Titre : Where do we go from here ? - chapitre 5

Auteur : Mu-sama

Base : Saint Seiya

Pairing : multiples mais chevaliers d'Or essentiellement

Genre : sérieux (enfin j'essaye) / Romance / Drama / Yaoi

Disclaimer : aucun des personnages ne m'appartient, ils sont la propriété intellectuelle exclusive de Kurumada et de la Toei. Je ne fais que m'amuser avec eux

5- PREMIERE MISE A L'EPREUVE

J'en aurai mis ma main à couper ! Rhadamanthe était plus qu'excédé par l'attitude désinvolte de son ancien Dieu : on pouvait compter sur Hadès pour déléguer les tâches dont il se passerait bien. Seulement, il se retrouvait à présent chargé de baby-sitter neuf chevaliers d'Or, un enfant et un ex-marina, tous aussi remontés qu'au temps de la dernière Guerre Sainte. Rien que de penser à tout ce qu'il devait leur expliquer lui donnait l'envie irrépressible de saisir sa bouteille de whisky.

« Damn ! s'exclama-t-il en passant une main dans ses cheveux.

-Tss, tss, tss, nargua Kanon. Un Lord qui jure… Voilà qui n'est pas très distingué.

Mettons les choses au point, gronda Rhadamanthe, ses yeux implacables fixés sur ceux de Kanon. Vous êtes tous ici chez moi et j'attends de votre part, si ce n'est de la cordialité au moins un minimum de respect et de politesse. Tant que vous n'aurez pas de papiers d'identité, vous dépendrez de mon bon vouloir… Et de mon hospitalité. Aussi je vous suggère de bien vous tenir. Bien entendu, si certains d'entre vous pensent survivre dehors sans mon aide – et là je leur souhaite bonne chance – libre à eux de partir d'ici. La sortie est par là. » conclut-il en désignant une porte du doigt.

Malheureusement pour lui, pas un seul ne bougea même si, à en juger par certains regards et certains poings crispés, ce n'était pas l'envie qui manquait. Kanon surtout semblait avoir du mal à se retenir de l'atomiser sur place. Le seul à ne pas avoir l'air affecté par son petit discours était celui aux cheveux violets. Il observait, déstabilisé, l'équipement audio de son salon, télévision à écran plat et matériel hi-fi dernier cri. Rhadamanthe soupira, soudain très fatigué.

« Où sommes nous ? lui demanda l'homme aux cheveux violets.

-Chez moi. »

...

« En Ecosse, dans mon château, ajouta-t-il en réponse au sourcil haussé de son interlocuteur.

-Un Lord dans un château, quelle originalité. Dans deux minutes, il va nous sortir l'argenterie et tout le bordel », marmonna Kanon entre ses dents, malheureusement suffisamment fort pour être entendu du principal intéressé.

Rhadamanthe ferma les yeux un instant et s'exhorta au calme.

« Kanon…, réprimanda l'homme aux cheveux violets en posant une main sur son avant-bras. Excusez le, dit-il à l'adresse de leur hôte, il est un peu secoué par les derniers évènements. Je suppose que l'agressivité constitue sa manière à lui de faire face. »

Kanon parut sur le point de partir dans une nouvelle série de jérémiades mais avant même qu'il ait eu le temps de proférer un seul son, la poigne sur son bras le força au silence. Si il n'avait pas été un tel emmerdeur, Rhadamanthe aurait presque eu mal pour lui. Frêle mais costaud, pensa-t-il de Mû qui attendait visiblement une réaction de sa part.

« Excuses acceptées » dit-il, même si il savait qu'elles avaient été inventées de toutes pièces.

Kanon et lui, après tout, n'étaient pas ce qu'on pouvait appeler les meilleurs amis du monde.

« Et tu es ?…

-Mû, chevalier d'Or du Bélier ».

Ah, le télépathe, pensa Rhadamanthe.

