Chapitre IX
Semaine mouvementée
1
Cauchemar
La lumière… la lumière d'un couloir. Une femme… elle pleure. Cinq années qu'elle l'a quittée… Un homme. Souriant. Son maître. Toujours là pour l'aider. Les cauchemars. De plus en plus fréquents, maintenant. Elle ne veut pas que ses rêves se réalisent… Et pourtant… Pourtant elle sait qu'il n'y a rien à faire… Cette nuit-là, elle ressent ce qu'elle avait rêvé… Une explosion monstrueuse. De la lumière. Jaune et rouge. Le bruit, assourdissant. Les cris… La souffrance… Et puis, plus rien. Le silence de la mort. Elle pleure. Le sol se rapproche. Dangereusement. Il n'y a plus rien.
Sheyla se réveilla en sursaut, trempée de sueur. Elle regarda autour d'elle, terrorisée. « Où suis-je ? ». Le Temple. La tour ouest. Sa chambre. Oui, sa chambre.
Encore secouée par son cauchemar, elle se leva et joignit un petit lavabo. Elle s'aspergea d'eau froide. Reprenant ses esprits, elle s'assit sur son lit en tailleur pour méditer. Un rêve, ce n'est qu'un rêve, se dit-elle. Cela fait plus de treize ans que tu le revoies… Il faut oublier… mais comment oublier… Elle se releva et regarda à travers la baie vitrée qui s'ouvrait sur la cité encore à peine réveillée. L'aube pointait à peine à l'horizon.
Sheyla tenta de se rendormir, mais c'était bien trop tard. Elle s'habilla d'un grand peignoir et sortit de sa chambre, marchant lentement dans le couloir du niveau 7 de la tour ouest, les appartements des femmes Jedi. Elle gagna les sanitaires et prit une douche pour se réveiller et sortir le cauchemar de sa tête. Tout en regagnant sa chambre, elle croisa une Twi'lek qu'elle connaissait bien, un maître comme elle.
— Bonjour, maître Skywalker. Matinale, aujourd'hui ?
— Bonjour, maître Söyt. Plutôt oui. J'ai du mal à dormir.
— Je comprends.
Elle s'éloigna.
— Je dois y aller. Passez une bonne journée, dit-elle. Que la Force soit avec vous.
— Avec vous aussi.
Sheyla rentra dans sa chambre et s'habilla. Elle accrocha son sabre-laser à sa ceinture machinalement, enfila ses bottes et attacha son attelle, prit un bloc de donnés pour noter son départ et descendit dans le hall secondaire. Elle rejoignit le réfectoire et un droïde cuisinier vint la servir. Elle le regarda d'un air fatigué, il lui demanda ce qu'elle voulait.
— Le petit-déjeuner du jour, dit-elle, l'esprit ailleurs.
— Bien, maître.
Elle mangea rapidement, prête à partir. Elle gagna le hangar et entra dans son petit vaisseau qui attendait sagement, posé à côté de nombreux autres chasseurs stellaires. Une fois à l'intérieur, elle tapa les coordonnées de Yavin IV, tentant de contrôler son excitation : ça faisait bien trop longtemps qu'elle n'avait pas vu son ancien maître et cousin. Ainsi que sa cousine et son mari. Les gens qui avaient pris soin d'elle comme s'il s'agissait de leur fille les premières années de son entraînement. Elle décolla avec un sourire et suivit les balises de sortie : par chance il est était encore très tôt et la « route » étaient assez dégagée. Elle put passer rapidement en hyperespace, apparemment détendue, mais le souvenir du cauchemar encore profondément marqué au fer rouge dans sa mémoire…
2
Luke et l'Académie
Dans les couloirs de l'Académie Jedi, un petit droïde roulait à tout allure vers les appartements de Maître Skywalker. Le Jedi était certainement en train de méditer - il ne voulait pas le déranger, mais c'était plutôt urgent. Il émit des bips répétitifs devant la porte automatique qui finit par s'ouvrir sur un homme au visage toujours juvénile, bien qu'il ait un peu plus de quarante ans. Il sourit en voyant son petit droïde tout affolé devant la porte.
— Eh bien R2, qu'est-ce que se passe ? C-3P0 est encore tombé dans le trou à l'étage ?
— Bee-beep.
— Qu'est-ce que c'est, alors ? demanda Luke Skywalker qui venait de recevoir la traduction des paroles de R2-D2 sur son datapad.
— Bip ! Bee-bee-bebeep !
— Sheyla, ici ? dit-il d'un ton surpris. J'arrive tout de suite !
Le petit droïde repartit dans les couloirs en bipant joyeusement. Luke le suivit, prit quelques ascenseurs et se retrouva devant l'entrée principale de l'Académie; il n'eut pas de mal à reconnaître le vaisseau de Sheyla posé au milieu de ses X-Wings. Elle était tranquillement assise dessus comme d'habitude, et lui adressa un grand sourire. Il remarqua qu'elle avait une jambe serrée dans une attelle et le bras en écharpe; malgré cela elle semblait en parfaite santé.
— Sheyla ! cria-t-il.
Il s'avança vers elle en souriant et la prit dans ses bras. Il avait toujours l'impression de tenir la petite fille de huit ans qu'elle était la première fois qu'il l'avait vu…
— Maître Luke, dit-elle. Cela faisait tellement longtemps…
— En effet, acquiesça-t-il.
Elle s'écarta de lui. Il l'observa un peu. Elle n'avait pas beaucoup changé depuis la dernière fois qu'il l'avait aperçu. Ses traits avaient peut-être un peu mûri…
— Alors, dis-moi, qu'est-ce qui t'amène ?
— J'ai besoin d'un peu de repos et d'être loin du Temple un moment, répondit-elle, le regard distant.
— Je te comprends très bien. Il y a toujours une chambre de disponible pour toi, au troisième étage, si tu veux…
— Je veux bien, merci, approuva-t-elle.
— Combien de temps comptes-tu rester ?
— Environ une semaine. Le temps que ma jambe aille mieux et que je puisse de nouveau courir… ensuite je rentrerai au Temple.
— Tu es sûre que ça va, dis-moi ?
— Bien sûr, maître. J'ai juste besoin de parler un peu.
— Nous parlerons plus tard, dit-il avec un sourire. Pour le moment, je crois que deux personnes souhaitent te voir…
Sheyla sourit. Elle entra dans l'Académie à la suite de Luke ; elle vit plusieurs chevaliers Jedi intrigués la regarder avec insistance. La plupart d'entre eux se demandaient qui elle était, les autres la saluaient respectueusement. Elle leur rendit leurs saluts en souriant.
Autour d'elle, la beauté à la fois sauvage et pacifique de l'Académie Jedi la stupéfiait, comme chaque fois qu'elle venait là. Complètement intégrée à la jungle de la petite lune de Yavin, l'ancienne base rebelle avait été complètement transformée. C'était à l'origine l'un des temples massassi qui se retrouvaient un peu partout sur cette région de Yavin IV ; elle avait été réutilisée par les rebelles bien longtemps, jusqu'à ce que l'Empire ne les en chasse. Aujourd'hui, c'était un bâtiment accueillant, mais toujours distant, comme s'il avait son propre esprit. Un peu comme celui du Temple d'ailleurs. Mais si l'ambiance du Temple avait toujours été dotée d'une pointe d'austérité et de technologie, celle de l'Académie était totalement différente. On avait plus l'impression d'un sanctuaire secret au fond de la jungle, calme et encore inviolé. Sheyla pouvait ressentir l'influence de la nature, et même la voir : partout, les murs étaient recouverts de lianes résistantes qui s'étaient faufilées à travers des fissures dans les murs de l'antique temple massassi. La lumière perçait à travers de nombreuses ouvertures naturelles, dessinant des ombres sur le sol. C'était totalement différent des immenses baies vitrées du Temple qui le rendait très lumineux : ici, il restait un peu d'ombre dans des recoins, une atmosphère secrète et peut-être un peu plus personnelle régnait. Dans le Temple, elle avait parfois l'impression de ne pas pouvoir se cacher ; ici, c'était tout le contraire. Comme si chacun gardait ses secrets pour les confier à la nature très présente, presque absente de Coruscant.
Sheyla inspira lentement, respirant l'odeur humide de la verdure, du naturel, une chose qu'elle ne pouvait pas avoir sur la ville-planète qu'était Coruscant. Bien qu'elle ne soit pas venue depuis longtemps, elle n'avait pas changé. Il y a certaines choses qui restent toujours telles qu'elles sont : le Temple et l'Académie Jedi en faisaient certainement partie. Elle jeta un regard à son ancien maître et sourit. Lui non plus n'avait pas changé. Il avait été à la fois un père, un frère et un mentor dans sa vie : aujourd'hui, il était la personne en laquelle elle avait le plus confiance. Elle aurait confié sa vie à n'importe quel Jedi du Temple, elle l'aurait risquée pour eux et ils en auraient fait de même, mais elle n'aurait jamais confié celle de ses proches à une autre personne qu'à Luke. De vieux souvenirs remontèrent en elle, elle sourit intérieurement.
3
Souvenirs de famille
Il sentit son regard et se tourna vers elle.
