Chapitre deux : Shuufuu
« - Chuuou ? s'étonnèrent Kyo et Yuki en même temps. »
Ils échangèrent un regard meurtrier.
Chuuou sourit.
« - Ravie de vous revoir. Et ravie que vous vous souveniez de moi ! »
Elle se tourna vers Tohru.
« - Je suis Chuuou Magure. Enchantée de te rencontrer.
- Oh… Euh… Je suis Tohru Honda. Vous… vous connaissez ? »
Chuuou hocha la tête.
« - Oui, depuis cinq ans, répondit-elle. »
Kyo était scié. Chuuou était revenue.
Chuuou était revenue !
Elle disparaissait pendant cinq ans pour revenir aujourd'hui !
Le jour où il pensait à elle.
Le jour où ses cousins revenaient dans sa classe…
« - Chuuou…souffla-t-il
- Oui ? »
Elle le regardait avec un sourire un peu figé.
« - Baka ! s'écria-t-il. T'étais où comme ça ! »
Chuuou écarquilla les yeux.
« - Cinq ans sans nouvelles ? cria Kyo. T'aurais pu dire au revoir au moins, non !
- E… Gomen, Kyo-kun… »
Chuuou était éberluée. Après ce qui c'était passé…
C'était tout ce qu'il trouvait à lui reprocher… ?
Alors que elle…
Chuuou éclata de rire.
« - Hey, te moques pas de moi ! se vexa Kyo
- Gomen ! Gomen ne Kyo-kun ! Mais... »
Elle lui fit un éblouissant sourire.
« - A moi aussi, ça me fait plaisir de vous revoir, tous les deux ! Très plaisir ! »
Kyo grogna et détourna les yeux. Yuki sourit doucement.
Donc c'était bien arrivé…
« - Je reviendrais ! s'écria-t-elle. Ça prendra du temps, mais je reviendrais, Yun-chan ! »
A l'époque… Qu'on lui dise ça… comme ça…
Ça paraissait tellement irréel…
Il s'était souvent demandé si ce n'était que ça. Un rêve, sans plus.
Mais elle était là…
Elle était revenue…
Chuuou rit de nouveau.
« - Bon. Je voulais voir Shiguré mais… apparemment il n'est pas là. Par contre… »
Elle fit un signe vers la porte, par-dessus son épaule.
« - Vous pourriez m'expliquer ce qu'elle fait là ? »
Tohru se pencha pour regarder ce que Chuuou leur montrait.
Agenouillée contre la porte, une femme aux cheveux courts avait appuyé sa tête contre la cloison.
Elle répétait une litanie de mots sans suite et totalement incohérents, dont pages blanches, suicide, retard et démon.
Elle tenait un cutter dans sa main.
« - Non ! Ne faites pas ça ! s'écria Tohru.
- Qui est-ce ?
- L'assistante d'édition de Shiguré, répondit Yuki.
- Shiguré est écrivain ? s'étonna Chuuou
- Ça à l'air de te surprendre. A quoi t'attendais-tu ?
- Je sais pas. Je l'aurais bien vu acteur… ou homme politique. Il aurait eu de l'avenir dans la politique.
- Ce sale manipulateur pervers ? s'étonna Kyo
- Justement. »
Chuuou sourit et rejoignit Tohru pour l'aider à faire lâcher son cutter à Mi-chan.
La jeune éditrice s'y accrochait comme un naufragé à une bouée de sauvetage. Impossible d'y changer quoi que ce soit. Le cutter semblait inexorablement soudé à la main de Mi-chan, qui ne paraissait pas s'être aperçue de la présence des autres.
A ce moment, quelqu'un d'autre arriva.
« - KYO-KUN ! s'écria Kagura. »
Mi-chan et Tohru sursautèrent, et le cutter glissa sur la main de Tohru.
Tohru recula.
Mi-chan parut se rendre compte de sa présence, ouvrit des yeux horrifiés et lâcha son arme.
« - Gomen ! »
Tohru avait une entaille sur la largeur de la main.