"Eh bien Mû, je suis heureux de savoir qu'il y a au moins une personne raisonnable dans ce groupe. Peux-tu me dire qui sont tes compagnons ? Ca m'évitera de les poursuivre à chaque fois que je devrais leur adresser la parole. Très bien, poursuivit-il une fois les présentations effectuées. Vous savez tous qui je suis, il est donc inutile que je me présente. Etant donné qu'il n'est pas loin de 18 heures, je suggère de vous mener à vos chambres, que vous puissiez vous installer et faire un brin de toilette si vous le souhaitez. Exceptionnellement ce soir, le dîner sera servi ici même au salon. Cela me permettra de vous expliquer la situation dans le calme. Toutefois, à compter de demain, vos repas vous seront servis au restaurant comme pour les autres clients. Vous vous trouvez à l'heure actuelle dans mes appartements personnels. Le reste du bâtiment – du moins les parties qui ne sont pas en cours de rénovation – sert d'attraction touristique. Le complexe hôtelier du château se trouve quant à lui dans une aile séparée, à l'opposé d'ici. Maintenant, si vous voulez bien me suivre… »

Pas une seule parole ne fut proférée pendant les cinq bonnes minutes que durèrent le trajet entre les appartements de Rhadamanthe et les chambres de ses invités. Seul le bruit de leurs pas sur les dalles en pierre résonnait dans l'air chargé d'électricité. Les chevaliers suivaient la silhouette de leur hôte docilement, chacun perdu dans ses pensées. Ils s'arrêtèrent enfin à l'entrée d'un large couloir et Rhadamanthe reprit la parole.

« Voici les clefs de vos chambres. Chacune d'elle est composée de deux lits jumeaux et d'une salle d'eau avec toilettes.

-Il n'y a que six portes ! s'exclama Kanon.

-Ce qui veut dire que vous allez devoir partager, siffla Rhadamanthe à bout de patience. Et estimez vous heureux que ce soit saison morte sinon je n'aurai même pas ces chambres à vous proposer. Elles sont un peu à l'écart des autres et on ne les utilise qu'en dernier recours aussi, vous aurez un peu d'intimité. Le dîner sera servi dans trois quarts d'heures. »

Sur ces dernières paroles, il fit demi tour et s'éloigna à grands pas.

« Eh bien… murmura Aiolia en passant une main dans ses cheveux d'un air las. Je ne sais pas vous, mais moi, je n'aurais rien contre l'idée de me reposer avant le dîner. Il y a beaucoup de choses qui m'échappent encore et j'ai comme dans l'idée que la soirée ne sera pas de tout repos. Mû… si tu veux bien me passer une des clefs, s'il te plaît.

-Je te suis », déclara Aldebaran.

Les deux hommes se retirèrent dans une des chambres. Kanon, qui grognait toujours dans son coin, décida que, quitte à partager, autant que ce soit avec son frère mais avant qu'il ait pu esquisser un geste dans sa direction, Aphrodite l'avait déjà entraîné à sa suite, non sans lui lancer un regard mauvais au préalable. Kanon plissa les yeux de colère ; si le poisson pensait que les choses allaient se passer comme ça…

« Kanon, avec moi. » enjoignit la voix calme mais autoritaire de Mû.

Nul doute que celui-ci lui réservait un sermon à sa façon, pensa l'ancien marina d'un air excédé. Il se retint de lever les yeux au ciel, sûr que cela lui apporterait plus d'ennuis qu'autre chose, et suivit son compagnon de chambre imposé en silence.

Il ne restait plus que cinq chevaliers dans le couloir. Milo semblait la proie d'une intense réflexion et mordillait inconsciemment sa lèvre inférieure. De temps à autre, il glissait un regard incertain vers Camus, qui se tenait immobile dans un coin. Seiya se balançait d'un pied sur l'autre, impressionné par le silence lourd qui s'installait. Milo décida que le mieux qu'il avait à faire pour l'instant était de poursuivre le jeu qu'il avait entamé avec Camus un peu plus tôt.

« Allez, viens Seiya, dit-il en glissant son bras sous celui du jeune homme. Tu penses qu'on a une chance de trouver un jeu de cartes dans ces chambres ? Je me ferais bien un poker moi. »

La porte se referma sur eux.

