Titre : Where do we go from here ? – Chapitre 3
Auteur : Mu-sama
Base : Saint Seiya
Personnages : euh... presque tous les chevaliers d'Or
Pairing : Je vous laisse lire, c plus drôle comme ca
Genre :sérieux (enfin, j'essaye)/Romance /Drama / Yaoi
Dicslaimer : Aucun des personnages ne m'appartient, ils sont la propriété intellectuelle exclusive de Kuruma et de la Toei . Je ne fais que m'amuser avec eux.
UN GRAND MERCI A : Eva Jedusor et surtout à Abeille pour leur encouragements. J'espère que cette suite sera à la hauteur de vos attentes!
3- APHRODITE
Je l'aime, pensa Aphrodite en se prenant la tête dans les mains. Malgré la douleur et les larmes. Malgré l'indifférence.
De l'avoir senti si près, de l'avoir effleuré, l'avait bouleversé au plus profond de lui même. Son cœur avait battu si fort qu'il résonnait encore dans ses oreilles. Comme il aurait voulu s'abandonner dans ses bras après lui avoir avoué son amour, le laisser décider de son avenir, s'en remettre à lui. Complètement. Aveuglément.
Il n'avait pas pu.
Saga le voulait-il d'ailleurs ? Comme il le lui avait si bien fait remarquer, il n'était plus le Saga qui avait fait de lui son amant. Il était un homme neuf qui voulait se débarrasser de son passé. Malheureusement pour lui, Aphrodite représentait une partie de ce passé. Toutes ses années, il avait souffert en espérant cette transformation, en espérant que Saga fasse enfin preuve d'un peu d'humanité.
En espérant qu'il l'aime en retour.
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Il avait su dès le premier instant qu'il l'aimerait, lorsque en possession de son armure, il s'était rendu au Sanctuaire pour habiter la douzième maison.
Les autres Chevaliers d'Or étaient réunis dans la salle du Grand Pope – absent - pour se présenter et lui souhaiter la bienvenue. Il se rappelait encore combien il avait été impressionné par les hautes maisons de pierre. Les chevaliers qui lui faisaient face étaient tous d'une grande force, peut-être même étaient-ils meilleurs que lui. Le phénomène lui était nouveau. Il ne savait pas si il devait – pouvait ? – sympathiser avec eux ou si il devait rester sur ses gardes. Certes ils étaient des chevaliers et à ce titre il aurait dû se méfier d'eux, mais il s'agissait de Chevaliers d'Or, comme lui, et certains étaient de son âge. Ils auraient à se battre ensemble contre de nombreux ennemis.
Le temps qu'il se décide, ils avaient tous regagné leur temple. Un seul chevalier était resté et s'était approché de lui. Saga. Il l'avait accompagné jusqu'à son temple en lui parlant de la Grèce, son pays natal.
C'était le plus âgé de la nouvelle génération de chevaliers. Et il avait déjà un corps d'homme - quoique plus mince qu'à présent – qu'Aphrodite n'avait pu s'empêcher d'admirer, le feu aux joues. Le gémeau avait-il remarqué son trouble ? Toujours est-il qu'il l'avait embrassé sur les lèvres avant de le quitter, comme on embrasse une vierge sur le pas d'une porte.
Il avait rêvé de ce baiser des nuits durant. Il aurait voulu confier son émoi à un autre chevalier et poser les questions qui le torturaient. Quel était ce sentiment ? Etait-il normal de ressentir cela pour un homme alors que la majorité des couples étaient composés d'un homme et d'une femme ? Pourquoi se réveillait-il chaque matin le corps en sueur et les draps sale ? Comment pouvait-il apaiser ce feu en lui ?
Il avait rendu visite à son plus proche – et seul voisin – Camus. De trois ans plus jeune que lui, il venait lui aussi d'obtenir son armure. C'était un chevalier du froid et il comprit ce que cela signifiait lorsqu'il le reçut. Aphrodite eut immédiatement l'impression qu'il dérangeait. Le ton n'était pas franchement hostile mais les yeux étaient glacials et inexpressifs. Il ne comprenait pas comment un être humain pouvait ne pas dégager la moindre émotion. Surtout à 11 ans. Il l'avait quitté sur un prétexte. En quoi Camus lui aurait-il été utile ?
