Chapitre III

"Où vas-tu, l'homme au sabre ?"

Le vagabond reconnût immédiatement la voix de Akito. Il voulait lui demander pourquoi elle avait volé son sabre, et si elle l'avait délibérément donné à Ryôta ou si ce dernier le lui avait volé à son tour. Mais avant qu'il ait pût ouvrir la bouche, Akito se remit à courir. Fatigué mais toutefois déterminé à savoir, Kenshin la suivit dans les rues d'Osakâ. Il arriva enfin devant l'enseigne "Urashima" qu'il avait vu lors de son arrivé dans cette ville.

"Hmm...Voici donc la demeure de ce Kôg...de cet artisan !" Même dans ses pensées, le rouquin se devait de respecter l'honneur de cette famille, et d'oublier le terme de "kôgyô".

Mais il fût tiré de ses réflexions par des cris émanant de la maison Urashima.

"-Ah te voilà toi ! Tes frères sont rentrés il y a un bon bout de temps ! On était tous inquiets pour toi !

-Mais papa, ce n'est pas ma faute c'est...c'est Ryôta, il..."

Kenshin éternua bruyamment, ce qui mit fin à la querelle. Urashima-san relacha sa fille et vint s'incliner devant Kenshin.

"-Veuillez m'excuser noble étranger. Bienvenue dans la modeste boutique Urashima. Que désirez-vous ?

-Je souhaiterai m'entretenir avec Akito-chan à propos de ce...Ryôta, répondit Kenshin sans quitter la fillette des yeux.

-Akito ? Ryôta ? Qu'est-ce qu'ils ont encore fait ces deux là ? Quoi que ce soit je m'en porte garant et je...

-Non ! Je souhaite juste lui parler, coupa le vagabond."

Urashima-san apporta du thé au rouquin tandis que celui-ci était assis dans le jardin avec Akito. La fillette n'avait pas dit mot et craignait visiblement que Kenshin n'engage la conversation, ce qu'il fit toutefois.

"-Alors, Akito-chan, pourquoi as-tu pris mon sabre ?

-Je voulais faire courir un vagabond, rétorqua la gamine, sa crainte ayant fait place à de l'assurance.

-Et quand le vagabond eut fini de courir, qu'as-tu fais du sabre ?

-Je l'ai donnée à Ryôta, car il le voulait.

-C'est lui qui te l'avait demandé ? interrogea Kenshin, ne comprenant pas où l'enfant voulait en venir.

-Pas directement. Mais il parlait tout le temps de combattre "l'homme à la cicatrice", alors j'ai pensé qu'en lui donnant votre arme, il aurait ce qu'il voulait."

Akito avait le visage songeur, comme si elle commençait à douter de l'utilité de ses actes. Elle ne semblait pas comprendre pourquoi un tel combat était si important pour Ryôta, mais ne souhaitait apparemment que son bonheur.

"-Qui est Ryôta pour toi ? demanda le vagabond

-C'est mon cousin ! Ses parents sont morts assassinés pas les Tokugawa parce qu'ils étaient pour l'occidentalisation; alors nous l'avons recueillis jusqu'à ce qu'il soit assez vieux pour s'en sortir tout seul. Mon père pense qu'il assez vieux depuis déjà très longtemps, et il attend l'occasion pour le chasser."

Ryôta ne revint qu'après que la nuit fût tombée. Aux vues de ses bandages, Kenshin pensa qu'il était aller faire un tour chez le médecin. Urashima-san le sermonna longuement sur son retard, et sur l'inutilité de se battre. Le vagabond ne se montra que lorsque l'oncle demanda à son neveu qui l'avait si sévèrement corrigé.

"-TOI ! s'écria Ryôta. Que fais-tu ici ?

-Il est mon invité, expliqua Urashima-san. Pour le dédommager des bêtises de Akito...et apparemment des tiennes aussi."

Une rage inqualifiable semblait bouillir en Ryôta, contre laquelle il semblait lutter de toutes ses forces. Après de gros efforts pour se contenir, le jeune homme s'approcha de Kenshin et s'agenouilla.

"-Himura-san, je sais que vous ne reviendrez pas sur votre refus. Toutefois, je vous implore à nouveau, de me laisser vous suivre et vous servir, jusqu'à ce que mes fautes soient expiées !"

Son regard était si déterminé que Kenshin en tressaillit. Il ne considérait pas la fuite comme une faute. Certains hommes étaient faits pour le combat, et d'autres non. Ryôta entrait dans cette seconde catégorie. Le vagabond s'apprêtait à infliger un nouveau refus au pauvre garçon quand Urashima-san revint.

"Ryôta à genoux ! Ca par exemple ! Tu dois avoir beaucoup de choses à te faire pardonner ! S'en est trop ! J'en ai assez de tes bêtises. Tu es maintenant assez vieux pour survivre par toi-même. Tu as passé suffisamment de temps dans cette maison. Tu n'y as plus ta place !"

Ryôta fit de gros efforts pour contenir son désespoir. Il était chassé de cette maison qui constituait le seul lieu où il lui restait une famille. Chassé alors qu'il s'apprêtait à en partir. Son oncle le haïssait-il donc tant qu'il lui prenait jusqu'à la seule dignité qu'il lui restait, en l'empêchant de partir de son plein gré ?

Akito qui avait assisté à la scène éclata en sanglot, et courut se blottir dans les bras de son cousin.

S'en était trop pour Kenshin. Il se souvenait des paroles de la fillette "il attend l'occasion pour le chasser". Cette occasion, c'était lui qui l'avait fournie à Urashima-san...

"-Urashima ! Vous n'aurez pas à chasser votre neveu, car avant que vous n'arriviez je lui ais demandé de m'accompagner pour mon prochain voyage.

-HAHAHA vous ne devriez pas, ce garçon est un incap...

-ASSEZ ! coupa Kenshin. Vous n'avez pas à l'humilier. Il est ce qu'il est, et en l'acceptant chez vous, vous deviez savoir à quoi vous vous engagiez. Si vous vous êtes trompez, c'est à vous d'être conspué, mais pas à lui. Je le prends avec moi maintenant. "

Seuls les sanglots de Akito vinrent briser le silence pesant qui tentait de s'installer. Elle s'aggripait à son cousin comme s'il menaçait de s'évaporer. Les larmes ruisselaient sur les joues de l'enfant et sur les épaules de Ryôta.

Au bout de plusieurs minutes, la fillette se déroba à l'étreinte et s'avança vers Kenshin.

"-Tu as sauvé la dignité qu'il restait à Ryôta alors qu'il t'avait agressé. Tu es un homme bien Rurouni, et même si tu m'enlèves mon cousin, je te remercie. Maintenant promets-moi une chose. Tu reviendras me voir un jour, quand Ryôta t'auras quitté."

Ce n'était pas une demande, mais un ordre. Kenshin acquiesça pour signifier qu'il avait compris. Les mots étaient désormais inutiles. Il saisit Ryôta par le bras et le releva, puis ils s'enfoncèrent ensemble dans la nuit. Ryôta n'aura pas put adresser ses adieux à Yûsuke et Shôta.