« Bon, ben, les glaçons, je vous laisse entre vous », ricana Death Mask en prenant d'office une chambre pour lui tout seul.

Non que Shaka ou Camus aurait souhaité partager avec lui. Camus, livide, rejoignit la vierge dans la dernière chambre disponible.


Enfin seul, pensa Rhadamanthe. Avec un soupir de lassitude, il pénétra dans la bibliothèque, eut une grimace face à la pile de paperasse qui s'entassait sur son bureau, grogna pour la forme et décida de s'attaquer au plus urgent après s'être servi un double whisky. Le soleil avait déjà disparu derrière l'horizon, sa journée était fichue – et sa nuit aussi à bien y réfléchir. Hadès se moquait royalement du temps qu'il perdait lors de leurs 'brèves' entrevues, tout comme il se moquait bien de ce qu'il pensait tout court.

Il en avait toujours été ainsi : du temps où il était juge, les choses n'étaient pas très différentes, sur le peu d'âmes qui parvenaient à s'extraire de la plaine des Asphodèles, il pouvait compter sur les doigts de la main le nombre de fois ou sa seigneurie avait tenu compte du verdict d'un de ses juges. Il éprouvait une joie cynique de savoir, que suite à la résurrection des guerriers d'Athéna, les règles régissant les Enfers avaient étés bouleversées et qu'à présent, toutes les âmes sans exception atteignaient le tribunal et disposaient ainsi d'une chance de reposer en Elision. Pourvu qu'au jour de sa mort, Hadès ne soit pas de trop mauvaise humeur et ne lui refuse la paix du paradis. Ce serait bien mal le rétribuer pour tous les services qu'il lui rendait.

Il fut coupé dans ses réflexions par l'arrivée de sa secrétaire Kaitlin . Celle-ci se tint un moment rigide devant lui, les lèvres pincées et le regard désapprobateur.

« Vous avez l'air fatigué, lui dit-elle en prenant un siège face à lui.

-Combien de temps cette fois ?

-Trente huit jours. »

A ces mots, Rhadamanthe se retint de cogner sa tête contre le rebord du bureau. C'était pire que ce qu'il avait imaginé. Il ne s'étonnait plus de l'air furieux de Kaitlin à présent. Sur un signe de sa main, celle-ci entreprit de le mettre au courant des derniers évènements.

« Nous avons eu peu de nouveaux clients lors de votre absence et toujours pour de brefs séjours – un week-end, trois jours au maximum. Deux voyages de noces. La famille McPherson est venue pour une semaine, ils ont réservé la suite royale pour les vacances de Noël. D'autres habitués, quelques touristes de passage. Tous sont repartis satisfaits et nous n'avons pas eu à faire face à des demandes particulières. Les rénovations dans la grande salle devraient être terminées pour la Noël, comme vous le souhaitiez. Il faudrait commencer à engager des extra pour le service car nous avons de nombreuses réservations ce mois-ci. Du côté du personnel, l'aide cuisinier a rendu son tablier il y a quinze jours, mais nous avions déjà prévu une telle éventualité. La gouvernante a pris un mois de congés pour aider sa sœur qui devrait accoucher d'ici peu. Elle nous a heureusement laissé les coordonnées d'une de ses collègues. J'attendais votre retour pour fixer une date d'entretien. Je mettrai en place le planning de vos rendez-vous à la première heure demain matin. Vous allez être débordé dans les prochaines semaines, monsieur, ajouta-t-elle avec un air de compassion.

-Je sais, Kaitlin. Mais pas plus que vous ne l'avez été pendant mon absence. Vous n'avez pas eu trop de problèmes ?

-Non monsieur.

-Ce sera tout pour ce soir alors. Il est déjà tard. Essayez de vous reposer un peu. Je vais en profiter pour m'attaquer à ça, dit-il en désignant l'encombrement de son bureau. Le reste peut attendre demain.

-Bien monsieur.

-Une dernière chose. Pouvez-vous faire dresser une table pour douze personnes dans mon salon, je vous prie ? D'ici une demie heure. Je suis revenu avec des invités, ils resteront un certain temps au château.

