Pendant plusieurs années, en fait pendant près d'un siècle, j'errais entre le monde des Esprits et celui des mortels : comme à mon habitude, je m'amusais à les tourmenter ; j'avais remarqué que seuls les sorciers les plus puissants pouvaient me voir, aussi je choisissais soigneusement mes victimes. Je ne tenais pas à recommencer la même expérience qu'avec Percy. Sa disparition m'avait tellement fait mal que je ne voulais plus revivre cela. Cependant si je pouvais être près d'un sorcier, je n'hésitais pas : je vous l'ai déjà dit : la magie me rend plus fort. A cette époque les sorciers étaient très mal perçus par la population moldus, ils se cachaient soigneusement et même moi, parfois j'avais dû mal à les repérer. Je me rabattais alors sur les moldus.
Les années passaient et les
mentalités ne changeaient pas : je me souviens d'avoir hanté
une famille écossaise moldue, malheureusement, ces pauvres
gens à cause de mes farces furent accusés de
sorcellerie et tous furent brûlés vifs, sauf un petit
garçon qui parvient à s'échapper.
Vous
allez sans doute me trouver sans cœur, mais cela ne me fit rien :
avoir conduit ces gens au bûcher ne me fit ni froid ni chaud (-
chaud/bûcher : quel bon jeu de mot !-). Cependant, je décidais
de surveiller ce petit garçon rescapé, car je venais de
me rendre compte qu'il possédait des pouvoirs magiques. Peut
être que si j'arrivais à voir comment il développait
ses dons pourrais-je à mon tour faire de la magie !
Malheureusement, cela ne servit à rien : la magie m'échappait
toujours !
Je ne pensais jamais revoir ce jeune
garçon, mais le Destin – chose à laquelle je ne crois
pas du tout, de toute façon, Moi je ne crois à rien !-
en avait décidé autrement.
Alors que j'avais regagné mon monde et que je morfondais au milieu de mes semblables, je me sentis tout à coup comme aspiré vers la Terre. Curieux, je me laissais porter par le flot doré qui me faisait tournoyer comme une simple feuille morte. Une magie très puissante m'attirait inexorablement vers elle !
Je
finis par atterrir dans un drôle de lieu : un vieux château
écossais, aux multiples tours, aux longs couloirs sombres et
humides, aux escaliers nombreux. Que se passait-il dans ces lieux ?
Je parcourais les couloirs à la recherche de
cette source de magie qui m'avait attirée. Je parvins
finalement dans une immense salle, tombée en décrépitude.
Au
centre de cette salle, se tenaient quatre puissants sorciers : deux
hommes et deux femmes. Ils étaient en train d'accomplir un
rituel compliqué et puissant pour protéger ce lieu.
C'était cette puissante incantation qui m'avait tiré de
mon monde éthéré –eh oui, j'en connais des
mots compliqués ! Bande de petits Morveux !-
J'étais comme subjugué, se tournais autour des sorciers, j'étais presque en transe, je n'aurais pas pu m'arrêter si je l'avais voulu.
Je me suis toujours demandé pourquoi j'avais été choisi, jamais je ne le saurais …
Les incantations se firent plus fortes
et plus rapides, j'accélérais le rythme moi aussi.
Quand tout à coup, je fus aspiré au centre du cercle,
je ne pus m'empêcher de crier. Ce fut la seule et unique fois
que je ressentis comme une douleur dans tout mon être. Je ne
sais si cela dura un instant ou une éternité : tout est
assez flou.
Quand je repris conscience – le terme
est inexact, je le sais, mais c'est ce qui convient le mieux – je
me rendis compte que quelque chose en moi avait changé. Je
n'eus pas le temps d'y réfléchir. Une voix dure et
autoritaire m'interpella :
- As-tu un nom esprit ?
Interloqué, je me retournais vers
l'homme qui m'avait parlé : un sorcier immense, aux cheveux
noirs comme le jais, au visage carré et sévère,
aux yeux d'un vert immense. D'emblée, je ressentis toute
l'hostilité et le peu d'estime dans laquelle il me tenait. Cet
homme était un puissant mage noir. De toute façon, Moi
Peeves, j'étais un esprit sans peur et sans reproche, aussi
puissant soit-il ce sorcier mortel ne pourrait rien me faire.
Je
lui répondis d'un ton sec et plein de défi :
-Il fut un temps où l'on me nommait Peeves !
- Très bien, alors ça sera Peeves !
- Et en quel honneur vous voulez savoir mon nom ?
- Cela ne te regarde point, Esprit !
Une nouvelle voix, plus douce se fit alors entendre, une jolie sorcière toute potelée, aux joues rebondies venait d'interrompre le mage noir :
- Allons, Salazar, il a le droit de savoir ; nous l'avons fait venir jusque ici, quoi de plus normal qu'il soit mis au courant. Nous avons besoin de lui !
- C'est vrai, renchérit une seconde voix féminine.
Cette fois, une sorcière maigrichonne, au nez crochu, au regard un peu strict venait d'intervenir.
- Allons Salazar, c'est ton idée, à toi de l'expliquer !
Le sorcier grogna puis s'exécuta :
- Très bien, Esprit, nous …
- Tu lui as demandé son nom, Salazar, ce n'est pas pour rien ! Utilise-le !
Je
fis un bond, la dernière voix qui venait de se faire entendre
m'était familière : un sorcier, aux cheveux bruns et
aux yeux bleus, pas très grand, mais très musclé.