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Aujourd'hui encore il se posait la même question : à qui se confier ? Il était un monstre, un homosexuel dont on riait sous cape, un assassin.
Que savaient-ils tous de ses raisons ? Rien, ils ne savaient rien. Ils ne pouvaient pas comprendre ce qu'était l'amour. Parce que aucun d'eux n'avait jamais ressenti un sentiment si… humain.
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Saga avait surgit un soir alors qu'il taillait ses plants de roses. Il se faisait rare au Sanctuaire ces derniers temps, le bruit courrait que le Pope l'avait chargé d'une mission dans un pays étranger. Aphrodite s'était étonné de ne pas l'avoir senti s'approcher ; d'ordinaire Camus l'avertissait lorsque quelqu'un traversait son temple.
-« Bonsoir.. »
Sa voix était rauque. Aphrodite avait levé un regard surpris vers lui et avait rougit. Saga, vêtu d'un pantalon noir et d'un t-shirt blanc moulants, se tenait adossé à une colonne, les bras croisés sur la poitrine avec ce demi sourire sur les lèvres qui le rendait tellement… sexy.
-« Bon… Bonsoir » avait-il murmuré.
Voilà qu'il recommençait. Ses mains tremblaient et aucun son ne parvenait à franchir ses lèvres.
Saga avait eut un rire profond. Il l'observait entre ses cils baissés, toujours immobile. Pourvu qu'il reste encore un peu ! Aphrodite ne savait pas quoi dire pour le retenir, ne serait-ce qu'un instant auprès de lui. Finalement, après une profonde inspiration, il avait demandé :
-« Tu es allé faire ton rapport au Pope ?
- Hum ? »
Il avait eu l'air assez surpris et Aphrodite avait rougit de sa bêtise. Sûrement que sa mission devait rester secrète. Quel imbécile il faisait !
-« Désolé. Je n'aurai pas dû te demander ça. Tu ne dois pas avoir le droit d'en parler. »
Le silence était retombé entre eux .
Que faisait-il lorsqu'il n'était pas au Sanctuaire ? Quelle était cette mission dont personne ne savait rien ? Etait-elle dangereuse ? Aphrodite avait dévisagé Saga avec une certaine inquiétude, attentif à la moindre égratignure. Mais Saga avait l'air de bien se porter. Du moins d'après ce qu'il pouvait en voir.
-« Est ce que tu te ferais du soucis pour moi, par hasard ? »
Saga s'était rapproché de lui pendant qu'il songeait et l'avait tout à coup découvert à quelques centimètres de lui. Seul le rosier les séparait encore. Saga avait passé la main dans ses cheveux et Aphrodite avait dû fermer les yeux tellement la sensation que cette simple caresse lui procurait était forte. Sa main avait glissé derrière son oreille avant de presser doucement sa nuque. Il avait rejeté la tête en arrière et enfin les lèvres de Saga étaient venues se poser sur les siennes. Il attendait ce moment depuis si longtemps ! Impatient, il l'avait attiré vers lui mais avait dû arrêter et ouvrir les yeux quand Saga avait gémi de douleur.
Il avait oublié le rosier…
-« Tu t'es blessé ? » avait-il demandé totalement affolé.
Et subitement, il avait pensé : Saga venait de l'embrasser. Pas un baiser chaste comme la première fois mais un baiser sensuel qui exigeait… plus. Mais plus que quoi ? Aphrodite, tout en tirant un Saga amusé dans sa chambre pour désinfecter ses égratignures, se demandait ce qu'il devait faire. Il aimait ses baisers et il voulait sentir Saga contre lui, il voulait se blottir dans ses bras… Mais il sentait diffusément que cela n'était pas ce que son aîné voulait, que cela ne suffirait pas.