-Sans problèmes. »

Kaitlin se redressa. Elle avait à peine atteint la porte de sortie que la voix de son patron retentit dans son dos.

« Oh, et Kaitlin ?

-Oui monsieur? demanda-t-elle en se retournant.

-Merci.

-Il n'y a pas de quoi, monsieur » répondit-elle avec un sourire.

Rhadamanthe était plongé dans une liasse de documents comptables lorsque la porte de son bureau s'ouvrit sur Mû. Celui-ci gratta doucement au battant pour signaler sa présence avant de s'approcher.

« Vous avez l'air bien occupé, dit-il

-Quelle heure est-il ? demanda Rhadamanthe.

-19 heures. Le dîner a été servi et comme nous ne vous voyions pas arriver, j'ai demandé à votre secrétaire où vous étiez et je suis venu vous chercher. Les autres vous attendent au salon. »

Rhadamanthe ne put s'empêcher de jeter un regard hésitant à son bureau. Il venait à peine d'entamer la pile et si il s'arrêtait maintenant, il lui faudrait autant de temps pour parvenir à se concentrer à nouveau sur son travail. Il lui était cependant impossible de reporter le dîner avec les anciens guerriers d'Athéna. Il avait trop de choses importantes à leur communiquer.

« Donnes moi une seconde. »

Il desserra sa cravate d'un geste vif et enfila en vitesse un pull par dessus sa chemise.

« Allons-y. »


Kanon était de mauvais poil. De très mauvais poil. D'abord, Mû lui avais pris la tête pendant une bonne demie heure au sujet de sa conduite 'inqualifiable'. Ensuite, il devait supporter la vue d'un assassin efféminé en train de coller son corps contre celui de son frère. Il aurait bien fracassé le crâne d'Aphrodite contre le mur mais Death Mask ne semblait qu'attendre un geste de sa part pour lui rendre la pareille. Dans sa frustration, il s'était rabattu sur la meilleure bouteille de whisky de Rhadamanthe et commençait déjà à ressentir un début d'ébriété. Est ce que quelqu'un pouvait lui rappeler pourquoi il avait accepté tout cela ?

Il se sentait bizarre, vide. Depuis qu'il avait atterrit ici, il sentait que quelque chose n'allait pas. Il n'arrivait pas encore à définir quoi mais il espérait que cet abruti de spectre avait une réponse décente à lui fournir.

« Sa lordissime sérénité daigne enfin nous gracier de sa présence ! s'exclama Kanon à l'entrée des deux hommes.

-Kanon ! s'exclamèrent plusieurs chevaliers.

-Contrairement à ce que tu pourrais croire, Kanon, certaines personnes ont autre chose à faire que de prendre soin de ta petite personne » répliqua Rhadamanthe d'une voix cinglante.

En trois enjambées, il rejoignit le jeune homme face au bar et haussa un sourcil sardonique en constatant qu'il avait déjà sifflé un quart de la bouteille. Sans un mot, il se servit un double et l'avala d'un trait sous le regard ébahi de ses invités.

« Euh… On s'est permis de se servir à boire, bafouilla Aiolia.

-Vous avez bien fait, répondit Rhadamanthe. Nous devrions passer à table tant que les plats sont encore chauds. »

Kaitlin leur avait fait servir le plat du jour, du ragoût de bœuf avec des pommes de terre vapeur. Rhadamanthe observa les chevaliers s'attabler en silence et entamer leur repas. Il pouvait sentir les questions qui tourbillonnaient dans leurs têtes, ne demandant qu'à s'exprimer, mais il savait aussi qu'aucun n'oserait prendre la parole pour les lui poser. Un instant, il étudia ses compagnons de table, cherchant à analyser les comportements de chacun.

Il y avait ceux qui semblaient se moquer d'obtenir des réponses : Aphrodite et Death Mask étaient de ceux là. Pour Rhadamanthe, ils étaient ceux qui auraient le moins de difficultés à s'adapter. Ils étaient durs. Ils avaient voulu être ressuscités, ils devaient bien se douter que les choses ne seraient pas aisées (l'étaient-elles jamais ?) mais ils étaient prêts à se battre pour se faire leur place dans ce monde. Ils ne s'embarrassaient pas de questions inutiles.

