Jamila hocha la tête et toutes deux s'en allèrent dans la plaine, vers la jungle, vers leurs vaisseaux. Jamila jeta un dernier coup d'œil triste au bâtiment de son père, alors que toutes ces révélations lui brisaient encore le cœur. Ainsi, tout ce sur quoi elle s'était basée, toute sa vie, toutes ses croyances, tout s'effondrait. Ses parents n'étaient pas ses parents. Sa mère n'était pas sa mère, non, la vraie l'avait abandonnée, lâchement, l'avait laissée, laissée sans jamais rien dire, sans lui donner un indice… Elle en voulait à présent à cette famille, Rosamund, qui n'avait jamais été la sienne, qui ne lui avait jamais dit. Pourquoi ? La question résonna longuement dans son cœur. Et aujourd'hui, on lui proposait de devenir Jedi. Jedi. L'élite de la galaxie, ceux qui s'étaient relevés du plus terrible des coups, ceux qui étaient sortis de l'anéantissement, l'Ordre si glorieux qui avait survécu aux Sith et à l'Empire. Personne, jamais, n'avait pu les vaincre réellement. Jamais il n'avait plus resté aucun Jedi dans la galaxie. Et aujourd'hui, on lui demandait de faire partie de l'Ordre. Bien sûr, qu'elle voulait. C'était ce qu'elle avait toujours voulu, vivre des aventures, sauver les gens, connaître ce qu'ils appelaient « La Force ». La sentir. Et puis, elle se rendit compte que cette Force si mystérieuse avait toujours fait partie d'elle, mais qu'elle ne l'avait jamais vue. Et aujourd'hui, elle comprenait. Comprenait pourquoi cette différence l'avait marquée depuis son plus jeune âge. Elle entendait ses murmures en elle, enfin, elle avait défait le nœud qui lui obstruait la gorge depuis tant d'années. C'était comme si de la lumière venait de découler des paroles de son père adoptif. Elle ressentait le calme, la compréhension, la sérénité. Plus de colère envers sa véritable mère, juste une envie de savoir, de comprendre les circonstances de sa naissance. C'est alors qu'une voix résonna dans sa tête : « ce ne sont pas les circonstances de la naissance qui importent, mais ce que l'on choisit de faire de sa destinée ». Elle ne comprit pas d'où venait cette voix, se retourna et vit Sheyla qui marchait tête baissée, contre le vent qui soufflait doucement, un léger sourire aux lèvres. Jamila ne répondit rien, et continua à marcher dans la plaine bleutée. Elle s'interrogea longuement sur les capacités de Sheyla à lire dans les pensées, et finit par essayer de ne plus penser à rien, ce qui s'avéra très dur. Elle était tellement concentrée qu'elle trébucha contre une pierre et faillit tomber. Sheyla qui se retenait depuis cinq bonnes minutes à force d'observer la mine concentrée de Jamila, éclata d'un rire franc sans pouvoir s'arrêter. Jamila grommela quelque chose, puis se mit à rire elle aussi…
Elles finirent par arriver dans la petite clairière où les vaisseaux attendaient sagement. Ou plutôt, auraient dû attendre sagement. Sheyla s'arrêta brutalement, Jamila fit de même, sidérée. Il n'y avait rien. Juste les marques des suspenseurs enfoncés dans l'herbe, et les trois petits boîtiers du champ magnétique.
-Mais…
Sheyla fit le tour de la clairière, la tête dans les mains.
-On a dû se tromper se tromper de clairière, dit Jamila doucement.
-Ce n'est pas possible, tout est là ! Enfin, sauf les vaisseaux… Ce n'est pas possible, mon vaisseau ! cria-t-elle, visiblement contrariée. Et flûte ! Personne ne nous a suivis, pourtant !
Zen, pensa-t-elle en essayant de comprendre ce qui arrivait. Plus de vaisseaux, plus de moyen de partir. Les comlinks ne marcheraient pas si on s'éloignait trop du système, et les radios étaient dans les vaisseaux… Cela ne voulait dire qu'une chose : elle étaient bel et bien coincées. Jamila inspecta les environs avec soin.
Rien. Pas un indice. Ceux qui ont fait ça sont doués.
