Merci pour les reviews !

C'est vrai, ça motive pour commencer. Pour ceux qui ont mentionné « les marches de poussière », sachez que le chapitre 11 avance, mais je bloque un petit peu, désolée.

SamaraXX : merci. Lily n'est pas « folle », tu sais. Elle n'est pas au mieux de sa forme, mais elle a toute sa tête. Quant à James… mystère.

Zag : contente que Jude te plaise.

Merci aussi à Sarah Black, Leila et Onarluca.

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PARTIE I : VESTIGES.

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2. Le cœur de ceux-qui-croient.

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"A l'attaaaaque !"

Le cri perça le lourd silence du matin. Harry, au coude à coude avec son ami Ron, se rua avec les autres. En formations serrées, leurs talons claquant dans la poussière, les deux lignes fonçaient l'une vers l'autre.

Les enfants jouaient à la guerre.

Jouaient, parce qu'on s'en relevait toujours, malgré les plaies et les bosses ; jouaient, parce que la guerre, la vraie, était loin, bien loin d'ici.

Harry percuta de plein fouet Drago Malfoy et les deux garçons s'effondrèrent dans la poussière. Malfoy se releva aussitôt, un rictus sur le visage et Harry l'imita.

Mais malgré leur jeune âge, ce n'était peut-être pas tout à fait un jeu. Parce que les mots qu'ils criaient, parce que la haine qui les opposait, tout cela était bel et bien réel.

D'un côté, il y avait les fils de résistants, ceux qu'on regardait avec crainte et colère, parce qu'un père ou un frère s'était relevé et avait attiré les foudres du mal sur le village. Mais de l'autre, il y avait bien pire. Il y avait ceux que l'on appelait les "rejetons des ténèbres", "rejetons" avait un jour expliqué Rémus à Harry, c'est parce qu'on n'osait même pas dire "enfants". Leurs histoires étaient toutes semblables ; un père mangemort, qui meurt des mains des résistants, parfois même de celles des siens, abandonnant aux forces des ténèbres une mère et des enfants terrifiés, qui finissent par venir chercher refuge.

Harry essuya de son poing le sang qui s'écoulait de sa lèvre, sans quitter Drago du regard. Ce n'était pas si difficile, avec lui. Les deux garçons étaient taillés à peu près sur le même modèle : pas très grands, des bras maigres et des cheveux trop longs. Mais Drago, comme Harry, et contrairement à d'autres même plus vieux, se redressait à chaque fois, inlassablement, refusant de s'avouer vaincu.

Au fond, tous autant qu'ils étaient, ils n'étaient pas si différents. Car la rage qui les unissait prenait sa source au même point ; face à tous ceux qui détournaient le regard en faisant mine de ne pas les voir, face aux autres enfants qui s'éloignaient en les apercevant. C'était la colère d'être toujours l'autre, celui qui n'a rien à faire là, qui vient apporter le malheur au honnêtes gens, la colère d'être quelque part un peu trop vivant pour leur monde.

Du coin de l'œil, Harry vit Ron qui lançait son poing dans la figure de Terry Twain, un peu plus loin, Conan Treps, qui du haut de ses quatorze ans était leur chef, se ruait sur l'imposant Gregory Doyle.

Ils se battaient toujours avec leurs poings, tous. Un jour, Harry avait entendu Conan dire qu'avec une baguette il aurait pu tous les réduire en poussière, "les transformer en rien", il avait dit. Mais Harry en doutait. Car en ce temps, rares étaient les enfants qui maîtrisaient la magie. L'enseigner avait été formellement interdit par l'Ordre des ténèbres dix ans plus tôt, et certains adultes chuchotaient encore cette histoire, ce drame qui avait marqué la fin de l'école de Poudlard.

Bien des années plus tôt, quand Pré-au-Lard était encore un refuge, nombre de soldats et de résistants s'y arrêtaient. Et ils apportaient toujours quelque chose. Quelque chose de magique, en général, le plus souvent des baguettes. Elles étaient conservées en secret dans l'église et confiées aux garçons qui atteignaient leur dix-septième année, ceux qui souhaitaient partir se battre. Mais cette pratique avait été abandonnée depuis longtemps, étouffée par de nouvelles lois et de nouvelles défaites. Le père de Harry avait été l'un des derniers à revenir, le jour de la naissance de Jude. Et il ne restait plus que Lily pour croire qu'il reviendrait un jour.

