Je suivis donc ce sorcier ; il ne resta pas longtemps dans le manoir de ses parents et pour ne pas briser notre marché, j'abandonnai ces pauvres vieux et je partis avec lui.

Il voyageait à cheval ; je devais mettre une certaine distance entre lui et moi, car sa monture s'emballait et prenait peur lorsque je m'approchais trop d'elle. Finalement notre périple prit fin : nous étions arrivés dans une ville portuaire du nord de l'Angleterre. Percy vivait dans une maison qui donnait sur le port, chaque matin, le sorcier laissait vagabonder son regard sur la mer, puis il se tournait vers moi et m'apprenait à former des phrases correctes … Ce qui au début n'était pas évident pour moi : je ne comprenais rien à ce qu'il appelait la grammaire, je mettais les mots dans n'importe quel ordre et souvent Percy riait en entendant les phrases que je faisais :

- Pourquoi noir nuit c'est ?

- Pourquoi soleil chauffer briller et ?

Percy tentait tant bien que mal de répondre à mes questions ; mais il était submergé par mes interrogations …

J'aimais beaucoup le regarder faire de la magie, j'étais attiré par ses pouvoirs et quand il lançait un sortilège, je devenais un instant plus fort, plus concret. Au grand désespoir du sorcier, je ne pouvais pas changer de forme, je n'étais qu'une sorte de nuage, sans réel contour, sans réelle forme.

Il y avait d'autres choses qui m'intriguaient beaucoup : les sensations qu'éprouvaient Percy et les humains : la nourriture me fascinait : je me demandais quel goût avait les aliments quand ils étaient mangés. Je tentais de passer à travers pour ressentir quelque chose, mais rien.

L'hiver arriva et là encore ce fut une source de surprise pour moi : Percy s'enveloppa dans de longues capes en fourrures ou en laine, quand je le questionnais à ce sujet, il me répondait qu'il avait froid.

- Froid ? Qu'est-ce ?

- Eh bien, comment t'expliquer cela, Peeves, c'est une sensation que tous les hommes ressentent à l'extérieur et à l'intérieur de soi. Si nous avons trop froid nous pouvons en mourir, alors pour cela, il faut nous réchauffer : un bon feu suffit. Regarde !

De son bâton –une baguette magique, m'avait-il expliqué- il alluma un feu dans la cheminée et put se débarrasser de ses fourrures. Je voulus encore une fois appréhender ce qu'était le feu, la chaleur, mais rien, je pouvais rester toute une nuit au milieu des flammes, je ne ressentais rien.

Percy me posait aussi beaucoup de questions, auxquelles je ne pouvais répondre.

- Es-tu un esprit ?

- Esprit ? Sans doute, je n'ai pas de corps comme vous …
(Vous avez vu les progrès que j'ai faits ! Je maîtrise enfin cette fichue GRAMMAIRE !)

- Etais-tu un homme avant, Peeves ?

- NON, hurlai-je –cette question me mettait hors de moi, car je ne pouvais éprouver aucune sensation comme les hommes, je n'en avais jamais éprouvée et jamais je n'en éprouverai- JAMAIS, J'AI ETE COMME VOUS …

Souvent après ce genre de questions, je quittais Percy et j'allais déverser ma colère sur un pauvre mortel : je saccageais les maisons, détachais les amarres des bateaux …

Percy s'interrogeait aussi sur la mort et ce qu'il y avait après ; là encore je ne savais rien.

- La mort ? Nous y échappons. La seule chose, Percy, que je sais : souvent quand j'étais dans le monde des esprits, on voyait une flamme bleue ou jaune traverser notre monde pour monter encore plus haut … C'est tout … On se disait entre nous que c'était les hommes qui partaient de la Terre.

Percy prenait de nombreuses notes, il en fit même un livre : Des Mystères de la Mort et des Esprits (d'ailleurs, il me semble que ce livre doit être quelque part dans la Réserve de la Bibliothèque de Poudlard, allez donc le consulter, bande de petits Morveux !)

Le temps passa, mon ami – le seul que j'ai jamais eu, le seul que j'ai jamais respecté – changea : ses cheveux devinrent blancs, son visage fut tout ridé,il m'expliqua que c'était la vieillesse.

Un matin, je fus étonné de trouver Percy encore au lit, je m'approchai et fis tomber une lampe, mais il ne bougea pas …
J'attendis toute la journée, il restait immobile. Quand le soir tomba, je compris que Percy était mort …
Fou de rage et de douleur, je détruisis tout à l'intérieur de sa maison : je me retrouvai de nouveau seul. Bien sûr, j'avais été changé : j'avais acquis la Connaissance – comme aimait le dire Percy- mais je venais de retrouver la solitude.

J'abandonnais cette ville et je repartis dans mon monde. Mais je n'y restais pas longtemps : je m'ennuyais trop …

Alors, je retournais sur Terre et de nouveau je persécutais les humains.

Ne croyez pas que c'est par méchanceté … J'ADORE VOUS EMBÊTER ! Mais c'est aussi, je l'avoue, par dépit et par jalousie ! Riez, riez humains : vous éprouvez des sentiments, la faim, la soif, la peur, le froid, l'amour, la joie … MOI NON ! Cela me rend parfois fou ! Alors je vous fais tourner en bourrique …

Jusqu'au jour où ….