« - Tohru… souffla Kyo. Nan mais t'es obligé de crier comme ça quand t'arrives ! cria-t-il à Kagura
- G-gomen Tohru ! fit la jeune fille
- C-ce n'est pas ta faute ! Et puis ce n'est pas si grave… »
Mais elle était très pale.
Arrivé à ce point, Shiguré décida qu'il avait assez joué et apparut (presque par magie) derrière Mi-chan.
« - Oh… Mi-chan, Kagura, vous avez blessé ma femme ?
- Non, c'est ma faute ! fit Tohru
- C'est pas ta femme, obsédé ! dit Kyo
- Oh, Tohru-kun, tu vois comme ils sont méchants avec moi, alors que je me préoccupe juste de savoir si tu vas bien… se plaignit Shiguré en posant une main sur l'épaule de Tohru.
- LACHE-LA ! »
Shiguré se prit deux coups sur la tête, de la part de Kyo et Yuki.
Mi-chan fixait Shiguré d'un air ahuri.
« - A-e-o-a-e-e-e… SENSEIIII ! POURQUOI POURQUOI POURQUOI ETRE SI IRRESPONSABLE ! VOUS ETES EN RETARD ! VOS PAGES, DONNEZ MOI VOS PAGES !
- C'est bon… »
Yuki, Kyo et Kagura rejoignirent Chuuou et Tohru.
« - Il faudrait appeler Hatori… proposa Yuki
- Pas la peine, répondit Chuuou. »
Elle passa la main sur la blessure de Tohru, qui se referma aussitôt.
Le regard de Tohru, Kyo et Yuki passa alternativement de la main guérie de la jeune fille à celle de Chuuou.
« - Comment… commença Tohru
- Chuuou-chan ! s'écria Kagura. Pas possible, c'est toi ? »
Chuuou fronça les sourcils, parut réfléchir trente secondes…
« - Kagura-sempai ! »
Chuuou tomba dans les bras de Kagura.
« - Ça faisait longtemps ! fit Kagura. Où étais-tu ?
- En France, chez moi ! Je suis contente d'être revenue…
- Je suis contente que tu sois revenue… »
La nuit venait de tomber.
Nayami terminait ses devoirs dans sa chambre.
Majutsu s'étira et s'appuya contre l'épaule de Kokaku.
A maintenant vingt-sept ans, la jeune femme était professeur de violon, à peu près le seul métier qu'elle n'avait jamais envisagé durant son enfance.
Sa jeune élève du vendredi – comme ce soir – était une petite fille adorable, mais sans savoir pourquoi Majutsu sortait toujours épuisée de ces cours.
Le téléphone sonna. Majutsu ferma les yeux.
Pourquoi le téléphone sonnait il toujours dans ces moments là ?
Elle tendit la main et décrocha le combiné, sans quitter l'épaule de son ami pour autant.
« - Moshi moshi ? »
En entendant la voix de son interlocutrice, elle se redressa d'un bond, ce qui surpris Kokaku.
« - Chuuou-chan, c'est bien toi ? Tu es revenue ? Où…
- Salut Maju-chan ! Ça faisait longtemps ! répondit Chuuou à l'autre bout du fil. Et oui, je suis revenue ! Pour l'instant, je vis chez Sen'nyu…
- Tu comptes aller a quel lycée ? Il nous reste une chambre à l'étage, tu sais…
- Je sais. Merci. Mais ça ira ! J'appelais juste pour… »
Kokaku sourit et se leva pour préparer le déjeuner, vu que Majutsu était visiblement occupé ailleurs…
Il s'arrêta.
Une jeune fille d'une quinzaine d'années aux cheveux bleutés lui tombant jusqu'aux genoux et aux yeux azuréens le regardait depuis l'extérieur, par la fenêtre.
Kokaku fit coulisser la fenêtre et s'appuya sur le rebord.
« - Bonjour, Namida. Tu viens nous voir ? »
La jeune fille ne répondit pas, jouant du bout des doigts avec le collier de larmes gelées qu'elle ne quittait jamais.
Kokaku soupira.
« - Nayami alors ?
- … … oui…
- Elle est à l'étage. Non, attends, passe par la… »
Namida se hissa sur l'arbre le plus proche.