Le pire, continua Sheyla, c'est que mon Delta-7 s'ouvre à empreinte vocale ! Comment est-ce qu'ils ont pu l'ouvrir et le démarrer ! Les X-Wings du Temple sont équipés de système d'anti-intrusion puissants ! Je ne comprends plus rien. Et nous étions seules sur cette planète…
Tu ne crois pas si mal dire, Jedi, dit alors une voix sombre venant de l'intérieur de la forêt.
Sheyla sursauta et se retourna. « Ma parole, je pers ma vigilance » pensa-t-elle, inquiète. Elle chercha l'origine de la voix mais n'eut pas à chercher très longtemps : un homme lourdement armé sortit de l'ombre des arbres géants, un grand sourire aux lèvres, suivi d'une dizaine d'autres hommes (bien que certains d'entre eux ne soient pas totalement humains…) portants tous des blasters lourds, habillés de noir avec deux E entrelacés sur leur uniforme. Sheyla ne bougea pas : ils la tenaient, elle et Jamila, en joue. Elle ne fit pas un geste et attendit. Jamila sortit vivement son blaster; aussitôt Sheyla posa l'arrêta d'une main. « Non », entendit Jamila, au fin fond de son esprit. Ce n'était pas vraiment une parole, plus une sensation très forte. « Stop ».
Je vous souhaite bien le bonjour, Jedi. Sheyla Skywalker, c'est cela ? On ne m'avait pas dit que vous aviez un apprenti.
Sheyla comprit qu'il jouait les mélodramatiques pour retarder le moment de l'attaque.
Je n'en ai pas, répondit-elle posément.
Tiens donc. Assurément cette jeune femme est celle que nous cherchons.
Figurez-vous que nous vous cherchions aussi, dit Sheyla triomphalement.
Au moins, elles n'auraient pas à aller sur Nar Shaddaa.
Vraiment ? Puis-je savoir en quel honneur ? dit l'homme, légèrement surpris.
Il avait de quoi : la proie ne cherche pas le prédateur…
Je dois savoir où sont Alderaan et Loran Mallek, et vous allez me le dire, dit-elle en passant discrètement une main devant elle.
Aussitôt, une dizaine de canons chargés se retrouvèrent pointés sur elle, avec le désagréable bruit d'une cellule à énergie bourdonnante. Elle resta suspendue dans son geste.
J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? dit-elle innocemment.
Réessayez un seul de vos tours de Jedi et les arbres autour de vous vont changer de couleur.
Sheyla eut un petit rire amer et baissa la main. « Très drôle ». Les blasters s'éloignèrent.
Revenons-en au fait, continua tranquillement l'homme. Où est notre arme ?
Quelle arme ?
Elle sentit à l'avance une main se lever pour la frapper dans le dos, se retourna vivement et l'attrapa en vol. Sans lâcher la main du bandit, elle se tourna à nouveau vers le meneur, qui affichait un sourire amusé.
Bien joué. Mais ne jouez pas au plus fin avec moi. Je sais que vous avez trouvé où ce vieux singe l'a cachée.
Jamila leva à nouveau son arme.
N'insultez pas mon père ou je vous explose la cervelle.
Sheyla lâcha le bras de son agresseur qui s'éloigna d'elle en se frottant le poignet. Elle adressa mentalement un message de sérénité à Jamila. Cette dernière fixait l'homme avec ses yeux qui semblaient lancer des éclairs. Froide et calme, elle n'abaissa pas son arme.
Rangez votre blaster, dit Sheyla. Il ne vous sera d'aucune utilité.
C'est-ce que nous verrons, grommela Jamila en jetant un regard encore plus noir au chef des bandits, avant de raccrocher son blaster.
Ainsi, vous êtes bien sa fille ? continua l'homme. Tant mieux. Donnez-la moi, ainsi que les plans.
Sheyla inspira à fond et lui dit la vérité :
Nous les avons détruits. L'arme et les plans. Allez voir dans la plaine bleue, dans le grand bâtiment, et vous y trouverez des restes.
Vous mentez, dit-il.
Il avait pâli.
Ce n'est pas possible !
Si, dit Sheyla. Il n'y a plus rien. Allez voir.
À ce moment, un autre homme sortit de la forêt.
Chef, j'ai trouvé le repaire de Rosamund.
Ah, parfait, dit le meneur.
