Je suis de retour ! Gomen gomen pour la longue attente (j'ai eu une période de brouillard, j'ai eu du mal à m'en sortir mais c'est bon !) Les chapitres suivants devraient arriver plus vite (même si je croule sou s les trucs à faire…T-T en plus cette saleté de site me fait sauter les tirets à chaque fois! grrrrrr)

J'ai écrit ce chapitre pendant le brouillard (sauf la fin). Mes béta-lecteurs m'ont dit que le style changeait… j'espère que ça ne sera pas trop nul malgré tout. C'est vrai que l'ambiance change mais ce n'est qu'un passage !

Spéciale dédicace à ma Meuhmeuh bénie qui a trouvé la solution miracle pour les tirets disparus.

Bon je vous laisse à votre lecture. Sen no kisu a tous les reviewers !

Une petite phrase de Saint Exupéry en introduction :

« Le temps passe avec l'amour, l'amour passe avec le temps. »

Chapter XI : Tenkai (3)

Des pas résonnèrent dans le couloir. Les deux dieux interrompirent leur conversation. Ils suivirent du coin de l'œil la créature qui les dépassa sans leur accorder un regard. L'atmosphère déjà peu chaleureuse se glaça. La tension était telle que quiconque mettait le pied dans le périmètre se sentait étouffer par un étau invisible.

Les deux immortels, qui se flattaient de ne pas avoir les mains sales, torturaient un être sans le savoir ; ou peut-être s'en rendaient-ils compte. Qu'importe, ça leur était égal. Mais le mépris, l'hypocrisie et la haine injustifiée font parfois bien plus souffrir que la mort.

Leurs paroles, quoique basses, fusaient comme des poignards aiguisés vers quelque chose qui leur était inconnu, un cœur. Un cœur meurtri, renfermé dans sa solitude, et qui se taisait, et subissait chaque jour sans broncher des centaines de blessures semblables.

Qui faut-il blâmer ? Ceux dont les larmes se mêlent au sang qui coule sur leurs mains ? Ou ceux qui, sans une larme, font couler le sang sur les mains des autres ?

« - Qui sont les monstres ici, intervint une voix moqueuse. »

Les deux médisants gémirent de douleur. Kenren leur tirait l'oreille sans ménagement.

« - Je n'aime pas beaucoup les lâches qui insultent les femmes, siffla-t-il »

Il les repoussa durement et continua son chemin.

« - Tu regretteras d'avoir pris sa défense, menaça le premier dieu. Ceux qui soutiennent ces aberrations sont des hérétiques !

- C'est ça ! Ja ne ! »

Le dieu rebelle leur fit un signe avant de tourner dans un autre corridor. Il aperçut la jeune fille adossée au mur, l'air sombre.

« - Tu aurais pu m'attendre princesse !

- S'ils nous voient ensemble, tu vas avoir des ennuis.

- Tss ! Ces bouffons ne savent que critiquer ! Dès qu'il s'agit d'agir, y'a plus personne !

- Eux peut-être… Mais si la rumeur remonte jusqu'aux hautes sphères…

L'éclat doré de ses iris était terni par un nuage d'inquiétude. Kenren ne savait plus quoi dire.

Après un long silence, il la prit par l'épaule et l'entraîna en avant.

- Bah ! T'inquiète pas Nini ! On s'en remettra… »

Plus tard, Kenren piétinait dans la chambre de la yokai. Elle ne parlait pas, seulement pour lui répondre, d'une voix perdue dans le vague. Elle se tenait immobile, la tête appuyée contre la vitre, le regard vide. Sa main gauche pendait le long de son corps fin.

Kenren tapotait nerveusement sa gourde de saké. Elle n'avait aucune réaction, pas le moindre petit signe de vie.

N'y tenant plus, il se posta devant elle et écarta quelques mèches brunes qui masquaient son visage.

« - Daijobu ka ? »

Elle ne répondit pas. Elle leva simplement vers lui une moue triste, implorante. Il déposa un baiser sur ses lèvres brillantes. Lorsqu'il voulut se redresser, elle le retint, l'étreignant comme s'il allait disparaître d'un instant à l'autre.

Elle avait besoin de lui, besoin de quelqu'un sur lequel elle puisse se reposer, des bras dans lesquels elle se sentirait en sécurité. Il la sentait fragile. Il voulait la défendre de tout, pour qu'elle ne souffre plus, l'aider à surmonter sa douleur, à s'évader de la prison où ils étaient tous retenus.

Elle s'était rajouté des barreaux autour de son âme. Il se maudit de ne s'en apercevoir que maintenant alors que rien ne semblait pouvoir se mettre entre eux.

« - Je ne suis pas assez bas pour te forcer… »

Elle afficha un air indécis, à genoux, le corps caché derrière un drap qu'elle tendait de ses doigts crispés.

Elle essayait de se montrer forte en toute circonstance, de faire abstraction de ses malheurs, toujours garder un sourire dehors, les larmes à l'intérieur. Il ne fallait pas qu'elle dévoile ses faiblesses. Le monde entier méprisait les « créatures » comme elle. Il fallait qu'elle survive seule.

