Silence.
Je ne sais quoi répondre à Ron. Il s'assied lourdement dans mon canapé l'air anéanti.
- Ron, je suis …
- Ne t'excuse pas, veux-tu.
Son ton est coupant. Il m'en veut. Pourquoi ne m'en voudrait-il pas?
Je n'ai rien fait de bien depuis que avons éliminé Voldemort. J'étais un héro, je ne le suis pas resté longtemps.
J'ai rendu Ginny malheureuse, elle a fini par partir. A présent c'est Hermione qui a quitté Ron. Par ma faute. Cette vieille amitié, cette vieille loyauté a coûté à Ron son mariage et l'amour de sa vie. Il est à bien des égards, beaucoup plus héroïque que moi. Il n'a jamais cessé, en toute circonstance de me témoigner cette loyauté indéfectible. Même aujourd'hui, qu'Hermione est partie. Même aujourd'hui qu'il est furieux après moi pour cette raison, il me soutient encore et me témoigne cette amitié et cette loyauté aveugle.

Je suis un monstre. Hanté par la voix des morts qui régit ma vie. Cette voix qui a non seulement gâché ma vie mais aussi celle de Ginny. Et aujourd'hui celle d'Hermione et de Ron.
- Ron. Laisse-moi. Abandonne-moi. N'aie aucun regret. Va la retrouver. Dis lui que tu t'es trompé. Qu'elle a raison. Que vous devez votre loyauté, tous les deux, à Ginny et non à moi. Que je ne suis qu'un vieux fou. Que tu ne me reverras plus.
- Harry ! Arrête avec ça ! Tu nous connais suffisamment tous les deux que pour savoir que ça ne se résoudra pas comme ça. Je suis heureux que ma mère ne soit plus la pour voir ça.
Déjà que votre séparation lui a brisé le cœur.

Et une culpabilité de plus, une. Je n'en avais pas assez, merci Ron. Je ne devrais pas penser ce genre de choses. J'ai creusé ma tombe tout seul. Je n'ai pas pu contrôlé mes fantômes, et ils ont envahi mon existence.

Ron, cher vieil ami, a compris.
- Allons, Harry. Arrête avec ça. Arrête de porter le monde sur tes épaules. Ce n'est quand même pas ta faute si ma mère est morte. De toute façon, je ne suis pas là que pour te parler de moi.
Une question me brûle les lèvres. Je la pose sans réfléchir.
- Comment va Ginny? Et comment va … Sirius?
Il lève un sourcil.
- Ginny va. Elle vit pour Sirius, mais ça tu le savais. Quand a lui, il a fini ses études et travaille a présent pour la Banque Française des Sorciers. Il est brillant, tu sais. Tu devrais quand même prendre contact avec lui, Harry. Ton fils a fêté ses dix-neuf ans et tu ne lui a pas fait le moindre signe depuis près de dix ans maintenant.

Je regarde ailleurs. Comment lui dire que j'ai peur de lui. J'ai peur de mon propre fils. Parfois la nuit, je revois le regard nimbé de rouge qu'il a eu après avoir tué la vipère. Trop de souvenirs, trop douloureux.

- Harry, je suis venu pour une autre raison. Beaucoup plus grave. Ginny et Sirius, tu les reverras. Beaucoup plus tôt que tu ne le crois probablement. Luna…
Mon regard revient à lui au son de sa voix cassée. Les larmes coulent sur ses joues sans qu'il tente de les essuyer ou de les cacher.
- Luna ?
- Luna est morte, Harry.
La nouvelle me plaque dans mon siège.
- Morte? Mais… comment?
- On ne sait pas bien. Elle travaillait dans son laboratoire de potions. Dieu sait que ça a toujours été une mauvaise idée. Neville en avait des cheveux blancs, rien qu'à penser à la manière dont sa propre mère est décédée. Mais elle y tenait. Et dieu sait, que Luna avait une manière bien à elle d'être tenace.
Quelque chose s'est mal passé mais on ne sait pas bien quoi.
Elle n'allais pas bien ces derniers temps, parait-il. Neville m'a dit qu'elle parlait beaucoup de Fourchelang et de flamme rouge, qu'elle semblait perdue dans ses pensées. Elle a du être inattentive en faisant une de ses préparations.
Harry, il faut y aller. Neville est brisé.

Fouchelang. Flamme Rouge. Comment dire à Ron les idées folles qui se bousculent dans ma tête. Des idées horribles, qu'aucun père au monde ne devrait avoir.

Une nouvelle question, impérative. Celle-là est posée immédiatement.
- Ginny leur à rendu visite ces derniers temps?
Ron me regarde étrangement, ne comprenant pas où je veux en venir. Il réfléchit un instant.
- En fait, oui. Ginny y est passée, il y a quelques semaines. Pour les vingt-cinq ans de Rodolphus. Encore une réunion, où tu n'es pas venu mais nous nous sommes dit que la présence de Ginny et de Sirius, expliquait ton absence à l'anniversaire du fils de Neville.

Je n'en peux plus. La pression devient intolérante. La voix des morts m'envahit de toute part. Il me reste une dernière question mais j'en connais déjà la réponse.
- Et comment allait Luna?
- Harry? Qu'est-ce qu'y t'arrive? Tu refais l'enquête où quoi? Oui, Luna allait bien, enfin je crois. Elle en avait l'air en tout cas, mais qui a jamais pu savoir ce qui se passe dans la tête de Luna et les idées farfelues qui pouvaient y prendre naissance.

Mon cœur tourbillonne, et déborde. Je dois en parler à Ron, puisque Ginny n'a jamais voulu me croire. L'amitié de Ron me sera-t-elle encore dévolue s'il sait la noirceur qui m'habite? Me croira-t-il ou bien sera-t-il, ainsi que Ginny, que je suis fou, aussi fou qu'ils ont cru Luna.
Pauvre Luna. Elle rejoint mes fantômes avec Molly. Toutes ces morts dont je suis responsable.

Je sais, je suis un monstre. Et je me demande dans quelle mesure je n'en ai pas engendré un…