n'avez pas l'air… l'air… enfin, l'air d'une contrebandière ou d'une chasseuse de primes…

-Je voyage beaucoup mais je ne suis pas contrebandière, non. Et je ne poursuit pas les gens pour les livrer non plus, dit Sheyla en riant. Quoique, ça m'arrive…

-Mais alors, qu'est-ce que vous voulez ?

Sheyla inspira.

-Je vais être directe. Je cherche John Rosamund. Certaines choses me portent à croire qu'il est en grave danger.

-Oh…

La jeune serveuse détourna le regard, les yeux perdus dans le vague.

-Écoutez, si vous le cachez, dites-moi où il est, je ne le répéterais pas… Je suis là pour l'aider, lui et sa famille. Vous êtes sa fille, non ?

-C'est cela, répondit-elle enfin. Jamila Rosamund, fille de John et Marguerite Rosamund. Terrienne d'origine, Naboo d'adoption, vingt-et-un ans.

-Je vois. Je dois parler d'urgence à votre père, c'est, semblerait-il, une question de vie ou de mort.

-Comment savoir si je peux vous faire confiance ? demanda-t-elle, méfiante.

-Ceci peut-il vous aider à croire que je suis une personne respectable ? dit Sheyla en relevant légèrement un pan de sa robe.

Le manche de son sabre-laser étincelait légèrement, habilement dissimulé. Jamila recula avec une drôle d'expression sur le visage.

-Vous êtes une…

-Shhh… je ne tiens pas à me faire remarquer ici.

-B…bien.

-Alors, votre père ?

-Je crois qu'il sera difficile pour vous de lui parler.

-Comment cela ?

-Eh bien… il… il est mort. Ainsi que maman. Je suis la patronne de l'auberge maintenant.

-Oh…

Interloquée, Sheyla observa Jamila sans comprendre, tentant de lire dans ses pensées. Elle perçut que la jeune femme disait vrai. Ainsi, John Rosamund était mort… Mais alors…

-Je suis vraiment désolée.

-Ce n'est rien, répondit Jamila en regardant ailleurs. Je m'y suis toujours attendue, même s'ils me manquent affreusement…

Sheyla réfléchit. À présent, un problème grave se posait. Il fallait rechercher les fameux hommes qui en voulaient à Rosamund, maintenant… Et qui risquaient de s'en prendre à sa fille…

-Savez-vous si votre père cachait quelque chose, quelqu'un, aux Vestiges de l'Empire ?

La jeune femme se rapprocha de Sheyla et chuchota :

-Il avait beaucoup de raisons d'avoir beaucoup de personnes à dos, vous savez… mes parents faisaient partie des services secrets de la République…

Intriguée, Sheyla se releva.

-Vous êtes en danger.

Elle lui raconta la raison de sa venue. Les yeux de Jamila s'emplirent de peur.

-Mais… ils risquent de remonter jusqu'ici… Et je ne sais pas si mon père leur devait quelque chose…

-À mon avis, ils voulaient simplement se débarrasser de lui…

-Certainement. Malheureusement, un chasseur de prime les as eus tous les deux il y a environ deux mois. Nous nous cachions ici, mon père et ma mère avaient des problèmes avec un exploitant de mines sur Kessel. Visiblement, au cours d'une mission pour la République sur Krant, un des sous-fifres de cet homme les as retrouvé, et…

La jeune Jedi la regarda sans répondre. Les Vestiges de l'Empire n'était pas au courant de cela, ce qui risquait de coûter la vie à la famille Mallek et à la jeune Rosamund.

-Il faut retrouver ces agresseurs.

-Mais s'ils font partie des Vestiges de l'Empire… ils doivent avoir un grand nombre de relations… ils vont me chercher…

-Je vous protégerai. Pour le moment. Vous devriez venir avec moi sur Coruscant, le Temple peut engager une enquête et m'assigner à votre protection…

-Je ne sais pas. Je dois m'occuper de l'auberge…

-Confiez-la à quelqu'un en qui vous avez confiance.

Pendant un instant, la jeune femme sembla réfléchir, puis enfin elle soupira.

-Très bien, je viens. Saré ?

Une femme d'environ quarante ans arriva d'une porte derrière leur table.

-Oui ma petite ?

-Je dois partir pour un séjour d'une durée indéterminée. Quelques jours, je pense… Mais on ne sait jamais…

-Oui.

-Tu peux t'occuper de l'auberge seule ?