« - … porte, acheva Kokaku. Ne tombe pas au moins ! »
Il soupira et retourna vers le salon, où Majutsu était toujours en grande conversation téléphonique ce qui lui rappela qu'il allait préparer le repas. Il soupira derechef et fit demi-tour.
Nayami venait de finir son devoir de mathématique (quelle horreur) quand on frappa à la fenêtre.
Elle se leva et alla ouvrir à Namida.
« - Tu passeras par la porte, un jour ? »
Namida ne répondit pas et se laissa tomber sur le lit de son ami. Elle jeta un œil vers le réveil qui était toujours dans un sale état et le prit, parce qu'il était déjà cassé et parce qu'elle avait besoin d'avoir quelque chose dans les mains.
« - Il n'est pas à moi, prévint Nayami »
Namida haussa les épaules. De toute façon, le réveil avait rendu l'âme.
« - Et alors ? demanda Nayami. Le collège ? Ça va toujours ? »
Bien sûr, Namida ne répondit pas.
Nayami soupira et rangea ses affaires. Elle s'accroupit pour ramasser un livre tombé par terre.
« - Chuuou est arrivée dans l'après-midi, déclara abruptement Namida. »
Nayami en laissa tomber son livre, plus choquée par le fait que Namida vienne de parler que par la nouvelle.
« - Chuuou… est ici ?
- Elle est chez Sen'nyu, précisa Nayami
- Ouah… Hey, pourquoi elle est pas venu nous voir ? J'aimerais bien la rencontrer moi ! »
Chuuou, le centre…
Oui, elle aimerait la connaître, et Namida aussi…
Chuuou entra dans la pièce et jeta son sac dans un coin.
La journée avait été vraiment superbe.
Elle était contente de les avoir revu, tous, même Kyo. Surtout Kyo, peut-être, parce qu'elle avait peur de sa réaction.
Elle sourit et remit ses photos en ordre.
Il faudra qu'elle les refasse. En cinq ans, on change, et elle voulait avoir celle de Tohru.
Sen'nyu frappa doucement à la porte de la chambre.
« - Oui ? demanda Chuuou
- Tu viendras au lycée, demain ?
- Bien sûr ! Mais je voulais les revoir avant, juste pour les prévenir.
- Hm. Met le réveil alors ! »
Sen'nyu quitta la pièce en riant alors qu'un livre s'écrasait là où il s'était tenu quelques instants plus tôt.
On sonna à la porte.
Sen'nyu jeta un œil par la fenêtre avant d'aller ouvrir.
C'était étrange… un homme aux longs cheveux blancs, non pas tout à faits ils étaient blancs mais aux reflets argentés, et aux yeux jaunes se tenaient devant la porte. Il était vêtu d'un long vêtement rouge et semblait parfaitement sûr de lui.
Sen'nyu entrouvrit la porte.
« - Oui ?
- Hahaha, je suis Ayame Soma ! La jolie princesse prisonnière de cette maison est-elle bien là ?
- Euh… »
Attirée par le bruit, Chuuou sortit de sa chambre et vint voir ce qui se passait.
« - Sen-chan, qu'est-ce qui… Ayame ?
- Chuuou-kun, belle princesse endormie, laisse-moi te délivrer d'un baiser…
- Oh mon roi, quel honneur de vous retrouver… Mais Shiguré ne te pardonnerait pas une telle infidélité…
- Hmmm… C'est vrai que je n'aimerais pas le perdre déjà. »
Les deux compères éclatèrent de rire.
Sen'nyu les observait, les yeux ronds, se demandant vaguement si tout cela était une bonne idée, au fond…
Les Soma qu'il avait rencontré jusqu'ici paraissaient tous gentils mais… comment dire… décalés ?
Et c'était grâce à eux que Chuuou était censée y arriver, même si elle ne le savait pas…
Sen'nyu adressa mentalement une courte prière à tout dieu n'ayant rien d'autre à faire.
Ils étaient foutus.
A suivre...
Shufuu : vent d'automne
Namida : larmes (encore un prénom sympa...)