Alors c'était à mains nues qu'ils se faisaient mal. Au début, le "jeu" avait se déroulait sur la grande place, juste devant l'église, à grand renfort de hurlements. Et Harry courait avec les autres en guettant du coin de l'œil Jude assis sur le muret, qui ne participait jamais au combats mais surveillait la scène, ses grands yeux sombres concentrés sur son frère. Aucun d'eux n'avait remarqué les regards pleins de peur et de colère que leurs coups et leurs cris faisaient naître. Il avait fallu que Mme Milson se dresse sur les marches de l'église et les tance vertement, criant que leur comportement était indigne d'eux, de leurs familles et de leur village. Elle avait hurler si longtemps que Jude sur son mur était devenu très pâle et Harry avait redressé la tête, indigné. Elle ne comprenait rien du tout, la vieille, et en plus elle faisait peur à Jude.

Mais un voix contre son oreille, une voix profonde et sage, l'avait retenu.

"Il faut les comprendre, tu sais. Vous leur lancez au visage tout ce qu'ils cherchent à oublier."

C'était un vieil homme, grand, à la longue barbe blanche. Il semblait tout droit sorti des histoires que racontait parfois Lily.

"La guerre ?" demanda alors Harry, la surprise passée.

Et le vieil homme avait hoché la tête, une lueur indéchiffrable dans ses yeux bleus.

"Mais ils doivent bien le savoir, qu'il y a la guerre !"

"Les grandes personnes ont parfois une façon bien étrange de voir les choses." avait-il répliqué en désignant Mme Milson.

Et Harry l'avait observée, un peu moins sûr de lui.

"Ne sois donc pas si pressé, jeune Harry, tu les affronteras bien assez tôt."

Il avait prononcé ces mots d'une voix si basse que Harry n'était même pas sûr de les avoir entendus. Mais quand il se retourna, le vieil homme avait disparu.

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Harry lança son poing en avant, de toutes ses forces. Il atteignit Drago à l'épaule, mais celui-ci rattrapa son poignet et tira de toutes ses forces, pour le déséquilibrer. Se sentant tomber, Harry frappa la cheville de son adversaire, pour l'entraîner dans sa chute. Et, juste avait de s'effondrer de nouveau dans la poussière, il croisa le regard de Jude, tranquillement assis à la lisière de la forêt.

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"Tu as toujours les herbes, Jude ?"

Le petit garçon releva la nez du cercle de petits cailloux dont il s'entourait suivant un motif de son invention, et tendit les petits sacs de toile à son frère.

"C'est bien." sourit Harry "Tu viens ? Il faut y aller."

Jude sélectionna soigneusement deux cailloux blancs dans le cercle et les glissa dans la main de Harry, avant de se lever.

"Qu'est ce que tu fais ?" s'étonna Harry.

"Il faut que tu les garde, ils sont magiques."

Harry se contenta de hausser les épaules, enfouissant les petites pierres dans sa poche, et les deux enfants s'éloignèrent, laissant derrière eux le cercle de Jude.

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"Harry… Harry ! Jude ! Hé, attendez !"

Harry se retourna et aperçut Ron Weasley qui les rejoignait au pas de course, manquant de trébucher sur les racines. Derrière lui, on distinguait la silhouette de sa petite sœur Ginny qui le suivait d'un pas plus tranquille.

"Tu vas encore voir ce drôle de type ?" haleta t'il un fois parvenu à leur hauteur.

Il s'était moins bien tiré de la bataille que Harry, sa lèvre tuméfiée saignait encore et un bleu s'étalait sur son front.

En guise de réponse, Harry agita les trois sacs bruns sous son nez.

"Il faut qu'on se dépêche." ajouta t'il en attrapant la main de Jude.

"Attends, je t'accompagne, il faut que je te parle d'un truc."

"Qu'est ce qu'il se passe ?" s'inquiéta Harry.

"Charlie a reçu une lettre, ce matin." annonça Ginny, qui venait de les rejoindre, avant que son frère n'ait pu répondre.

Jude ouvrit de grands yeux.

"Une lettre ?" répéta Harry, stupéfait.

