JE SUIS DESOLEEEEEEEEE ! Tant de temps pour taper un malheureux chapitre de 14 pages ! ouin ! honte à moi ! Vraiment, j'ai chopé le syndrome Page Blanche, dure de s'en remettre, alors excusez moi du temps pris pour ce chapitre qui n'est pas - et de loin - le meilleur. l'action stagne un peu, désolée. mais bon, ça devrait rassasier quelques mordus. Pour quelques jours, au moins... P Allez, j'arrête de vous embêter. Bonne lecture !
Résumé du chapitre précédent : Sheyla,après avoir découvert une partie des plans des vestiges de l'Empire et d'un homme étrange se proclamant Sith, est enfermée à bord du Panther's Roar, vaisseau impérial, à bout de forces. Après avoir tenté d'assassiner Lako au moyen de la Force, elle s'est vue sombrer dans une vague de haine incontrôlable. De son côté, Jamila, poussée par le désir de retrouver Sheyla coûte que coûte, a rencontré Luke sur Yavin IV : il l'a chargée d'une mission, elle et Leia. Mais pour le moment, retrouvons Sheyla dans sa cellule.
Chapitre XIII
Ombre et lumière
1
Mourir un autre jour…
I'm gonna break the cycle
I'm gonna shake up the system
I'm gonna destroy my ego
I'm gonna close my body now
I think I'll find another way
There's so much more to know
I guess I'll die another day
It's not my time to go
For every sin, I have to pay
A time to work, a time to play
I think I'll find another way
It's not my time to go
I guess I'll die another day
I guess I'll die another day
I guess I'll die another day
I guess I'll die another day
Another day...
Another day...
Another day...
Another day...
Another day...
Sheyla ne se réveilla pas vraiment. Elle se trouvait dans un état second, indescriptible. Elle venait de s'apercevoir que plus un Jedi sombrait dans le côté obscur, moins elle avait l'occasion de penser : la chose en elle le faisait à sa place, la haine la dirigeait. Chacun de ses mouvements était horriblement douloureux. Elle ne ressentait plus grand-chose exceptée l'impression de ne plus être de ce monde. Tout avait changé, de pire en pire. Elle sentait sa main la démanger désagréablement, réclamant peut-être un nouveau meurtre…
Il existe plusieurs moyens de torturer quelqu'un de déjà bien mal en point. L'empêcher de dormir jusqu'à la folie est probablement l'un des pires et des plus efficaces.
Sheyla endurait cela depuis plusieurs heures déjà. Environ toutes les cinq minutes, une légère décharge électrique secouait la cellule, réactivant le champ de force qui protégeait la porte blindée et celui qui se trouvait juste au-dessus d'elle. Même si cette impulsion n'était pas assez forte pour qu'elle en souffre, elle suffisait amplement à lui éviter tout repos, toute pensée logique et cohérente. La décharge était accompagnée d'un assourdissant bip sonore qui achevait de la réveiller complètement si elle ne l'était pas déjà.
La folie s'emparait d'elle un petit peu plus à chaque impulsion électrique. Elle voulait dormir. Se reposer. Oublier ce qu'elle avait fait… mais c'était parfaitement impossible.
Une décharge de trop arriva.
Elle poussa un hurlement de rage et frappa de toute la force de ses poings contre le mur, rouvrant les plaies de ses articulations ensanglantées et laissant une traînée rouge sinistre sur le mur de métal. Elle appuya sa tête contre la paroi glaciale est resta longuement dans cette position, secouée de sanglots silencieux. Elle sentait les battements de son cœur au plus profond d'elle, ces coups sourds qui lui donnaient l'impression de s'éteindre minute après minute. Mais même si elle aurait préféré ne pas les entendre, ils la poursuivaient, pulsant dans chaque parcelle de son corps pour l'empêcher de trouver la paix, menaçant perpétuellement de s'arrêter à jamais. Elle se retourna doucement, ouvrant des yeux gonflés par larmes et douleur. La pièce autour d'elle n'avait pas changé d'un pouce, il ne s'agissait donc ni d'un rêve ni d'un cauchemar. C'était l'écrasante, la terrifiante réalité qui s'emparait d'elle à présent. Qu'allait-elle devenir ? Les Impériaux avaient tout gâché. L'Ordre allait mourir, la République ne tarderait pas à tomber sans le support qu'il avait toujours été pour elle. Elle serait la seule à savoir que tout cela arriverait, les autres n'auraient pas le temps de le constater.
Elle allait mourir dans cette cellule, complètement oubliée de tous, et elle ne pouvait rien faire pour changer cet avenir qui semblait gravé dans du transpacier. Elle pouvait le voir, mais pas le changer. Elle avança une main vers un but invisible, toujours plus loin, mais personne ne l'aida à se relever et elle la laissa retomber. Il n'y avait plus d'espoir. Même la Force avait disparu, laissant place à cette horrible envie de tuer tout ce qui se trouvait à portée et qui la dévorait de l'intérieur. Elle pensa à Luke et à Leia. Peut-être entendraient-ils son appel… mais elle ne reçut qu'un silence et abandonna définitevement tout espoir.
Elle se débarrasserait de Lako. C'était certain. Il paierait pour tout ce qu'il avait fait, pour avoir ruiné sa vie et celle de six milliard de personnes. Elle le tuerait. Lui et tout ceux qui l'avaient aidé.
2
C'était peut-être un ange
En quittant la salle de contrôle des cellules, Shepard savait déjà ce qu'il allait faire. Il désactiva la caméra de la cellule AY-29 et se dirigea d'un pas rapide vers cette dernière. Son esprit était encore incertain, mais il savait quelque chose : cette jeune femme ne méritait pas son sort. Lako, lui, le méritait.
Luis Shepard avait rejoint les rangs de l'Empire quelques années plus tôt parce qu'il ne croyait pas en la République. Il voulait du nouveau, il voulait balayer le passé à tout jamais : la République, selon lui, ne serait jamais assez puissante pour grandir et redevenir celle de jadis. C'est pourquoi il était rapidement devenu l'un des membres préférés de Lako, même son second : il avait des idées neuves et plaisantes. Shepard avait toujours voué une admiration mêlée de crainte à son supérieur, cet homme puissant et au sang-froid exceptionnel. Mais depuis que l'opération Thunder avait échoué, Lako avait beaucoup changé. Il savait qui avait fait rater ses plans, et il haïssait cette personne de tout son cœur : maintenant, elle se trouvait enfermée dans les cellules à la merci de la première personne venue – quoique, pas tout à fait.