-« Si j'étais toi, j'arrêterai ça immédiatement. »
Aphrodite avait sursauté. Avant de rougir comme jamais (décidément il en faisait une habitude) en réalisant qu'il maintenait le t-shirt de Saga au niveau de ses épaules et caressait plus qu'il ne désinfectaient les égratignures qui ornaient son torse.
-« Non que cela soit désagréable, bien au contraire, avait-il ajouté avec un sourire carnassier.
- Je… Désolé. »
Il s'était redressé précipitamment et avait rangé son matériel médical avec plus de bruit que nécessaire. Il se sentait ridicule. Orgueil et colère se disputaient en lui.
-« Qu'est ce que tu veux ? avait-il demandé avec agressivité. Et comment se fait-il que tu sois arrivé jusqu'ici sans que je sente ta présence ? Tu étais chez le Grand Pope, n'est ce pas ? Tu ne peux pas venir d'ailleurs, Camus m'aurait averti. Pourtant, je n'ai pas senti d'autre cosmo énergie que celle de Shion…»
Saga s'était jeté sur lui, les yeux pleins de haine. Aphrodite ne l'avait jamais vu avec cet air de folie meurtrière ; il était toujours si amical en sa présence… D'un puissant coup de poing, il l'avait projeté contre le mur de son temple. Il n'avait pas eu besoin d'avoir recours à son cosmos car Aphrodite avait baissé sa garde. Pendant un bref moment, il avait pensé « Il va me tuer » mais il ne s'était pas pour autant défendu, se contentant de le supplier du regard. Avec le recul, il se reprochait de ne pas avoir deviné à cet instant que Saga avait tué Shion et usurpé la place du Grand Pope. Mais à l'époque, il n'avait pas compris pas sa colère, il voulait seulement qu'il l'embrasse encore et encore. A travers ses paroles, il avait seulement essayé de retrouver le contrôle de la situation, essayé d'oublier à quel point il se sentait vulnérable et inexpérimenté.
-« Saga.. »
Ce n'était qu'un son plaintif mais il avait suffit à calmer le gémeau. Essoufflé, les poings toujours serrés comme prêts à cogner encore, il avait semblé peu à peu se rendre compte de son acte.
-« Mon Dieu… » avait-il murmuré.
Aphrodite avait lentement repris appui sur ses jambes en s'aidant du mur - une cuisante douleur dans son torse lui disait qu'il avait probablement une côte cassée – et s'était approché de Saga. Il avait caressé son visage de la paume, comme lui l'avait caressé un peu plus tôt. Et il l'avait embrassé. Doucement d'abord, effleurant juste ses lèvres des siennes, puis plus profondément, glissant sa langue dans le palais offert, osant enfin le goûter comme il en avait rêvé des nuits durant. Il n'avait plus peur maintenant
.-« Prends moi dans tes bras » lui avait-il soufflé à l'oreille.
Saga l'avait enlacé et l'avait serré contre lui à lui en briser les os. Il y avait du désespoir dans son étreinte. Il s'était accroché à lui, comme on s'accroche à une bouée, dans l'espoir qu'elle vous sauvera la vie.
Ils avaient glissé sur le lit et Saga avait entrepris de le dévêtir. Sa main avait esquissé des arabesques sur son estomac avant de remonter sur son torse. Le t-shirt d'Aphrodite était tombé sur le sol avec un bruit mat. Il avait ensuite senti les lèvres de Saga suivre les lignes que ses doigts avaient tracées auparavant tandis que ses mains s'attaquaient à son pantalon. Peu de temps après, il était nu.
-« Hum… »
Il n'avait pu s'empêcher de gémir lorsque Saga avait effleuré l'intérieur de ses cuisses et s'était ouvert pour le sentir plus près de lui. Saga s'était immobilisé au dessus de lui, le visage au creux de son cou. Aphrodite le maintenait enlacé, les bras autour de sa taille, les jambes autour de ses cuisses.
Puis Saga avait redressé la tête et caressé ses cheveux comme il l'avait fait dans le jardin. Son visage était triste et ses cils humides. Il pleurait.