"Oui." confirma fièrement Ron alors qu'ils s'engageaient dans la rue principale. "Mais il refuse de nous en parler, comme tout le reste. Il dit qu'on est trop jeunes pour comprendre."

Harry acquiesça pour lui-même. Etre trop jeune pour comprendre, il connaissait. Son père lui avait fait la même réponse quand, âgé de cinq ans à peine, il lui avait demandé pourquoi il devait repartir alors que maman attendait un bébé. Plus tard, il avait été trop jeune pour comprendre aussi quand on lui avait dit que son ami Mark ne reviendrait plus, et aujourd'hui, il était trop jeune pour comprendre ce drame qui avait plongé Jude dans le silence, et la maladie de sa mère.

"Mais on l'a vue, la lettre." glissa Ginny "Elle était sur la table quand on est arrivés hier après-midi, on ne l'a pas ouverte, mais on a vu l'enveloppe. Une enveloppe très bizarre."

"Bizarre comment ?"

"Il y avait un oiseau dessus." expliqua Ron "Un oiseau très étrange, dessiné dans une flamme."

Puis il baissa la voix, même si c'était inutile, car les rues étaient désertes.

"On pense que ça a un rapport avec… Tu sais, ce qu'il se passe… Dehors."

"Mais c'est impossible !" souffla Harry "Personne ne sait ce qu'il se passe, dehors ! Tu crois que Charlie est en contact avec quelqu'un ? "

Ron haussa les épaules en signe d'ignorance.

La plupart des enfants du village n'avaient en général plus qu'une mère, une tante, ou même un grand-père, dans le cas de Neville Londubat, un garçon que sa famille avait caché pendant des années dans des caves parce qu'ils le croyaient Cracmol. Ron et Ginny, eux, ils avaient Charlie, leur grand frère.

Charlie qui disait parfois, avec un rire un peu forcé, qu'il était "passé à côté de la guerre", en effet, lorsque les derniers sorciers avaient quitté Pré-au-Lard pour rejoindre les bataille, Charlie n'était âgé que de seize ans. Quand, l'année suivante, il avait été interdit de partir, beaucoup de femmes avaient soufflé à sa mère que ce devait "être un soulagement", mais pour Charlie, qui avait vu partir pour ne plus revenir son père puis son frère aîné, ça n'avait pas été un soulagement du tout.

Et puis, quelques mois plus tard, il y avait eu les rafles, dans lesquelles il avait vu disparaître sa mère et deux de ses petits frères, des jumeaux, en même temps que Mark et sa famille, le vieux monsieur Milson, et bien d'autres. Alors il était resté, pour s'occuper de Ron et de Ginny.

"J'ai peur pour lui des fois." murmura Ginny en secouant ses tresses "Il dit toujours qu'il voudrait se battre et qu'il le fera quand Dumbledore reviendra. J'ai peur qu'on finisse par l'entendre. Les gens ne nous aiment pas beaucoup, ils pourraient parler…"

"Sans compter qu'il se fait des illusions, si tu veux mon avis, Dumbledore, il n'est pas près de revenir dans le coin, si jamais il est toujours en vie."

Harry haussa les épaules, ça, c'était une histoire avec laquelle il n'était pas très familier, contrairement à ses deux amis, qui avaient grandi au rythme des récits de leurs frères aînés.

"En tous cas," conclut Ginny "tu aurais du le voir, quand il a reçut cette lettre, on aurait dit qu'elle allait changer le monde."

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"C'était un phœnix." souffla Jude alors qu'ils passaient la porte.

Il s'était sensiblement rapproché de son frère. Harry savait que l'endroit lui faisait peur.

"Un quoi ?"

"Un phœnix. Sur la lettre de Charlie. Tu sais, l'oiseau dans les flammes."

"Comment tu le sais ?" s'enquit Harry en écartant le lourd rideau noir.

Il avait renoncé à s'étonner vraiment des choses étranges que disait son frère depuis un bon moment déjà, mais il ne pouvait pas s'empêcher de poser la question.

"C'est maman qui me l'a dit. Dans une histoire, une histoire qui parlait du Grand Château, je crois."

"De Poudlard ?"

"Je crois, je ne me souviens plus très bien."