-Oh, moi je sais me défendre, ne t'inquiète pas, petite. C'est bien que tu partes. Tu ne devrais pas revenir, trouver du travail ailleurs qu'ici… c'est un endroit malsain…

-Merci, Saré. Je reviendrai vite.

Puis, s'adressant à Sheyla :

-Je vais chercher mes affaires. Je n'en ai pas pour longtemps…

Sheyla hocha le tête. La dénommée Saré la regarda partir puis se tourna vers la jeune femme, toujours pensive.

-Vous partez avec elle ? Comment ça se fait ?

-Nous avons des affaires à régler ensemble à la capitale.

-Je vois. Faites attention à elle, chevalier Jedi.

-Co… comment savez-vous cela ?

-Jamila ne regarde jamais l'Holonet, mais moi si… Et j'ai une très bonne mémoire des visages… l'affaire Sandberg, c'est bien vous qui vous en êtes occupée, c'est cela ?

-En effet, admit Sheyla d'un ton résigné.

-Bravo pour le coup d'éclat.

-Merci.

-Je le redis : je tiens à cette petite comme à la prunelle de mes yeux. Je suis serveuse ici depuis que ses parents ont acheté cette auberge, et j'ai toujours entretenu des relations merveilleuses avec eux. Je leur ai promis que s'il leur arrivait quelque chose, je devais m'en occuper…

-Mais elle est adulte…

-Je crois que c'est une grande enfant. J'ose espérer que vous saurez vous y prendre avec elle…

-Mais elle va revenir, dit Sheyla qui n'y comprenait plus rien.

-Non, répondit Saré en secouant la tête. Je le sais, elle ne reviendra pas. Je savais que ce jour arriverait, il est arrivé, et vous verrez bien assez tôt pourquoi elle ne peut pas revenir… Son avenir n'est pas ici…

-Quoi, qu'y a-t-il ?

-Elle est… enfin, vous comprendrez. Elle a besoin de vous, en particulier.

-B… bien, je ferais de mon mieux.

Jamila venait d'arriver.

-Alors, on y va ? Je suis prête.

Elle regarda Saré, cette dernière la prit dans ses bras.

-Bonne chance, Jamila.

-Mais je vais revenir…

Les yeux de Saré s'emplirent de larmes.

-Tes parents me l'avaient dit… Viendrait un jour où tu voudrais retrouver d'où tu viens… Ce jour est venu, ma petite… Va, dépêche-toi. Au revoir.

-Au revoir, Saré, dit Jamila, visiblement aussi ignorante sur le comportement de Saré que Sheyla elle-même.

Elle se firent un dernier au-revoir, puis Jamila, portant une petite valise, suivie de Sheyla, prit le chemin de la porte.

Elles sortirent dans la rue. Il faisait sombre, la nuit était tombée, et Sheyla ressentait de plus en plus l'oppression occasionnée par le côté obscur. Elle entendait d'étranges voix, des chuchotements de plus en plus forts… Des images… Une vision qu'elle avait eu, très longtemps auparavant, celle de la Terre explosant en un millier d'étincelles et les voix de milliards de gens hurlant leur souffrance… et s'éteignant brusquement…

-Ne nous attardons pas, dit-elle sèchement.

-Pourquoi ?

-Je n'aime pas cet endroit. Pas du tout.

-Moi non plus. Mais j'ai appris à y vivre…

Brusquement, Sheyla stoppa net. Il y avait quelque chose dans l'air, quelque chose de… menaçant.

-Qu'est-ce qu'il y a ?

Sheyla ne répondit pas, regardant autour d'elle. Elle entendit un sifflement et cria :

-ATTENTION !

Elle se jeta en avant, de même que Jamila, évitant ainsi la décharge d'énergie qui frôla les deux jeunes femmes dans un « zwiiouum » terrifiant. Sheyla se releva et dégaina son sabre-laser à la vitesse de l'éclair.

-Mais qu'est-ce que…

Jamila fut interrompue par un nouveau tir que Sheyla para efficacement d'un revers de lame et renvoya d'où il venait. On entendit un cri étouffé : visiblement le mystérieux tireur n'avait pas de défense et venait de recevoir son propre projectile dévié par la grande lame verte du Jedi.

-Sortez de là ! cria Sheyla, qui tentait de retrouver une respiration normale.