-« Je ne peux pas faire ça. Tu n'es qu'un enfant… »
Il s'était enfui. Aphrodite, prostré sur son lit avait eu un sourire amer.
-« Tu te trompes, Saga, je ne suis plus un enfant »
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C'était à cet instant qu'il avait réalisé à quel point il l'aimait.
Encore fébrile du désir que Saga avait fait naître dans ses veines, il avait enfoui son visage dans son oreiller... Il avait conservé son odeur. Cela lui fit mal au cœur.
Cette nuit là, Aphrodite s'était juré de tout faire pour faire disparaître la tristesse des yeux de Saga. Il jura de le protéger, quoique il ait pu faire et quoi qu'il fasse, dû-t-il pour cela perdre la vie.
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Saga avait de nouveau disparu. Un mois et demi s'était écoulé depuis leur baiser dans le jardin. Comme aucun autre Chevalier d'Or n'était au courant de son retour éclair au Sanctuaire, il n'avait aucun moyen de savoir où il était ni quand il reviendrait. Anxieux, il jetait de fréquents coups d'œil au palais du Grand Pope, convaincu que Saga devait s'y rendre régulièrement pour faire ses rapports. Il espérait qu'ils se croiseraient. Ainsi ils pouvaient discuter de ce qui s'était passé entre eux ; il pourrait lui faire comprendre qu'il ne regrettait rien. Mais comment aborder le sujet ? Cette question ne cessait de le torturer et il imaginait mille scénarii en se retournant dans son lit, tous plus banals les uns que les autres. Il tentait de se rassurer en fabulant sur des fins heureuses, des baisers enflammés, mais il savait bien, au delà de ses espoirs fous d'adolescent amoureux, que la bataille pour gagner le cœur du gémeau serait certainement la plus dure qu'il aurait jamais à mener. Il devait lutter contre leur différence d'âge, qui traumatisait Saga et aussi quelque chose d'indéfinissable, une menace qu'il sentait peser sur son amour.
Les semaines s'écoulaient. Aphrodite en était venu à délaisser ses entraînements et passait la plus grande partie de ses journées et de ses nuits à tenter de déceler la moindre trace du cosmos de Saga mais sans résultat. Les huit Chevaliers d'Or surgirent un soir dans son temple. C'était le 10 mars, jour de son anniversaire. Il avait maintenant quinze ans. Il tenta de faire bonne figure face à cette intrusion mais le cœur n'y était pas. Pourtant, de les savoir là le réconfortait quelque peu ; eux au moins s'inquiétaient pour lui. Il ressentait leur cosmos plein de sollicitude et il savait qu'il pouvait se confier à eux si il en avait le besoin. Il ne le fit cependant pas car il doutait qu'un seul d'entre eux puisse le comprendre : il ne se rappelait que trop bien la froideur de Camus la seule fois ou il avait tenté de s'épancher.
C'est ce même Camus qui lui rendit une nouvelle fois visite quelques jours après son anniversaire pour lui faire savoir qu'il était convoqué chez le Grand Pope. Lui même était chargé de l'accompagner, comme pour s'assurer qu'il quitterait bien son temple. Aphrodite revêtit son armure et suivit son voisin, fébrile à l'idée de rencontrer celui dont la bonté était telle qu'on le comparait à un dieu.
Camus l'abandonna sans un mot aux portes de la salle du trône. Aphrodite décida qu'il ne s'en ferait jamais un ami : ils étaient bien trop différents pour cela et il avait en outre l'impression qu'une amitié avec le verseau ne pouvait être qu'à sens unique. Il s'en désolait car cela l'isolait d'autant plus de ses camarades.
-« Tu es Aphrodite, Chevalier d'Or du poisson, n'est ce pas ? »
Aphrodite acquiesça en s'inclinant devant le Grand Pope. Celui-ci siégeait sur son trône dans une pose hiératique, les mains posées sur les accoudoirs. Son visage était masqué et il était impossible de deviner ses pensées à travers son cosmos. Même assis, il dégageait une force impressionnante. Cet homme, en combat, pouvait s'avérer un redoutable ennemi.