Mais Shepard n'avait pas aimé la suite. Lako avait radicalement changé. Il s'était tourné vers une autre alliance, un homme – était-ce vraiment un homme – dangereux et démoniaque. Le plan Thunder, à l'origine, avait été crée pour renverser la République et, au passage, les Jedi qui la défendraient, mais l'alliance nouvelle avec ce Julius avait donné une autre forme de plan, plus subtile certes, mais beaucoup plus radicale. Julius avait ses raisons : il voulait se débarrasser des Jedi. Peu lui importait la République, disait-il. Mais Shepard n'était pas dupe. Même en restant fidèle à Lako, il ne pouvait pas s'empêcher de remarquer à quel point ce dernier devenait aveuglément naïf. Lako voulait écraser la République. Grâce au plan nommé Ordre 66, grâce à l'aide apportée par Julius, ce serait chose faite : les deux hommes auraient chacun ce qu'ils voulaient. Mais ensuite ? Qui dirigerait ? Shepard ne savait que trop bien à quel point Lako était sûr de lui-même : il voulait, une fois dans le vaisseau de Julius pour l'application de la phase finale, saboter l'appareil une fois que leur plan aurait été mis à exécution, puis s'enfuir par les capsules de sauvetage avec une dizaine d'homme. Cependant, Shepard était persuadé que Dark Julius avait son propre plan pour exterminer ses alliés lorsqu'ils deviendraient trop gênants… Et cela, Lako semblait n'en avoir cure. Shepard avait tenté de l'avertir : peine perdue.
Maintenant, il se sentait coupable d'appartenir aux Impériaux, alors que toutes ses idées et les fondements de ses croyances étaient basées sur le mythique Ordre Jedi. Tenter ainsi de le détruire lui paraissait si absurde qu'il n'arrivait pas à croire s'être embarqué dans cette sale histoire. Depuis le début, il avait fait une erreur fatale. Fatale, stupide, et qui conduirait des centaines de personnes à la mort, ces personnes qui donnaient jusqu'à leurs vies sans se poser de questions pour sauver celles des autres.
Il réfléchissait seul lorsqu'il arriva face à la cellule en question : un peu effrayé par ce qu'il risquait d'y trouver, il inséra sa carte magnétique dans la fente prévue à cet effet, et la porte s'ouvrit comme par magie. Il s'attendait à trouver un fauve enragé tapi dans les recoins sombres de sa tanière et prêt à lui bondir dessus, mais tout ce qu'il vit fut une jeune femme dans sa vingtaine, adossée contre un mur, la tête reposée sur le rebord de la couchette métallique et qui pouvait être soit endormie, inconsciente ou même morte. Il ne doutait pas que ce fut possible : il avait entendu de terribles choses sur cette Force mystique, qu'un Jedi était capable de se laisser mourir consumé par elle, qu'elle pouvait être la cause des pires souffrances comme des plus belles merveilles. Et en voyant la jeune femme ainsi immobile, il crut un instant qu'elle n'avait pas survécu ; finalement, après s'être approché d'un peu plus près, il vit sa poitrine se soulever et retomber lentement, et en conclut qu'elle était vivante.
Il ferma la porte et s'approcha encore un peu avec l'intention de la réveiller doucement. Il lui tapota l'épaule légèrement. Aucune réaction. Il recommença et sursauta de terreur lorsque la main de la jeune femme saisit la sienne et la serra fermement, l'empêchant de reculer. Elle rouvrit les yeux et le fixa avec une haine qu'il n'aurait pas cru possible d'éprouver. Il sentit avec horreur une main invisible se refermer sur sa gorge et s'appuya contre le mur, déséquilibré. La Jedi ne relâcha sa prise mais pas celle qu'elle exerçait sur sa trachée, et il tituba encore une fois, tombant à genoux devant elle.
— Ne… faites… pas… ça…, articula-t-il entre deux suffocations.
— Donnez-moi… une seule… bonne raison… de ne pas vous tuer, murmura-t-elle sombrement.
— Si je ne vous aide pa-argh… vous allez crever ici…
Sentant ses forces l'abandonner, il se laissa choir au sol. La femme desserra un peu son étreinte, il put reprendre une bouffée d'air suffisante à le garder conscient ; à peine avait-il inspiré qu'elle recommença. Effrayé par l'horrible puissance des Jedi, il sentit un frisson lui parcourir le corps dans un sursaut déséspéré pour le garder en vie.
— Je suis déjà morte, ajouta-t-elle avec un calme horrifiant. Et mon esprit se décompose un peu plus à chaque fois que je fais ça. Alors trouvez autre chose.
— Je vous en prie…, lâcha-t-il conscient qu'elle ne semblait pas avoir l'intention de le relâcher.
Et pourtant, dans l'esprit de Sheyla, la faible lueur qui ne daignait pas abandonner la partie si facilement se réveilla et la secoua violemment. La supplication de l'homme ne la laissa pas sans réaction. Un étrange sentiment s'empara d'elle et elle se sentit brusquement vide et inutile. L'envie de tuer était peut-être partie pour le moment. Elle lâcha Shepard et son bras retomba mollement contre sa hanche, tandis que son regard n'exprimait rien d'autre qu'une profonde vacuité.
Elle finit par éclater en sanglots et Shepard qui cherchait encore la meilleure façon d'inspirer à fond la trouva brusquement vulnérable et magnifique. Il se massa la gorge, tandis qu'elle pleurait, la tête enfouie dans ses mains, murmurant des paroles inaudibles. Il s'agenouilla à ses côtés et prit sa main dans la sienne en murmurant :
— Ça va aller. Vous allez vous en sortir. Vous êtes Jedi. C'est normal de craquer dans un moment pareil. C'est une réaction humaine…
— Et je ne suis pas considérée comme humaine, dit la jeune Jedi entre deux sanglots. Je devrait être au-dessus de tout ça. Je devrais être au-dessus de la haine… je l'ai été tout ce temps… pourquoi maintenant…
— Vous n'êtes pas une machine à tuer sans sentiments. On ne peut pas vivre sans émotions, dit-il d'un ton rassurant. Ça finit par vous tuer.
Elle leva les yeux vers lui, une larme coula sur sa joue.