— Qu'est-ce qu'il y a ? dit-il, intrigué.
— Oh, rien, je me souviens la première fois que vous m'avez montré comment lancer son sabre-laser au loin en étant sûr qu'il reviendrait.
— Oh, oui, acquiesça Luke avec un large sourire. Tu avais douze ans, c'est ça ? Tu as failli décapiter maître Keradona ce jour-là.
Sheyla rit.
— Heureusement qu'elle a toujours eu d'excellents réflexes.
— Oui. Oh, et la fois, avec Han et Leia, quand j'ai voulu piloter toute seule le Faucon…
Cette fois, Luke explosa littéralement de rire.
— Je ne sais pas si Han t'as encore pardonné de lui avoir fait l'une des plus grandes peurs de sa vie.
— Il faudra que je lui demande, admit Sheyla. Il ne m'a jamais plus laissé piloter seule, après…
— Cela fait vraiment trop de temps que nous ne nous sommes pas vus, soupira Luke.
— J'ai eu beaucoup de missions, je n'étais vraiment pas disponible…
— Je comprends. Eh, dis-moi, qu'est-ce qui t'es arrivé ? finit-il par dire après un silence. Tu es dans un bel état.
— Je vais bien. Enfin, presque. C'est une longue histoire, je vous raconterai…
— J'espère bien ! dit Luke en souriant. Ça va bien, au Temple ?
— Parfait, répondit Sheyla en se raclant la gorge.
— Tes maîtres sont toujours aussi bornés ? dit Luke avec un sourire entendu.
— Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
— Oh, ma chère Sheyla, tu as été ma Padawan et tu es toujours ma cousine. Nous partageons à peu près un quart de notre sang et je peux lire en toi comme dans un livre ouvert, dit-il avec un sourire.
— Mais moi aussi, rétorqua-t-elle.
Ils continuèrent à parler jusqu'à ce que Luke arrive dans la salle de sécurité de l'Académie : à l'intérieur, une femme du même âge que lui mais dont la beauté restait inégalée avait ouvert des compartiments et soudait des câbles électriques.
— Ah, Luke, te voilà, dit-elle sans lever le nez de ses occupations, j'étais justement en train de réparer le système de sécurité, Han est en train de s'occuper de l'holocaméra numéro 34 avec C-3PO et – Sheyla ?
Sheyla sourit.
— Bonjour, tante Leia.
Elle l'avait toujours appelée tante même s'il s'agissait de sa cousine. Leia n'avait jamais été contre. Lorsque Sheyla était petite, elle disait « tata » la plupart du temps, cela la faisait rire…
— Bonjour, Sheyla, dit-elle avec un large sourire, ôtant son masque de protection. Toi ici ! Ça alors. Cela faisait bien longtemps !
Elle s'étreignirent comme une mère et sa fille. Leia, le visage radieux, était une Jedi depuis longtemps. Étant adulte lorsque Luke avait fait chuter l'Empire, elle n'avait pas bénéficié d'une formation proprement dite. Luke lui avait appris tout ce qu'il savait l'année qui avait suivi la bataille d'Endor, avant de trouver et de prendre Sheyla comme padawan. Leia, qui avait, comme lui, appris très vite les voies des Jedi, avait complété sa formation en les accompagnant dans quelques missions ou en écoutant des anciens Jedi comme maître Keradona donner leurs enseignements aux plus jeunes. Maintenant, c'était un maître Jedi accomplie : sa puissance égalait souvent celle de Luke et comme lui, elle faisait honneur à sa famille. Sheyla voyait en elle un guide, une femme qui, comme maître Keradona, l'avait épaulée toute son enfance et son adolescence. Elle avait toujours été très combattive, mais gardait un côté maternel au possible. Elle vivait avec Han Solo qu'elle avait épousée bien des années auparavant, mais ils n'avaient jamais eu d'enfants. Comme disait Leia, mes enfants, ce sont les plus jeunes Padawans de l'Académie.
— Eh bien, tu es dans un bel état, dit-elle, exactement comme Luke l'avait fait remarquer quelques minutes plus tôt.
— Je vous raconterai plus tard.
— Viens, on va aller prendre une tasse d'ardees à la cafétéria. Je vais chercher Han et Chewie.
La personne qui sortit d'un couloir en riant à la suite de Leia, Sheyla la connaissait bien. Han Solo s'avança vers elle. L'ancien contrebandier avait toujours l'esprit d'un adolescent. Elle l'aimait beaucoup. « Tonton Han » était la seule personne qu'elle tutoyait à l'Académie. Il était accompagné par Chewbacca, un Wookie qui le suivait comme son ombre et probablement son meilleur ami. Ce dernier serra Sheyla dans ses immenses pattes en lui mugissant la bienvenue. Lorsqu'il la laissa sortir, Han éclata de rire et se dirigea vers elle.
— Salut, p'tit bout ! lança-t-il en lui ébouriffant les cheveux.
— Salut, Han ! répondit-elle avec un grand sourire.
— Heeey, t'as encore poussé, Sheyla. Ça fait bien trois mois que l'on ne s'est pas vus, hein ?
— Je t'ai manqué ?
— Non, répondit-il après réflexion. C'était calme sans toi.
La jeune Jedi sourit.
— Mais, heu, fit-elle en prenant un ton capricieux.
— Mais dis-moi, tu es passée sous le tram de Coruscant ? Ou un rancor t'es tombée dessus ? continua-t-il d'un ton railleur.
— Je t'expliquerai.
4
Le passé a disparu, dévoré par le futur
Ils se dirigèrent vers la cafétéria tous ensemble. Une fois assis, tout le petit monde demanda à Sheyla pourquoi elle s'était rendue à l'Académie.
— Vous me manquiez, dit-elle avec un sourire confus. Et il y a beaucoup d'autres raisons… Je suis un peu dépassée par les évènements.
— Ça se voit, dit Luke doucement. Je vois bien que quelque chose ne va pas avec le Conseil.
Elle le regarda par-dessus la tasse d'ardees qu'elle était en train d'avaler et la reposa en s'éclaircissant la gorge.
— On reparlera du Conseil plus tard, vous voulez bien ? dit-elle d'un ton acerbe.
Elle n'osait pas lui dire qu'il était la cause de tous ses problèmes avec le Conseil. Elle changea vite de sujet et parla donc de sa mission avec Rurk, ainsi que de Jamila. Au fur et à mesure qu'il l'écoutait, Luke fronçait les sourcils.
— Rurk… qui aurait pu penser qu'il deviendrait cela, soupira Luke. Ça me navre d'apprendre qu'il est mort.
— Moi aussi, dit Leia d'un ton triste. Il était mignon, ce petit garçon. Mais ce jour-là, quand tu as voulu l'empêcher de partir…
Sheyla coupa court.
— C'est du passé tout ça. Je ne suis pas morte.
— Tu n'en étais pas loin, dit Leia d'un ton de reproche. Luke et moi t'avions mise en garde… Enfin, maintenant, tout ça c'est terminé.
— Oui, dit Sheyla, le regard perdu dans le vide.
— Et pour cette Jamila ? questionna Luke d'un ton calme. Que comptes-tu faire ? Je serais heureux de l'écouter.
— Elle est partie, déclara Sheyla. Elle semblait très déçue… Elle n'a même pas voulu m'écouter.
Luke soupira.
— Où est-elle, maintenant ?
— Je ne sais pas. Je pense qu'elle est retournée sur la lune de Naboo…
Son ancien maître hocha la tête.
— Si son destin est de devenir Jedi, elle reviendra d'elle-même, dit-il simplement.
— J'espère…
Sheyla baissa la tête. Elle ne savait pas comment, mais une sorte de désarroi l'affaiblissait. Elle pouvait revoir le visage de Jamila lorsqu'elle lui avait annoncé que le Conseil ne voulait pas d'elle… Et sentir son désespoir…
— Cette fille… elle a quelque chose… Je ne sais pas, parfois, j'ai l'impression d'être connectée à elle par un fil invisible. Pendant… pendant que je me battais avec Rurk, commença Sheyla, j'ai senti quelque chose. Comme si elle était présente. C'était très étrange.
Luke fronça les sourcils.
— Étrange, dit-il d'un ton pensif.
Il n'ajouta rien d'autre. Un lourd silence tomba sur le petit groupe. Enfin, Han se décida à le briser.
— Bon, Sheyla, tu restes combien de temps ici ?
— Environ une semaine, répondit celle-ci. Le temps de me remettre.
Elle resta encore un peu à discuter avec ceux qui l'avaient vue grandir, puis Luke, qui avait quelques affaires à régler, quitta le réfectoire. Sheyla aussi alla retrouver ses quartiers, une petite chambre qu'elle avait toujours eue à sa disposition. Elle s'allongea sur un grand lit sous une fenêtre ouverte sur la jungle de Yavin IV. Elle observa un temps les grands arbres qui semblaient vivre et respirer au sein de la forêt. Un cri d'oiseau parvint jusqu'à elle. Elle ferma les yeux, ressentant chaque présence autour d'elle. Elle inspira, se disant qu'elle allait passer une semaine plutôt reposante…
5
Retour au Banc du Spatioport
À des années-lumières de là, sur une petite lune malfamée, une navette atterrissait tranquillement. Des réfugiés et d'autres voyageurs en descendirent, parmi eux une ravissante jeune femme d'une vingtaine d'année, aux longs cheveux noirs, les yeux bleus comme l'azur. Elle se dirigea rapidement vers l'auberge Le Banc du Spatioport. Les portes automatiques s'écartèrent devant elle, elle entra. Une autre femme d'un âge respectable la vit entrer et s'exclama :
— Jamila !