-« Tu te demandes certainement la raison de cette convocation. »
La voix était étouffée sous le masque.
-« Certains de tes camarades s'inquiètent à ton sujet. Il semblerait que tu ne quittes plus ton temple, même, que tu ne t'entraînes plus. Dois je te rappeler qu'en tant que Chevalier d'Or tu te dois de protéger Athéna, fut ce au péril de ta vie ? Qu'espères tu protéger si tu ne t'entraînes pas ? »
Il se tut un instant.
-« Je ne m'estime pas le droit de m'immiscer dans ta vie privée, néanmoins… »
Aphrodite redressa la tête avec surprise. Il s'attendait certes à un sermon en règle mais pas à percevoir ce sentiment de compréhension de la part du Grand Pope.
-« Néanmoins, si quelque chose te tourmente peut être vaudrait-il mieux crever l'abcès dès à présent en te confiant à quelqu'un. N'as tu donc aucun ami au Sanctuaire ? »
Aphrodite eut un sourire amer. Lui, un ami ? Les Chevaliers d'Or n'étaient pas censés en avoir. Pourtant, cette question lui permettrait peut être de savoir…
-« Il y a bien quelqu'un… »
Il hésita.
-« Oui ? s'enquit le Grand Pope.
- Saga, Chevalier des Gémeaux mais voilà des mois que personne ne l'a vu et…
- Tu t'inquiètes pour Saga ? »
Aphrodite sentit que Shion était décontenancé par son aveu.
-« Je prends note de vos remarques et prendrai l'entraînement dès demain matin » conclut Aphrodite d'un ton sec.
Sur quoi, il entreprit de quitter la salle d'un pas raide. Quel crétin il pouvait être parfois ! Qui sait si le Grand Pope n'avait pas deviné ses sentiments envers son aîné ? Non impossible, il n'en avait pas dit assez. Pourtant, sa réclusion devait lui en dire assez long maintenant qu'il en connaissait la raison. Si cela venait à se savoir, ce serait une honte pour lui. Peut être même que Saga se moquerait de lui.
-« Aphrodite… »
Aphrodite s'arrêta mais ne se retourna pas. Au diable le protocole, il se sentait trop en colère pour pouvoir parvenir à se maîtriser.
-« Tu n'as pas à t'inquiéter pour le Chevalier des Gémeaux… Il va bien. »
Cette dernière phrase était dite dans un souffle, comme si elle avait été arrachée des lèvres du Grand Pope.
¨
Aphrodite, en repensant à cet épisode, se dit que Saga éprouvait peut être des sentiments pour lui à cet instant. Peut être l'avait-il aimé durant cette brève période ou ils n'osaient pas encore s'approcher et ou la partie obscure de son âme n'avait pas encore pris le dessus en lui.
Peut être…
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Aphrodite s'entraînait dans une crique en contrebas du Sanctuaire lorsqu'une sorte d'étoile filante traversa le ciel. Quelques secondes plus tard, il pouvait sentir le cosmos de Saga.
Ainsi, il était revenu.
Depuis qu'il avait été convoqué chez le Grand Pope (soit deux ans plus tôt), Aphrodite avait repris une vie faussement normale : il s'entraînait, peaufinait ses attaques, taillait ses rosiers ; en bref, il faisait ce qu'on attendait de lui sans pour autant en éprouver une quelconque satisfaction. Il s'était peu à peu résigné à ne plus revoir Saga, son souvenir même s'effaçait de sa mémoire et il ne gardait plus de lui qu'une image parfaite mais à jamais inaccessible car inhumaine. Son manque d'affinités avec Camus l'avait définitivement éloigné des autres chevaliers. Ils se saluaient quand ils venaient à se croiser mais sans plus. Il se prenait ironiquement à penser qu'il avait atteint le degré d'indifférence qu'éprouvait le verseau pour l'ensemble des hommes. Cette certitude, pourtant, s'envola aussitôt qu'il reconnut le cosmos de Saga. Le cœur battant, il dut stopper l'attaque qu'il portait à la falaise tant ses jambes tremblaient. Comment le retour d'un homme qu'il n'avait pas vu depuis près de trois ans et qu'il n'avait embrassé qu'une fois (non, deux fois) pouvait-il le bouleverser autant ? Il se sentait tout à coup la proie d'une fébrilité intense ; un espoir fou venait de voir le jour dans son esprit : et si Saga était revenu pour lui ?
