LE REVEIL DE MU
Il se sentait étrangement calme et serein. Apaisé. Il n'éprouvait plus ni douleur ni colère. Oubliée la douleur physique des combats, oubliées les blessures. Oubliée aussi sa colère envers ses amis, ceux qu'il considérait comme la famille qu'il n'avait jamais eue, et qui n'avaient pas hésité à se faire passer pour des traîtres. Plus que de la colère en fait, il réalisait maintenant que ce qu'il avait ressenti n'était rien d'autre que de l'incompréhension, du dépit et de la tristesse. Ils n'avaient pas eu confiance en lui, ni même en aucun des Chevaliers d'Or qui avait survécu à la bataille du Sanctuaire. Il pouvait comprendre cela de la part de Masque de Mort et d'Aphrodite, qu'il n'avait jamais apprécié ; il l'acceptait de la part de Saga, contre qui il avait lutté pendant 13 ans et ce, malgré l'amitié qui les avait liés adolescents. Mais Shura ? Camus ? Et surtout Shion, son maître ? Comment eux avaient-ils pu se retourner contre lui ? Pourquoi avoir engendré cette guerre fratricide alors qu'ils auraient pu s'allier et se battre ensemble ? Shaka avait succombé sous leurs coups…
Il ne ressentait plus rien de ces anciennes émotions à présent. Le passé lui était devenu indifférent. Seule comptait l'impression de douceur et de chaleur qu'il éprouvait. Comme s'il était dans un cocon ou dans le ventre maternel. Etait-ce cela la mort, ce sentiment de retour originel ? Car il était bien mort, de cela il était certain. Le mur des Lamentations… L'explosion… Cette fois, ils étaient tous tombés pour Athéna. Même Seya.
Mû ouvrit les yeux avec lenteur. Tout était blanc autour de lui. Il était allongé, nu, dans un monde de lumière. Rien à voir avec les descriptions de l'Enfer et du Paradis qu'il connaissait. Il se redressa sur ses genoux et ses cheveux, lâches, recouvrirent son dos et une partie de son torse. S'il était bien mort et si ce lieu était bien celui où il devait être –il penchait pour le Paradis à cause du blanc – alors ses amis devaient être là eux aussi. Il étendit son cosmos dans toutes les directions à leur recherche. Il ne parvenait pas à établir de contact psychique avec aucun d'entre eux (ses pouvoirs avaient dû disparaître avec sa mort) mais il pensait qu'ils parviendraient à le localiser grâce à son cosmos. Tout au moins, il l'espérait…
Il ne saurait dire combien de temps il se concentra ainsi – probablement plusieurs heures. Il aurait pu continuer indéfiniment car il ne ressentait aucune fatigue mais l'absence de résulta l'en dissuada. Il sentait de manière diffuse mais persistante que ses capacités – qu'elles soient psychiques ou non – ne lui seraient d'aucun secours ici. Il n'était plus sur Terre, pas plus qu'il n'était encore vivant. Il devait comprendre comment ce monde fonctionnait.
Mû regarda une nouvelle fois autour de lui et soupira. Qu'allait-il bien pouvoir faire de ses journées ? Il n'y avait rien ici hormis un sol cotonneux et un ciel blanc. Ce monde connaissait-il seulement la nuit ? Plus les minutes s'égrenaient (où était-ce des heures ?) plus il doutait d'être vraiment quelque part. On aurait dit qu'il se trouvait dans un non-lieu, dans une sorte de couloir transitoire entre la vie et la mort. Il ne ressentait ni faim, ni froid, ni sommeil ; ses émotions étaient comme anesthésiées et pourtant il restait conscient du temps qui s'écoulait. En un mot, il s'ennuyait ferme. Une sensation bien vivace pour un être censé être mort. Il s'étendit sur le dos et ferma les yeux. Il n'avait pas sommeil, soit, mais il ne trouvait rien d'autre à faire.
A son réveil, il trouva un Aphrodite plus que ravi à ses pieds. Celui-ci lorgnait sans vergogne sur son torse dénudé, son ventre plat et même plus bas encore. Il ne l'avait pas senti approcher. Mû connaissait parfaitement les préférences sexuelles sur Chevalier d'Or des Poissons et c'est pourquoi il se jeta aussitôt sur ses pieds, camouflant ce qu'il pouvait de la partie intime de son anatomie avec ses cheveux.