Mais elle était toute petite, elle ne pouvait pas s'en sortir seule.

Le zénith voilé se fondit dans le rayonnement du crépuscule. De fines gouttelettes s'échappèrent, puis une pluie muette se mit à tomber.

Kenren s'approcha et prit ses mains tremblantes dans les siennes. Elle n'osait pas fermer les yeux, de peur que ce regard chaleureux ne disparaisse. Il embrassa tendrement chaque recoin de son visage inondé de larmes salées.

Un frisson tiède la parcourut. Le drap glissa lentement, dévoilant sa peau mate.

Elle se laissa aller à une étreinte qu'elle n'avait jamais connue.

Le plafond était blanc, lisse, presque immaculé. Une araignée avait tissé sa toile dans un coin.

Une paire d'yeux écarlates pénétra son champ de vision.

« - Y'a quelqu'un ?

Elle sortit de sa léthargie, le cerveau encore embrumé. Kenren entreprit de promener ses doigts sur ses joues adoucies par l'amour.

- La nuit me manque…

- C'est pas gai le noir !

- C'est vrai que c'est bien le soleil… Mais, l'ambiance nocturne, cette mélodie féerique, et puis surtout la lune me manquent.

- La lune ?

- C'est sa lumière que j'ai vu en ouvrant les yeux pour la première fois. Elle est toujours à mes côtés quand je me sens seule. Son aura protège tout ceux qui le désirent. Ses rayons réchauffent le cœur quand on a froid. Elle rassure quand on a peur. Elle apaise quand on est perdu. Elle ne dit rien, mais son silence est la plus belle des musiques. Je resterais à la contempler pour l'éternité si je pouvais…

- Selenia

- Quoi ?

- Tu a apporté le calme dans mon âme qui ne prenait du plaisir que dans le combat. Ta présence est aussi bénéfique que celle de la lune. Ton être éclaire les ténèbres.

Elle cligna des paupières. Il afficha un sourire victorieux.

- Cela vous sied-il comme nom ? »

Pour toute réponse, elle passa ses mains autour du cou de son amant et l'attira contre ses lèvres.

« - Merci, grâce à toi j'ai revu les étoiles, murmura Selenia. »

Des semaines, des mois, combien de temps s'était écoulé ? Elle ne saurait pas le dire. Le soleil brillait toujours et les cerisiers enveloppaient les alentours d'une neige de fleurs qui ne faneront jamais.

Kenren et Selenia étaient allongés sous l'arbre le plus grand du paradis céleste, comme chaque jour, en silence, juste être l'un près de l'autre, cela leur suffisait et ils laissaient couler le temps.

C'est cela l'immortalité. Pourquoi se presser ? On peut tout reporter au lendemain ou plus tard, on est sûr d'être « en vie » ; aujourd'hui ou dans trente ans, ça sera pareil, une attente interminable. Le temps n'a plus de prise, on n'a qu'à le regarder contourner ses jours et attendre que le soleil se couche…

Selenia entrouvrit les lèvres pour parler, de longues minutes s'écoulèrent avant qu'un mot ne sorte.

« - Keni-san…

- Keni-CHAN.

C'était la méthode infaillible pour sortir le dieu de l'état comateux dans lequel l'ennui le plongeait. Mais le faire enrager des dizaines de fois, des dizaines de jours, à la longue ça n'était plus amusant.

« - Beaucoup d'habitants du Togenkyo rêveraient d'être à notre place.

- Et moi je donnerais tout pour être à la leur.

- Pourquoi n'est-on jamais satisfait de son sort ?

- Parce qu'on s'ennuie.

Selenia rit amèrement.

- Ben quoi ?

- Rien, c'est vrai. Les fleurs sont belles…

- Les femmes aussi. Moi, ça me suffit.

Elle sourit et lui asséna un coup de poing sur l'épaule.

- J'allais sortir une réflexion philosophique !

- Ben tu réfléchis trop. Sois pas si pessimiste. Depuis que t'es arrivée la vie ici est plus supportable…

- Tu m'aimes ?

- C'est quoi cette question ?

Selenia s'assit en se massant la nuque.

- Pourquoi est-ce qu'on est ensemble vraiment ?

Kenren hésita avant de répondre.

- Parce qu'on s'ennuyait.

- Il y a eu des étoiles à ce moment-là. Parce que c'était nouveau. Mais maintenant les étoiles s'estompent.

Kenren se redressa et l'interrogeait du regard.

- Qu'est-ce que tu proposes alors ?

- Les choses intéressantes sont celles qui sont exceptionnelles.

Il leva un sourcil.

- T'es en train de me dire que tu veux tout stopper ?

- Tss les hommes…

- Je vais encore plus m'ennuyer !

- Mouais… moi aussi.

- Je te suis plus là.

- On fait un essai. Il ne faut pas abuser des bonnes choses.

Elle lui adressa un clin d'œil. Il grogna.

