Auteur : Luna Denree
Titre : Jusqu'à la fin des temps
Rating : PG-13 pour violenceCatégorie : Drame, suspense
Pairing : Aucun en particulier, mais si vous voulez imaginer un Claire/Arnaud, ça peut coller à l'histoire ;)
Commentaires : Milles pardons pour les retards de délais, c'est qu'après le bannissement du retour du Choixpeau, j'ai eu un petit écoeurement d'FFnet...
Réponses aux Reviews :
Tristary : Merci beaucoup, ta review me fait chaud au coeur, surtout après le coup bas que je viens de recevoir de ce stupide site (même si je sais très bien que tu l'avais écrit avant :P). J'espère sincèrement que tu aimes toujours la deuxième partie :)
LiLy Jolie : La voilà, la suite :)
Disclaimer : Aucun des personnages n'est à moi et je ne fais pas d'argent avec cette histoire. De toute façon, vu le taux élevé de bannissement de ce site, c'est à croire que c'est eux qui en font !
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Chapitre 2 : Fuite
Pour Claire, la nuit fut terriblement longue. Bien que les reflets de la lune envoyaient des lueurs dansantes sur le couvre-lit, la châtelaine craignait les ténèbres de ses appartements. Elles lui rappelaient trop l'absence de ses enfants, de son frère et de son mari. Comment pourrait-elle passer trois jours sans leur présence à ses côtés ? Sans savoir ce qu'il advenait d'eux ?
Elle se retourna donc de nombreuses fois, gémissante en ses songes et tremblante en son éveil. Lentement, l'aurore se présenta sous forme de lumières sinistrement colorées, comme si le jour même se réjouissait aux dépends de la famille de Marek. Lorsque le soleil, en une explosion de couleurs enflammées, s'imposa de toute sa splendeur ensanglantée, la jeune femme avait depuis longtemps renoncé au sommeil.
Elle ne fut donc pas surprise outre mesure par l'intrusion sans cérémonie des soldats venus la chercher. Bien qu'elle rechigna quelque peu à leur obéir, force lui fut de reviser sa position lorsque ceux-ci la menacèrent de la punir d'agréable façon si elle ne les suivait pas sur-le-champ. N'ayant aucune envie d'achever son veuvage avec l'un de ces malotrus, elle redressa les épaules et marcha dans leur sillage, le visage crispé du dégoût d'être assaillie par des anglais.
Ce n'est qu'arrivée au réfectoire que l'idée lui vint que cette convocation n'aurait pas dû avoir lieu. Mais avant de pouvoir prononcer les paroles qui lui étaient venues à l'esprit, elle fut amenée devant le seigneur anglo-saxon.
Ledit seigneur, les doigts et les joues couvertes de gras luisant, s'empiffrait allègrement dans les réserves d'Arnaud.
- Votre fils s'est échappé cette nuit, l'informa-t-il entre deux bouchées.
- Pardon ?, demanda froidement Claire.
- Il semblerait que quelqu'un ait omis de nous parler d'une cachette ou d'un passage secret, madame. Nous vous serions donc grés de remédier à ce petit oubli.
La voix glaciale figea la jeune femme sur place. L'homme à la chevelure d'ébène, derrière elle, lui faisait toujours aussi froid dans le dos. Lorsqu'il avança et la fixa dans les yeux, son regard lui gela l'âme et lui donna l'impression qu'il pouvait lire en celle-ci. Mais, maintenant fermement la bride à son imagination, elle décida de jouer les innocentes offusquées, estimant son talent d'actrice à sa juste valeur.
- N'aviez-vous pas dit que vous nous empêcheriez de sortir ?, les interrogea-t-elle, un léger rictus retroussant le coin de ses lèvres.
- Précisément, répliqua l'homme aux yeux cruels. C'est pourquoi nous voulons savoir où est votre fils.
- Et comment pourrais-je le savoir ? Non seulement je ne sais où sont les deux autres, mais de plus j'ignore même de quel fils il s'agit !, rétorqua-t-elle furieusement.
Mais en son fort intérieur, elle savait pertinemment que jamais François n'aurait pu tenter une pareille escapade. Myope et peu aguerri aux armes, il aurait difficilement eut la débrouillardise de fuir au nez et à la barbe des gardes qui le surveillaient...
Visiblement, le grand soldat était du même avis, mais il répondit néanmoins. Sa voix, curieusement, était un peu plus douce.