-« Que fais-tu ?» grogna-t-il à son adresse.
Aphrodite sentit son sourire s'élargir face à la pudeur outragée du Chevalier du Bélier. Nul doute, il était craquant. Il avait bien passé une bonne heure à l'observer dormir sans que celui-ci ne s'aperçoive de sa présence, admirant le corps finement musclé du jeune homme. Dommage que son cœur soit déjà pris. Cependant…
Aphrodite était certain que Mû, comme la majorité des chevaliers, était encore vierge. La vie de Saint ne laissait aucune place aux sentiments, les postulants étant entraînés dès leur plus jeune âge à combattre et à donner leur vie pour leur déesse. Les plus faible mourraient. Quant aux plus forts, ils développaient une sorte de misanthropie censée les protéger de la souffrance. Camus en était le plus beau représentant, aussi dur et impassible que ses chers glaciers sibériens. Quant aux autres, bien que développant des relations amicales avec leurs congénères, jamais ils ne se dévoilaient entièrement. Pour preuve : ils s'entraînaient le plus souvent seuls, jaloux de leurs techniques et étaient par conséquent incapables de faire confiance à l'un des leurs.
Il repensait à tout cela en observant Mû. Pourtant lui, Aphrodite, ressentait plus que de l'amitié pour un de ses pairs et était même prêt à donner sa vie pour lui. A ce titre, il n'était probablement plus digne de défendre Athéna. Assassin attitré de Saga puis créature d'Hadès, il avait cumulé les traîtrises et celle-ci ne faisait que s'ajouter à une liste déjà longue. Malgré tout, c'était peut-être ce qui faisait de lui un des chevaliers les plus humain. Avec Masque de Mort. Tous deux avaient des défauts on ne peut plus humains : une incommensurable vanité pour lui et le désir de tuer pour Masque de Mort, désir né de l'absurdité de sa vie mais que personne à part lui ne pouvait comprendre.
Il se demanda quelle serait la réaction de Mû s'il apprenait de qui il était amoureux. Certainement qu'il le tuerait, ne le trouvant pas assez digne de son meilleur ami. Y penser l'exaspérait énormément. Mû et sa sagesse lui donnait parfois envie de vomir. Il ne supportait pas sa supériorité condescendante, si semblable à celle de Shaka, l'homme le plus proche des Dieux. Ah, ils feraient bien la paire ces deux là !
-« Que fais-tu ? »
Le grognement de Mû, son agressivité, le décidèrent à mettre son plan à exécution. Et tant pis pour les conséquences. Il allait prouver à ce cher bélier qu'il n'était pas différent des autres hommes, qu'il avait lui aussi des besoins inassouvis et que dans ces moments là, aucune sagesse au monde ne pouvait l'aider.
Mû vit Aphrodite s'approcher de lui à quatre pattes, son corps se balançant suivant un rythme connu de lui seul. Il ne parvenait pas à détacher son regard de son vis à vis, malgré l'impression de danger qui s'imposait de plus en plus à son esprit. C'était surréaliste. Tous les signaux qu'il recevait le portait à croire qu'Aphrodite lui faisait des avances et pourtant sa raison les réfutait. C'était impossible. Inacceptable. Aphrodite, qu'il n'appréciait aucunement, qu'il détestait presque, l'envoûtait littéralement. Il ne parvenait pas à détacher son regard de ses yeux myosotis. Aphrodite eut une moue légère, presque enfantine, et il humidifia ses lèvres du bout de la langue, attirant ainsi le regard du bélier sur leur renflement pulpeux. Mû déglutit avec peine. Il avait déjà du mal à respirer tellement les battements de son cœur se faisaient puissants.
Aphrodite s'arrêta lorsque son visage ne fut plus qu'à quelques centimètres de celui de Mû. Ce dernier ne cherchait même plus à comprendre ce qu'il se passait, tout entier livré aux sensations qui l'envahissaient : le parfum des cheveux d'Aphrodite ; son souffle sur sa joue, aussi léger qu'un mouvement d'aile de papillon ; ses lèvres, si proches et pourtant si lointaines le faisaient trembler d'anticipation. Qui il était n'avait plus aucune importance. Il voulait ce baiser.