Ils avaient atteint le petit salon. Harry se pencha par dessus les étagères de bois sombre et tira sur une fine cordelette qui pendait tout près de la porte.

"Pourquoi maman te parlerait-elle de ça ? Tu es bien trop petit…"

Jude haussa les épaules.

"Des fois elle dit des choses sans vraiment y penser. Comme je ne parle pas, elle se dit peut-être que c'est comme si je n'entendais pas toujours…"

"Maman ne penserait jamais ça !" se récria Harry.

Jude ne répondit pas. D'un petit mouvement de la tête, il indiqua la silhouette silencieuse qui se dissimulait dans l'ombre.

"Bonjour, Potter." souffla une voix glacée.

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Harry sentit Jude reculer un peu plus contre lui. Se forçant à garder un visage impassible, il fit un pas en avant.

"Bonjour, monsieur Rogue."

Les yeux sombres l'étudièrent un moment, sans bienveillance aucune. Comme pour l'homme dans l'épicerie de Mme Milson, Harry se força à soutenir son regard, jusqu'à sentir ses propres yeux le brûler.

Rogue ne cillait jamais.

"Eh bien, gamin, j'attends ! Tu as ce que je veux ?"

Harry lui tendit les sacs. L'homme ouvrit le premier et étudia un moment son contenu, laissant les petites pousses vertes glisser entre ses doigts maigres.

"Cordeline d'eau douce… Chantre gris… Et Grappes de Siniacs. Parfait."

Il releva la tête, son regard rencontrant de nouveau celui de Harry.

"Où trouves-tu donc tout ça, Potter ?"

Harry ne répondit pas, et Rogue eut un rire sinistre.

"Sans doute Rémus Lupin…" murmura t'il "Un loup-garou… Il connaît sans doutes un tas de combine pas très honnêtes…"

Jude crispa les poings, Harry fit un bond en avant.

"Ne parlez pas de lui comme ça, espèce de…"

Il n'acheva pas sa phrase.

Aussi vif qu'un serpent, Rogue l'avait attrapé et coincé contre l'étagère, l'une de ses mains glacées enserrant son bras, l'autre son cou.

"Espèce de quoi, Potter ?" s'enquit-il froidement.

"Eh bien ?"

Harry resta silencieux.

"Bien comme ton père. Tu devrais faire attention à tes manières, mon garçon, que se passerait-il si je décidait de parler à… Certaines personnes… De la condition de ton ami, hein ?"

"Vous ne le ferez pas." affirma Harry d'un voix un peu tremblante.

Rogue relâcha son bras, et il se dégagea d'une secousse. Jude fixait toujours Rogue, le regard plein de colère.

"Et pourquoi pas ?"

Avec des gestes calmes et précis, Rogue sépara les herbes dans différents bocaux.

"Parce que vous ne voulez pas qu'ils sachent que vous êtes là."

Rogue continua son manège, le visage impassible.

"Tu es peut-être moins stupide que lui, finalement."

Il vida le dernier sac, puis les rendit à Harry.

"Je peux l'avoir, maintenant ?"

Rogue attrapa un grand flacon sur l'étagère du haut, et le lui tendit.

"Il faudra que tu me le rapporte, celui-là, je commence à en manquer."

Prudent, Harry déboucha précautionneusement le flacon, et respira le liquide. Ayant reconnut l'odeur caractéristique de la potion, il acquiesça.

"Je vous le ramènerais. Et, pour la prochaine fois… Il m'en faudra un peu plus."

"Son état s'est aggravé ?" s'enquit Rogue d'une voix neutre.

Harry haussa les épaules en signe d'ignorance. Il ne voulait pas vraiment penser à ça.

"Ca fait moins d'effets qu'avant."

Rogue hocha la tête et se retourna vers ses précieux bocaux, indifférent au sort du reste du monde.

"Tu connais mes tarifs, petit." laissa t'il tomber.

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"C'est vous, les garçons ?" lança Rémus depuis la cuisine.

Sans répondre, Harry déverrouilla la porte et s'écarta pour laisser passer Jude. Il s'attendait à quoi, une bande de mangemorts ?

Les deux enfants le rejoignirent. Harry posa avec précaution le flacon sur la table.

"Rogue n'a pas fait d'histoires ?"

Il haussa les épaules.

"Non, pas vraiment."

