Pendant trois jours, Hermione s'était demandée si elle devait insister auprès du Professeur Rogue pour qu'il remplisse sa part du pari, autrement que par un « Miss Granger est la moins susceptible de me tuer. » Au début, elle avait rejeté l'idée. Après tout, elle était une personne bien meilleure que lui, et elle savait bien que de concéder cette phrase avait déjà porté un coup à sa fierté. Et puis, elle avait gagné le droit de poser toutes les questions qu'elle voulait en classe.
« Je voudrais en savoir plus sur les propriétés de la belladonne. Comment peut-elle être l'ingrédient principal de la Pimentine, qui est un stimulant, et de celle que nous sommes en train de préparer, qui est un somnifère ? »
Il se retourna et la fusilla du regard. Elle pouvait ressentir la haine et la frustration qu'il éprouvait, mais il ne lui faisait pas peur – il ne lui faisait plus peur depuis la fin de sa quatrième année. Et puis, les Potions la fascinaient, que le Professeur soit agréable ou pas. Pendant un instant, elle crut qu'il allait lui répondre, mais il marqua une pause.
« Je ne sais pas, Miss Granger, » concéda t'il, les dents serrées, et elle se demanda fugitivement combien de volonté il lui avait fallu pour prononcer ces quatre mots. « Mais peut-être que vous pourriez faire des recherches sur le sujet. Soixante dix centimètres pour demain. »
Le travail supplémentaire n'avait pas dérangé Hermione, elle avait trouvé l'information relativement vite à la bibliothèque, et le sujet s'était révélé passionnant. Mais après son quatrième essai, elle changea d'avis.
« Monsieur, les ASPICs sont dans deux semaines. Je n'ai pas le temps d'écrire un autre essai cette semaine, » protesta t'elle après un cours.
« Peut-être que vous feriez bien de vous en souvenir avant de lever la main pour poser encore une question, » avait-il répliqué.
« Ce n'est pas juste. Vous ne tenez pas votre part du pari ! »
« Bien sûr que si. Comme convenu, je vous interroge à chaque fois que vous levez la main. Votre bras doit moins souffrir. Quoique… avec toute cette écriture supplémentaire… Je ne suis pas sûr. » se moqua t'il, en prenant un air supérieur.
Alors comme ça il pensait avoir gagné ? Oh, il n'avait jamais eu affaire à Hermione Granger. Elle allait lui faire regretter le jour où il avait fait ce pari avec elle. Mais d'abord, il lui fallait trouver un moyen de pression. Elle devrait faire quelques recherches, mais par chance c'était un domaine dans lequel elle excellait. Elle ne savait pas exactement ce qu'elle cherchait, mais elle était ouverte à toutes les idées. Ce dont elle avait besoin, c'était de quelque chose d'embarrassant, mais elle n'arrivait pas à penser à une façon délicate de poser la question, à part, « Excusez-moi, Professeur McGonagall, est-ce que le Professeur Rogue a déjà été soûl au point de se déshabiller, de danser nu jusqu'aux serres pour chanter des arias en italien aux mandragores ? Si c'est le cas, est-ce que vous auriez des preuves, comme par exemple une bonne vidéo ? » Alors elle essaya une variante.
« Professeur McGonagall, j'aurais voulu vous dire un mot au sujet du Professeur Rogue, » l'interpella t'elle alors qu'elle sortait de sa salle de classe à l'heure du déjeuner. Elle accorda à Hermione un regard sévère.
« Pourquoi, qu'a-t'il fait cette fois-ci ? »
« Oh, rien d'extraordinaire, » mentit Hermione. Elle ne lui parla pas du pari, elle n'aimait pas rapporter, et elle avait la nette impression que le Professeur de Métamorphoses désapprouverait la chose et chercherait à y mettre un terme.
« C'est juste qu'il ne sourit jamais, et qu'il n'a jamais l'air de s'amuser. »
« Vous vous intéressez beaucoup à lui ces derniers temps, non ? » désapprouva McGonagall. « D'abord, vous le nommez Professeur de l'Année, et maintenant ces questions. Je vous assure, Miss Granger, que le Professeur Rogue va tout à fait bien. Il est un peu sur les nerfs, comme toujours. Il a toujours été comme ça, je ne vois pas pourquoi vous ne vous en êtes pas rendu compte plus tôt. »
Hermione remarqua que son Professeur lui en voulait toujours de ne pas avoir été nominée pour le titre de Professeur de l'Année. Il faudrait qu'elle se rattrape, peut-être avec un cadeau pour son dernier jour à Poudlard, avec un message qui dirait qui était véritablement son Professeur préféré.
« Alors il n'est jamais heureux ? » demanda t'elle d'un ton découragé.
« La seule occasion de le voir approcher figure humaine, c'est de lui faire boire trop de Vieil Ogden. Et encore, c'est parce que là, il est trop ivre pour trouver des choses à la fois intelligentes et méchantes à dire. Il parle une langue différente, mon enfant, mais quand on a pris le coup, on peut reconnaître qu'il pense du bien de quelque chose ou quelqu'un. Mais le mieux, c'est encore de ne pas avoir affaire à lui. »
« Oui, Madame, » dit-elle en acquiesçant, mais n'en pensant rien. Alors comme ça, Rogue parlait une langue différente ? Eh bien, elle espérait qu'il comprendrait le chantage…
Le lendemain, elle se tenait devant la porte de son bureau, Hermione prit une profonde inspiration et compta jusqu'à dix. Il lui avait fallu des heures, et elle avait eu besoin de rassembler tout son courage pour se convaincre qu'elle était capable de mener à bien son plan. Elle espérait seulement avoir eu raison de penser qu'il arrivait au Professeur Rogue de boire tellement que le lendemain matin il avait tout oublié des événements de sa soirée.