— Vous ne comprenez pas. Les émotions sont mortelles pour les Jedi. C'est dans le Code. Il n'y a pas d'émotions, il y a la paix, récita-t-elle d'une voix brisée. Je croyais…
— On ne peut pas rester toute sa vie sans craquer. Je ne sais pas comment vous faites pour résister et je vous admire, vous les Jedi. C'est parfaitement normal ce que vous avez fait. Il fallait que vous vous laissiez aller à la colère pour vous en débarrasser. Je suppose que c'est arrivé à chaque grand maître dans l'Histoire… de craquer un peu… Même si vos pouvoirs rendent ces crises dangereuses, elles sont nécessaires. C'est votre abilité à redevenir comme avant qui détermine qui vous êtes.
— Peut-être, soupira-t-elle. Mais je suis allée trop loin, je crois. Je ne peux plus revenir. C'est trop tard.
Elle avait cessé de pleurer.
— Le fait que vous en soyiez consciente est déjà un pas sur le chemin du retour. C'est l'essentiel. Avez-vous toujours envie de tuer Lako ? demanda-t-il posément.
— Non, admit-elle. Cette idée m'effraie maintenant.
— Vous voyez.
Sheyla hocha la tête, hésitante. Elle aimait bien cet homme, quel qu'il soit. Il lui faisait du bien… la lueur en elle recommença à briller, faiblement, mais sûrement.
— Qu'est-ce que vous me voulez, exactement ? Pourquoi voulez-vous m'aider ? dit-elle d'un ton méfiant.
Il hésita.
— Je ne sais pas. Je ne peux pas faire plus que vous apporter des vivres supplémentaires et de quoi vous soigner un peu, si je le faisais… vous comprenez…
Elle hocha la tête.
— J'ai coupé les caméras pour quelques minutes. Je ne peux pas faire plus, ou sinon le risque de me faire prendre serait trop élevé, et nous en payerions le prix fort, vous et moi. Je trouve les motivations de mon supérieur de plus en plus effrayantes et le plan qu'ils ont élaboré ne m'intéresse plus. Je voulais du changement… Je n'ai que des perspectives de dictature. J'aimerais revenir en arrière et quitter les Impériaux… mais bien sûr c'est impossible. Je suis dans le secret. Je ne peux plus partir, maintenant.
— Rien n'est impossible, dit lentement Sheyla.
Il hocha la tête d'un air pensif mais n'ajouta rien. Il saisit le sac accroché à sa ceinture et en sortit un peu de matériel de soin et de la nourriture un peu plus humaine que ce qu'on lui avait déjà apporté, à quoi elle n'avait pas touché. Elle lui sourit en prenant de quoi se faire un bandage sur le bras et une petite dose de bacta pour sa blessure à la tempe.
— Merci, dit-elle d'une petite voix.
— Ça va un peu mieux ?
— Oui, beaucoup.
— Alors tant mieux. Je vais vous laisser.
Il se dirigea vers la sortie.
— Attendez ! l'interrompit-elle.
Se retournant, il secoua la tête. Il savait très bien ce qu'elle s'apprêtait à lui demander.
— Je dois savoir ce que Lako et Julius préparent. Vous voulez m'aider, n'est-ce pas ? ajouta-t-elle d'un ton déséspéré. Dites-moi ce qu'ils ont l'intention de faire avec les prisonniers. Et parlez-moi des scolopendres.
— Scolopendre ? répéta-t-il, la main toujours posée sur la carte magnétique qui permettait l'ouverture de la cellule.
Voyant qu'il n'avait aucune idée de ce qu'était une scolopendre, et pour cause, elle lui fit la description des horribles bestioles trouvées dans les conduites.
— Je ne vois pas de quoi vous parler, lui dit-il d'un ton sincère. Je ne suis pas au courant pour les enlèvements, pas plus que le commandant. C'est Julius et ses acolytes qui s'en sont chargés. Je suis désolé pour ceux qui ont été enlevés. Je ne pense pas que Julius aille pousser le vice à torturer des enfants, mais pour les autres, je ne peux rien vous promettre. Rien du tout.
— Que savez-vous à propos de ce Julius ? De quel droit se proclame-t-il Seigneur Noir ? demanda-t-elle après un long silence peiné.
— Je n'en sais rien. Je pense qu'il s'agit d'un Jedi raté comme beaucoup de Sith. Quelques années d'exil ont dû suffire à le transformer en un monstre assoiffé de pouvoir. Je ne veux pas finir sous sa griffe comme Lako y est probablement destiné. Je ne sais pas grand-chose de Julius, je sais seulement que cela fait six ans qu'il dirige un petit groupe de Jedi Noirs. Il traque des jeunes gens à travers la galaxie, et avant que l'Académie ne les recrute, il les entraîne derrière lui. Il ne leur apprend qu'à haïr les Jedi.
— Il a un repaire secret ? demanda Sheyla.
— Oui. Mais je ne suis pas censé être au courant, ajouta-t-il avec un sourire. En revanche, je ne sais pas où il se trouve. Désolé. Je crois que c'est un vaisseau. Ou une planète dont le nom commence comme celui d'un vaisseau.
Sheyla hocha la tête en silence. Elle ne savait pas que faire ou que penser. Si même cet homme ne pouvait pas l'aider, l'espoir était mince, voire même inexistant. Elle ne pouvait rien faire… à part attendre ce Julius et en tirer le maximum de choses. Ce qui était certainement inutile et stupide.
— Je dois y aller, dit-il tristement. Les caméras risquent de se remettre en marche d'un moment à l'autre. Allez-vous tenter quelque chose ?
— Une évasion ?
— Oui.
— Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas. Je crois que non… Merci tout de même.
Dans sa tête, la chanson, le refrain lancinant était revenu. Comme une note d'espoir, un ordre final qui lui intimait de continuer jusqu'à la mort… parce qu'elle devait mourir un autre jour, parce que ce n'était pas son heure de partir.
It's not my time to go...
Another day…
Another day day day day day...
Shepard s'éloigna, non sans jeter un dernier coup d'œil à la prisonnière. C'était étrange. Il la voyait comme cela, réfléchir seule dans sa cellule, l'ayant déjà mentalement quitté ; et il se demandait si elle venait de lui mentir ou non. Cependant, d'une certaine manière, il lui faisait confiance. Plus qu'à Lako, même. Et pourtant, il avait passé du temps avec cet homme et apprit à le respecter… mais, elle, elle était différente. Tellement différente.