Cette dernière sourit et enlaça Saré comme une sœur. Saré semblait à la fois heureuse et triste de revoir sa protégée… Elles montèrent à l'étage. Jamila ne bougeait pas. Elle s'assit sur une chaise du salon familial et jeta un regard en coin à Saré qui prit place non loin d'elle.
— Eh bien, pourquoi es-tu revenue ? demanda Saré d'un ton inquiet.
— Oh, dit Jamila d'une voix déçue, c'est une très longue histoire.
— Raconte, ma petite, insista Saré.
Jamila finit par lui expliquer tous les évènements de ces derniers jours. Saré l'écouta d'un air contrit.
— Alors tu vas rester ici, soupira-t-elle. Si c'est ton choix…
La jeune femme ne répondit rien.
— Bon, il y a des clients qui attendent, dit-elle finalement.
Elles descendirent toutes les deux au bar pour servir les gens de Naboo II. Jamila jeta un dernier regard sur l'extérieur, puis se résigna et disparut derrière le comptoir.
6
Un défi
La semaine passa très vite pour Sheyla. Elle se remettait très bien, et au bout du cinquième jour un droïde médical lui confirma qu'elle pouvait enlever son attelle, ce qu'elle fit sans attendre. Elle profita de l'Académie et de son ambiance, observant les jeunes Jedi combattre ou s'entraînant à des exercices de tir. Passer son temps à aider Han pour réparer le système de sécurité défaillant l'occupait plutôt bien, et elle n'avait pas le temps de s'ennuyer. En revanche, elle ne pouvait s'empêcher de penser à Jamila, coincée sur sa lune, dans une auberge miteuse…
Ce soir-là, elle rejoignit Luke dans une salle de méditation pour lui parler. Ces grandes salles étaient pourvues d'immenses ouvertures verticales, qui dessinaient des rectangles de lumière sur le sol de pierre. Il ne se montra pas surpris à son arrivée.
— Je t'attendais, dit-il simplement.
— Impossible de vous surprendre, n'est-ce pas ? dit-elle en souriant.
Une question la tracassait. Quelque chose à quoi elle avait eu l'occasion de penser longuement pendant ces quelques jours de tranquillité.
— Qu'est-ce que tu voulais me demander ? dit Luke tandis qu'elle s'asseyait sur un pouf à côté de lui.
Sheyla réfléchit. Elle s'était posée beaucoup de questions pendant ses heures solitaires, des questions sur sa famille et sur la raison de ce différent entre les Skywalker et le Temple. Bien sûr, elle savait pourquoi le Temple se méfiait d'eux, mais elle ne comprenait pas ce qu'elle, qui était d'une autre branche de la famille, avait de si peu digne de confiance.
Mais surtout, le cauchemar était revenu. Elle voyait le visage de sa mère plus nettement que jamais, semblant vouloir lui dire quelque chose. Elle revoyait l'explosion déchirer le ciel. Cette vision qui l'avait hantée trois ans après la destruction de la Terre, était revenue. Mais elle n'en parla pas à son maître, lui qui avait travaillé dur avec elle ces trois années pour ne pas laisser le cauchemar la déstabiliser. Elle n'allait pas lui dire que tout avait recommencé… en pire. À cette époque-là, elle n'avait que treize ans et quelques, le cauchemar la prenait toutes les nuits. Maintenant, ce n'était pas pareil : elle pouvait l'analyser, réfléchir, méditer, elle avait tout son entraînement de Jedi pour le comprendre. C'était pourquoi elle n'en parlerait pas à son maître. C'était une énigme qu'elle devait résoudre seule. Cependant…
— Maître, je voulais vous demander quelque chose à propos de ma mère.
Luke sembla surpris, mais il acquiesça.
— Il y a une question que je n'ai jamais pensé à vous poser. Je veux dire, je sais que vous avez reçu un message de ma mère et que c'est dans ce dernier qu'il était dit que nous étions cousins. Puis le test ADN l'a confirmé, mais… qu'est-ce qu'il y avait dans cette lettre ?
— Oh, c'est ça que tu veux savoir ? dit Luke en souriant. Ta mère m'a envoyé ce message avec un communicateur qu'elle avait conservée sur Terre, environ un an avant que la planète n'explose. Mais elle avait noté dessus que je ne devais le consulter qu'après avoir terminé ton entraînement. Je ne l'ai écouté qu'après. Au début, je n'y croyais pas, au fond de moi je le savais mais je voulais pas y croire, mais finalement, la confirmation ADN a bien prouvé que nous avions la même grand-mère.
Sheyla hocha la tête.
— Que disait-elle dans ce message, à part ce que vous m'en avez dit ? demanda Sheyla.
Luke se leva et se dirigea vers la sortie.
— Je t'en ai expliqué l'essentiel, mais si tu veux le lire entièrement… Viens, je l'ai conservé quelque part dans mes dossiers. C'est un enregistrement vocal, ajouta-t-il.
Sheyla le suivit. Ils allèrent dans ses appartements, il consulta son ordinateur personnel, relié à tous les systèmes de surveillance. Finalement, il enregistra sur un petit datapad l'enregistrement n° 2534, noté « Kathy Sochard/Skywalker, an 13 ap-Edr » (ce qui signifie 13 ans après la bataille d'Endor). Il tendit le datapad à Sheyla qui le remercia brièvement.
— Je l'écouterai tout à l'heure au calme, lui dit-elle en le rangeant dans une poche de son uniforme.
— Comme tu veux, répondit Luke. Au fait, je me demandais si tu n'avais pas un peu perdu la main, au niveau du sabre-laser. Je suis libre demain à cinq heures galactiques, neuf heures locales. Ça te dit, un petit combat d'entraînement ?
Prise de court, la jeune Jedi hésita. Une partie d'elle adorait les combats, surtout lorsqu'il s'agissait de vrais challenges, mais l'autre partie lui criait qu'elle n'était pas assez rapide pour se remettre à combattre, surtout contre Luke Skywalker. Mais elle savait également que ce dernier serait déçu si elle refusait. Très déçu. Une Skywalker, refuser un défi ? Finalement, elle se dit qu'un peu d'entraînement lui ferait le plus grand bien.
— Pourquoi pas ? répondit-elle avec entrain.
— Tu ferais bien de t'entraîner avec Leia, dit-il avec un sourire moqueur. Tu en auras besoin.
— Nous verrons, dit Sheyla.
— Je sens que je vais lancer les paris avec Han. Cinq minutes, ça te va ?
— Ne vendez pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué, maître ! déclara-t-elle fièrement.
Il lui adressa un clin d'œil provocateur et s'éloigna. Il était très occupé et beaucoup de gens demandaient à le voir à l'Académie…
7
Une voix dans le silence
Elle alla donc s'occuper de C-3PO qui déclarait avoir besoin d'un bon bain d'huile. Puis elle rentra dans ses quartiers admirer le coucher de soleil. Il était déjà tard et l'horizon se couvrait d'une ombre orangée, teintant les arbres de reflets étranges. Le ciel était violacé : signe de beau temps à venir. La nature semblait calme, en harmonie. On entendit les premiers chants des créatures nocturnes, au loin, dans l'épaisse forêt vierge. Sheyla s'allongea sur son lit et écouta cette sérénade sauvage, puis elle sortit de sa poche le datapad confié par Luke. Elle l'observa longuement, hésitante. Après tout, elle n'avait pas entendu la voix de sa mère depuis bien longtemps. Trop longtemps. Était-ce des regrets, de la tristesse qui l'envahissaient ? Les Jedi ne devait pas se laisser aller aux émotions. Elle appuya sur la touche lecture et une voix familière s'en éleva :
Kathy Sochard, 12 mai 2005, Antibes, France. Terre - Earth - EA-24B7.
À Luke Skywalker.
Cher Luke,
Ou devrais-je plutôt dire cher neveu. Oui, tu as bien entendu, Luke. Cher neveu. Peut-être que je devrais expliquer… Vois-tu, je ne suis pas une simple Terrienne comme tu l'as certainement pensé. Mon véritable nom est le même que le tien. C'est une très longue histoire. Je viens de ce monde - ton monde. Je veux dire, je viens de la République. Oh, qu'est-ce que je viens de dire… Non, pas de la République. Si je te dis Tatooine, tu comprends ? Oui, bien sûr que tu comprends.
Un soupir s'éleva de l'enregistrement.