« Je peux le faire, je peux le faire, » répétait-elle. Elle ne reculerait pas. Se sentant enfin prête, elle entra dans le bureau sans frapper, avança jusqu'à son bureau à grandes enjambées, et y laissa tomber une grande enveloppe de kraft.
« Miss Granger, qu'est-ce que ça signifie ? » siffla Rogue.
« J'ai quelque chose qui pourrait vous intéresser, Monsieur, » annonça t'elle sans faillir. Elle laissa une main sur l'enveloppe, pendant qu'elle enfonçait ses ongles dans la palme de son autre main. Où était son courage de Gryffondor quand elle en avait besoin ? Si elle pouvait tenir tête à Lucius Malefoy ou à Bellatrix Lestrange, elle pouvait certainement se mesurer à Severus Rogue, non ?
« J'en doute sincèrement, à moins que ce ne soit l'essai que je vous ai demandé hier. Trois mètres sur les poils de licorne dans les potions expérimentales ? » contra t'il en avança la main pour se saisir de l'enveloppe. Elle la recula hors de portée.
« Je ne fais pas cet essai, » affirma t'elle. Il leva un sourcil et lui accorda son attention.
« Non ? » La menace était perceptible dans son ton.
« Non, je ne l'écris pas. Vous savez pertinemment qu'il n'y a pas assez de matériel pour écrire un mètre sur le sujet, et encore moins trois. » Son rictus disparut, remplacé par un sourire malveillant.
« Alors, Miss Granger, allez-vous me dire ce que vous voulez ? » Elle prit une profonde inspiration, et le regarda droit dans les yeux.
« Je veux que vous remplissiez votre part du pari. »
« Je crois que nous avons déjà eu cette conversation. Je vous ai comme convenu interrogée en classe à chaque occasion. »
« Je ne parle pas de ça. L'annonce que vous avez faite l'autre soir au dîner n'était pas celle que nous avions prévue. Vous deviez annoncer que j'étais la meilleure élève que vous ayez jamais eue, pas 'la moins susceptible de vous tuer avec une potion ratée', remarqua t'elle. Le rictus refit son apparition, et elle enfonça ses ongles un peu plus dans sa paume pour ne pas trembler.
« C'est le meilleur compliment que j'aie jamais accordé à un élève, » avança t'il.
« Je vous l'accorde, mais ce n'est pas suffisant. Malgré tout, je suis prête à faire une concession. »
« Je vous écoute. »
« Vous n'aurez pas à faire cette annonce dans la Grande Salle, mais seulement devant la classe d'ASPIC de septième année. Du moment que Malefoy vous entend… » Ca effacera son air supérieur pendant un moment, se dit-elle.
« Et si jamais je refuse ? »
« Je pensiez que vous aviez de l'honneur, Rogue. »
« Professeur Rogue, et qu'est-ce qui vous a mis ça en tête ? »
« Franchement, je ne me souviens pas, mais ce n'est pas le sujet. »
« Je me fatigue, Miss Granger. Plus vite vous en viendrez au fait, mieux ce sera. »
« Je vous ai apporté quelques souvenirs de la fête de fin d'année du personnel de l'année dernière, » expliqua t'elle, espérant qu'il comprendrait où elle voulait en venir sans qu'elle ait à lui mettre les points sur les i.
« Et ? »
« Et ils montrent un Professeur très éméché qui chante 'Mon beau sapin' à tue-tête. »
« Hein ? » Son visage pâlit, au point qu'Hermione pouvait suivre ses veines à travers sa peau. « Je ne vois absolument pas à quoi vous faites allusion.»
« Vous devriez vraiment ralentir sur le Whisky Pur Feu, si je peux me permettre. Surtout s'il vous fait oublier des soirées entières. »
« Où avez-vous eu ça ? » demanda t'il en désignant l'enveloppe.
« Ca n'a aucune importante. Ce qui importe, c'est que je l'ait. Votre réputation de Professeur strict va prendre du plomb dans l'aile si les élèves se mettent à fredonner des airs de Noël en vous apercevant, j'imagine. »
« Cinquante points de Gryffondor pour avoir essayé de faire chanter un Professeur, Miss Granger. Vous me surprenez. » Elle savait qu'il essayait de reprendre la main. Elle ne pouvait pas reculer, il fallait qu'elle reste forte.
« Je suis sûre que mes camarades me pardonneront la perte des points en voyant cela, » dit-elle, reprenant l'enveloppe et faisant demi-tour. Elle n'avait pas fait cinq pas qu'il la rappelait.
« Attendez. » Elle s'arrêta. « Vous avez raison, ce n'est que justice. »
« Demain, alors, » annonça t'elle en se retournant. Il acquiesça.
« Hors de ma vue, Miss Granger. » Elle ne se le fit pas redire, se retenant de sautiller jusqu'au couloir.
« Qu'est-ce qui te rend si joyeuse ? » demanda le portrait de George l'Affreux alors qu'elle remontait vers la Tour de Gryffondor.
« Je viens de gagner un pari, » répondit-elle dans un grand sourire.
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note du traducteur : je sais, j'avais dit qu'il ne restait qu'un chapitre. Mais j'ai décidé de couper ici, pour pouvoir poster plus vite. Et puis de cette façon, les paris sont ouverts : Severus ? Hermione ? Qui sortira vainqueur ?
Et après celui-ci, il ne reste vraiment qu'un chapitre…