Il fallait qu'il le voie. Mais pas dans cet état, réfléchit-il aussitôt. Il voulait se montrer à lui sous un jour flatteur et non pas en sueur, les cheveux plaqués sur son visage comme c'était le cas à présent.
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Le jet de la douche l'aida à se détendre un peu. Il avait craint à plusieurs reprises de croiser un autre Chevalier d'Or sur le chemin de sa maison mais ils s'étaient apparemment tous rassemblés dans l'arène pour accueillir le retour de Saga.
Aphrodite se sécha rapidement en observant son reflet dans le miroir. Il essayait de se voir avec les yeux de Saga. Il avait beaucoup changé en trois ans. Il avait grandit d'une part et atteignait maintenant un bon mètre quatre vingt deux. Il avait forci et ses muscles s'étaient étoffés. Ses cheveux lui arrivaient aux fesses, ses yeux étaient bordés de longs cils et n'eut été le son de sa voix (il avait mué un an auparavant), on aurait pu le prendre pour une fille rien qu'en observant son visage. Oui, il avait changé.
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-« Saga ! »
Il était tellement heureux de le revoir qu'il devait se faire violence pour ne pas lui sauter au cou. Il n'avait cure des regards ébahis des autres Chevaliers d'Or et dévorait son ami des yeux. Lui aussi avait acquis en maturité. Il était même plus séduisant que dans son souvenir.
-« Vous vous connaissez ? » s'étonna Aiolia en les fixant tour à tour.
Saga demeurait impassible.
-« Saga… » souffla Aphrodite, tout élan coupé.
Le Chevalier des Gémeaux ne semblait pas se souvenir de lui. Pâle, Aphrodite tentait de comprendre. Il ne s'attendait certes pas à de grandes effusions mais il avait au moins espéré un signe d'amitié, un sourire… Se pouvait-il qu'il n'ait représenté pour Saga qu'une aventure parmi tant d'autres ? Même pas une aventure en fait quand on y réfléchissait. Alors que lui chérissait encore les moments qu'ils avaient passés ensemble. Comment Saga pouvait-il faire preuve de tant de cruauté ? Savait-il seulement combien il se sentait inexistant sous son regard ? Etait-il conscient de l'humiliation qu'il lui faisait subir ? En public, devant tous les Chevaliers d'Or rassemblés…
Aphrodite parvint tant bien que mal à contrôler les vagues d'émotion qui menaçaient de le submerger. Le regard dur, les dents serrées, il croisa le gémeau et s'éloigna sans un mot. La réponse que fit Saga à Aiolia acheva de le démoraliser.
-« C'est juste un chevalier que j'ai pris en pitié il y a quelques années, je lui ai fait découvrir le Sanctuaire et… d'autres choses. Il semblerait que le pauvre gosse m'ait attendu tout ce temps… »
Comment avait-il osé ? Insinuer qu'ils avaient… et devant tout le monde ! Il était fini, sa réputation était faite désormais. Comment allait-il affronter le regard de ses pairs à présent ? Ah, Saga avait bien dû rire de lui, de ses réactions d'adolescent transi, de son inexpérience. Qui sait si il ne s'agissait pas d'une mauvaise blague qui avait dès le départ eut pour but de le ridiculiser, lui, le dernier arrivé ? Qui sait si Saga n'avait pas fait un récit détaillé de chacune de leur rencontre à ses chers amis ? Rien que d'y penser, Aphrodite sentait ses poings se serrer d'eux-mêmes.
-« Aphrodite… »
L'interpellé ne se retourna pas et continua de marteler la falaise de ses poings en se représentant qu'il s'agissait de Saga.
