Comme d'habitude, les personnages ne m'appartiennent pas. Quelle misère. Je ne tire aucun argent de tout ça.
Sinon, l'écriture du Gardien continue, mais ça n'empêche pas de faire autre chose, d'où cette petite vignette. ;)
Atton Rand est mon petit préféré dans KotOR 2, mais le personnage de Mical, si calme – mais dissimulant une passion inavouable – m'intrigue beaucoup. J'en profite donc pour faire un petit plongeon dans son esprit, et voilà le résultat :
JUSTE UN APPRENTI
Malachor me donne la chair de poule. Cet… écho que j'ai commencé à ressentir sur Dxun est tellement amplifié ici que j'ai besoin de toutes mes facultés pour arriver à ne serait-ce que marcher droit. Et je sais que ce que je perçois n'est que le centième de ce à quoi elle est obligée de faire face depuis des mois… des années. Cette mort, cette souffrance, ce vide absolu qui semble vous appeler, pire, s'accrocher à vous pour mieux vous entraîner dans une sorte de néant où pas une parcelle de vie ne peut subsister. Personne ne devrait être forcé d'endurer cela tous les jours, heure après heure, surtout pas elle. Quand j'y pense, je n'ai qu'une envie : pouvoir prendre toute cette souffrance sur moi et l'en libérer une bonne fois pour toutes, pour que ses ravissants sourires puissent toujours être sincères, pour qu'elle puisse rire librement, sans arrière-pensée.
-Je me demande où ils peuvent bien être.
Je relève la tête vers Bao-Dur et me force à me concentrer sur notre objectif actuel. Son bras artificiel est secoué de tics nerveux tandis qu'il surveille les environs avec inquiétude. Nous n'avons croisé qu'une seule créature, comme si quelqu'un s'était déjà chargé des autres, ou si elles avaient étrangement décidé de nous ignorer. Je ne vais pas m'en plaindre. Avec la confusion que provoque cet écho presque assourdissant, je ne crois pas être en état de me concentrer sur quoi que ce soit, et encore moins affronter tout un troupeau de ces énormes bêtes.
-Mical ?
Ah. J'aurais sans doute dû me rendre compte qu'il avait arrêté de marcher.
-Oui ?
-Est-ce que tout va bien ?
Si tout va bien… C'est uniquement parce que son ton révèle une inquiétude sincère que j'arrive à contrôler le rire jaune qui rêve de sortir. Elle a disparu, seule dans ce cimetière géant, en route pour l'une des plus terribles et mystérieuses académies Sith de l'univers connu, et pour affronter la femme la plus froide et cruelle qui soit et… elle ne m'a rien dit. Et si Atton est parti, c'est sans doute parce qu'elle a dû lui parler, à lui. Bao-Dur m'observe fixement, et sur le moment, c'est presque comme s'il arrivait à lire dans mes pensées. Je mets un bon moment à me rendre compte qu'il attend une réponse de ma part.
-Oui… Il faut la retrouver.
-Atton est avec elle, il ne laissera rien arriver au général, essaie-t-il de me rassurer.
En fait, je crois qu'il essaie de se rassurer lui-même, et je ne l'en blâme pas. Il fait mine de maîtriser la situation, en bon militaire, mais son malaise est plus qu'apparent. D'ailleurs, alors que nous nous remettons à avancer, je peux le sentir s'accroître au même rythme que le mien, et quand l'académie de Trayus apparaît soudain devant nos yeux, voilée par les émanations verdâtres, je me surprends à ne rien éprouver, à part la certitude que c'est ici que tout se jouera. Nous le savons tous, et ce sentiment de fatalité est merveilleusement assez fort pour dominer tous les autres.
Nous descendons la colline rocailleuse ensemble, jusqu'à nous retrouver à l'entrée du gigantesque complexe, et j'éprouve le besoin de dire quelque chose. N'importe quoi.
-Vous sentez l'écho ?
-Oui, répond Bao-Dur. Mais…
-Il n'y a rien d'autre, dis-je en hochant la tête. Même le côté obscur semble aspiré dans ce gouffre de désolation.