Mais il n'y a plus rien. L'hologlobe est parti en fumée et l'arme n'est plus qu'un tas de métal en fusion.
L'homme poussa un cri de rage et frappa un arbre de toutes ses forces. Il se tourna vers Sheyla qui restait stoïque et voulut la frapper pour se défouler : il stoppa net lorsqu'elle sortit son sabre-laser et l'actionna. Il s'arrêta à quelques centimètres de la lame.
Vous n'avez plus rien. Plus de raisons de vouloir prendre Jamila et de retenir les Mallek en otage. Libérez-les et laissez cette jeune femme tranquille.
Ce n'est pas si simple, idiote de Jedi. Mon patron ne voudra jamais de cet échec. Il vous tuera pour se venger, et les Mallek aussi.
Sheyla se fit plus menaçante, s'approchant de l'homme.
Je connais Rurk Sandberg, dit-elle paisiblement. Il se ferait un plaisir de me tuer qu'il n'accorderait certainement pas à ses sous-fifres. Et je me ferais un plaisir de régler certaines choses avec lui. Non, il ne tuera pas ses otages. Il les gardera pour le simple plaisir de me voir courir à leur secours. Et vous savez quoi ? C'est ce que je vais faire. Partez d'ici et allez le lui dire. Et rendez nous nos vaisseaux.
Je ne peux pas. Ils sont dans une clairière pas loin d'ici, mais je ne peux pas vous laisser partir, il n'en est pas question. J'ai l'ordre de vous tuer, toutes les deux.
Rurk est devenu faible à ce point ? interrogea Sheyla. Je ne le répéterais pas deux fois. Laissez-nous partir et dites-nous où sont nos vaisseaux. Je ne veux pas vous tuer.
J'ai déjà perdu mon honneur et le patron me tuera à cause de la destruction de l'arme. Alors, tuez-moi, mieux vaux que ce soit maintenant. Et j'aurais au moins la satisfaction d'être passé sous la lame d'un sabre-laser.
Tss, fit Sheyla, énervée.
Elle leva les yeux au ciel et rangea son sabre. Jamila observait la scène sans bouger.
Déguerpissez, ordonna Sheyla.
Les hommes ne se firent pas prier et disparurent dans les bois.
Je croyais que vous deviez m'affronter, dit la Jedi avec dégoût. Et bien, je félicite vos hommes pour leur courage…
Il ne bougea pas.
Venez, Jamila, on s'en va. Où sont nos vaisseaux ?
À environ deux kilomètres d'ici, vers le nord.
Et où est Sandberg ?
Cela, vous ne le saurez pas…
Vous voulez vraiment que je m'énerve ? finit par s'impatienter Sheyla.
« Hoho, du calme » lui dit une petite voix dans sa tête. Elle n'eut pas le temps de menacer l'homme : en souriant, il dégaina son arme.
Adieu, Maître Skywalker…
Il pointa l'arme sur sa tempe et appuya sur la détente. Jamila poussa un cri étouffé, Sheyla eut juste le temps de se reculer avant de contempler le massacre. Il ne restait plus grand chose de l'homme…
Et flûte…
Elle se pencha sur le cadavre, essayant de trouver un indice sur la planque secrète des Écumeurs de l'Espace… Elle finit par trouver un journal de bord à moitié déchiqueté par le tir, mais encore en état de fonctionnement… Le dernier message entré marchait encore. Elle le lut, Jamila penchée par-dessus son épaule pour tenter de le lire elle aussi.
