Silence.

Tous s'agitent frénétiquement autour de moi dans un silence absolu.
Leur attitude est à la fois empreinte de torpeur et d'hystérie.
Certains courent et s'agitent puis restent prostrés l'instant d'après.
Étrange...

Ron et Hermione se soutiennent et se réconfortent tant bien que mal. Hermione ne comprendra probablement jamais le geste de Drago. Quand à Ron, il repose hébété sur l'épaule d'Hermione, les yeux secs et rouges. Il beaucoup perdu ce soir.
Je ne vois Neville nulle part. Peut-être est-il revenu sur nos pas, là où nous avons du laisser Luna, blessée, pour poursuivre Voldemort et ses sbires.
Mais que m'arrive-t-il?

Rémus se penche sur moi. Ses lèvres s'agitent. Il a l'air inquiet. Quelqu'un passe une main sous ma nuque. C'est une sensation bien étrange. Comme si ma nuque ne m'appartenait pas vraiment, comme si cette partie de moi était à des millions de kilomètres.
C'est Ginny. Elle est penchée vers moi, inquiète elle aussi. Elle me parle mais je ne l'entends toujours pas. Quelqu'un a débranché mes oreilles.
Mon cœur s'emballe, j'ai l'impression de me dédoubler.

Pourtant, un étrange murmure me parvient. Une rumeur sourde qui me parcourt, se traînant paresseusement à travers mon corps depuis mes entrailles. C'est la voix des morts qui doucement se fraye un chemin à travers les dernières brumes de ma vie.
J'ai 19 ans et je suis en train de mourir.
Je les reconnais, ces voix. Ces sont mes fantômes, anciens et nouveaux, qui me rongent seconde après seconde, pour m'emporter enfin dans l'oubli avec eux. Comme ce murmure se propage dans mon sang, le monde perd lentement ses couleurs, englouties dans l'ombre froide de la mort.
J'ai peur…

Ginny est toujours au-dessus de moi. Son visage sale et cendreux, lacéré par les marques de ses larmes, est pourtant singulièrement beau et lumineux. Il est étrange de voir tant d'anxiété dans ces yeux clairs, si pleins d'assurance ce matin encore. Elle aussi a beaucoup perdu, ce soir. Un père, un frère… et bientôt moi.
Je sais que bientôt, il me faudra combattre.

J'aimerais tellement lui parler. Lui dire de ne pas pleurer sur elle, ne pas pleurer sur nous. Lui demander de me pardonner de ne pas avoir su rester en vie.
J'aurais voulu être celui qui la réconfortera de ses pertes. Un autre le fera.
Parler me demande un effort considérable. Commander à mon cerveau de remuer mes lèvres. Ralenties par la lente marche de ma mort, les informations sont de douloureuses pelotes d'épingles torturant mes nerfs sur leur passage. J'ai peur que ma voix ne soit qu'un murmure inaudible pour Ginny qui me scrute toujours avec anxiété.
Je ne dois pas, il ne faut pas…

Mais Ginny semble m'avoir compris, elle approche son visage de mes lèvres. Elle attends un instant, tendue puis relève son visage, plus inquiète que jamais. Elle secoue la tête en remuant les lèvres. Je n'ai pas parlé.
Suis-je sauvé?

Sur son visage, trois gouttelettes translucides brillent doucement.
Trois gouttes salées jaillies des yeux clairs et inquiets.
Trois gouttes salées, derniers cadeaux coulant sur la joue pâle de Ginny.

Ses larmes ouvrent de nouveaux sillons de pureté dans la suie de son visage.
Peu à peu, la rumeur s'intensifie et ma vie m'échappe comme s'échappent les larmes de Ginny.

Il faut vraiment lui dire adieu.
Laisser un autre que moi essuyer les larmes sur son visage.

J'ai gagné le combat, MON dernier combat. Ils seront désormais, sans moi, les survivants. Jamais ils ne sauront que je les ai sauvés en les quittant.
Accueillez-moi, papa, maman. Accueillez-moi, Sirius et Dumbledore. Je vous rejoins, mes amis, mes ennemis. Faisons la paix, car j'ai, cette fois et pour de bon, fait disparaître la menace du mage noir.

Tremblant comme un enfant, Rémus Lupin referme les yeux du jeune homme qu'il en était venu à aimer comme un fils. Face à lui, Ginny Weasley pleure à chaudes larmes.
Tonk se penche à ses cotés et demande doucement :
"Il va s'en sortir?"
Rémus se laisse alors submergé par son chagrin. Il serre contre lui la jeune auror et bredouille entre ses larmes "C..c'est… fi.fini."