Quelle ne fut la surprise d'Aphrodite lorsque Mû le renversa sous lui en s'emparant de ses lèvres. Mais après tout, Mû était un bélier : lent à convaincre, mais sitôt décidé, aussi vif et prompt que l'éclair. Comme il s'en était douté plus tôt, Mû était encore chaste. Ce devait même être son premier baiser – tous sexes confondus – à en juger par la fougue empreinte de maladresse qu'il mettait à l'ouvrage. Il décida de reprendre la situation en main. Après avoir un bref instant écarté son partenaire afin de reprendre son souffle, il entreprit de jouer avec ses lèvres, tour à tour les effleurant, les mordillant, les suçant jusqu'à ce qu'il sente Mû s'abandonner dans ses bras et gémir de plaisir. Ce fut alors lui qui le renversa sur le dos afin de pouvoir explorer tout à loisir son corps de ses lèvres. Il se glissa entre les cuisses de Mû et vint frotter son membre durci contre le sien, lui arrachant par la même occasion un hoquet de surprise. Finalement, il trouvait Mû très désirable dans son rôle de belle conquise. Le statut d'initiateur excitait Aphrodite au plus haut point car il exigeait une maîtrise à toute épreuve qui augmentait encore la force de la jouissance finale.
Si il n'était pas déjà mort, il aurait pu tuer Mû à ce moment précis maos il préférait de loin le voir succomber sous ses caresses et le supplier de le délivrer. Tout en goûtant la peau de son torse, il avait saisi le sexe palpitant de Mû dans sa main et lui imprimait de lents mouvements de va et vient. Il pouvait sentir Mû se cambrer et donner de temps à autres de violents coups de reins pour lui faire accélérer la cadence, sans succès. Cela avait pour seule incidence de le frustrer encore davantage. Il s'abandonna enfin totalement à lui, acceptant tout, et se contenta de murmurer son nom d'un ton implorant :
-« Aphrodite… »
Alors seulement le Chevalier du Poisson consentit à apaiser le feu qui courrait dans ses veines. Il embrassa délicatement le gland turgescent avant de le prendre en bouche. Les soupirs de Mû s'étaient transformés en râles de plaisir. Après la torture qui venait de lui être infligée, il jouit rapidement.
-« A moi maintenant. »
Mû sursauta en entendant la vois d'Aphrodite. Il se tenait au dessus de lui, les bras de part et d'autre de sa tête, un genou légèrement appuyé contre son sexe. Il pouvait le sentir frotter son membre encore gonflé contre sa cuisse. Il n'eut pas le temps de réagir que déjà Aphrodite guidait sa main dans son pantalon ouvert. C'était la première fois que Mû caressait quelqu'un de manière aussi intime, qui plus est un autre homme. Ce qu'il était en train de faire lui paraissait contre nature, en même temps, il ne pouvait s'empêcher d'être excité à la vue d'un Aphrodite soumis et haletant.
Il sentit le désir monter de nouveau en lui mais cette fois avec plus de force. Il voulait plus que de simples caresses tout en ne sachant pas trop comment s'y prendre. Aphrodite semblait conscient du trouble qui l'habitait. Il avait repris ses caresses et malaxait à présent ses fesses. Mû avait écarté un peu plus les cuisses et s'offrait inconsciemment. Il sentit un premier doigt humide se glisser dans son orifice, provoquant ainsi une véritable décharge électrique le long de ses reins. Il fut bientôt suivi par un deuxième puis par un troisième. C'était à la fois bon… et désagréable. Mais il ne put retenir un cri de douleur lorsque Aphrodite le pénétra d'un coup de rein. Il se sentait déchiré et tenta de se dégager pour retirer de son corps la source de cette souffrance. Mais Aphrodite l'avait fermement plaqué contre le sol, bloquant ainsi ses mouvements.
-« Ne bouge pas, murmura-t-il. Ca va passer. Détends toi. »
Aphrodite avait lui aussi cessé de se mouvoir le temps qu'il s'habitue à lui. Puis il recommença à bouger, d'abord lentement puis de plus en plus vite. Mû avait cessé de se débattre et le plaisir se faisait plus prégnant à mesure que la douleur s'atténuait. Ils se libérèrent dans un même élan.
Masque de Mort surgit près d'eux à ce moment là.
-« Eh ben, on s'ennuie pas c'que j'vois ! »