- Il s'agit de celui de vos fils qui est le plus jeune et le plus dégourdi. Vos deux autres enfants sont en sécurité, sous la garde de nos hommes.
- En sécurité !, cracha acidement Claire.
Le seigneur, frappant violemment des poings, ébranla les bras de son trône improvisé.
- Maintenant, dites-nous immédiatement où est ce garnement !, éructa-t-il, postillonnant de plus belle et couvrant par la même occasion son vêtement de débris de nourriture.
- Comment le saurais-je ?, répéta-t-elle, le visage empreint de dégoût.
Tout son corps était tendu par le défi qu'elle leur opposait. La jeune femme, oubliant toute prudence, se redressa fièrement. Fille d'un seigneur français, veuve d'un grand guerrier et soeur du gentilhomme le plus important et le plus connu de la France toute entière, son héritage noble éclata devant eux et écrasa d'un mépris souverain l'anglais au comportement vulgaire. Mal à l'aise, le seigneur s'agita sur sa chaise et son visage rougit à la fois de honte et de colère.
Claire allait parler haut mais, pressentant le danger, le soldat gradé aux yeux cruels lui enserra le bras. Avant qu'elle ne puisse protester, il adressa quelques dures paroles aux autres et l'entraîna en direction des appartements qu'elle venait de quitter.
- Avez-vous perdu l'esprit, madame ?, la questionna-t-il sèchement.
La jeune femme ne répondit pas. Ils parcourèrent de nombreux couloirs déserts avant qu'elle ne desserre les lèvres.
- Pourquoi m'avez-vous empêché de parler ?
Sa voix était plus chevrotante qu'elle ne l'aurait cru. Elle s'apercevait enfin du danger de mort auquel elle avait échappé. Les yeux qu'elle levait maintenant vers son geôlier étaient craintifs et de loin dénudés d'orgueil. Mais le regard qu'il lui renvoyait était dur.
- Je l'ai fait en pensant à vos enfants. Vous excitez la colère du seigneur Caldwell, madame, et le seigneur est homme à tuer une femme sans sourciller. Que croyez-vous qu'il arrivera aux trois petits que vous laisserez orphelins ? Contrairement à vous, ils n'ont aucune valeur comme otage.
- En quoi cela pourrait-il vous importer ?, poursuivit bravement la jeune châtelaine malgré la vague d'effroi qui lui secoua l'échine. Vous êtes avec eux !
L'homme se retourna brusquement, tordant légèrement son bras. Claire poussa un petit cri de douleur mais se tint coite face à la rage qui déformait les traits du soldat.
- Je suis anglais, c'est vrai, siffla-t-il les dents serrées. Je suis en effet avec eux. Mais le seul dont la mort est nécessaire est votre frère, madame. Je suis peut-être anglais mais je répugne à tuer des innocents. Ne m'abreuvez donc pas de votre mépris. La sauvegarde de vos enfants est aussi importante à mes yeux qu'aux vôtres.
Ils étaient arrivés sans que la jeune femme ne s'en soit aperçue. D'une poussée soudaine, il l'enferma à nouveau dans ses appartements. Celle-ci eut beau se débattre et pousser contre la porte, elle ne pouvait rien contre la force des hommes entraînés aux armes. Rageuse, elle se détourna et se réfugia à la fenêtre.
"Si seulement j'avais le courage de sauter !", se dit-elle, furieuse, en fixant le sol quinze mètres plus bas.
Mais elle savait fort bien qu'elle n'abandonnerait ses enfants pour rien au monde. Elle était confrontés au pire cauchemar d'une mère : l'attente impuissante.
Calmement, la journée s'écoula. Claire faisait les cent pas comme une lionne en cage. Par deux fois, les anglais vinrent poser des plateaux d'une nourriture frugale mais qui emplissait bien l'estomac. Par deux fois, la jeune femme avala quelques bouchées avant que l'angoisse ne lui fasse reposer son repas. Par la fenêtre, elle vit des soldats s'entraîner, des prisonniers exécutés. Aucun d'eux n"avait l'allure si imposante d'Arnaud ou la frêle ossature juvénile de Christophe. À la fois inquiète et rassurée de leur absence, elle attendit.
Lorsque la brunante s'annonça d'un banc de brouillard cotonneux, un fracas dans le couloir lui fit lever les yeux du tissage avec lequel elle s'occupait les mains. Fronçant les sourcils, elle déposa son ouvrage et s'approcha de la porte dans l'intention d'y coller l'oreille. Avant qu'elle ne puisse faire plus de dix pas, le battant s'ouvrit et heurta le mur tapissé.