- Allez un dernier pour la route, oji-san. »

Elle posa une main fraîche contre le cou du dieu guerrier et l'embrassa… pour la dernière fois.

« - Intéressant, intervint une voix aussi paisible qu'un lac d'acide.

Ritoten avait l'expression triomphante de celui qui a le pouvoir de gâcher une vie. Un autre dieu se tenait derrière lui, avec une paire d'oreilles familière. Il tentait d'avoir l'air assuré et dur, mais seule la présence de son maître l'empêchait de détaler devant le regard meurtrier de Kenren. Selenia et lui se mirent debout.

- Au nom de tout le Tenkai, je vous remercie, reprit Ritoten. Il va enfin y avoir de l'agitation quand le conseil sera mis au courant.

- Au courant de quoi , demanda Kenren en refoulant une furieuse envie de mettre les choses « au poing ». Vous n'avez pas de quoi faire d'accusation.

- Les relations entre dieux et yokai sont taboues. Vous savez ce qu'il est arrivé à Homura, je suppose…

- Qui vous croira ? Vous n'avez pas une place bien importante dans l'armée, il me semble.

- Sachez que mon fils a une notoriété montante auprès du Tentei. Et j'ai des témoins. Je…

Il fut interrompu par un violent coup de pied à la mâchoire qui le propulsa deux mètres plus loin.

« - Vous n'avez pas le droit d'appeler Nataku « mon fils ». »

Ritoten se redressa péniblement. Il tenait dans sa main quelque chose qu'il avait saisi par réflexe, une boucle d'oreille dorée, qui se désagrégea entre ses doigts.

Une ombre masqua le soleil. Tout être vivant s'était figé sous la pression qui envahissait les lieux, même le vent se tenait tranquille. Les cheveux de Selenia lui masquaient le visage. Elle tomba à genoux.

Mu par le courage des lâches, le petit dieu gifla la yokai.

« - Sale hérétique ! Comment oses-tu lever la main sur un dieu ! »

Elle ne bougea pas tout de suite. Il se rendit vite compte de son erreur lorsque deux yeux dorés reflétant le feu des enfers lui firent face. Un rictus dévoila une rangée de crocs acérés. Une main aux griffes aiguisées lui présenta un cœur encore palpitant. Il s'effondra, il avait le teint livide et le regard blanc de celui que la mort a pris par surprise.

Ça s'était passé très vite. Selenia s'approcha de Ritoten. S'il avait peur, il ne le montrait pas. Il se contentait de la dévisager. Elle n'esquissait aucun geste brusque. Elle tendit son trophée ensanglanté au-dessus de sa proie. Quelques secondes s'écoulèrent durant lesquels seule la complainte de l'herbe souillée pouvait s'entendre. Puis, dans un couinement sinistre le cœur éclata, tachant la figure sans émotion de Ritoten.

Kenren déglutit.

« - Selenia ? »

Elle tourna seulement la tête.

Ce n'était plus la jeune fille gentille et sensible qu'il connaissait, c'était une créature qui prenait plaisir à torturer ses victimes.

Ritoten profita de cet instant d'inattention. Il se dégagea d'un coup de pied. Selenia sauta en retrait. Alors que le dieu se relevait en s'essuyant les joues, Kenren attrapa la yokai par l'épaule.

« - Qu'est-ce qu'il t'arrive ! »

Pour toute réponse, il obtint un coude dans l'estomac. Selenia bondit, Ritoten esquiva chaque attaque. Son corps fut bientôt couvert d'entailles, pas mortelles, juste très douloureuses. Elle ne voulait pas le tuer, elle jouait avec.

Une voix qu'elle détestait interrompit son jeu.

« - Et bien il y a du divertissement ici. »

Bosatsu était adossée contre un arbre. Selenia changea de cible.

Mais elle ne réussit pas à toucher la déesse kwannon. Une lumière aveuglante jaillit de sa main.

Lorsqu'elle se réveilla, Selenia se trouvait dans une grande salle pleine de dieux aux regards révoltés. Un soldat la soulevait par les cheveux. Des chaînes lourdes lui entravaient les poignets et les chevilles.

Nataku avait suivi la captive du regard alors qu'elle sortait du palais impérial, traînée par des gardes. Quand elle était passée près de lui, elle lui avait murmuré « On se reverra, promis ».

Son sourire chaleureux malgré la situation était imprimé dans sa mémoire.

Deux jours plus tôt, ils ne se doutaient pas que ce seraient les derniers instants où ils riraient ensemble. Ils s'étaient lancé un pari : dessiner des poils de nez au Tentei au marqueur indélébile. Elle ne pourrait pas gagner…

Les longues journées de solitude allaient recommencer.

« On est vraiment seul que quand plus personne ne pense à nous. Alors, à partir de maintenant, tu ne seras plus jamais seul. »

Elle avait promis, ils se reverraient. Il n'avait qu'à l'attendre.

Le jeune dieu se dirigea d'un pas décidé hors de sa chambre…

« - Shien !

- Nataku-sama ?

- Je veux que tu viennes avec moi. »

« - Accompagne moi à Saika… »