Ensuite, il y avait les enamourés et les sentimentaux ; ceux qui n'avaient voulu être ressuscités que dans l'espoir de revoir un proche, ou vivre l'histoire d'amour de leurs rêves. Seiya, Milo et Camus montraient tous les signes de cette catégorie là. Pour eux, il n'y avait pas de questions à se poser – pas encore.

Il n'y en avait pas non plus pour ceux qu'il qualifiait de paumés : Saga et Shaka. Ces deux là ne semblaient pas trop savoir ce qu'ils faisaient là ; probablement qu'ils avaient suivi quelqu'un sans vraiment réfléchir.

Les seuls à vraiment vouloir des réponses étaient Mû, Aldebaran, Aiolia et Kanon. Kanon, pour l'instant, se défoulait sur lui. Il était vrai que pour lui, ils s'étaient battus à mort quelques jours auparavant seulement. Il ne devait pas comprendre pourquoi sa déesse les avaient abandonnés entre ses mains. Les trois autres, sans pour autant faire preuve du même degré d'animosité que Kanon, ne s'en montraient pas moins suspicieux. Ils lui jetaient de fréquents coups d'œil, comme pour juger de sa fiabilité.

Mû, sur un regard encourageant du géant brun, se décida à lui adresser la parole.

« Depuis combien de temps êtes vous… ? »

Il hésita.

« Ressuscité ? l'aida Rhadamanthe.

-Oui.

-Quelques temps. J'ai d'abord été courtier à Wall Street. Un bon placement m'a permis d'acquérir ce château et le titre de Lord qui va avec. Je l'ai transformé en complexe touristique – les Highlands sont à la mode ses dernières années. Les bénéfices me permettent de payer les rénovations et restaurations en cours. Au final, c'est une affaire assez rentable. »

Kanon avait un mauvais pressentiment sur ce coup là. On n'obtenait pas de quoi s'offrir un château en quelques semaines. Quant à le transformer en complexe touristique, cela aussi demandait du temps. Il déglutit avec peine, tout appétit désormais envolé.

« Et quand, exactement, as-tu été ressuscité ? demanda-t-il en confrontant Rhadamanthe du regard.

Maintenant, il remarquait certains détails auxquels il n'avait pas prêté attention, trop occupé qu'il était à chercher des noises au spectre : les épaules un peu plus larges, les traits plus affermis, les quelques rides d'expression au coin des yeux…

« Cela fait quinze ans » répondit Rhadamanthe sans baisser les yeux.

Il y eut quelques bruits de couverts qui s'entrechoquent, de verres violemment posés sur la table. A présent, tous avaient le regard fixé sur lui.

« Quinze… ans… souffla Seiya.

Tu crois pas qu'il serait peut être temps de nous expliquer ce qui se passe ? » exigea Death Mask.

Rhadamanthe acquiesça d'un hochement de tête.

« Je ne sais trop par où commencer. La déesse Athéna aurait dû vous expliquer les conditions de votre résurrection avant de vous renvoyer sur Terre mais il se trouve qu'Hadès en a décidé autrement, probablement était-ce sa manière à lui de lui faire regretter son insolence. Je vais tâcher de vous expliquer les choses du mieux que je peux et le plus simplement possible. »

Rhadamanthe fit une pause et inspira profondément avant de reprendre.

« Suite à la dernière Guerre Sainte, Zeus a dû intervenir pour empêcher qu'une autre guerre n'éclate entre Hadès et Athéna, mettant en péril la Terre et le rôle de sa fille au sein de l'Olympe. Il semblerait qu'Athéna avait déjà décidé de vous rendre la vie en récompense de votre sacrifice. Hadès s'y est fermement opposé en arguant qu'il faudrait pour cela vous faire sortir de la plaine des Asphodèles ; or ce faisant, c'était laisser une porte d'accès au Tribunal à toutes les âmes qui y étaient enfermées. Il s'est ensuivit une dispute mémorable qui a résonné dans tout l'Olympe. Il faut savoir que Zeus a toujours eu un faible pour sa fille même si elle est destinée à être un jour plus forte que lui. Le fait qu'il déteste Hadès à peu près autant qu'il aime sa fille a dû aussi jouer pour beaucoup dans sa décision de faire pencher la balance en votre faveur. Zeus a décidé de mettre vos âmes en attente dans une sorte de limbe le temps qu'Hadès capitule. Ils semblerait qu'ils soient parvenus à un accord puisque vous êtes à présent ici. »