Enfin. J'étais jeune quand je l'ai appris. Je ne savais pas qui était ma mère. Je ne savais pas d'où je venais. Elle n'avait laissé qu'une chose : une lettre que je ne devrais lire que pour mes vingt-et-un ans, ce que bien sûr, j'ai fait. J'étais dans un petit orphelinat miteux quand j'ai lu cette lettre. Elle m'expliquait tout. Qui j'étais. Qui était ma mère. J'ai eu pour la première fois un nom, Skywalker. Oui. Ma mère se prénommait Shmi Skywalker. Ta grand-mère. Elle m'expliquait que j'avais un frère, plus vieux que moi d'environ cinq ans. Elle était encore esclave lorsque je suis née, alors qu'elle ne le désirait pas, c'est pour ça qu'elle m'a abandonné. Je n'ai jamais connu mon père. En ai-je un, d'ailleurs ? Tout ce que j'ai appris d'elle c'est que mon fameux frère, Anakin, est devenu Jedi, et que j'avais le potentiel de l'être. J'ai appris de sources secrètes en sources secrètes que ce frère que j'ai admiré quelques semaines était en réalité le monstre qui servait de bras droit à l'Empereur. Ton père. Je te laisse imaginer le choc. Et lorsque les troupes impériales ont débarqué sur Tatooine, pour je ne sais quelle raison, prise de panique, je me suis enfuie.
La voix de sa mère prit une inspiration profonde.
Sauf que je n'ai jamais été très bon pilote : à la suite d'une erreur dans les coordonnées de l'hyperespace, je me suis retrouvée sur cette petite planète isolée des zones non-colonisées, que ses habitants étranges appelaient la Terre. Il y avait des centaines de dialectes différents sur cette planète, mais j'en ai appris deux : le premier, il semblait que tout le monde savait plus ou moins le parler; ils appelaient ça l'anglais, c'était une forme dérivée, dérivée mais très proche, du basic galactique. Le deuxième était la langue du pays dans lequel j'ai atterri : le français. Je les ai maîtrisés assez rapidement. Une chance, j'avais trouvé un havre de paix où mon frère qui était devenu mon pire cauchemar, ne pourrais pas me trouver. Je suis sûre qu'il n'a jamais su qu'il avait une sœur, et pourtant, j'étais si bien sur Terre que j'y suis restée, et que j'y ai fondé une famille. Daniel savait d'où je venais. Il avait été le seul à me croire et à me comprendre. Et notre fille, lorsqu'elle est née, a été notre plus grand bonheur.
Sheyla inspira. Elle se sentait étrangement triste : l'évocation des souvenirs de sa mère la bouleversait.
Elle a appris à marcher, à parler, à courir, à jouer, compter, lire. Toutes ces choses que font les enfants normaux. Sauf qu'elle ne l'était pas. Bien sûr, je le savais. Je tentais de l'oublier, d'oublier qui j'étais, d'où je venais. Mais ses pouvoirs se sont imposés d'eux-mêmes. Je me rappelle avoir été convoquée chez la directrice de son école. L'institutrice jurait avoir vu des crayons voler autour d'elle pendant la séance de dessin. Et personne ne comprit pourquoi j'ai éclaté de rire à ce moment-là, ni pourquoi Daniel m'a dit « Déjà ? » d'un ton surpris et colérique. Il avait peur pour son avenir. Il disait qu'elle ne pourrait pas y échapper. Je disais qu'on ne peut pas devenir Jedi sans entraînement, qu'elle ne risquait rien. Mais je me mentais à moi-même. Puis tu es arrivé. Je le savais, et j'attendais ta venue. J'avais toujours un communicateur avec moi, resté dans mon vaisseau. J'écoutais l'Holonet depuis la Terre, et je savais ce qui ce passait dans les frontières de l'espace connu, dans l'Empire. C'est un an avant que la Force ne te conduise sur notre petite planète que j'ai appris la fin de l'Empire. Et l'existence d'un certain Luke Skywalker et de sa sœur. Dès ce moment, j'ai su qu'un jour tu viendrais. Et tu es venu. Je repense toujours à ce qu'il m'a fallu dire pour convaincre mon mari de laisser Sheyla partir – au fond, il avait toujours été d'accord, mais réveiller cette partie de lui fut difficile. Quand je pense que les voisins nous ont crus lorsque nous avons annoncé que Sheyla était partie en pension pour enfants spéciaux, et que le bruit qu'ils avaient entendu à deux reprises venant du jardin n'était rien d'autre que la pompe mécanique de la piscine. Et tu es reparti. En emmenant une partie de moi-même. Et pourtant, j'y étais préparée.
La voix à la fois douce et dure de Kathy se brisa.
Je sais, grâce à l'Holonet (bien que je ne le capte que très mal), que vous allez tous les deux très bien. Pour le moment.
Elle rit.
Je ne reviendrais pas sur Terre, je préfère vous laisser vivre votre vie, et l'entraînement de Sheyla doit se passer de moi. D'ailleurs, si tu as respecté le vœu indiqué au lancement de l'enregistrement, cet entraînement est terminé. J'espère qu'il s'est passé au mieux. Mon cher neveu, apprends à ta Padawan que tu es son cousin. Et vivez avec, au mieux possible. Je vous souhaite plein de bonheur, à tous et à toutes. Peut-être, peut-être qu'un jour, je vous reverrai, peut-être qu'un jour, Sheyla apprendra le dernier des secrets de famille que je désire encore garder. En attendant, que la Force soit avec vous. C'est tout ce que j'ai à dire…
Kathy Sochard, fin de l'enregistrement.
Un petit bip retentit et le datapad s'éteignit. Sheyla, encore troublée par les paroles de sa mère, le reposa délicatement sur sa table de chevet. Elle se leva, se déshabilla et entra dans son lit, épuisée sans savoir pourquoi. Elle jeta un œil à sa jambe. La cicatrice qui partait du haut du genou jusqu'à la cheville de la jeune femme, risquait de perdurer. Quant à la douleur…
Sheyla tenta d'oublier tout cela et repensa au datapad. Elle avait encore peine à croire que la Terre n'existait plus, que sa mère et son père avaient disparus, à jamais. Elle se souvenait de ces années de tranquillité sur cette petite planète, des nuits qu'elle passait à observer les étoiles, cherchant les petits hommes verts. Elle se rappela comment Luke était arrivé, comment tout avait changé en l'espace de deux ou trois jours, comment son père réticent avait fini par accepter qu'elle parte avec « eux »… Comment sa mère, ce jour-là, avait refusé de les suivre, comment elle avait dit « laisse-la partir, tu savais qu'elle le devrait ». Et de toutes ce années, il ne restait plus que des souvenirs… Luke lui avait dit que Shmi avait eu sa mère dans la boutique de Watto, à la suite d'une aventure. Ce n'était pas logique. D'où tenait-il cette information ? Peut-être avait-il préféré dire cela que de lui dire « Tu n'as pas de grand-père » ou quelque chose du genre. Elle soupira. Et ce dernier secret de famille… Quel était-il ? Elle médita longuement sur la question, ne comprenant pas, ne voyant pas qu'elle avait la réponse, qu'elle la connaissait déjà… Finalement, plongée trop profondément dans les méandres de la Force et de son esprit, elle s'endormit d'un sommeil étrange, peuplé de rêves qui la conduisaient tous sur une lune dévastée…
8
TOUT VA TRÈS BIEN !
Après une longue semaine passée à nettoyer les verres au bar, Jamila commença à se sentir seule et inutile. Elle ne pouvait pas continuer ainsi, pas après ce qu'elle avait appris… Pas après la vie qu'elle avait menée ces quelques dizaines d'heures… Elle soupira en apportant l'énième tasse d'ardees accompagnée de son traditionnel beignet au rixt jaune à un client étrange, un alien probablement originaire de Mon Calamari. Il la fixait de ses yeux globuleux, sans esquisser le moindre sourire. Et pourtant, à l'accoutumée, les clients, aussi disgracieux qu'ils furent, décochaient toujours un sourire charmeur à « la jolie serveuse humaine du Banc du Spatioport, mais vous pouvez l'appeler Jam ».
— Tout va comme vous le souhaiter, monsieur ? demanda-t-elle d'un ton calme en se penchant vers lui.
— Mise à parrrrrrt cette interrrrrruption, tout va trrrrrès bien ! grogna-t-il dans un basic très, très fortement accentué, à la manière selkath de Manaan.
Jamila quitta la table sans mot dire, agacée. Elle faisait tout pour ses clients, et dès qu'elle voulait apporter un peu d'aide, on la renvoyait valser. Saré remarqua qu'elle était sur les nerfs et vint la voir, tandis qu'elle préparait deux cocktails freyrenn pour les Gamorréens de la table numéro quatre.
— Tout va bien, Jamila ? risqua Saré d'une petite voix.
— Mise à part cette interruption, tout va très bien ! s'écria cette dernière en guise de réponse.
Elle quitta le comptoir et monta à l'étage, dans les pièces d'habitation, et s'enfonça dans un fauteuil du petit salon de l'appartement. Saré la rejoignit quelques minutes plus tard.
— Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle anxieusement.
— Oh, rien.
— Dis-moi, insista Saré en lui caressant les cheveux comme elle l'aurait fait à sa fille.