Furieuse en voyant de qui il s'agissait, elle se détourna rageusement et tourna le dos à son visiteur. L'homme, habillé comme toujours de sa cotte de maille et d'une cape noire, referma la porte de bois plus délicatement qu'il ne l'avait ouverte et se retourna vers elle.
- Madame, je viens vous faire part de la décision de notre seigneur, dit-il d'une voix hachée.
Aussitôt inquiète, la jeune femme le regarda. Le visage inexpressif, sa tension n'étant perceptible que par la raideur de son maintien, il hocha la tête en sa direction.
- Il vous annonce officiellement que puisque ses gardes ont échoué à surveiller vos enfants...
À ces mots, elle reprit de l'espoir. Il admettait sa faute ! Peut-être pourrait-elle les reprendre avec elle ?
- ... Ils seront tués demain sans faute, à moins que vous ne lui livriez votre fils avant l'aube.
- Quoi !
Les yeux exorbités, la bouche ouverte, Claire était l'image même de l'horreur.
- Mais... Il nous avait donné trois jours ! Nous n'en sommes qu'au premier ! Il n'a pas le droit !
- Je vous avais avertis, madame, dit l'homme à voix basse. Vous n'auriez pas dû le défier. Il vous a vaincue, il a donc tous les droits sur vous.
- Dites-moi sincèrement, est-ce que votre seigneur nous aurait véritablement épargnés si je m'étais tue ?
Incapable de s'en empêcher, la jeune femme avait croisé les bras, attendant la réponse dans un silence rageur et désespéré à la fois. L'homme la regarda un instant, puis hocha la tête à nouveau.
- Non, probablement pas, admit-il. Il déteste les enfants. Mais votre peine eut pu être moins lourde.
- N'y a-t-il rien à faire ?, murmura-t-elle, momentanément soumise. Je pourrais aisément le séduire...
Mais l'homme aux cheveux d'ébène éclata alors de rire.
- Le seigneur Caldwell déteste les femmes plus encore qu'il ne hait les enfants. Même avec tous les charmes du monde et la meilleure volonté existante, vous échoueriez lamentablement en cette entreprise. Madame, ajouta-t-il en reprenant l'air grave, la seule chose qui pourrait vous être salutaire serait la capture de votre fils et celle d'Arnaud.
- Que voudriez-vous donc que je fasse ?, s'écria-t-elle, éperdue. Que je livre les vies des êtres qui me sont les plus chers pour sauver la mienne ?
- C'est la seule solution, ne le comprenez-vous pas ?
La voix du soldat, empreinte de chagrin, contrastait douloureusement avec ses yeux froids, atones, effrayants par leur vacuité émotionnelle. Claire, fascinés malgré elle, resta silencieuse alors qu'il poursuivait.
- Il ne s'agit pas seulement de votre vie ! Vous pourriez sauver deux de vos petits. Est-ce que leur vie à eux ne vaut pas celle de votre frère ? Où qu'il aille, Arnaud sera tué ! Dénoncez-le ! Dites au seigneur Caldwell où il se trouve !
- Taisez-vous.
La phrase était glaciale. Loin d'avoir convaincu la jeune mère, le discours de l'homme avait accru son horreur.
- Croyez-vous vraiment à ce que vous dites ?, dit-elle furieusement. Vous savez tout comme moi que peu importe ce que nous ferons, votre seigneur anglais nous tuera tous. Si j'avais véritablement pensé pouvoir épargner mes enfants uniquement en dénonçant mon frère, je l'aurais fait, ne vous en déplaise. Avec dégoût de moi-même et culpabilité intense, mais je l'aurait fait pour que mes enfants puissent vivre et être heureux jusqu'à la fin des temps !, ajouta-elle fièrement.
Les yeux cruels de l'homme, incompréhensiblement, s'adoucirent. Mais elle poursuivait, implacable.
- Mon frère Arnaud est un homme droit qui n'a jamais voulu que la justice. Mon fils Christophe est impétueux, certes, mais sa bravoure excède celle de votre seigneur. Même si je savais où ils se trouvent, je ne faciliterais pas leur capture dans le pathétique espoir de voir le reste de ma famille épargnée. Je sais très bien qu'il est futile d'oser croire qu'une telle chose puisse être possible.