Et voilà, encore une mission suicidaire. Je n'aurai jamais dû accepter ce contrat… Depuis que je me suis établi à la Cour des Miracles, ces idiots n'arrêtent plus de me charrier parce que j'étais stormtrooper autrefois. Hé, j'étais jeune… Ces débiles vont en baver quand je leur dirais que j'ai tué un Jedi. Et pas n'importe lequel, en plus. Même Josh ne voudra pas me défier, après ça. Il aura trop peur. Quand au chef… On dit qu'il a déjà affronté cette femme. Je ne sais pas si c'est vrai, mais j'aimerais en savoir plus… Cette foutue planète est en train de me ronger de l'intérieur. Il pleut, l'atmosphère est irrespirable, les bestioles monstrueuses… L'autre jour, j'ai même aperçu un drexl. Je suis sûr que c'en était un. Il a déraciné quelques arbres et est parti. J'ai eu la plus grande peur de ma vie. Cet endroit est dangereux et vraiment pourri. C'est pire que Nar Shaddaa. Comme si tous les contrebandiers, les chasseurs de primes et autres pourritures de l'espace avaient choisi de faire de cet endroit leur nid. Enfin, dans la Cour des Miracles, je veux dire… Je ne peux pas y rester plus de dix minutes sans éprouver l'envie d'aller dehors, et je ne peux pas rester dans la nature de Zonju II plus de cinq minutes sans être en danger de mort. C'est un enfer. Mais je m'en sortirai… Quand j'aurais purgé ma dette envers Sandberg… Dans longtemps. Et alors, je partirai d'ici pour ne plus jamais y revenir. Qui sait, si je tues cette Jedi, il me laissera peut-être partir… Cet idiot, enfermé dans son bureau du jour au lendemain, il a bien de la chance, lui. Mais il en crèvera, un jour… Bon, je dois partir, avant que ce débile de Wookiee ne me retrouve là à glander.
Sheyla reposa le journal de bord.
De toute évidence, il est sur Zonju II, déclara-t-elle.
Ce n'est pas une planète déserte ? demanda Jamila.
Si, à l'origine… C'est une planète rocailleuse mais il y a quelques forêts. Je doute qu'on y trouve des drexls. Il a dû rêver.
J'imagine qu'on doit se rendre là-bas ?
Je n'ai aucune envie de revoir Rurk mais je n'y couperai pas. Autant y retourner si nous voulons sauver les Mallek.
Alors partons. Vous ne prévenez pas le conseil ?
Je n'en vois pas l'intérêt, répondit Sheyla posément. De toute façon, ils seraient d'accord avec nous. Le système de Zonju n'est pas très loin d'ici, nous devrions pouvoir le rallier en deux ou trois heures galactiques. Allons-y.
Les deux jeunes femmes marchèrent jusqu'à l'endroit indiqué par l'homme et retrouvèrent leurs vaisseaux, enfouis sous une couche de végétation qui les rendaient pratiquement invisible - pas aux yeux d'un Jedi. Elles dégagèrent rapidement leurs appareils et s'installèrent à bord. Sheyla décolla la première, ouvrant la voie vers le système de Zonju…
Elle s'enfonça dans son fauteuil et ferma les yeux pour méditer un peu. Immédiatement, son esprit fut occupé par l'image de Rurk Sandberg, souriant, comme autrefois. Il lui adressait un grand sourire, entourés de jeunes hommes et femmes tous habillés de la même façon. Ils avaient le même âge, environ vingt ans, ils étaient dans une grande salle aux baies vitrées qui donnaient sur l'espace… Ils applaudissaient, la salle reflétait la joie et la bonne humeur… Quelques secondes plus tard, elle eut une vision d'un autre moment. Son visage, rempli de haine et de violence, la fixait. Elle vit des ombres familières tomber autour d'eux tandis qu'une lumière bleutée brillait et éclairait l'obscur de sa vision. Puis, une voix… Tu ne m'en empêcheras pas, Sheyla ! Sheyla rouvrit brusquement les yeux. Cette histoire appartenait à son passé mais elle ne pouvait s'en défaire, et à présent elle courait à sa rencontre. Rurk. C'était donc ça qu'il était devenu. Elle n'avait pas dit à Jamila ce qui l'avait choquée quand son père avait parlé de lui. Elle ne lui dirait probablement pas… Quoique, il ne faut jamais dire jamais… Elle continua à réfléchir sur bon nombre de problèmes qui l'occupaient, notamment comment infiltrer la base de Sandberg. Oh, elle pouvait tout aussi bien débarquer : « Salut Rurk, tu te souviens de moi ? » ou jouer les silencieuses, rentrer en douce avec Jamila en se faisant passer pour des contrebandières, par exemple… Non, décidément, ce n'était pas possible. Sandberg la reconnaîtrait immédiatement, et habillée comme elle l'était, elle ferait office d'une tache blanche sur un tableau noir. À moins que…
Jamila ? dit-elle dans son comlink. J'ai un plan à vous proposer…