Rémus acquiesça, repoussant les parchemins étalés devant lui. Jude grimpa sur ses genoux.

"Tu as faim, Harry ?"

Il secoua la tête.

"Comment va maman ? Je sais qu'Amanda devait venir la voir, ce matin."

Rémus poussa un soupir.

"Elle ne sait pas ce qu'elle a, Harry. Elle dit que ça ne ressemble à…"

"…à aucune maladie qu'elle connaît." acheva Harry à sa place.

Jude appuya son front contre l'épaule de Rémus, son pouce dans sa bouche. Harry crispa les poings sous la table.

"Elles finiront par trouver, Harry." Rémus tenta de le rassurer "Elles la guériront, tu verras."

Harry secoua la tête.

"Je sais, moi, ce qui pourrait la guérir."

Rémus se raidit.

"Il n'en est pas question, Harry, et tu le sais très bien."

"Mais ça pourrait la guérir !" insista Harry "Tu ne veux pas qu'elle guérisse, toi ?"

Rémus se leva, déposant Jude sur le sol.

"Je te l'ai dit cent fois, Harry : pas de magie. Sers-toi d'une baguette dans cette maison et l'Ordre des ténèbres est sur toi en moins d'une heure. Tu veux vraiment qu'il t'emmène ?"

Harry haussa les épaules. Jude baissa la tête.

"Et tu veux qu'ils emmène Jude ?"

"Je le cacherais !" répliqua t'il, véhément. « Tu penses bien que je ne laisserais pas prendre Jude ! »

"On ne peut pas se cacher !" coupa Rémus "Ils vous retrouvent toujours. Et de toutes façons ni toi ni moi ne connaissons un sort capable de la guérir."

"Je suis sûr que Rogue en connaît." contra Harry.

"Rogue ? Parce que tu crois qu'il…" il s'interrompit brusquement.

Jude releva le nez.

"Qu'il quoi ?" fit Harry.

Rémus lui fit signe de se taire.

"Restez là." souffla t'il.

Il traversa la pièce, regagnant l'entrée.

"Tu as entendu quelqu'un, toi ?" demanda Harry à Jude.

Le petit garçon secoua la tête.

En silence, Harry traversa à son tour la cuisine et coula un œil dans le couloir.

"Je voudrais voir Lily Evans, Lupin."

Narcissa Malfoy. Il aurait reconnu cette voix glaciale entre mille. Elle regardait Rémus en fronçant le nez, comme s'il avait dégagé une odeur pestilentielle.

"C'est Lily Potter." rectifia Rémus.

La grimace s'accentua.

"Peu importe. Qu'elle vienne me parler."

"C'est impossible." trancha Rémus "Elle ne se sent pas bien, aujourd'hui."

"Vous vous moquez de moi ? Je me fiche qu'elle se sente mal, il faut que je lui parle."

"Foutez la paix à ma mère !" lança Harry avant que Rémus n'ait pu répondre.

Les deux adultes se tournèrent vers lui. Narcissa le détailla de haut en bas, la mine dégoûté.

"C'est toi qui t'es battu avec Drago, ce matin ?"

"Il l'avait bien cherché." répliqua Harry d'un ton farouche.

"Si tu le dis." laissa t'elle tomber.

Elle se tourna de nouveau vers Rémus.

"Laissez-moi passer, Lupin."

Elle fit un pas en avant, mais Rémus bloquait toujours l'entrée.

"Si ce n'est pas moi, ce sera John, et vous le savez."

Harry sentit sa gorge se nouer.

"Je le recevrais." répondit froidement Rémus.

Elle secoua la tête, visiblement exaspérée.

"Vous ne savez pas ce que vous dîtes, Rémus. Vous ne savez pas ce qu'il peut faire."

Mais si Rémus était inquiet, il n'en laissa rien paraître. Il ne bougea pas d'un pouce.

"Tout ce que je sais, c'est que Lily est souffrante, et qu'elle ne peut recevoir personne, alors je vous prierais…"

Il se baissa un peu pour être à sa hauteur et la regarda dans les yeux.

"D'aller au diable. Après tout, c'est bien de là que vous venez, non ?"

Elle ne parut même pas relever la pique. Elle se contenta de leur jeter un regard méprisant, à lui et à Harry, avant de s'arrêter sur Jude, qui avait rejoint Harry dans le couloir.