-« Tu peux me frapper si tu veux. Je ne me défendrai pas.
- Rhaaa !!!!! »
Aphrodite s'était retourné d'un bloc et avait propulsé son poing en direction du visage tant aimé.
-« Mais tu ne peux pas, n'est ce pas ? »
Le coup avait seulement effleuré la tempe droite du gémeau. Aphrodite se tenait figé dans sa position d'attaque, les yeux rivés sur les lèvres de Saga qui s'incurvaient en un sourire cruel. Même dans un moment pareil, il réalisait qu'il le désirait.
-« N'est ce pas ? »
Saga avait emprisonné le poing de son vis-à-vis dans sa main. Une seconde plus tard, le corps d'Aphrodite entrait en collision avec la falaise derrière lui. Il ne se releva pas. C'était comme cette fois là. La fois ou il avait cru que Saga allait le tuer. Et il ne cherchait pas plus à se défendre. Il ne voulait pas risquer de le blesser. Même si espérer blesser le Chevalier d'Or des Gémeaux, l'un des plus puissant d'entre eux, avait quelque chose de dérisoire.
-« Vois tu… »
Saga avait saisi ses cheveux pour rapprocher leurs deux visages.
-« Je connais tes sentiments à mon égard. Cela va faire quoi maintenant… trois ans que tu attends mon retour ? Je t'ai longuement observé tu sais. »
Les yeux d'Aphrodite s'écarquillèrent sous l'effet de la surprise. Il l'aurait observé… Tout ce temps ?
-« Si tu savais à quel point j'étais proche de toi. »
Proche ? Saga éclata de rire. Il y avait quelque chose de démoniaque dans son aura.
-« Bien, si nous passions aux choses sérieuses ? Je suis venu te donner ce que tu attends de moi. »
Il s'empara brutalement des lèvres d'Aphrodite mais au lieu de les embrasser, il les mordit sauvagement.
-« Tu n'es pas Saga, murmura le Chevalier des Poissons.
- Bien sûr que si. Seulement je ne suis pas le Saga sentimental et faible qui t'a laissé seul ce soir là. Tu t'en souviens ? Je vais prendre ce que je suis venu chercher que tu le veuilles ou non
.- Comment as-tu pu ? Tout à l'heure…
- Ah, tu veux parler de ma petite conversation avec Aiolia ? Disons que je voulais être certain de faire de toi un marginal. Personne ne t'adressera plus la parole à présent. Et je t'aurai tout à moi.
- Pourquoi ? Je n'ai jamais été très proche des autres de toute façon.
- Parce que je ne peux pas me le permettre. Une seule erreur de ta part et tous mes plans échoueront. »
Saga posa délicatement ses lèvres au niveau de sa jugulaire.
-« J'ai usurpé la place du Grand Pope. Je l'ai tué de mes propres mains, ce vieillard sénile, et j'ai pris sa place. »
Non. Non, ce n'était pas possible… Saga, son Saga serait devenu un meurtrier ?
-« Saga… »
La plainte d'Aphrodite, son regard apitoyé rendirent le Gémeau furieux.
-« Je ne veux pas de ta pitié ! hurla-t-il en le frappant au visage. Je suis le plus fort des chevaliers, c'est à moi que la direction du Sanctuaire aurait dû revenir ! Moi tu entends ! Oh et puis, je ne suis pas là pour ça. » déclara-t-il en retournant Aphrodite, rendu à demi inconscient sous les coups.
Toute velléité de résistance écrasée – n'en avait-il jamais eu de toute façon ? – Aphrodite se laissait dévêtir. Le ciel était étonnement bleu cet après-midi là et il entendait le roulement des vagues à quelques mètres, si apaisant. En fermant les yeux, il imaginait que tout ceci n'était qu'un rêve, un mauvais rêve, un horrible cauchemar. Les larmes coulaient de ses yeux sans qu'il puisse les retenir et malgré la souffrance, pas une seule plainte ne parvenait à franchir ses lèvres. Pas comme ça… Pourquoi ? Saga…
Une mèche de cheveux gris effleura sa joue.