L'ancien spectre jeta un coup d'œil à son auditoire pour voir si ils avaient tout suivi. Aphrodite demanda :

« Tu as parlé de conditions. Quelles sont-elles ?

-Ah oui, les conditions. C'est Hadès en personne qui m'en a fait part. Rien qui ne doive vous étonner cependant… enfin, si je puis dire. A peu de choses près, elles sont les mêmes que pour moi. »

C'était là que les choses risquaient de se corser.

« Tout d'abord, vous n'êtes plus au service d'Athéna. Afin de vous donner une chance de vivre une vie normale, Athéna et Hadès ont décidé de vous déchoir de vos titres de chevalier et de supprimer vos cosmos et habilités psychiques. D'ailleurs certains d'entre vous ont dû remarquer qu'ils se sentaient mal à l'aise, je pense que les effets sont plus durs pour Mû puisqu'il est le seul à posséder des pouvoirs télé kinésiques naturels. Tu risques de souffrir de migraines pendant quelques temps, ajouta-t-il à l'adresse du jeune homme. Il est de bien entendu, qu'à présent que vous êtes 'humains', il vous est strictement interdit d'approcher du Sanctuaire. Enfreindre cet ordre signifierait votre mort. »

Il jeta un coup d'œil plein de sens vers Seiya.

« Votre séjour au château durera au minimum le temps de vous créer une identité. Trouvez vos marques et décidez de ce que vous souhaitez faire de vos vies. Athéna a été suffisamment bonne pour vous laisser à tous une somme d'argent, censée vous aider à vous lancer. Vous êtes donc assez libre de choisir votre voie, selon que vous souhaitiez reprendre des études ou trouver du travail. Oh, et dernier détail : ce ne sont pas quinze mais quarante ans qui se sont écoulés depuis votre mort. »

Suite à la dernière annonce de leur hôte les chevaliers, dans un état de choc plus ou moins avancé, avaient décidé de se retirer dans leur chambre. Quinze ans avaient déjà semblé beaucoup mais quarante… Rhadamanthe n'avait pas été ressuscité immédiatement. A l'entendre, il ne l'aurait probablement jamais été si sa majesté Hadès n'avait eu besoin de lui pour un quelconque service.


Prostré en position fœtale sur son lit, Mû observait un Kanon agité, arpenter leur chambre comme un lion en cage. Conformément aux prédictions de Rhadamanthe, il avait commencé à se sentir mal en fin de soirée. A présent, sa migraine était telle qu'il aurait juré que quelqu'un s'amusait à déchiqueter sa cervelle en petits morceaux.

« Kanon… S'il te plaît..." murmura-t-il.

L'ex-marina cessa aussitôt de tourner en rond et se pencha sur lui.

« Mû, tu te sens mal ?

-… tête » se plaignit le chevalier du Bélier.

Une main fraîche se posa un instant sur son front.

« Par Athéna, tu es brûlant de fièvre. Ne bouge pas. »

Comme si il le pouvait, pensa Mû avant de sombrer dans l'inconscience.

Putain de bordel de Dieu de merde, jurait Kanon pendant ce temps là. Il ne savait comment, mais il l'avait fait. Perdu. Il s'était perdu. Alors que seul un étage – et quelques corridors - les séparaient des appartements de Rhadamanthe. Mais avec la pénombre presque totale qui régnait à présent dans les couloirs, il avait perdu ses repères. Il fallait qu'il trouve Rhadamanthe au plus vite. Il leur fallait un docteur.