Chaque mot enfonçait davantage le clou qu'elle avait planté dans le coeur de l'homme qui lui faisait face. Mais elle n'en avait cure. Sa colère dépassait l'entendement. Ce qu'elle avait retenu des heures durant ne pouvait plus être ignoré.
- Vous ignorez donc vraiment où ils se trouvent ?
Ces simples mots coupèrent l'élan de Claire. La question, posée d'une voix douce, eut pour effet de briser les digues déjà affaiblies par la fatigue et la détresse. Effondrée, elle se mit à pleurer et hocha négativement la tête.
- Non, je ne sais pas, sanglota-t-elle.
Un long moment passa. Isolée en son chagrin, la jeune femme tentait en vain de d'arrêter le déluge tandis que l'homme, embarrassé par ce débordement, attendait patiemment qu'elle reprenne la maîtrise d'elle-même. Par courtoisie, il lui offrit son mouchoir immaculé, ce qui en d'autres circonstances l'aurait offusquée, mais qu'elle fut sur l'heure bien aise d'accepter.
- Pardonnez-moi, dit-elle à mi-voix en essuyant ses pleurs.
- C'est tout naturel, fit l'homme en reprenant sans broncher le tissu humide.
Elle le regarda à nouveau et constata qu'il n'avait plus l'air aussi mauvais. Bien sûr, ses cheveux noirs conféraient de l'ombre à son visage qui, finalement, semblait bien plus franc que la plupart des hommes qu'elle avait rencontrés. Mais ses manières étaient celles d'un gentilhomme tout à fait respectable, même pour un anglais.
"Surtout pour un anglais", pensa Claire en son fort intérieur.
- Quel est votre nom ?, lui demanda-t-elle presque timidement.
- Maxward, lui répondit-il, étonné. Stanley Maxward.
- Vous êtes le cousin du seigneur Caldwell, n'est-ce pas ? Mon frère parlait de vous comme d'un adversaire d'honneur. Pourquoi tenez-vous tant à sauver ma famille ?
Le soldat eut soudain l'air pris dans un souvenir d'une ineffable beauté. Sa voix même, lorsqu'il parla, en parut transfigurée.
- Vous savez, madame... J'ai eu un fils, autrefois. À cinq ans déjà, il brandissait son épée de bois comme un futur petit roi. À sept ans, il était blond, droit, il parlait haut et ferme comme son rang le lui commandait. Ma femme avait beaucoup de difficulté à engendrer, mais elle était enceinte à l'époque et nous attendions avec bonheur la venue d'un nouveau petit être dans notre foyer.
Puis, tel la foudre qui s'abat sur un chêne centenaire, ses épaules retombèrent, sa figure se crispa et sa voix devint atone.
- Mais il y eut une épidémie de fièvre dans le royaume. Ma femme et mon fils furent emportés. L'enfant qu'elle venait de mettre au monde également. Il s'agissait d'une petite fille. Dans mes songes, je l'imagine comme l'était ma femme, avec son sourire et ses yeux brillants. Mon fils l'aurait sans cesse couvé, il était pourvu d'un instinct protecteur si exacerbé...
Il détourna le regard.
- Votre Christophe ressemble beaucoup à mon Paul, madame. Et votre Catherine possède les yeux qu'aurait eu ma petite Emily. Les enfants ne devraient jamais être victimes de la guerre des hommes.
Claire, émue, posa par compassion sa main sur le bras de l'homme brisé qui se tenait devant elle. Puis, doucement, elle osa élever la voix.
- Alors aidez-nous. Aidez-nous, je vous en supplie ! Ne les laissez pas les tuer...
Maxward, figé, la regarda. Il savait ce qu'il risquait en acceptant sa demande. Mais la vie des enfants de la jeune femme ne valaient-ils pas ce risque ? Immobile, il réfléchit. La jeune mère vit soudain qu'il avait pris une décision.
- Soit. Je vous aiderai. Cette nuit, peu avant l'aube, je reviendrai vous chercher.
Sans une parole supplémentaire, il tourna les talons et quitta la chambre. À la fois médusée et ébahie, Claire sentit avec effroi son coeur trembler. Une petite lueur d'espoir, si fragile, venait d'y naître.
À Suivre...
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Merci beaucoup d'avoir lu ce second chapitre :) Si vous voulez bien me laisser un petit commentaire pour m'encourager, ce serait très apprécié :)