— Tu veux savoir ? Je n'en peux plus de cette auberge ! Ce n'est pas la vie que je suis censée mener ! explosa Jamila. Comment veux-tu continuer à servir des racailles sur cette maudite lune lorsque tu as appris que tes parents ne sont pas tes parents, que tu peux devenir Jedi et que tu as sauvé la vie de l'une d'entre eux ? Je ne peux pas rester ici, coupée du monde, et rater ma vie, alors qu'une autre m'attend dehors ! Sur Coruscant ! Et partout ailleurs ! Pas ici…
N'ayant plus rien à dire, elle se tut, fixant celle qui avait été sa nourrice dans le blanc des yeux. Jamila s'attendait à des reproches, mais à la place, un sourire se dessina sur les lèvres de Saré.
— C'est exactement ce que j'attendais que tu dises, dit-elle simplement. Merveilleux.
— Quoi ? dit Jamila, surprise.
— Cela fait une semaine que je te vois malheureuse, renfermée ici. Et depuis que tu es ici, d'ailleurs, tu veux en sortir. Ta chance, tu ne l'auras pas deux fois. Impose-toi. Sors de ce trou. Et cette fois, ne reviens pas. Vis la vie pour laquelle tu es née, vis la vie à laquelle ta vraie mère a autrefois voulu que tu échappes, saisis ta chance. Tu te débrouilleras merveilleusement, mais pour parvenir à tes fins, il faut que tu te débattes. De toute façon, c'est trop tard, tu ne peux pas continuer comme cela.
Jamila réfléchit. Saré avait raison. Elle ne pouvait pas rester sur Naboo II. Elle se leva.
— Tu as raison. Je repars.
Saré sourit à nouveau. Jamila rassembla ses affaires et un peu de crédits républicains, puis fit ses adieux à Saré sans regrets. Elle devait partir. Saré la regarda partir avec un sourire : enfin, sa petite protégée prenait la suite de ses parents. Ou du moins, de ses parents adoptifs. Quelque part, dans son expression déterminée, les sourcils fronçés, Saré reconnut celle que prenait John lorsqu'il avait une mission particulièrement difficile à accomplir. Elle sourit. Ce n'était peut-être pas la fille de Rosamund, mais elle en avait gardé le caractère. Saré se demanda qui était la véritable mère de Jamila. Peut-être avait elle un caractère aussi fort que sa fille, peut-être avait-elle été aussi, une aventurière. Saré soupira. Peut-être que Jamila découvrirait un jour qui était sa mère, ou peut-être ne le saurait-elle jamais. Dans les deux cas, elle ne cesserait jamais d'être la fille de John et Marguerite Rosamund, dans le cœur de leur meilleure amie.
9
Combat de maîtres
Le lendemain matin, Sheyla se réveilla un peu pâteuse. Un violent bip retentit sur l'holoréveil à côté d'elle, la jeune Jedi se retourna dans ses couvertures. Elle rêvait de le détruire d'un coup du plat de la main sur le boîtier, mais se retint. Ce n'était pas digne d'elle. Elle jeta un regard morne à l'holoréveil et l'heure la fit bondir : 4h55 HG. La première pensée qui lui vint fut : tout va bien, il a dit neuf heures. Sauf que le petit appareil affichait l'heure galactique. Il lui fallut un moment à son cerveau encore peu frais pour comprendre ce que cela signifiait : après quoi elle sauta hors de son lit à grande vitesse et s'habilla rapidement, mettant des vêtements de terrain. Elle passa la tête sous un robinet d'eau froide, attacha son sabre-laser à sa ceinture et quitta les dortoirs en courant.
Luke l'attendait dans la salle d'entraînement, souriant. En la voyant, décoiffée, encore peu réveillée, il ne put réprimer un rire. Leia et Han se trouvaient dans la salle, accompagnés par R2 qui bipait d'excitation et C-3PO qui ne cessait de proférer des remarques d'inquiétude. Une petite foule commençait à se rassembler autour d'eux.
— Tu es sûre que tu veux te battre ? lui lança Luke d'un ton provocateur.
Pour toute réponse, elle s'inclina brièvement et activa son sabre-laser, la tension de la lame baissée au maximum pour éviter les blessures. La lueur verte se reflétait dans ses yeux. Elle inspira et souffla lentement. Son bras et sa jambe étaient encore un peu raides, mais elle devait pouvoir faire avec… Luke eut un sourire en observant l'élégance de son ancienne élève, qu'il n'avait pas vu combattre depuis belle lurette.
— Je propose que le premier qui reçoit une décharge soit le perdant, dit-il d'une voix calme.
— Ça ira pour moi, répondit-elle d'un ton neutre.
Il activa son sabre-laser. Les deux lames vertes brillaient d'un éclat identique. Han et Leia se mirent sur le côté tandis que de nombreux membres de l'Académie curieux de voir l'affrontement entraient dans la salle. Ça allait être intéressant : les deux adversaires se connaissaient parfaitement, et connaissaient la technique de combat de l'autre pour l'avoir soigneusement étudiée.
— Vingt crédits sur Luke, dit Han à sa femme.
Leia ne répondit pas. Elle regardait Sheyla sans bouger. Un sourire intéressé se dessina sur ses lèvres.
— Je tiens le pari, finit-elle par dire.
Le silence se fit. Luke et son ancienne apprentie s'observèrent un bon moment sans parler ni bouger. Aucun des deux ne semblaient vouloir donner le premier assaut. Sheyla attendait calmement, se balançant doucement d'avant en arrière pour s'équilibrer. Elle fixait Luke d'un regard intense. Les spectateurs retenaient leur souffle. Finalement, le maître Jedi s'élança vers elle et asséna un coup peu violent de haut en bas. Sheyla para aisément. Il la ménageait; elle détestait cela. Ils échangèrent quelques coups de formalité, de haut en bas et de gauche à droite, s'arrêtant souvent pour s'observer. Sheyla avança un peu, forçant Luke à reculer. Mais contrairement à ce qu'elle espérait, il ne recula pas et effectua un balayage comme pour lui faucher les jambes. Surprise, elle fut contrainte de sauter pour éviter la lame et retomba un peu plus loin. Le choc réveilla une petite douleur dans sa jambe droite, mais elle ne trembla pas un seul instant. Maintenant, le véritable affrontement commençait. Elle sentit la Force affluer en elle comme un cheval de course impatient de s'élancer au galop sur la piste et de libérer ses forces, et se concentra un peu plus.
De son côté, le maître Jedi attendait. Il n'avait pas attaqué très violemment : il voulait voir comment Sheyla se défendait. Le résultat n'était pas si mauvais, mais il espérait mieux. Il était temps de passer à une phase plus offensive, de voir ce que son ancienne padawan avait dans le ventre. Il voulait savoir si son entraînement avait vraiment porté ses fruits, à elle qui détenait le titre de maître au Temple Jedi. Il revint vers elle et enchaîna une suite de mouvement rapides, inversant sans cesse la trajectoire de sa lame, moulinant et balayant sur les côtés. Cette fois-ci, Sheyla ne se laissa pas repousser comme elle l'avait fait. Elle contra ses attaques sans reculer. Lorsque la vague s'arrêta pendant une fraction de secondes, elle se laissa rouler sur le côté, et se releva dos à Luke. Elle fit tournoyer sa lame autour d'elle, toujours de dos. Luke eut à peine le temps de se retourner, bien qu'il connaissait cette manœuvre, l'une des préférées de Sheyla. Les deux lames se heurtèrent, et dans un savant moulinet du bras, il repoussa celle de Sheyla. Le tout dura à peine une demi-seconde. À nouveau, Luke leva sa lame au-dessus de sa tête et l'abattit sur Sheyla qui la contra en plein vol. Le choc fit des étincelles, dans un bruit de crécelle, tandis qu'un flash de lumière verte illuminait la salle. Un véritable bras de fer s'engagea. Sheyla concentrait toutes ses forces sur la poignée de son sabre, mais Luke était plus âgé et plus robuste. Et lui n'avait pas eu le bras en écharpe pendant une semaine. Elle invoqua la Force et la fit passer de son corps à sa lame, refusant de lâcher prise, mais Luke, dont le visage serein ne trahissait ni émotion ni effort, raffermit encore sa prise…
Finalement, Sheyla, ne pouvant tenir plus longtemps, se concentra, et très rapidement jeta sa lame sur le côté, se retrouvant sans protection. Mais avant de laisser la lame de Luke la frapper, elle exécuta un salto arrière et la lame de son ancien maître heurta la pierre dans un bruit mat, à l'endroit où elle se trouvait une fraction de seconde plus tôt. Ils restèrent immobiles quelques secondes, à environ cinq mètres l'un de l'autre. Sheyla frémit en pensant que s'il s'agissait d'un combat contre un Jedi Noir sans pitié, si la lame l'avait touchée, elle se serait probablement retrouvée en deux moitiés distinctes. Elle ne bougea pas, concentrant la Force dans son bras gauche que ce bras de fer avait rendu douloureux. La douleur disparut rapidement. Elle tendit la main et son arme sauta dedans comme aimantée. Ils coururent l'un vers l'autre avec une certaine férocité qu'un Jedi devrait penser à réprimer, et à nouveau les rais de lumière verte s'entrechoquèrent dans un mouvement magistral. Sheyla adopta une technique un peu plus offensive, basée sur des coups rapides en travers pour déstabiliser Luke. Mais rien n'aurait su déstabiliser le grand maître Jedi. Rien. Il sautait, tournoyant, virevoltant au-dessus d'elle, pour finalement retomber à sa droite. Elle le bloqua de justesse, tendit le bras gauche, expédiant par lui toute la puissance de la Force qu'elle avait pu concentrer. Luke recula un peu, quelque peu déséquilibré par la vague de Force. Sheyla resta calme et ils échangèrent des frappes d'escrimes régulières.