Il referma la porte, murmurant un léger « bonne chance » qu'elle lui rendit sous la forme d'un sourire faible. Le chuintement de la porte à pression fut la dernière chose que Sheyla entendit avant le silence total. Et elle pensa silencieusement aux contes de son enfance, que Shepard était peut-être son ange gardien, envoyé pour l'aider dans sa solitude…
Puis le silence retomba et elle se sentit de nouveau seule et abandonnée. La chanson disparut, l'espoir s'envola avec elle, et doucement elle se remit à pleurer sur son sort, adossée au mur de sa cellule, appelant de toutes ses forces les derniers membres de sa famille, loin, très loin, sur Yavin IV.
3
Évolution
Leia avait eu une réaction mitigée à la rencontre de Jamila. Cette dernière était arrivée comme cela, dans ses appartements, se disant connaître Sheyla. Leia l'avait suivie puisque Luke l'avait demandé ; les deux femmes s'étaient retrouvées dans la grande salle aux fenêtres étirées. La nuit était pratiquement tombée et il était désormais impossible de distinguer quelque chose dans l'épaisse jungle de Yavin. Leia, en entrant, vit quelques oiseaux sauvages s'éparpiller au loin, poussant des cris lugubres comme pour fêter l'arrivée de la nuit.
Elle s'assit immédiatement à côté de son frère. Ils n'avaient pas vraiment besoin de se parler : ils se connaissaient jusqu'au plus profond de leurs âmes. Un simple regard de Luke suffit pour faire comprendre à sa sœur jumelle que Sheyla était en danger, quelque part.
— Tu l'as entendue ? demanda-t-il d'une voix presque inaudible.
— Oui, répondit-elle simplement.
— Qu'as-tu ressenti exactement ? s'enquit-il doucement.
— La même chose que toi. Sa fatigue et sa douleur. Elle est sur le point de craquer, Luke.
Il hocha la tête. Jamila voulut dire qu'elle aussi avait senti cela, mais elle ne trouvait pas les mots. Elle n'avait pas seulement ressenti cette fatigue, elle l'avait vécue, pendant quelques secondes, traversée par une lame de sentiments que Luke et Leia ne semblaient pas avoir perçu. Mais de quel droit prétendait-elle savoir mieux qu'eux ce que Sheyla ressentait en ce moment ? Elle n'était pas de sa famille et ne la connaissait que depuis très peu de temps. Elle n'était pas sa cousine.
— Alors… qu'est-ce que tu proposes, Luke ? demanda Leia lentement.
— Que vous alliez toutes les deux dans les alentours de Tatooine voir ce qui est arrivé.
— C'est idiot, déclara-t-elle tranquillement. Si Sheyla est en route pour Yavin, nous risquons de nous croiser et ça ne nous mènera à rien. Et si jamais elle a été capturée, on l'aura probablement emmenée loin du système. Nous devrions essayer de la localiser d'une autre façon.
Luke sembla réfléchir un instant.
— Je me demande si… tu te rappelles de ces gadgets qu'elle, Rurk et Greeska adoraient inventer ? Greeska avait eu une idée de génie, peu de temps après ses seize ans… Maître Slitss n'en revenait pas. Ils avaient fabriqué…
Le visage de Leia s'éclaira.
— Des chercheurs spatio-temporels minuscules ! Ils en avaient un tous les cinq, dans leur sabre-laser ! Mais pourquoi n'y a-t-on pas pensé plutôt ? s'exclama-t-elle. On aurait pu retrouver Rurk avant que tout cela n'arrive…
— Rurk Sandberg n'était pas bête au point de laisser un localisateur dans son arme, Leia. En revanche, Sheyla ne l'a sûrement pas enlevé…
Jamila demanda d'un ton soulagé :
— Alors, on va savoir où elle est ?
— Elle, je n'en sais rien, mais son sabre-laser, oui…
— Mais, protesta la jeune femme, si jamais elle a été capturée et que ses ravisseurs ont jeté son arme au fin fond de l'espace ?
— J'en doute, expliqua Luke. Une arme Jedi est généralement précieuse. On peut toujours en tirer de l'argent, ne serait-ce que des cristaux rarissimes qui sont incrustés dans la poignée.
Leia hocha la tête.
— Ses données sont enregistrées dans l'ordinateur de navigation principal ?
— Normalement, oui. Je vais voir ça.
Luke se leva et tapota la console de commande nichée dans un coin de la salle. Leia et Jamila le rejoignirent. Il entra quelques commandes et bientôt une carte de la galaxie s'afficha en hologramme au-dessus d'eux : des petits points rouges clignotaient un peu partout.
— Voici toutes les personnes qui sont suivies par spatio-localisation par l'Académie. On a toutes les coordonnées, expliqua Luke à Jamila.
Il pianota sur le clavier tactile de la console et des inscriptions étranges s'affichèrent au-dessus de la galaxie holographique.
Nom : Sheyla Skywalker
Recherche en cours dans base de donnée…
Trouvé
Code localisateur : 1312#140291
Recherche en cours…
Localisation en cours…
Recoupage des données spatio-temporelles…
Affichage holographique…
Un bip retentit et un secteur de la galaxie s'illumina. Immédiatement la carte changea pour devenir une représentation holographique plutôt précise du quadrant de Nemesia. Un rayon balayait le quadrant pour localiser, parmi les quelques points rouges clignotants, celui de Sheyla. Non loin de système de Speron, le rayon s'immobilisa et un nouveau bruit satisfait de l'ordinateur se fit entendre.
Recherche terminée.
— Elle est ici, déclara Jamila. Mais elle ne bouge pas…
— Le vaisseau dans lequel elle se trouve n'est pas en hyperespace, alors, conclut Leia. Il se trouve loin du système de Speron, qui est le seul port d'attache du secteur. C'est donc un grand vaisseau autonome.
— Il n'est pas possible de faire une vue rappprochée ? s'enquit Jamila.
— Hélas non. Notre appareil de localisation se base sur des données pré-enregistrées. On ne peut pas visualiser du réel. Ce n'est pas comme les satellites orbitaires dont Sheyla m'a parlé, ajouta-t-elle en souriant.
— J'y ai pensé, effectivement, admit Jamila après un petit rire. Alors, on va la rejoindre ?