Il avait bien changé mais je le reconnus aussitôt :
c'était le petit garçon qui avait perdu sa famille à
cause de moi ! Le petit garçon que j'avais suivi pendant un
temps. Il ne restait plus aucune trace du gamin en larmes, le visage
tout noir, dégoulinant de larmes, les habits crasseux et usés
!
Salazar fusilla du regard le jeune homme.
- Très bien - il appuya fortement sur mon nom - Peeves ! Nous t'avons fait venir pour plusieurs raisons ! Nous avons besoin de toi ! Pour un grand dessein ! Bien sûr, tu ne connaîtras pas tout, mais tu es un élément clef …
Intérieurement, je bouillonnais : pour qui se prenait-il ce Salazar ? Pour le plus grand sorcier du monde ? Moi, un élément ? J'avais presque envie de partir, pourtant quelque chose ici me retenait …
- A partir de maintenant, Peeves, tu resteras attaché à ce lieu, car désormais tu en es le Gardien ! Nous venons de faire de toi le Gardien du Secret de Poudlard ! Aucun moldu ne pourra désormais découvrir ce lieu, seul toi et les futurs directeurs auront le pouvoir de rendre visible ce château aux futurs élèves ! Nous avions besoin d'un Gardien qui puisse survivre aux temps et qui puisse à chaque fois révéler le secret au nouveau directeur de ce lieu. Maintenant, tu es enchaîné à ce lieu et obligé d'assumer ta tâche, sans quoi, tu disparaîtras à jamais.
A ces mots, je me mis à rire : moi disparaître ?
- Ne ris pas, pauvre Esprit, par notre invocation, tu as pris une forme définitive et si cette forme t'est enlevée, tu disparaîtras à jamais !
Je sursautais : j'avais pris une forme définie ?
Ce
n'était pas possible : je me voyaisavec des bras, des jambes,
un corps, je touchais ma tête : j'avais une TÊTE ! La
panique alors me submergea. Si cet homme avait dit vrai …Je pouvais
tout perdre !
J'avais envie de crier, d'hurler, de
m'enfuir, mais j'étais toujours prisonnier du cercle formé
par les sorciers. La sorcière potelée prit alors la
parole :
- Ne crains rien Peeves ! Même si tout ce que Salazar a dit est vrai, ne prends pas cela pour un châtiment ! Bien au contraire, imagine, Peeves : tu vas vivre désormais à Poudlard : nous venons de créer cette école pour accueillir tous les sorciers pour les éduquer et les faire progresser ! Tu vas être au milieu de générations d'élèves, tu vas te mêler à eux …
Je ne l'écoutais plus : je n'avais retenu que deux choses : j'étais prisonnier ici, j'avais une forme définie que je pouvais perdre à tout moment et disparaître par la même occasion … J'étais énervé, en colère ! J'avais envie de tout casser. On venait de me voler la seule chose que j'aimais : la liberté : liberté d'aller et venir entre les mondes, liberté de ne rien faire au milieu de mes semblables, liberté de tourmenter tous les mortels que je voulais ! On m'ôtait mon seul plaisir !
Les sorciers brisèrent enfin le cercle et je pus en sortir, je voulus fuir le château : je tentais de franchir les murs extérieurs, mais une force invisible me repoussait à l'intérieur. Je tentais de m'envoler vers mon monde, mais je me butais à un plafond invisible.
Fou de rage, je saccageais tout ce qui se trouvait sur mon passage : mais le jeune sorcier que j'avais connu enfant, Godric Gryffondor et son amie la sorcière potelée, Rowena Serdaigle remettait tout en place par divers sortilèges. La seule consolation que j'avais été une force certaine que j'avais peu à peu acquis : ce lieu était rempli de magie et j'en étais devenu plus fort : bien sûr pas au point de briser le sortilège qui me retenait ici et faisait de moi un Gardien, mais je pouvais faire bouger des objets de plus en plus lourds et volumineux…
Un soir, je tombais nez à nez sur Godric, je lançais sur lui une poignée de poussière, il me regarda tristement :
- Peeves., je t'en prie ! Calme-toi !
- Non ! Je vous hais : vous m'avez fait prisonnier, je n'en ai rien à faire de votre Poudlard, de votre secret à) transmettre à chaque nouveau directeur : rendez-moi ma liberté !
- Peeves, cela est impossible, allons, ne t'en fais pas. Tu finiras par t'y habituer. Tout le monde finit par s'habituer à sa condition : regarde-moi ! Qui aurait cru que je puisse être un des Fondateurs de Poudlard : né de parents moldus, tous brûlés vifs pour sorcellerie, quelle ironie ! Tout ça parce que je ne savais pas que je possédais des pouvoirs et que je ne mes maîtrisais pas : c'est de ma faute si ma famille a été assassinée ! C'est aussi pourquoi je suis devenu plus fort : pour aider les autres sorciers : les éduquer afin qu'ils ne connaissent pas le même malheur que moi …
Je fus surpris par cette confidence : Godric pensait sincèrement être responsable de la mort de ses parents … et la mort de ceux-ci l'avait poussé à fonder Poudlard ; c'est un peu comme si ce qui m'arrivait était la conséquence de mes actes passés … Etrange ironie du sort !
Mais je ne voulais pas me laisser gagner par des quelconques remords : j'avais été emprisonné ici : très bien : ils allaient tous le regretter et le payer : puisque, désormais, je ne pouvais quitter ces lieux, ils deviendraient un enfer pour les élèves, les profs, les Fondateurs et tous ceux qui passeraient en ces lieux : Peeves allait régner en maître sur Poudlard !