C'était un beau combat à observer : les jeunes Jedi comme les plus vieux s'intéressaient d'apprendre de nouvelles techniques. Beaucoup avait déjà eu l'occasion de voir Luke combattre; Sheyla, jamais. Et elle n'en démordait pas. Si Luke était incontestablement le meilleur des deux, elle possédait une certaine élégance et une fluidité de mouvement qu'il n'avait pas. Lorsqu'elle faisait tournoyer sa lame, on pouvait parfois voir le tracé résiduel formé par le vert fluorescent. Ce qu'elle avait, c'était indescriptible, c'était une sorte de… classe. Des rescapés de l'Ancienne République auraient dit que sa technique se rapprochait de celle d'Obi-Wan Kenobi, d'ailleurs Annita Keradona l'avait déjà fait remarquer. C'était elle qui lui avait montré quelques coups datant de l'ancien Ordre, disant à Luke qu'elle tenait à « préserver l'élégance des techniques de combat Jedi ». Luke n'avait jamais contesté, il trouvait cela plutôt bien qu'elle mélange les styles et l'avait même encouragée. Ce n'est que plus tard que Keradona lui confia qu'elle avait un style très proche de celui de maître Kenobi, une personne qu'elle idolâtrait beaucoup dans sa jeunesse. Certes, Sheyla avait une beauté de combat que son maître n'égalerait jamais. Il avait un style plus moderne, plus direct et peut-être plus offensif. Il avait l'avantage de l'expérience et sa technique était plus approfondie, certainement. Privilégier l'utile à l'agréable avait ses avantages. Le résultat était que Luke contrait chacune des manœuvres de sa cousine avec une aisance déconcertante. Et pour cause : la plupart d'entre elles, c'était lui qui le les lui avait enseignées. Les autres, celles qu'elle avait apprises seules, sous la tutelle de Keradona ou au Temple, était bien souvent purement défensives. Cela ne suffisait pas. Le combat s'éternisait. Souvent, il semblait que Luke prenait l'avantage et s'apprêtait à en finir, mais toujours Sheyla le repoussait violemment et repartait à l'attaque avec une vélocité effarante. Parfois, on ne pouvait pas savoir qui avait le dessus. Une fois même, Sheyla pensa que la victoire était proche : elle avait anticipé une attaque en papillon de Luke et avait bien failli le toucher à l'abdomen. Mais au dernier moment, il se para d'un bouclier de Force qui la freina considérablement. Et tout revint à la case départ. Ils étaient souvent très bien accordés, comme dans une démonstration de capoera méthodiquement préparée. Les lames s'entrechoquaient dans des flashs éblouissants, au grand bonheur des spectateurs qui tentaient de deviner l'issue de la confrontation. La grâce des mouvements amples, rapides et cependant réfléchis de Sheyla se heurtait aux coups fulgurants de Luke…
Environ quinze longues minutes passèrent sans que l'on puisse savoir qui allait remporter ce défi déguisé en entraînement. Les deux adversaires commençaient à fatiguer, surtout Sheyla qui ployait sous les coups répétés de Luke. Elle sautait, enchaînant salto après salto pour éviter les dangereux balayages du sabre de son ancien maître. Et sa jambe, appuyée par son bras, commençait à crier grâce, tandis que Luke brisait sans peine ses défenses. La jeune femme se retrouvait obligée de sauter et d'exécuter roulade sur roulade pour éviter sa lame. Elle ne tarda pas à ressembler à une proie en fuite, portant quand elle le pouvait des coups rapides en travers qui n'avaient presque plus rien de gracieux et pratiquement tout de cassé et de désespéré. Après une roulade sur le côté, elle se releva précipitamment et para une attaque de Luke, qui ne semblait ni amusé ni déçu (encore moins fatigué). Il restait neutre, mais des gouttes de sueur perlaient sur son front. Ils restèrent un bon moment dans la même position, ni l'un ni l'autre ne reculant. Leurs attaques étaient bien moins rapides et sournoises qu'au début. Sheyla, tout comme Luke, anticipait facilement les mouvements de ce dernier, aidée de la Force. Sur le côté, Leia et Han retenaient leur respiration avec le reste de l'assistance. Le suspense durait. Qui allait gagner ? L'incontesté, l'homme le plus connu et le plus honoré de la galaxie, Luke Skywalker en personne, ou sa petite protégée Terrienne, l'apprentie qui l'avait suivi pendant plus de douze ans, la renommée Sheyla Skywalker du Temple Jedi ? La plupart des membres de l'Académie préféraient voir leur maître gagner, ce qui était compréhensible, car ils savaient que ce combat parviendrait aux oreilles du Temple. Leia et Han étaient partagés, tout comme ceux qui avaient connu Sheyla depuis toute petite. Les autres encourageaient Luke sans ménagement. On ne pouvait pas les blâmer, après tout…
Sheyla comprit que la fin approchait, mais elle n'était pas décidée à se laisser faire. Elle allait se défendre jusqu'au bout, c'était certain. Elle fixa Luke dans les yeux, s'inspirant de la Force, et renvoya sa lame vers lui brusquement. Une étincelle brilla dans ses yeux, il perçut une ouverture dans la défense de Sheyla. Instantanément, elle comprit et tandis qu'il pointait son arme droit devant lui, elle le bloqua. Mais elle se retrouva dans une situation très inconfortable, les bras presque tordus pour maintenir sa lame droite et empêcher celle de Luke de la toucher. Chose idiote qui allait lui en coûter. Il profita de cette faiblesse et fit un imperceptible mouvement circulaire du poignet à l'intérieur de la lame de Sheyla. Son bras ne résista pas. Sheyla entendit un craquement sec et poussa un léger cri de douleur en lâchant son arme. La poignée vola au loin et heurta le sol dans un bruit métallique, puis Luke tendit la main et envoya une onde de Force devant lui. Sheyla essaya de résister mais sa jambe droite se déroba sous elle, et elle se retrouva au sol, désarmée. Il pointa son sabre-laser sur sa poitrine avec un air menaçant, haletant comme un athlète après une course particulièrement éreintante. Sheyla aussi respirait rapidement, assise, immobile, la bouche légèrement entrouverte dans une expression de stupeur indignée. Finalement, il eut un sourire de triomphe, désactiva son sabre-laser et lui tendit la main. Elle sourit et la lui prit de son bras valide. Sauf qu'au lieu de l'aider à se relever, il l'attira contre elle et lui fit un croc-en-jambe qui eut pour effet de la faire chuter sur la pierre froide dans un magistral vol plané. Elle poussa un hurlement, plus de surprise que de peur, et se tourna vers lui avec un air de reproche.
— Leçon du jour, ne fais jamais confiance à l'ennemi ! lança-t-il en riant. Allez, relève-toi.
Il lui retendit la main. Elle hésita, lui lançant un regard méfiant.
— Vas-y, la leçon est terminée !
Elle éclata de rire à son tour, puis se releva et récupéra son arme. Ils se saluèrent respectueusement, trempés de sueur, les cheveux en bataille, mais souriant tous les deux comme s'ils étaient prêts à le refaire dès que possible. Les académiciens applaudirent vigoureusement. Han se tourna vers Leia avec un sourire.
— Vingt crédits, dit-il calmement.
Leia soupira.
— Elle s'est bien défendue !
— Ça je te l'accorde. Allez, garde tes crédits, chérie. On va dire qu'il avait l'avantage de ne pas sortir de rééducation. Et puis nous savions tous qui gagnerait.
Leia sourit et l'embrassa.
— Vaurien, fut la seule chose qu'elle parvint à dire.
10
Le Club des Cinq
Sheyla et Luke revinrent vers eux, encore essoufflés.
— Vous faites une de ces tête, tous les deux ! leur lança Han avec un grand sourire. Hé, p'tit gars, dit-il à Luke, on dirait bien que tu as failli te faire avoir, hein ?
Luke soupira. À plus de quarante ans, que Han l'appelle encore « p'tit gars » l'avait toujours fait sourire. En voilà un qui n'avait jamais perdu de son humour et de sa désinvolture habituelle.
— Oui, elle s'est très bien battue, admit-il. Sheyla, tu ne m'as pas déçue.
Ce qui, venant de lui, était un très grand compliment. Sheyla rougit un peu (elle était déjà rouge d'épuisement) et s'inclina légèrement.
— Merci, maître, dit-elle en se massant le bras.
L'entorse avait fait son grand retour. Elle avait dû se déboîter quelque chose, mais heureusement, quoi que ce fût, cela c'était remis en place. Elle ajouta :
— Pendant un instant, j'ai vraiment cru que je pourrais gagner.