— Le vaisseau est à l'arrêt, dit Luke. On peut espérer qu'il ne quitte pas le secteur jusqu'à votre arrivée… et au pire, je vous tiendrais au courant avec le communicateur. Si jamais il bouge, vous pourrez toujours le suivre. Vous prendrez Fawkes ?
Jamila leva les yeux. Fawkes ?
— Probablement, dit Leia. Han est parti avec son poussin, comme il dit.
Hein pensa Jamila sans rien comprendre.
— D'accord, dit Luke. Tu le trouveras dans le hangar principal.
S'ensuivit un long silence. Luke soupira.
— Je vais rester ici pour vous tenir au courant des déplacements de position de ce vaisseau. Dès qu'il y a un problème, contactez la flotte républicaine qui est dans le système de Nemesia, et je m'occuperai du reste.
— Bien. Tu es sûr que tu ne peux pas venir ?
Luke secoua la tête négativement.
— Et la petite va avoir besoin d'une arme un peu plus performante que ce blaster, dit-il à Jamila qui sembla surprise. Leia, je veux que tu me promettes quelque chose.
— Quoi ?
Luke ouvrit un tiroir et en sortit un objet cylindrique qu'il fourra dans la main de la jeune femme éberluée. Le visage de Leia se fendit en un sourire.
— Je vois. Si jamais…
— Si jamais le Temple refuse que tu sois formée, Jamila, ce qu'entre nous je juge idiot et irréfléchi, ce sera Leia qui t'enseignera les bases des techniques Jedi. Elle va commencer pendant le trajet à t'apprendre commente te servir de ceci. Tu auras au moins de quoi te défendre un peu plus dignement pendant l'attaque. C'est d'accord ? Tu seras attentive ?
— Abs… Absolument, maître Luke, répondit Jamila, toujours en état de choc tandis qu'elle serrait dans ses mains l'arme.
— Tu sais, ce sabre a appartenu à Sheyla lorsqu'elle était ma padawan. C'était son premier, avant qu'elle ne construise elle-même le sien pour terminer sa formation. Il est turquoise… Je me rappelle, elle hésitait beaucoup entre la voie des Jedi Gardiens et celle des Consulaires.
— Je… merci.
— Tu n'as pas à me remercier, dit Luke d'un ton chaleureux en lui posant la main sur l'épaule. Tu as sauvé Sheyla sur Zonju II, tu as montré que tu était sensible à la Force et je sens très bien que tes rapports avec elle ont évolué. Plus tu continueras dans cette voie, mieux tu la comprendras. Ne regarde pas en arrière. Continue.
— C'est d'accord.
Ils se regardèrent. Leia prit la main de Jamila qui ne bougeait pas et la força à se porter à sa ceinture. Jamila réagit et y accrocha le sabre-laser.
— Qu'il ne quitte pas cette place, sauf en cas de besoin, recommanda Leia. C'est ta vie, ce sabre.
Jamila hocha la tête en silence.
— Et maintenant, on devrait y aller. Luke… à plus tard, j'espère.
Luke se contenta de la serrer dans ses bras. Les deux femmes quittèrent la salle en silence. L'ancien sabre-laser de Sheyla se balançait doucement à la ceinture de Jamila, attendant tranquillement qu'on fasse une fois de plus appels à ses services.
4
Fawkes
Jamila et Leia rejoignirent rapidement le hangar principal de l'Académie, prêtes pour le départ. Leia se fraya un chemin à travers chasseurs personnels et vaisseaux de transport, puis s'arrêta devant un vaisseau de taille moyenne, de style nubian, aux lignes pures et effilées. Il semblait neuf, rutilant sous les rayons qu'envoyaient la planète Yavin sur sa petite lune, tandis que la nuit désormais bien installée lâchait une chape de silence et d'obscurité sur le temple massassi. Le vaisseau pratiquement blanc brillait doucement sous la lumière nocturne. Il portait de grandes traces de brûlures sur sa coque fusiforme. Un nom avait été peint en grandes lettres noires sur le flanc droit de l'appareil : Fawkes, déchiffra Jamila.
Elles montèrent dans le vaisseau et le sas se ferma hermétiquement. Jamila s'installa sur le fauteuil du copilote, à l'avant. La salle de navigation était grande et élancée, flanquée de grands hublots de transpacier. Leia entra les coordonnées du système de Spero dans lequel était censé se trouver le fameux vaisseau de Sheyla, puis s'assit à la place du pilote pour faire décoller l'appareil.
Elles prirent leur envol sur le regard inquiet de Luke qui les observaient depuis l'entrée du hangar.
Le vaisseau quitta le système sans un bruit, silencieux comme un oiseau, les lueurs de l'étoile de Yavin se réfléchissant sur sa carlingue étincelante.
— Pourquoi s'appelle-t-il comme cela ? demanda Jamila, curieuse, tandis qu'elles entraient en hyperespace.
— Fawkes ?
— Oui.
Leia sourit. Elle semblait se remémorer de très bons souvenirs…
— Ce vaisseau a une belle histoire. On l'a acheté il y a quelques années. À l'époque où notre cher club des cinq faisait encore des siennes sur la Sunset. Sheyla venait juste d'être nommée Chevalier Jedi. Elle l'a conduit lors d'une mission, accompagnée de ses inséparables amis, et ils sont allés dans les environs de Taspir. La chance leur a fait défaut : une embuscade d'Impériaux résistants avait été tendue à leur intention… Ils s'en sont tirés de justesse, grâce à leurs talents de pilotes… à eux cinq, ils auraient été capable de mettre en défaite tout un escadron impérial, j'en suis certaine, confia Leia en riant. Ils sont revenus à l'Académie dans un sale état. Le vaisseau qui n'avait pas vraiment de nom à l'époque était en miettes. Total des dégats subis : une aile brûlée, le générateur d'hyperpropulsion mort, trois canons détruits, deux bras cassés, six côtés enfoncées, une fracture ouverte à la jambe, cinq entorses et une fracture du crâne, ajouta-t-elle sans réprimer un fou rire idiot. Et pas de morts ! Le vaisseau volait encore malgré tous les coups et secousses qu'il avait subi… En sortant de l'infirmerie Sheyla a couru vers le vaisseau, a embrassé le dernier canon qui restait et a dit : On va le baptiser Fawkes ! J'ai demandé pourquoi et elle m'a répondu que sur Terre c'était le nom d'un phénix très célèbre. Un phénix, d'après elle, est une créature mythique, un oiseau de feu qui renaît de ses cendres après avoir brûlé. J'ai beaucoup ri car cette créature me fait penser aux anges de Tyramon. Mais bon… encore un truc de Terrien, tout ça. Bref, le vaisseau a toujours gardé les traces de coups et ce nom assez étrange de Fawkes… Beaucoup disent que les vaisseaux ont une âme… Celui-là en a une, c'est sûr… comme le Faucon ou la Sunset. Ils sont devenus plus que des simples transports pour nous.