Death Mask, étendu sur son lit, regardait d'un air pensif la chevalière en or qui ornait l'annulaire de sa main gauche. C'était le seul objet qu'il avait désiré à son réveil 'là-bas'. La seule chose dont il avait vraiment besoin. Cette chevalière appartenait à sa famille depuis des générations. Sa mère lui avait toujours dit que si il devait lui arriver quoi que ce soit, il devait la prendre. Il avait exaucé son souhait mais il ne l'avait jamais portée. Trop de mauvais souvenirs s'y rattachaient depuis le jour où… Non, il n'y penserait pas.

Il allait devoir surveiller Kanon de près. Il n'avait pas du tout aimé le regard hargneux que celui-ci avait lancé à Aphrodite, un regard plein de haine et de jalousie mêlées. Saga gris lui avait pris son frère et l'avait enfermé au Cap Sounion. Aphrodite, qui avait été l'amant de cet homme là, représentait donc une menace pour Kanon d'autant plus qu'il comptait à présent accaparer l'amour de Saga. Pour Death Mask, les gémeaux étaient aussi timbrés l'un que l'autre : l'un, schizophrène dépressif et l'autre, possessif maladif. Il ne pouvait rien faire pour Saga (Aphrodite y était trop attaché) mais il devait pouvoir tenir Kanon à distance un certain temps.

Il resterait un peu, le temps de voir comment le schizophrène se comportait avec Aphrodite. Ensuite, il retournerait là-bas.


Aphrodite, lui, se foutait pas mal de toutes leurs conneries. Que ce soit un jour, quinze ans ou quarante ans qui aient passé, il ne voyait pas trop la différence. Certes, il se doutait que beaucoup de choses avaient évolué, mais en même temps est-ce qu'aucun d'entre eux se serait senti moins perdu si ils avaient été ressuscités au lendemain de leur mort ? Il ne le pensait pas. Ils n'avaient jamais fait partie du monde normal.

A bien y réfléchir, il préférait qu'autant de temps se soit écoulé. Au moins, ils avaient une vraie chance de recommencer leurs vies sans être entravés par des souvenirs ou des personnes de leur connaissance. Il y avait bien longtemps qu'il n'avait plus personne mais eut-il été ressuscité plus tôt, il aurait sans doute été tenté de retrouver sa prison, le Sanctuaire, de s'entourer des murs familiers et rassurants de son temple, qui à force de temps et d'habitude, avaient perdus leur caractère oppressant.

Il avait enfin une chance de refaire sa vie, de chercher ce pour quoi il était fait et de trouver sa part de bonheur. Il ne comptait pas la laisser passer.

Saga pourtant l'inquiétait. C'est à peine si ils avaient échangé un mot depuis leur discussion dans ce monde étrange. Saga avait accepté de l'accompagner mais depuis son arrivée chez Rhadamanthe, il semblait s'être retranché dans un monde intérieur. Aphrodite ne savait plus quoi faire pour le toucher : il lui avait d'abord laissé de l'espace pour ne pas qu'il ait l'impression d'être forcé dans ses actes, puis il avait tenté de se rapprocher de lui, d'abord en l'entraînant dans la même chambre que lui et puis en restant à ses côtés tout au long du dîner… Pourtant, il avait l'impression de ne pas exister aux yeux de Saga. Il aurait été transparent que les choses n'auraient pas été différentes. Peut-être que Saga cherchait encore à s'adapter ou peut-être qu'en fait, il voulait ne plus rien avoir à faire avec lui mais n'osait pas le lui dire.

Aphrodite avait l'impression qu'il pouvait faire de Saga ce qu'il voulait, celui-ci ne se rebellerait pas. Il voulait un amant, pas un zombie.


Camus et Shaka s'étaient retirés dans leur chambre. Ni l'un ni l'autre n'avait envie de parler des derniers évènements. Ils n'étaient pas très amis pour commencer. Alors de là à se faire des confidences, il y avait un monde… Shaka s'était immédiatement assis en position du lotus et avait fermé les yeux, coupant ainsi toute possibilité d'une communication entre eux. Camus, quant à lui, s'était installé dans une des chaises de la chambre et faisait semblant de lire un pavé immonde, intitulé « Caesar, sa vie, son œuvre ». De temps à autres, il tournait une page, mais ses yeux restaient vagues et quiconque l'aurait regardé se serait rendu compte qu'il pensait à tout autre chose.