— Luke, tu formes trop bien tes élèves, conclut Han.
— C'est mon but, répondit celui-ci. Oui, je dois avouer que je me suis posé cette questions aussi, à un moment, dit-il à l'adresse de Sheyla. Au début, tu semblais ne pas être en forme, mais tu t'es vite rattrapée. Au fait, ça va ton bras ?
— Oui, oui, ça m'a fait mal sur le coup mais c'était superficiel.
— En tout cas, tu as retenu la leçon.
Pour ça, pas de risque : c'était celle qu'elle avait enseignée au petit Rylloo la veille. Ne pas casser ses mouvements. Être souple. Raté pour elle. En bloquant la lame de Luke au lieu de l'éviter, elle avait offert une résistance moindre à ce dernier. L'ironie du sort, pensa-t-elle en souriant.
Elle hocha la tête. Il posa une main paternelle sur son épaule.
— Tu devrais repasser à l'infirmerie, dit-il.
— Ça va très bien, assura la jeune Jedi. Je n'ai presque plus mal.
Luke sourit. Toujours aussi forte. Il était fière d'elle, même s'il ne lui avait jamais dit. Elle lui avait offert un très beau combat, il se sentait même un peu épuisé. Cette semaine avait été tellement importante pour eux. C'était probablement la dernière fois qu'il la verrait avant deux… trois mois… Être séparée d'elle, c'était comme l'être d'une partie de soi-même : elle était son apprentie, celle à qui il avait tout appris, elle était sa cousine et ils partageaient le même sang. Lorsqu'il se trouvait loin d'elle ou de Leia, il pouvait les sentir, et surtout les regretter. Ils étaient une entité, avec Han, une entité qu'on ne pouvait casser en petits morceaux sans la détruire complètement. Cette fois encore, il l'avait senti lorsqu'elle avait eu mal au bras, il l'avait senti lorsqu'elle avait heurté le mur du hangar de la Cour, il l'avait senti lorsque cinq ans plus tôt, la lame de Rurk Sandberg lui était presque passée au travers de l'épaule. Tout comme Leia. Ils étaient, tous les quatre, comme connectés par quelque chose de bien plus fort que l'amitié ou l'amour. La famille. Il sourit. Il allait devoir la laisser partir, c'était certain, mais il resterait toujours lié à elle, d'une façon ou d'une autre, ainsi qu'à Leia.
Sheyla sentit qu'il l'observait et lui jeta un regard en coin. Puis, les yeux mi-clos, elle soigna son bras à l'aide de la Force. La douleur disparut rapidement. Elle lui sourit, puis elle s'éloigna en direction de sa petite chambre pour se reposer.
Leia la rejoignit quelques minutes plus tard. Elle frappa à la porte automatique, et Sheyla répondit d'un ton absent « Entrez ». La porte réagit à l'empreinte vocale et s'ouvrit instantanément. Leia entra et s'assit sur le lit de Sheyla. Cette dernière se redressa.
— Qu'est-ce qu'il y a, tante Leia ?
— Rien, je voulais simplement te féliciter pour tout à l'heure. J'ai rarement vu Luke aussi épuisé après un entraînement, dit-elle en souriant.
— Merci.
— Alors, tu repars demain ? demanda Leia.
Un regard triste passa dans ses yeux.
— Oui, dit Sheyla. Je suppose qu'on a besoin de moi là-bas, on a toujours besoin de quelqu'un, et je ne peux pas me permettre de rester encore un peu de temps.
— Je comprends, dit Leia, hochant la tête. Tu ne reviendras pas avant longtemps, je suppose ?
— Je n'en sais rien du tout. Comme dit Han, la prochaine fois que le tram de Coruscant déraille et que je me le prends en pleine figure, je reviens.
Elles éclatèrent de rire. Elles avaient toujours été très proches, toutes les deux. Leia avait fait de Sheyla sa petite sœur spirituelle, en un sens.
— C'est fou le nombre de bons souvenirs qu'on a gardé de la Sunset, dit Leia d'un ton rêveur. Quand l'Ordre n'était pas coupé en deux.
— Oui, acquiesça Sheyla. C'est après le départ de Rurk que tout à commencé. Que Luke a commencé à contredire les idées du Conseil.
Leia soupira.
— Des temps difficiles. Mais maintenant, ça va bien mieux. Et il nous reste toujours les vieilles histoires à raconter, comme la fois où toi, Sollen, Gena, Greeska et Rurk vous êtes enfermés dans la salle des machines de la Sunset et avez essayé de la faire changer de trajectoire. Je me revois en train de vous chercher partout, d'ouvrir la porte de la salle des machines… Rurk était en train de trifouiller les hyperpropulseurs, Gena et Greeska s'occupaient des moteurs principaux, Sollen définissait les coordonnées dans le tableau de bord, et toi, tu prenais les commandes manuelles pour éviter les quelques astéroïdes qui nous barrait le chemin de l'hyperespace. Tu te rappelles comment vous avez convaincu ces deux pauvres pilotes de sortir de la salle ? Ils n'étaient pas Jedi, ils ne l'ont pas vu venir.
Sheyla se mit à rire. Elle s'en souvenait parfaitement. Le temps où tous les cinq étaient un seul et même groupe soudé. Le parfait Club des Cinq. Ils avaient concentré leurs pouvoir sur ces deux hommes qui apparemment étaient tombés dans le panneau du « Vous allez sortir de la salle et faire comme si nous n'étions pas là ».
— J'ai moins rigolé quand je me suis aperçue que vous aviez réussi, bande de voyous, continua Leia en fronçant les sourcils.
— Et oui, acquiesça Sheyla, on voulait des vacances, on est partis vers où déjà ?
— Tu parles de vacances. Luke et les membres du Conseil ont faillit tomber par terre quand je leur ai annoncé qu'on faisait route vers Mustafar à cause des padawans âgés de dix ans. Tu aurais vu leur tête !
— Et ce qu'on a pris après, dit Sheyla en s'étouffant à force de rire. Une journée séparés dans les salles de méditation pour réfléchir aux conséquences de nos actes ! J'ai failli tomber en syncope !
— Mais vous ne l'avez plus refait, dit Leia.
— Logique. Avez-vous déjà eu l'occasion de passer douze heures toute seule dans une salle de méditation sans hublots ? C'est à mourir. Et on a sauté trois repas. Le soir, quand on est sortis, on a pas soufflé mot pour aller nous coucher.
Leia s'esclaffa, son beau visage se fendant en un rire.
— Ça vous a fait le plus grand bien ! Sollen et Rurk n'arrêtaient pas de pester contre le Conseil après ça.
Cette fois-ci, le rire de Sheyla s'étouffa dans sa gorge avant même de naître. Elle venait de se rappeler que Rurk était mort après avoir été un assassin et un traître. Son cœur se serra. Elle n'avait même pas eu le temps de parler à Gena et Greeska lorsqu'ils étaient revenus pour la cérémonie. Elle essaya de changer de sujet, mais un bip du comlink de Leia lui évita de le faire. Leia saisit son communicateur et parla.
— Oui ?
11
Ennuis dans les conduites
La voix de Luke leur parvint légèrement déformée par le comlink.
— C'est moi, Luke. Sheyla est avec toi ? Elle a dû éteindre son com.
Oups, pensa cette dernière.
— Oui, répondit Leia. Elle est là.
— Bien. J'ai quelque chose à vous dire à toutes les deux. Sheyla, j'ai reçu une communication du Temple.
Sheyla pensa qu'ils voulaient qu'elle rentre le plus vite possible, mais il ne s'agissait pas du tout de cela.
— Ils disent que tu dois rester ici. Des émissaires arrivent à l'Académie pour nous communiquer une nouvelle inquiétante. Ils ne m'ont pas dit de quoi il s'agissait. Ça doit être grave. Ils seront là à midi.
— Locales ?
— Locales. Je suppose que ça concerne l'Ordre dans sa totalité, pour qu'ils nous aient prévenus… Ils ont dit que Sheyla devait être prête à partir dès que possible.
Sheyla eut un mauvais pressentiment. Une menace, aussi faible soit elle, restait une menace. Elle pouvait la sentir, presque la toucher.
— Je compte sur toi pour être présente quand nous les recevrons, dit Luke. Tu es la mieux placée pour l'interaction.
Sheyla acquiesça.
— Bien, dit Luke. On se revoit tout à l'heure. Repose toi. Ça ne m'étonnerait pas de leur part qu'ils t'envoient en mission désespérée. Allez, je vous laisse. Oh, Han a besoin de vous au deuxième étage. Une holocaméra a explosé.
— Explosé ? répéta Leia, incrédule.
— Oui, explosé. C'est très étrange. Han dit que c'est certainement un court-circuit, mais il a besoin de vos compétences de Jedi pour comprendre ce qui ne va pas dans le circuit.
Leia lui répondit qu'elles arrivaient. Elle raccrocha le comlink. Sheyla se passa de l'eau sur le visage et se recoiffa. On ne savait jamais, les émissaires pouvaient très bien arriver plus tôt que prévu. Elle suivit Leia au deuxième étage ou Han, Chewbacca, R2-D2, C-3PO et d'autres droïdes de maintenance observaient un trou fumant là ou l'holocaméra devait se tenir quelques instants plus tôt.