Jamila comprenait très bien. Elle repensa au regard amoureux de Sheyla pour son New Aethersprite – si seulement elle avait pu savoir dans quel état se trouvait le vaisseau au moment où elle pensait à lui – et à sa réaction choquée lorsqu'il avait « disparu » sur Kjamila.
Elle regarda autour d'elles, fixant les lignes hypnotisantes du couloir d'hyperespace dans lequel elles se trouvaient. Le voyage serait long.
5
Les souvenirs
Environ deux heures après son départ, Fawkes le vaisseau continuait son voyage silencieux dans les limites du temps et de l'espace. Leia méditait à l'arrière, dans un compartiment personnel. Jamila regardait des holovidéos qui montraient, pour la plupart, l'entraînement de Sheyla et de ses amis lorsqu'ils avaient quinze ou seize ans. Elle sourit en voyant les cinq jeunes Jedi poser avec leurs maîtres respectifs pour une photo holographique, souriants, Rurk et Sollen faisant des V victorieux avec leur index et leur majeur. Sur l'image définitevement figée, leurs mimiques fanfaronnes semblaient beaucoup amuser Sheyla et Gena, qui se tenaient par l'épaule, apparemment écroulées de rire toutes les deux. Seul Greeska se tenait sur le côté, son visage de Rodien figé dans une expression indéchiffrable. Les maîtres paraissaient complètement désabusés, mais n'en montraient rien. Luke se tenait derrière Sheyla, un fin sourire aux lèvres, tandis que maître Slitss, derrière Sollen, avait posé une main sur son front, l'air de soupirer de désespoir devant l'attitude provocatrice de son padawan. Maître Haner regardait ailleurs. La photo l'avait, semblait-il, pris en pleine action de gonfler ses joues pour pousser un soupir d'exaspération, ce qui lui donnait un air parfaitement stupide, tel un crapaud s'exerçant à impressioner sa femelle. C'était sûrement cela qui faisait pouffer maître Andon qui s'efforçait de ne pas regarder les élèves, fixant ses pieds.
Jamila sourit et passa à la photo suivante : même pose, à ceci près que les jeunes padawans avaient activés leurs sabres et les tenaient droit devant eux, à la manière des mousquetaires, posant très sérieusement devant leur maîtres sans le moindre début de sourire. Jamila trouva cette photo déprimante et changea rapidement.
Elle trouva quelques holovidéos et hocha la tête pour elle-même. Il serait certainement très enrichissant de regarder les entraînements. Elle sélectionna donc une vidéo de surveillance de la salle des entraînements de la frégate Sunset et regarda.
5
Flashback
Sollen Rainbowson s'avançait d'un pas ferme vers les quatre adolescents au milieu de la salle. Gena, ce jour-là absolument magnifique, ses cheveux noués en une tresse flamboyante qui lui retombait sur l'épaule gauche, était assise sur le sol et tenait ses genoux ramenés contre sa poitrine, l'air de s'ennuyer ferme. Elle repoussa d'un revers de sa main l'autre tresse, celle de Padawan, plus fine et moins longue, et la coinça derrière l'une de ses oreilles d'un geste agaçé. Elle tourna son visage plutôt rond et jovial, couvert de taches de rousseur, vers son amie Sheyla et planta ses yeux verts dans les siens.
Sheyla se releva à la vue de Sollen. La jeune fille de seize ans était elle aussi resplendissante en cette matinée estivale pour Coruscant. Elle arrangea ses cheveux bruns et, à la manière de Gena, mit ses mèches rebelles derrière ses oreilles d'une façon très machinale qui ne surprit absolument pas notre Sollen.
Un peu en retrait, Rurk Sandberg discutait tranquillement avec Greeska le Rodien, à propos, semblait-il, des coupleurs d'énergie des X-wings du Temple. Rurk riait, avançant qu'ils n'étaient que de la camelote à remplacer dès que possible. Son visage encore juvénile, marqué de quelques boutons d'acné, était encadré de quelques mèches solitaires noires comme l'ébène. Il portait, tout comme Sollen, la coupe traditionnelle des Padawans de l'Ordre, les cheveux attachés sur l'arrière en une couette discrète, la tresse fine sur l'épaule comme Gena et Sheyla. Il sourit lui aussi à la vue de Sollen, se leva s'approcha pour lui donner une grande tape dans le dos. Sollen fut plus rapide et bloqua sa main en plein vol d'un mouvement fulgurant.
— Haha ! Je t'ai eu ! s'exclama-t-il, souriant de toutes ses dents.
Greeska arriva par derrière Sollen et finit le travail de Rurk. Sollen tomba en avant et s'écrasa contre Gena qui le repoussa violemment avec un rire amusé. Elle et Sheyla rirent à gorge déployée, observant ce pauvre Sollen se relever en maugréant des insultes bénignes à Greeska et Rurk. Les deux en question étaient écroulés de rire et se tenaient par l'épaule pour éviter de tomber.
— Alors là, Sollen, comment tu t'es fait avoir ! pouffa Rurk. Comme un bleu, vieux !
— Oh, ça va !
Ils rirent tous ensemble.
— Bon, où est maître Andon ? Je croyais que c'était lui qui devait nous faire l'entraînement aujourd'hui, dit Gena, toujours assise par terre. J'en ai marre d'attendre.
— Patience, jeune padawan, patience, fit Sollen d'une voix profonde en imitant la voix paisible de maître Andon, et tout le monde rit de nouveau.
— Arrête ça, le prévint Sheyla, je te rappelle qu'il y a des holocams de surveillance ici, et…
— Ha, madame Rabat-joie frappe de nouveau ! la coupa Sollen. Arrête donc, tu es tendue en ce moment… T'as besoin de vacances, ma pauvre !
— Non, c'est juste que… je sais pas, j'ai un mauvais pressentiment. J'ai fait un cauchemar hier…
Gena finit par se relever et prit la main de Sheyla dans la sienne, l'air grave.