Camus s'inquiétait beaucoup pour son disciple, Hyoga. Il savait que celui-ci avait survécu à la Guerre Sainte. Il avait prévu de le rejoindre ou tout au moins de retourner s'installer dans leur cabane en Sibérie en attendant un signe de sa part. Il ne pensait pas Athéna cruelle au point de ne pas informer son disciple de sa résurrection. Mais c'était avant qu'il sache que quarante années s'étaient écoulées. Hyoga devait aller sur sa soixantaine maintenant. Etait-il encore chevalier ? Avait-il fondé une famille ? Etait-il même encore vivant ?

Camus n'avait plus personne vers qui se tourner, plus rien qui lui soit familier. Pour sûr, le Sanctuaire avait dû changer lui aussi et les chevaliers qu'ils avaient côtoyés étaient à présent soit morts soit partis. Une nouvelle génération de combattants avait pris leur place. Camus n'était pas quelqu'un de sociable mais il avait besoin de se sentir entouré pour être à l'aise. Il ne parlait pas forcement aux gens (il n'avait que peu discuté avec ses pairs, à l'exception de Milo qui s'imposait toujours) mais leur présence constituait une évidence pour lui.

Milo… Il ne pouvait même plus compter sur lui. Pas après… Livide, Camus referma son livre d'un geste sec. Comment avait-il osé ? Le scorpion se jouait de lui, c'était certain. Le regard plein de défi qu'il lui avait lancé avant d'embrasser Seiya, comme si il savait… Non, il ne pouvait pas savoir qu'à cet instant, il l'avait désiré. Pourtant… Bon sang, mais où était passée sa fameuse maîtrise de soi !

Un bruit d'étoffe le ramena à la réalité. Shaka s'était redressé et l'observait d'un air pensif.

« Je t'empêche de méditer ? demanda le verseau.

-Non, j'avais terminé de toute façon. »

En fait, Shaka n'était pas parvenu en entrer en transe. Il n'avait pas pu parler avec son Dieu comme il le faisait avant sa mort. Il avait cru que cette part de lui ne lui serait pas ôtée vu qu'elle n'appartenait qu'à lui et n'était pas un de ses attribut de chevalier. Il semblait qu'il se soit trompé. Shaka éprouvait pour la première fois un sentiment d'anxiété. Qu'allait-il faire ? Vivre comme un humain, au même titre que les autres ? Mais il n'était pas un humain ordinaire, il était la réincarnation de Bouddha ! Ou ne l'était-il plus ?


Dans la chambre voisine Milo, étendu sur son lit les bras en croix, planifiait les étapes de son entreprise de séduction. Il avait vu la jalousie se peindre sur les traits de Camus lorsqu'il avait entraîné Seiya à sa suite. C'était une des rares fois où il avait vu de ses yeux vu, le verseau perdre le contrôle de lui-même au point de montrer ses émotions. Il comptait bien jouer là dessus et savourait déjà le goût de sa future victoire.

Seiya dans son coin était effondré. Il s'était couché sitôt rentré dans la chambre. Il n'arrivait pas à ôter Athéna de sa tête. Quarante ans… Qu'était devenue Saori ? Il voulait retourner au Sanctuaire pour la revoir, au moins une fois.


Aiolia et Aldébaran avait décidé de noyer leur indécision dans l'alcool. Ils avaient remonté avec eux une ou deux bouteilles de scotch et jouaient parties de poker sur parties de poker.

Tout pour ne pas penser aux décisions qu'ils devraient prendre. Ils n'étaient plus rien, ils n'étaient plus chevaliers, ils n'étaient pas de ce monde… Quel sens donner à leur vie ?

Finalement, tout recommencer à zéro, ce n'était pas si facile que ça.

NA : bon, chapitre cinq terminé. J'avoue que la fin est un peu baclée mais je n'avais pas grand chose de plus à dire. Au chapitre 6: Rhadamanthe et Kanon en vedette et Death Mask qui pête un cable.