JOURNAL D'UN ESPRIT
J'ai décidé, pour une fois, de me montrer raisonnable et de raconter ma vie … Je ne sais pas pourquoi un tel besoin s'est fait sentir, depuis les événements de ces dernières années, je me suis senti faible et vulnérable … MOI ! Faible et vulnérable … quelle ironie du sort, puisqu'en théorie je ne peux mourir …
J'ai donc, pour quelques instant, abandonné, mes activités habituelles pour me confier à ce parchemin. Ce n'est pas parce que je suis différent des autres et une vraie peste – comme on me surnomme parfois- que je n'éprouve pas, par moment, certains sentiments qui me poussent soudain à crier :
- EH regardez-moi ! Je suis ici, je ne fais pas partie du décor ! J'EXISTE !
Etrange, n'est-ce pas, que je puisse réagir ainsi … Vous tous, qui m'avez côtoyé pendant sept longues années, semblez étonnés de me découvrir sous un nouveau jour, ne riez pas ! Et écoutez mon histoire … Cela pourra peut être vous faire changer d'avis sur moi … Peut être que certains d'entre vous finiront par me respecter un peu plus, bien que, Moi, jamais je ne l'ai fait avec vous …
Voici donc MON histoire :
(Au fait, ne soyez pas surpris par mon langage, mine de rien, j'ai acquis une certaine « éducation » … à vivre ici, quoi de plus normal après tout … Bande de petits morveux !)
Quand suis-je né ? C'est une bonne question, mais à laquelle même moi, je ne peux y répondre … D'ailleurs, je ne suis même pas sûr que le mot « né » me convienne … Depuis toujours j'ai été là, j'errai dans le noir, comme une âme en peine … Mais je n'étais pas seul, je ne l'ai jamais été : nous étions une multitude, des milliers et des milliers à errer entre le monde des vivants et des morts … Parfois certains d'entre nous disparaissaient soudainement : quelque chose dans le monde des humains avait attiré leur attention et ils décidaient de voir cela de plus près. Bien souvent, ils rendaient de menus services aux humains. On racontait alors qu'ils choisissaient une forme et rester à jamais auprès de ce qui les avait attiré.
Moi, bien sûr, les petits soucis de ces drôles de gens ne m'intéressaient nullement ; bien sûr, je survolais souvent des villages ou des villes, et parfois je l'amusais à terroriser ces hommes et ses femmes : je m'arrêtais un instant dans une maison et je brisais tous les pots en terre ; je renversais les seaux d'eau des enfants qui revenaient du puits, je terrorisais les vaches ou les chevaux dans les écuries. Cela me rendait joyeux et mes incursions dans le monde des hommes se faisaient de plus en plus fréquentes. J'étais alors heureux : personne ne remarquait ma présence, je faisais ce que je voulais !
J'allais souvent martyrisé un
pauvre couple de nobles : ils vivaient cloîtrés dans un
vieux manoir qui tombait en ruine et je m'amusais, toutes les
nuits, à faire tomber les tableaux, à casser la
vaisselle …
Or un jour, ces vieux, sans doute
exaspéré par mes farces reçurent la visite d'un
homme étrange : il était assez jeune, aux longs cheveux
blonds et aux yeux noisette. Il ressemblait à tous les autres
humains, mais quelque chose d'étrange en lui attira mon
attention : sa tenue vestimentaire se démarquait de celles des
autres hommes : il portait une robe verte et violette. Au début,
je pensais qu'il s'agissait d'un lointain voyageur, venu de
contrées exotiques.
L'homme passa la nuit
au château et je décidai de m'amuser un peu avec lui.
Une fois qu'il se fut endormi, j'entrai dans sa chambre et je fis
tomber toutes les chaises dans un fracas épouvantable ;
l'homme se releva d'un bond ! Et à ma grande surprise, il
pointait vers moi un morceau de bois … VERS MOI ! Alors que jusqu'à
présent, personne ne pouvait me voir, lui, cet étranger
habillé bizarrement pointait un objet vers moi. Interdit, je
m'arrêtais au milieu de la pièce, à quelques
centimètres du sol. Cela ne pouvait être qu'une
coïncidence ! Je me dirigeais donc vers la fenêtre, et là,
ô surprise, le morceau de bois suivit ma progression, l'homme
me voyait ! Je m'arrêtai de nouveau.
-
Je ne sais pas ce que tu es, mais ne crois pas t'en aller ainsi :
tu ne me fais pas peur !
Pour la première
fois de ma vie, quelqu'un s'adressait à moi. Je ne sus que
faire : pouvais-je parler avec lui ?
Les seuls pouvoirs que je savais posséder étaient de faire bouger des objets, par ma seule volonté … Mais étais-je doué de parole ?
Je décidai de tenter ma chance :
- Vous me voir ?
L'homme surpris laissa tomber son bout de bois à terre. Ca marchait : je pouvais parler ! Bien sûr à cette époque, je ne savais que quelques mots, ceux que j'avais pu entendre pendant mes farces …
- Oui, me répondit-il. Qu'êtes- vous ?
- Pas sais.
Il resta perplexe un instant, mais ne se découragea pas.
- Que voulez-vous ?
- Rien
- Alors pourquoi embêtez-vous mes parents ?
- Rire …
- Rire ? répéta-t-il.
- Rire, joyeux moi !
L'homme gratta son menton
et me fixa intensément ; à ce moment quelque chose
d'étrange se passa en moi : je voulais savoir qui j'étais,
pourquoi je n'étais pas comme cet homme … Un millions de
questions me traversaient, sans que je puisse y répondre.
Je
m'approchais de l'homme, celui-ci raffermit sa prise sur son
bâton. Je bégayais :
- Vous me voir ? Quoi voir ?
L'homme rit doucement.
- Vous voulez dire que vous ne savez pas à quoi vous ressemblez ?
Je ne répondis rien, blessé par ce rire.
- Eh bien, je ne vois que peu de choses en fait : une sorte de brume grise qui flotte entre le plancher et le plafond, c'est tout. Vous devez sans doute être un esprit ou un fantôme ; j'ai lu des choses sur cela dans mes grimoires …
Les paroles de l'homme avaient un effet hypnotisant sur moi : je voulais en savoir encore et encore. Je me rapprochais de lui. J'étais maintenant à quelques centimètres de son visage et je lui dis :
- Moi apprendre tout ! Vouloir savoir tout.
Cela le fit rire de plus belle :
- Tout apprendre ? Mais même pour moi, cela serait impossible !
- Moi vouloir savoir tout ! répétai-je.
L'homme réfléchit un instant.
- Si je décide de vous apprendre tout ce que je sais, promettez-moi une seule chose : arrêtez de terroriser mes parents !
Je n'hésitais pas : la connaissance contre quelques farces ! J'acceptais le marché tout de suite.
- Très bien, dit l'inconnu. Avant de commencer, il serait bon de se présenter : je m'appelle Percy Ense, je suis un sorcier et vous ?
- Sais pas …
-
Eh bien, laissez-moi vous donner un nom … Que pensez-vous de …
Peeves ?