— Tu m'avais dit que ça avait arrêté… tu m'avais dit que…
— C'était pas à propos de la Terre, Gena ! Pas du tout… C'est juste que… je vous voyais, tous les quatre… on était ensemble… Et puis tout à coup il se passait quelque chose de très étrange… Il y avait une lame bleue, quelque part… Et j'avais très mal à l'épaule… Et quand je rouvrais les yeux, Rurk avait disparu… Et ensuite, je… je parlais à cette femme… Je ne me rappelle rien, sinon qu'elle était très belle, elle avait des yeux très bleus. C'est tout.
— Étrange, conclua Gena en relâchant sa main. Bah, ce n'était qu'un cauchemar.
— Ouais, renchérit Rurk. Regarde, je suis là, moi.
Il lui posa la main sur l'épaule.
Sheyla sentit quelque chose de froid lui parcourir les veines et se retint de hurler. Elle s'écarta vivement de Rurk, murmurant un faible « lâche moi ». Elle ne voulait pas qu'il la touche… pourquoi ? Le cauchemar ? Que se passait-il, dans ce cauchemar, exactement ? Pourquoi refusait-elle de s'en rappeler ? Rurk ne semblait pas comprendre et s'écarta doucement.
— T'as vraiment pas l'air bien… C'était où, ta dernière mission avec maître Skywalker ?
— Euh… Jeroka, je crois…
— Les vapeurs de soufre, à tous les coups c'est ça ! s'exclama Gena. T'as dû t'intoxiquer, ma vieille… Tu ferais bien de passer à l'infirmerie.
— Ça va très bien !
Sheyla leur jeta un regard agacé puis se mit à rire. Lorsqu'ils lui demandèrent pourquoi, elle répondit tout simplement qu'ils étaient bien amusants, à se soucier de sa santé comme cela… La bonne humeur revint rapidement. Il était impossible de s'en défaire pendant plus de cinq minutes lorsqu'on s'appelait Gena, Sheyla, Greeska, Rurk et Sollen et qu'on faisait partie du même groupe d'entraînement depuis la petite enfance. Ou presque…
Sollen saisissait son sabre-laser pour commencer les échauffements… et tout devint noir.
6
Le début de la fin
La scène changea. Il s'agissait, de toute évidence, d'une caméra de surveillance dont on n'avait pas modifié ni l'angle ni la coloration. Jamila ne reconnut en rien le paysage qui s'offrait à elle. Les contours holographiques qui se dessinait sur le datapad semblaient flotter, sous cette couleur bleutée étrange, froide. Elle remarqua que les limites de la salle représentée semblaient immenses. Il s'agissait sûrement d'un hangar. Les murs crépitaient, sous la représentation holographique, mais elle finit par reconnaître quelques motifs Jedi peints qui se retrouvaient sur l'enregistrement précédent. Il s'agissait probablement de la même fameuse frégate, la Sunset. Il n'y avait personne.
Jamila sursauta lorsqu'un jeune homme d'une vingtaine d'années bondit dans le champ de vision de la caméra qui effectua un zoom sur lui. Il semblait enragé, son visage était couvert de larmes et quelque chose qui ressemblait à du sang lui dégoulinait de la joue droite. Jamila reconnut immédiatement Rurk Sandberg, qui bien que plus vieux que sur l'enregistrement et plus jeune que lors de leur rencontre, il n'avait rien perdu de son visage charismatique et de ses mèches brunes en bataille. Il regarda la caméra un instant, poussa un cri de rage et envoya son sabre-laser (dont la lame était d'un bleu étincelant) valser contre le petit dispositif. Fort heureusement pour Jamila qui voulait voir la suite, il rata son objectif de peu et récupéra son arme, fulminant. Il jeta des regards intéressés autour de lui. Il cherchait quelque chose, Jamila en aurait donné sa main à couper.
C'est alors que des bruits de pas se firent entendre. Près de la limite du champ de vision, une forme sombre apparut et se jeta devant Sandberg, le plaquant au sol. Jamila entendit la voix crépiter et reconnut sans peine le timbre de Sheyla Skywalker. Elle paniquait, au bord de l'hystérie.
— Rurk ! Je t'en prie, arrête !
Il la repoussa violemment, utilisant la Force, et elle se retrouva projetée contre le mur. Se relevant en gémissant, elle tenta de nouveau de stopper Sandberg dans un élan de désespoir.
— Rurk, il n'est pas trop tard, tu peux encore…
Elle poussa un faible gémissement de douleur lorsqu'il lui saisit le bras et lui tordit en arrière, la forçant à se mettre au sol.
Elle se remit d'applomb aussitôt et sauta par-dessus Rurk pour lui bloquer le passage.
Jamila frémit. Elle savait pertinamment ce qui allait se passer. Elle en était tellement sûre…
— Je t'en prie, souffla une fois de plus Sheyla. Ne m'oblige pas à…
— À quoi ? explosa Sandberg en se retournant. Je n'ai pas peur de toi ! Je vais partir, et tu ne m'en empêcheras pas, Sheyla !
— Tu as d'autres choix ! Ne bousille pas ta vie comme ça, pense à Gena et Sollen et Greeska et tous les bons moments qu'on a eus !
— Je ne vais pas te le répéter. Écarte-toi… de mon chemin.
Sheyla frémit. Elle se tenait entre Rurk et les vaisseaux.
— Je ne peux pas te laisser faire ça… Je ne veux pas que tu partes !
— Bon sang Sheyla, tire-toi ! Va-t'en ! Laisse-moi partir !
— Non !
— J'ai dit CASSE-TOI !
Il alluma son sabre-laser et pour la première fois de sa vie, une peur sans nom courut dans les veines de Sheyla.
— Tu sais bien que je ne peux pas, dit-elle, au bord des larmes.
Elle renifla bruyamment et alluma sa propre lame. C'était comme… un cauchemar. Il s'élança vers elle avec une rage inouïe et frappa de toutes ses forces. Sheyla para difficilement le coup et fit un pas en arrière, désiquilibrée, encore trop secouée pour comprendre ce qui lui arrivait.
Jamila regardait la scène, horrifiée, observant les deux amis s'entre-déchirer. Sheyla parait chaque attaque de Rurk, mais de moins en moins vite, gagnée par les larmes et l'incompréhension. Elle ne voulait pas le battre et cela se voyait et se ressentait. Rurk, lui, n'avait aucun remors. Il attaquait, encore et encore, la rage du désespoir brûlant dans ses yeux. Sheyla faiblissait lentement, sans même s'en rendre compte.