C'est à ce moment précis que retentit un hurlement. Il est horrible, aigu et rauque, déchirant. Bao-Dur est déjà en train de courir vers l'intérieur de l'académie, mais mes jambes refusent d'obéir. C'est elle. Ma plus grande crainte est en train de se réaliser, et je ne supporte pas l'idée d'arriver devant elle pour la voir agoniser au sol, massacrée par les Sith. Mais ses cris continuent, et la possibilité qu'ils soient en train de la torturer, ma belle et précieuse Exilée, me pousse à agir. C'est à peine si je remarque les grandes salles que je traverse jusqu'à ce que je me heurte à Bao-Dur, qui s'est figé à l'entrée d'un hall sombre grandiose. J'ai juste le temps de remarquer son regard fixe atterré avant de porter mon attention sur la silhouette fine recroquevillée au centre de la salle.
-Oh Force…, est tout ce que je parviens à articuler.
Elle est là, tremblante et pleurant, criant, tandis qu'elle serre contre elle le corps sans vie… d'Atton Rand. Je le vois, et je n'arrive pas à le croire. Atton… est méconnaissable. Son bras droit a été nettement sectionné par un sabre laser, je peux le voir d'ici, sa chemise n'est plus que lambeaux sur un torse lacéré et son visage… Par tous les anciens… son visage est complètement défiguré. Son œil droit…
Je prends une vive inspiration afin de combattre la nausée, ce qui a l'air de sortir Bao-Dur de sa léthargie. Il fait quelques pas chancelants vers elle et tombe à genoux avant de poser une main hésitante sur ce qui reste de l'épaule d'Atton. Avec un détachement qui ne peut être dû qu'au choc, je suis surpris de constater que malgré ses cris et ses larmes, elle le laisse faire, elle l'autorise à partager sa douleur. Parce qu'elle sait qu'il en a le droit, qu'il le mérite. Parce que dès le début, Bao-Dur et Atton sont devenus d'excellents amis. Et moi… Moi je ne ressens de peine… que pour elle. Parfois je me déteste.
-Général… général, chuchote Bao-Dur qui arrive à combattre suffisamment sa tristesse pour se ressaisir.
Il commence à attirer le corps d'Atton à lui, mais elle refuse de lâcher prise. Elle se débat et crie de plus belle, comme un petit animal blessé, tout en serrant convulsivement le cadavre décharné de notre pilote. Peut-être est-il temps pour moi d'intervenir. Je m'avance et je la détourne du corps, avant de la forcer à se lever, pendant que Bao-Dur enserre Atton dans ses bras puissants. Il murmure d'une voix tremblotante qu'il va le ramener à l'Ebon Hawk, mais je doute qu'elle l'ait entendu. Ses sanglots sont terribles. Elle voit le Zabrak s'éloigner et commence à lui crier de revenir, de ne pas le lui enlever. C'est alors que je cède enfin à la tentation et je l'enlace avec force tout en lui soufflant des paroles que j'espère réconfortantes.
-Laissez-le faire. Il prendra soin de lui.
Elle enfouit sa tête dans mon cou et ses mains fines agrippent le tissu rêche de ma tunique dans mon dos, pleurant toutes les larmes de son corps menu pressé contre le mien. Je passe mes bras autour de ses épaules si fragiles alors que son doux parfum, à peine effacé par les fumées toxiques de Malachor, envahit mes sens. Bon sang, elle souffre du plus profond de son âme, et tout ce que je suis capable de faire, c'est me répéter à quel point elle m'attire. Depuis que je l'ai vue, je n'ai eu d'yeux que pour elle, toujours. Moi un pauvre adolescent candide et elle un jeune chevalier de dix-huit ans à peine mais déjà merveilleuse. Toute ma vie, je n'ai pensé qu'à elle, au vide que son départ à la guerre avait créé, et à ce que je pourrais lui dire si je la revoyais un jour. Kreia avait vu juste. Ca n'avait été qu'un amour d'enfant, un amour naïf.
