Chapitre 11

Riza réintégra son poste à sa demande deux jours à peine après sa sortie d'hôpital. Son œil avait pris une couleur verte orangée, ses lèvres avaient désenflé mais elles portaient encore la marque des coups que Riza avait reçus. Ses poignets étaient toujours bandés mais les manches de sa veste cachaient les pansements aux yeux des autres.

Les deux jours qu'elle avait passés seule chez elle avaient été une véritable épreuve. Elle sursautait au moindre bruit, elle n'osait plus ouvrir ses rideaux, dès qu'elle fermait les yeux et qu'elle se laissait aller, les images du cauchemar qu'elle avait vécu pendant deux jours lui revenaient. La nuit elle se réveillait en sursaut, trempée de sueur et bien souvent hurlante.

Elle avait préféré laisser Hayate aux soins de Fuery, elle ne se sentait pas encore capable de s'en occuper. Du coup, elle se sentait d'autant plus coupable envers elle-même.

C'est pourquoi elle avait voulu reprendre son poste. Elle avait besoin de s'occuper l'esprit.

Roy la regarda reprendre son activité d'un regard inquiet. Il ne pensait pas que Riza était prête à revenir, mais il comprenait aussi son point de vue et le respectait.

Au début, la vie au QG sembla reprendre un cours normal. Les dossiers n'arrêtaient pas de s'accumuler sur le bureau de Mustang, alors que celui de Riza restait en ordre. Les blagues entre collègues revenaient, les marques de l'agression de Riza s'estompèrent pour finalement disparaître, plus personne n'y fit allusion.

Mais Mustang ne se laissait pas prendre à cette comédie. Si les traces physiques n'étaient plus visibles, celles laissées sur le mental de Riza étaient bien là. Les signes étaient multiples.

D'abord, elle se jetait à corps perdu dans le travail, arrivant tôt le matin et partant de plus en plus tard.

Elle affichait des cernes noirs sous ses yeux et elle avait perdu du poids. On l'a voyait très rarement à la cantine. Et même si lui-même et ses collègues essayaient de la forcer gentiment à se joindre à eux pour déjeuner, souvent elle déclinait fermement l'offre.

Plus subtil encore était son comportement avec les autres hommes de la base. Roy avait remarqué qu'elle ne les regardait plus vraiment en face et que si elle devait se retrouver seule un instant avec l'un d'eux, elle était mal à l'aise. Il lui arrivait aussi souvent de sursauter lorsque quelqu'un entrait dans le bureau un peu trop brusquement.

Elle passait aussi de longues heures au stand de tir. Roy l'avait observée discrètement durant ces séances. Son visage ordinairement si doux devenait dur et fermé. Il la voyait armer et faire feu froidement sur les cibles en carton. Aucune expression sinon celle de la détermination.

Il voulait lui venir en aide, mais il ne savait pas comment si prendre. Il craignait qu'elle prenne mal sa démarche et qu'elle le repousse comme le soir de sa visite à l'hôpital.

Mais qui pourrait le lui reprocher après son expérience avec ce détraqué ?

Un soir, ils restèrent tard au bureau pour boucler des dossiers qui étaient attendus chez le Führer pour le lendemain matin.

Roy annotait les pages tout en jetant de temps en temps un regard sur Riza. Jusqu'à présent, elle avait peu parlé et continuait d'écrire inlassablement sur les documents sur lesquels elle travaillait.

Mais alors qu'une nouvelle fois, il l'observait à la dérobée, il la vit qui se tenait les yeux dans le vide le crayon à la main. Il attendit, mais elle ne bougeait toujours pas. Il n'y tint plus et l'appela doucement.

« Lieutenant… Riza ? »

Elle sursauta et tourna un regard à moitié vitreux vers lui.

« Quoi ? - Puis se reprenant – Pardon Colonel. Qu'y a-t-il ?

« C'est à moi de vous poser la question. Vous êtes là, le regard perdu dans le vide.

« Je suis désolée Colonel. Je dois être un peu fatiguée. Je me remets au travail tout de suite. »

Roy se leva de son siège et s'approcha d'elle. Il s'accroupit à côté d'elle pour se mettre à sa hauteur.

« Lieutenant, vous ne pouvez pas continuer ainsi. Je vois bien que vous n'allez pas bien. Et contrairement à vous, je ne veux pas continuer à faire comme si de rien n'était. Il vous est arrivé une chose horrible et il faut que vous en parliez à quelqu'un ou je sens que ça va mal finir pour vous. Regardez-vous, vous avez perdu du poids, vous ne souriez plus, vous êtes devenue l'ombre de vous-même… »

Riza lui coupa la parole

« Je vous assure Colonel que je vais bien, je suis juste fatiguée.

« Riza. Arrêtez cette comédie avec moi. Vous ne trompez que vous-même. »

Il la fit pivoter sur son siège et lui saisit les mains. Riza eut un léger sursaut mais Mustang ne la relâcha pas. Il se redressa en la forçant à se lever et la prit dans ses bras, la serrant contre lui.

« Je ne peux pas vous laisser continuer comme ça Riza. Ca me fait trop de peine. Vous avez besoin d'aide. Si vous ne voulez pas en parler avec moi, je le comprends mais allez au moins consulter quelqu'un. »

Roy sentit plus qu'il n'entendit Riza sangloter contre son épaule.

« C'est bien, c'est déjà un début. Allez-y pleurez, ça vous fera du bien. »

Il serra un peu plus fort son étreinte et commença à la bercer doucement.

Il fit glisser une de ses mains dans son cou et commença à lui caresser le menton du bout de son pouce puis le coin de ses lèvres.

Riza s'écarta de lui un peu. Ils se regardèrent un court instant dans les yeux. Roy aurait juré qu'il pouvait se noyer dans le regard humide des yeux ambrés de Riza.

Poussé par une force invisible, il se pencha pour l'embrasser. Mais au dernier moment Riza le repoussa doucement mais fermement.

« Colonel. Nous ne pouvons pas. C'est contraire au règlement. Si nous étions pris, nous serions démis de nos fonctions. Et je ne veux pas vous faire courir ce risque. »

Roy ferma ses yeux et relâcha son étreinte. Il avait été si près du bonheur. A présent, il s'enfuyait comme du sable entre ses doigts.

« Je sais tout cela Riza et vous avez sûrement raison, mais ce que je ressens pour vous est bien plus fort que n'importe quel règlement à la con.

« Colonel. Si nous cédons à ce que nous ressentons, ce serait comme de courir à notre propre perte. Ce serait un suicide pour nos carrières. Et si la mienne est de peu d'importance, il n'en est pas de même pour la vôtre. Trop de gens comptent sur vous.

« N'avons-nous pas le droit d'être égoïste de temps en temps ?

« C'est un droit auquel nous avons renoncé en signant notre ordre d'incorporation. Vous le savez aussi bien que moi.

« Je voudrai que vous me laissiez seul juge de cela Riza.

« Oh Roy. Je voudrai, je le voudrai vraiment. Mais je n'ai pas le droit de vous laisser faire. Il vaut mieux en rester là. C'est mieux pour nous deux. »

Riza s'éloigna de lui et prit son manteau, elle se dirigea vers la sortie. Elle s'adressa à lui une dernière fois avant de partir :

« Merci. Pour le réconfort. »