Un moment d'inattention, et Rurk envoya sa lame si profondément dans la sienne qu'elle ne put la dévier que de quelques centimètres… assez pour empêcher que le coup ne soit fatal ; pas assez pour que la lame ne lui transperce pas l'épaule avec une violence inimaginable.
Elle hurla de douleur et tomba un genou à terre, les yeux fixant le vide. Son sabre-laser heurta le sol avec un bruit de métal et roula un peu plus loin. Rurk s'arrêta face à elle. Il semblait pleurer, lui aussi. Elle releva la tête doucement et lui jeta un regard anéanti, avant de s'écrouler au sol, serrant fermement le pan de sa tunique là où la lame l'avait traversée jusqu'à en avoir les jointures blanches, comme si cela pouvait atténuer la souffrance, les yeux clos.
Rurk se détourna lentement.
— Je t'avais prévenue ! cria-t-il en pleurant.
Il s'éloigna et monta dans l'un des vaisseaux Jedi entreposés dans le hangar. Sheyla entendit le bruit du moteur… puis des voix inquiètes.
— Oh Seigneur oh Seigneur ! Sheyla ! s'exclama une voix féminine qui semblait être celle de Gena. Sheyla, tu m'entends ?
Incapable de répondre, Sheyla ne fit qu'émettre un gémissement faible. Quelqu'un la retourna sur le dos, elle murmura le nom de Rurk une dernière fois et s'évanouit.
7
Prête ?
Jamila éteignit le datapad et s'enfonça dans son siège sans un mot, bouleversée. Elle comprenait, désormais, pourquoi le visage de Sheyla s'était brusquement éteint lorsqu'elle avait plongé sa lame dans le corps de Rurk Sandberg sur Zonju II. Écoeurée de voir à quel point le côté obscur était capable de pervertir une personne, elle détourna les yeux et une envie de vomir la prit subitement. Les larmes lui piquaient les yeux.
Elle sursauta lorsqu'une main s'appuya doucement sur son épaule.
— Ça va aller ? demanda la douce voix de Leia.
— Je crois…, murmura Jamila. C'est juste que… je ne m'y attendais pas.
— C'est normal. J'aurais dû te prévenir de ce que tu pouvais trouver en fouillant ces holovidéos… Sheyla ne t'en a jamais parlé ?
— À vrai dire, nous n'avons pas beaucoup eu l'occasion de parler de cela. Je savais que Rurk Sandberg était un ami… mais j'ignorais tout de cette histoire.
— Tu l'aurais découvert tôt ou tard. Je suis désolée que cela te sois tombé dessus avant que Sheyla aie pu t'en parler.
— Ce n'est pas grave…
— Eh bien, maintenant, tu vois pourquoi Sheyla redoute tant le côté obscur, je suppose.
— Il semblerait qu'il ne mène qu'au malheur…
— En partie, accorda Leia. Bon, je devrais commencer à t'enseigner quelques techniques de base de la forume Shii-Cho, avant que nous arrivions dans le secteur de Speron.
Jamila jeta un œil aux cartes stellaires holographiques qui indiquaient leur position. Elle plaça son doigt près du système de Speron et nota une minuscule sphère verte, d'une forme plutôt étrange qui l'aurait fait penser à un astéroïde.
— Juste une petite chose… il y a une étrange planète, là.
— Maïlaydie. D'un vieux dialecte de Dantooine, qui veut dire littérallement : toujours malade. C'est une planète étrange. Les vapeurs de son atmosphères sont très toxiques, pour quasiment toutes les espèces vivantes connues dans cette galaxie – même les Gand, c'est dire – mais le plus étonnant, c'est qu'elle change de forme toutes les deux révolutions autour du noyau galactique. C'est en partie ce qui lui a valu son nom, les anciens pensaient qu'elle était une âme pure possédée par un démon qui la torturait en continu… non, je te rassure, elle est juste très molle pour une planète.
Jamila sourit et suivit Leia dans une des salles libres de Fawkes, prête à apprendre commen manier cette arme noble que tant de Jedi avaient maîtrisé dans le passé. Elle considéra pendant un moment le petit appareil cylindrique qu'elle tenait fermemement serré au creux de sa main. Il allait falloir s'en servir.
Elle se rappella de ce qui était arrivé sur Zonju, lorsqu'elle avait combattu Sandberg pendant de courtes minutes, se battant pour sa vie. Cette fois, ce serait différent. Leia allait commencer par les bases, par la techniques, alors que Jamila s'était laissée porter par son instinct ce jour-là, l'instinct primitif de sauvegarde de la vie.
— Détrompe-toi si tu t'imagines que je vais t'apprendre un moyen très régulier de te battre, commença Leia calmement, s'asseyant par terre bientôt suivie par une Jamila attentive. Sheyla m'a dit ce qui s'était passé avec Rurk Sandberg. Je dois te dire que c'est exactement de cette façon qu'un Jedi doit se battre. Tu dois suivre ton instinct, écouter ce que la Force te dicte, et surtout, surtout, ne pas te laisser perturber par tes émotions. Bien sûr, les techniques de bases sont nécessaires, mais une fois apprises, tu pourras construire toi-même tes propres techniques, basées sur ce que tu sais de toi-même et de ta maîtrise de la Force. Sheyla, par exemple, a une kata tournante bien à elle que Luke n'a jamais su imiter. Nous sommes tous différents… et notre manière de nous défendre l'est aussi. L'important, c'est de comprendre la Force, de se laisser guider par elle, de vider ton esprit avant de te lancer. Tu verras, ton bras partira tout seul dans des mouvements naturels avant même que tu n'ai appris à faire une simple attaque frontale.
— D'accord, approuva Jamila. Par quoi je commence ?
Leia sourit.
— Place toi devant moi… Oui, comme ça. Et maintenant… je veux juste voir quelque chose… prête ?
Jamila activa la lame turquoise de son sabre, légèrement anxieuse, mais prête. Elle fixa ses pensées sur Leia.
— Règle la tension de ta lame, lui expliqua Leia, après quoi elle lui lança : vraiment prête ? Alors défends toi, ma fille !
Elle jeta sa lame en avant et Jamila pensa en une fraction de seconde « ça va être un long voyage, mais ma foi, intéressant ».