"Si c'est pas malheureux, cette pauvre femme… Un mari qui abandonne sa famille et un fils attardé…"

"Il n'est pas attardé, espèce de…" rugit Harry.

"Disparaissez !" coupa Rémus, d'un ton glacial "Vous n'entrerez pas dans cette maison, de toutes façons."

Elle haussa les épaules.

"Je voulais juste éviter que ça ne tourne mal. Mais si vous le prenez comme ça…"

Et, fière et hautaine malgré son châle déchiré, elle descendit les marches et reprit le chemin qui menait au village.

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Les flammes crépitaient faiblement dans l'air sec. Drago contemplait le misérable feu d'un œil morne. Le soir tombait à peine et l'air chaud du mois d'août lui brûlait la gorge. Pourtant il ne bougeait pas de devant les flammes, tournant le dos au reste du campement.

Derrière lui, John Cécrops faisait les cent pas. Il le sentait aller et venir sans fin. Le mouvement lui tapait sur les nerfs, mais jamais il n'aurait osé faire de remarque. Cécrops n'était pas quelqu'un face à qui on élevait la voix impunément. Il l'était l'un des chefs du cercle du village, le conseil chargé de répartir les rations et de faire respecter les lois de l'Ordre des Ténèbres, pour préserver le village des rafles.

Cécrops avait quelque chose qui faisait froid dans le dos à Drago. Peut-être était-ce dans son sourire glacial, où dans l'inquiétante lueur qu'on voyait toujours dans ses yeux de serpent.

De nouveaux pas se firent entendre, plus calmes ceux-là. Toujours calme. Drago ne se retourna pas pour elle non plus, mais il l'avait reconnue tout de suite.

Sa mère.

"Alors, tu l'as ?" lui lança Cécrops en guise de bonjour.

"Non."

Drago sentit Cécrops se crisper.

"Quoi, tu n'es même pas capable de…"

"Non." coupa t'elle froidement.

Drago réprima un ricanement. Pour s'engueuler avec elle, il fallait vraiment le vouloir. Cécrops faisait son possible pour parler à mots couverts, mais Drago savait en partie de quoi il s'agissait. Du moins de qui : Lily Potter, la mère de ce petit crétin de Harry Potter. Quand à ce qu'ils lui voulaient, mystère.

"Il va falloir que j'y aille, alors." siffla Cécrops.

Au ton de sa voix, il était difficile de savoir si cette idée l'ennuyait ou si, au contraire, elle le réjouissait.

"Elle est malade, John." murmura Narcissa.

Quoi, de la compassion ? Probablement pas, sa mère en était incapable.

"Et alors ?" répliqua Cécrops.

"Si elle ne l'a pas, elle n'aura probablement pas la force de le récupérer."

Récupérer quoi ?

Drago sentit Cécrops sourire dans l'ombre.

"Elle, sûrement pas, mais les gamins probablement ; et l'aîné est un petit peu trop malin à mon goût. Bien comme son père, tiens."

"Ca reste un gosse, John, il ne représente aucun risque."

Drago sentit le mouvement mais n'eut pas le temps de réagir. Un coup entre les omoplates l'expédia le visage contre terre, juste à côté des flammes. Cécrops laissa échapper un rire froid.

Salaud !

"Aucun risque ? Demande donc à ce petit rat d'égouts s'il ne s'est pas pris une trempe, ce matin."

"Laisse Drago tranquille !" siffla t'elle "Tu aurais pu le blesser !"

Aurait pu ?

"Comme tu voudras." répliqua Cécrops.

Il attrapa Drago par les épaules et le remit sur ses pieds avec un sourire moqueur.

"Et laisse tomber, pour Lily Potter, je m'en occupe." ajouta t'il avant de s'éloigner.

Ils le suivirent tous les deux du regard, elle avec un air de froide indifférence, et Drago les yeux brûlants de rage.

"Il t'a fait mal ?" s'enquit elle, s'adressant à lui pour la première fois de la soirée.

"Non." mentit Drago.

Elle l'étudia un bref moment.

"Tant mieux. Et à l'avenir, évite de te trouver sur son chemin, ça vaut mieux pour toi."

Sur ce, elle s'éloigna à son tour, imperturbable.

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