Elles virent un homme encagoulé sortir de l'ombre : il se tenait le bras en gémissant. S'avançant vers les jeunes femmes, il se laissa tomber au sol. Sheyla se pencha sur lui et retira le capuchon. Elle retint un cri de surprise.

-Mallek ? Jen Mallek ?

-Pitié, dit-il, d'une voix faible, pitié maître Jedi, ne me tuez pas…

-Bien sûr que non. Mais qu'est-ce que vous faites ici ? Et pourquoi avez-vous essayé de nous tuer ?

-Ce n'est pas ma faute, je vous le jure… Ils ont dit… Ils ont dit qu'ils tueraient Alderaan et Loran si je n'acceptais pas de vous tendre une embuscade…

-Ils ? Qui ça « ils » ? dit Sheyla, redoutant la réponse.

-Les Impériaux… Ils étaient furieux, ils ont prit Alderaan et Loran en otage…

-Où sont-ils ?

-Je ne sais pas…ils sont partis avec eux…

Sheyla soupira.

-Nous voilà bien… Je n'aurais jamais du partir… Venez, vous deux.

-Où va-t-on ? demanda Jamila, pas tout à fait remise des ses émotions.

-Coruscant, pardi ! Voir le Conseil. Ils sauront ce qu'il faut faire. Relevez-vous, Mallek.

Ce qu'il fit sans trop broncher.

-Et comment est-ce qu'on y va ?

Sheyla sembla réfléchir.

-Je vais demander au Temple de nous envoyer une petite navette. Ils seront là d'ici… quatre ou cinq heures…

-Bien.

-En attendant, nous allons aller nous cacher à l'extérieur de la ville.

Ils marchèrent donc en dehors des portes d'Avontar, et s'arrêtèrent à une centaine de mètres de la colonie. L'air était sec mais beaucoup plus respirable qu'à l'intérieur de la ville. Sheyla inspira à fond, bien contente de sortir de cet étrange endroit. Le petit groupe s'installa derrière un rocher. La nuit était tombée : on aurait pu voir la lune d'ailleurs Sheyla la chercha des yeux, avant de se rendre compte, honteuse, qu'elle était dessus. En revanche, l'immense globe de Naboo occupait une bonne partie du ciel, reflétant la lumière de son soleil et diffusant une étrange lueur verte sur la plaine. Sheyla attendit, bras croisés, le dos appuyé contre la roche ; Jamila s'était couchée sur sa valise et piquait un somme. Quant à Mallek, il s'était assis aux côtés de Sheyla et s'était lui aussi endormi contre le rocher. La jeune Jedi commençait à fatiguer mais elle tint le coup, ses paupières devenant de plus en plus lourdes… Elle allait s'endormir lorsque le vrombissement d'un vaisseau se fit entendre non loin. Elle leva les yeux : une petite navette aux couleurs de la République sillonnait l'espace aérien, balayant la surface de Naboo II avec de grand projecteurs. Sheyla dégaina son arme et l'alluma : l'intense lumière verte était visible de loin. Quelques secondes plus tard, la navette se dirigeait vers eux. Jamila et Mallek, réveillé par le ronron incessant des moteurs, se levèrent et marchèrent à la suite de Sheyla vers le vaisseau. Jamila se tenait coite, impressionnée par la taille de l'engin : jamais elle n'en avait vu d'aussi grand venir à Avontar, ce qui n'était pas étonnant, et elle ne se souvenait plus vraiment de celle qui l'avait sauvé de l'explosion terrestre. Pourtant, aux yeux de Sheyla qui avait grandi en partie sur la frégate Jedi Sunset, il s'agissait d'une toute petite navette… Ils montèrent et furent accueillis aussitôt par un homme d'une cinquantaine d'années, l'air vieux et fatigué, le visage barré de nombreuses cicatrices, souvenirs d'un passé oublié…

-Sheyla ! Cela faisait longtemps depuis que Luke t'avait emmenée sur Bakura… Tu avais à peine seize ans ! Ce que tu as grandi, gamine…

Il poussa un sifflement d'admiration.

-Et je vois que tu n'es plus Padawan ! Remarque, heureusement pour toi… Qu'as-tu donc fait de ta tresse ? Quoique, ça te va bien, comme ça…

Sheyla s'immobilisa et reconnut le capitaine de vaisseau Friedrich Keit, qui riait en la dévisageant. Elle lui sourit.