Pourtant, les choses avaient changé, au moment où elle était revenue de l'ultime rencontre avec les maîtres sur l'académie de Dantooine. Quand ils lui avaient dit toutes ces choses affreuses. La voir aussi perdue et accablée m'a ouvert les yeux tout d'un coup. En une seule petite seconde, je ne l'ai plus vue comme une icône de lumière et de beauté, je la voyais réellement pour la première fois, comme un homme peut voir une femme. Et j'ai su. J'ai compris qu'il n'y aurait jamais qu'elle. Mais tout cela n'a que peu d'importance, car il y a bien longtemps que j'ai remarqué les regards qu'elle posait sur lui, les sourires maladroits qu'il n'avait qu'en sa présence, la paix qui émanait d'eux lorsqu'il étaient réunis.
Je dois en avoir le cœur net.
-Vous l'aimiez vraiment, n'est-ce pas ?
Elle pleure encore, sans s'arrêter, comme si ces dernières années de tourments venaient d'arriver à leur paroxysme. Ce qui doit être le cas. C'est alors qu'elle hoche la tête, lentement, mais sûrement, et des larmes montent subitement à mes yeux. Force, en avoir la confirmation est plus terrible encore.
-J'ai essayé de… de m'en détacher, confesse-t-elle. Mais… mais c'était plus fort que… m-moi. Plus fort que nous… Et maintenant…
Elle lâche un nouveau sanglot.
-Je me sens si seule !
-Non ! Non, dis-je avec véhémence, ma main allant instinctivement caresser ses cheveux sombres si doux. Je serai…
Je m'interromps, réalisant que ces mots ne sont pas ceux qu'elle a besoin d'entendre, et je prends le temps de me corriger.
-Il sera toujours avec vous. Dans la Force. Il ne vous quittera jamais.
-Je ne peux pas, renifle-t-elle en se pressant davantage contre moi. Ca fait trop mal, Mical…
-Je sais.
Force, oui je le sais. Jamais je n'ai autant souffert. Mon égoïsme me répugne, mais pour une fois je veux m'y accrocher. Moi aussi j'ai le droit de laisser parler mes émotions, et je sais qu'en ce moment, elle est incapable de détecter cette once d'obscurité en moi. J'ai mal. Mal de la voir souffrir autant, elle qui ne mérite que le bonheur. Mal de la sentir si près de moi, et complètement hors de portée à la fois. Mal de savoir que même dans la mort, Atton sera toujours plus fort que moi. Et je le déteste. Lui qui cherchait toujours à la suivre partout, lui qui boudait comme un enfant à chaque fois qu'elle prenait le temps de méditer avec moi, lui qui s'est laissé mourir pour la laisser dans le désarroi le plus total. Moi-même j'aurais donné ma vie pour Atton. C'était l'un de mes compagnons, et je n'aurais pas hésité à prendre sa place, tout comme je l'aurais fait pour Mira, Bao-Dur, ou même Mandalore et Visas. Mais je le déteste pour l'emprise qu'il gardera toujours sur la seule femme au monde dont je suis tombé amoureux et dont les pleurs commencent à peine à diminuer. Je m'oblige à reprendre la parole, elle a besoin de réconfort, pas d'un disciple faible et irascible. Je sais que jamais elle ne sortira de cette désolation si elle ne trouve pas un autre but, quelque chose de vraiment important à accomplir.
-Gardez son image dans votre cœur, allez y puiser la force dont vous avez besoin. Ne laissez pas son sacrifice être vain. Il vous faut finir ce que nous avons tous commencé ensemble. Chassez cette obscurité à jamais. Faites-le pour lui, et pour vous.
Elle hoche encore la tête, plus calme, et seules quelques larmes coulent toujours sur son beau visage triste. Elle resserre son étreinte.
-Garde-moi dans tes bras… Juste encore un peu…
-Toujours…
Jusqu'à la fin des temps si je le pouvais. Mais elle ne voit en moi qu'un petit frère, un homme qui restera un apprenti à ses yeux. Et c'est ce que je serai. Son confident, son soutien, son ombre fidèle. Son disciple.
-Toujours et à jamais, mon maître.
FIN.