Leia s'en approcha. Les débris de la caméra jonchaient le sol. Le crochet magnétique qui fixait le petit objet au mur était toujours là. Un fil en dépassait, dénudé et visiblement brûlant. Leia tira un siège qui se trouvait un peu plus loin et monta dessus pour atteindre le fil. Elle passa une main au-dessus, puis sur le mur. Elle remonta un peu plus loin dans le mur, yeux fermés. Elle toucha le plafond et déplaça sa main sur quelques centimètres, puis s'immobilisa.
— Là, dit-elle simplement.
Elle descendit de la chaise en métal et invita Sheyla à monter dessus. Cette dernière répéta le mouvement de sa cousine. Elle sentait aussi une anomalie dans le circuit, sous le plafond.
— C'est ici que ça a buggé, ajouta-t-elle. Han, tu as un perforateur ?
— Tu ne peux pas faire ça au sabre-laser, Wonderwoman ?
— Je pourrais mais je préférerais faire dans la délicatesse, Bourrinus Solo.
— Je rigolais, petite. Tiens.
Il fouilla dans sa boîte à outils et en sortit un petit objet cylindrique qu'il lui tendit. Elle l'actionna. Un fin laser en sortit et découpa le plafond autour de l'endroit où elle et Leia avaient senti le problème. La plaque de synthéplâtre tomba, rattrapée de justesse par Han. On pouvait voir les différents fils et conducteurs magnétiques cachés sous le plafond. L'un des convecteurs à énergie était éteint. Du coup, toute l'énergie avait filé dans les autres, produisant un surplus, faisant sauter l'un d'entre eux et détruisant la caméra reliée à l'un des convecteurs.
— Quelqu'un a éteint le convecteur numéro un, dit Sheyla calmement, tentant de réfléchir.
Han se gratta le menton pensivement.
— Personne ne peut les atteindre d'ici. On ne peut pas passer dans ces conduits.
— Je sais, dit Sheyla, pourtant quelqu'un l'a désactivé sans le détruire.
— Il faut aller voir en maintenance. Mais je doute que ça soit possible. Normalement, après leur installation, il est quasiment impossible de les désactiver. Il n'y a ni commande manuelle ni commande à distance. Enfin je crois.
Sheyla soupira. Qui aurait pu désactiver ce convecteur ? Il fallait être un as de l'informatique pour réussir à les désactiver depuis le moniteur central. À moins que le coupable ne l'ait pas désactivé depuis les systèmes informatiques. Soudain, Chewie lâcha un long « mwooourf » à l'attention de Han qui l'écouta attentivement. Son visage s'éclaira.
— Il n'y a qu'une seule chose qui aurait pu le désactiver sans le détruire… du moins pas dans sa partie visible. Chewie a raison. Il faudrait avoir placé un réflecteur là où le rayon sort. Il se serait trouvé redirigé à sa source et aurait fait sauter le circuit interne. Une toute petite explosion. Invisible si l'on ne le démonte pas.
Il se hissa sur le siège et observa le convecteur. Il pointa du doigt un petit objet posé juste sur la trajectoire du rayon. Sheyla ferma les yeux et suivit en esprit la direction indiquée par Han. Et elle le vit. Un miroir. Minuscule. Un simple miroir. Mais il était tout. Le rayon laser avait été brusquement réfléchi. Mais qui aurait pu poser un miroir dans les conduites ? Leia semblait pensive, elle aussi. Elles échangèrent un regard inquiet.
Ces tuyauteries étaient anciennes. L'Alliance Rebelle les avaient installées lorsque la base rebelle était sur Yavin IV. Luke les avait réutilisées pour installer le nouveau système de surveillance et d'autres petits changements. Mais selon ses constructeurs originaux, cette conduite était si étroite qu'il était impossible d'y passer. Quelqu'un a trouvé la faille, pensa Sheyla. Et l'avait exploitée.
— Pourquoi feraient-ils sauter cette caméra ? se demanda alors Leia.
Sheyla réfléchit. C'était idiot de ne faire sauter qu'une caméra. Elle serait réparée bien assez vite, il suffisait de la remplacer ainsi que le convecteur relié à ce secteur. Alors pourquoi n'en faire sauter qu'une alors qu'ils savaient comment détruire le système ?
— En tout cas, dit Han d'un ton grave, ce n'est pas la première cette semaine. Vous vous rappelez tous les petits problèmes plus ou moins importants que l'on a eu ? Des explosions mineures, des coupures de courant dans le système holographique, les alarmes qui se déclenchaient à tors et à travers, les mots de passe des ordinateurs qui buggaient. Je viens de me rendre compte de quelque chose. Tous ces problème étaient reliés au câbles des conduites.
Un silence lourd tomba. Quelqu'un, ou quelque chose, savait comment passer dans les conduites et avait en son pouvoir de neutraliser tout le système de sécurité de l'Académie. Mais il ne s'en servait pas, ou du moins pas de manière à aveugler totalement les Jedi. Ce qui ne signifiait qu'une chose. Ils essayaient de leur faire peur, avant la grande frappe. L'intuition de Sheyla la conduisait vers la mauvaise nouvelle que le Temple devait leur annoncer. Un lien, certes ténu mais présent néanmoins, se cachait dans l'ombre. Ils en sauraient plus dans quelques minutes, lorsque les émissaires du Temple seraient là.
Sheyla n'avait pas besoin de regarder Leia pour sentir qu'elle partageait ses inquiétudes. Et ce fut Han qui parla le premier :
— J'ai un mauvais pressentiment, les filles.
12
Les scolopendres
Il ne croyait pas si bien dire. Un bruit étrange, métallique, rompit le silence. La Force traversa Sheyla comme un arc électrique à la vitesse de la foudre qui tombe sur un paratonnerre. C'était un avertissement - une anticipation, une prémonition, comme on le voudra, mais quelque chose de très fort. Elle sursauta et tourna instantanément la tête vers le bout du couloir. Leia l'imita et dit d'une voix grave :
— Oui, moi aussi je le sens !
Avant que Han et Chewie n'eussent pu dirent leur mot, elles s'élancèrent dans le couloir. Sheyla courait en tête. C'était facile de suivre ses traces, comme une ligne jaune fluorescente au milieu du passage, sur le sol. La Force leur ouvrait la voie, dessinait le chemin avec une précision exemplaire. Et la ligne qu'elle suivait prit soudain une grande envolée pour rentrer dans le plafond en milliers d'étincelles brillantes. La tache au plafond se déplaçait très vite. Trop vite. Leia et Sheyla coururent aussi vite qu'elles le pouvaient, aidées de la Force, pour poursuivre la chose, le pressentiment, l'intrus dans les ondes de Force qu'elles émettaient presque involontairement. Enfin, Leia lança son sabre-laser en avant. Il heurta le plafond qu'il découpa instantanément là où la chose était censée se trouver, quoi que ce fût. Sheyla se couvrit les yeux tandis que des étincelles et des morceaux de synthéplâtre tombaient du plafond détruit. Et puis, quelque chose tomba à ses pieds. Elle réprima un hurlement. C'était assez petit, avec un corps fin et sinueux (pour ceux qui ont lu Dreamcatcher de Stephen King, la chose pourrait s'apparenter aux fouines-merdes ou byrum). De multiples pattes couraient sous le ventre couvert d'écailles de la chose. On aurait dit une gigantesque scolopendre verte avec une tête de Jack Russell auquel on aurait aplati les oreilles et remplacé les poils par des écailles gluantes.
Leia sursauta et récupéra son sabre-laser pour découper la chose, mais elle était bien plus intelligente qu'on ne l'aurait cru. Elle se jeta en avant et rampa sur le sol, aussi rapide que l'éclair. Sheyla ne prit pas la peine d'activer son sabre-laser : si possible, elle voulait récupérer la chose vivante. Elle lui bondit dessus tandis qu'elle essayait de s'enfuir et tomba à plat ventre par terre, serrant son immonde corps dans ses mains. Mais elle était si gluante qu'il était difficile de la maintenir immobile : Sheyla se contorsionnait sur le sol du couloir pour garder la bête prisonnière. Leia intervint et réussit à paralyser l'animal en s'aidant de la Force, puis elle ordonna à R2 de créer un champ magnétique autour. Ainsi réduite, la bête ne cessait de s'agiter furieusement, se frappant contre les parois magnétique, poussant de petits cris aigus qui vous donnaient immédiatement l'envie de vomir. Sheyla se releva et contempla leur prise monstrueuse. C'était probablement cette chose qui se baladait dans les conduites et rongeait les fils que Han avait trouvés coupés dans la semaine. Mais comment aurait-elle pu poser les miroirs ? À moins qu'elle ne soit beaucoup plus intelligente qu'elle ne le paraissait… et c'était tout à fait possible. Elle demanda à Leia d'en parler à tout le monde et d'organiser une fouille dans toutes les conduites aux rayons X, tandis qu'elle irait prévenir Luke avant l'arrivée des émissaires. Encore un mystère à éclaircir.