-Keit ! Vous ici ! Ça alors, je ne pensais pas que le Temple vous enverrait pour venir me chercher…

-Il faut dire que la République ne me confie plus que des missions sans importance, à moi et à mon petit bijou, dit-il en tapotant amoureusement la coque de la navette. On est plus de la toute jeunesse…

-Bah, je n'ai jamais vu quelqu'un dégainer son blaster aussi vite que vous, Keit, répliqua Sheyla avec un sourire.

-C'était il y a dix ans, petite. Tu n'arrivais même pas à parer mes tirs avec ton sabre, dit-il d'un ton amusé. Pour une Jedi, qui plus est une Skywalker, avoue que ce n'était pas fameux… Maintenant, qui oserait de défier en combat singulier ? Pas moi en tout cas…

Il éclata d'un rire tonitruant et proposa des places aux trois personnes. Aidé du personnel embarqué à bord, il alla allonger Mallek au fond du vaisseau, vers le coin infirmerie, puis proposa aux deux jeunes femmes de monter à l'avant, vers le tableau de commandes où trois fauteuils étaient disposés, tournés vers le nez du vaisseau. Sheyla prit place confortablement. Jamila, intimidée, fit de même, ne cessant de jeter des regards autour d'elle. La navette décolla en soulevant des montagnes de poussière autour d'elle, puis prit le chemin des cieux. Sheyla regarda disparaître Naboo et sa lune, et bientôt l'étoile du système se fit de plus en plus petite. Keit appuya sur quelques boutons et une voix de femme retentit dans le vaisseau.

-Calcul des coordonnées pour la trajectoire hyperespace vers Coruscant. Veuillez vous attacher pour le passage en vitesse lumière.

Sheyla boucla sa ceinture, connaissant cette navette qui, elle le savait bien, prenait très mal les passages en hyperespace. Voyant que Jamila rechignait à le faire, elle décida de la laisser tranquille, un léger sourire aux lèvres. La jeune femme protestait : « Voyons, ce n'est pas ça qui va me faire tomber ». Sheyla haussa les épaules. Les autres membres de l'équipage s'assirent à leurs places, sauf quelques mécaniciens habitués, puis attendirent. La voix de femme se fit à nouveau entendre, derrière des petits « bip » incessants.

-Calcul des coordonnées de trajet terminé. Attention, passage en hyperespace dans 3...

-Vous feriez mieux de vous attacher, finit par dire Sheyla, d'un ton amusé.

-2...

-Je suis assise, je ne risque rien.

-Vous, c'est la première fois que vous voyagez en hyperespace, je me trompe ?

-1...

-La deuxième, mais j'étais petite. Pourquoi ?

-0.

Le vaisseau prit une brusque accélération : les étoiles s'allongèrent pour ne devenir plus que des traînées lumineuses. Une secousse violente ébranla la navette. Sheyla encaissa du mieux qu'elle put, écrasée dans son siège : celui de Jamila, mal fixé, fit une violente embardée en arrière puis sur le côté : la jeune femme tomba sur le sol froid de la navette en poussant un hurlement, déséquilibrée. Lorsque le vaisseau retrouva sa stabilité, gardant une vitesse uniforme, elle se releva en grognant et alla s'asseoir en évitant soigneusement de regarder le chevalier Jedi qui pouffait de rire.

-Je vous avais prévenue.

-Oh, ça va… Je vais très bien.

Mais Sheyla remarqua qu'elle venait d'attacher sa ceinture alors qu'elle ne risquait strictement rien.

Quelques heures plus tard, la petite navette républicaine arriva en vue de Coruscant. Ici, le soleil était à peine levé : l'aube nimbait les gratte-ciels d'une étrange lueur orangée qui se reflétait dans chaque vitre, chaque morceau de métal. Le vaisseau se dirigea vers le Temple Jedi, lui aussi paré de milliers de reflets oranges et dorés, éblouissant au milieu de la capitale animée. Partout où l'on regardait, on pouvait apercevoir des speeders de toutes sortes zigzaguer dans les cieux, se croisant telles des voitures sur une autoroute (ce fut la pensée de Jamila, dont les vieux souvenirs de la Terre remontaient). L'endroit était immense, la ville s'étendait à perte de vue…

-Comment s'appelle cette ville ? demanda la jeune femme à Sheyla qui regardait, les yeux dans le vague, le Temple se dresser au-dessus des immeubles.

-Coruscant.

-Mais ce n'est pas le nom de la planète ?

Sheyla eut un rire amusé.

-La planète entière est une immense ville.

Jamila resta sans voix.