Chapitre 18

Le retour se fit dans le silence, chacun content d'être sur le chemin du retour, en sécurité, ou ayant trop mal pour parler.

Arrivés à Balamb, ils furent néanmoins surpris de ne pas avoir de véhicule pour rentrer.

« Bon, fit Chad, ayant presque totalement récupéré. C'est parti pour la marche à pied… »

Sur le chemin du retour, ils virent un groupe de premières années s'entraîner contre des petits monstres. Jessie fut curieuse de savoir qui les surveillait, et Chad un peu aussi, et ils allèrent à leur rencontre, Thomas et Cassandra à leur suite.

« Mais qui donc vois-je en train de faire du baby-sitting ? s'exclama joyeusement la brune. Camille ? »

L'interpellée se retourna, et eu une expression de joie en voyant les nouveaux arrivants.

« Hééé ! cria-t-elle en courant à leur rencontre. Vous étiez où ? »

Elle sauta au cou de Jessie, toujours heureuse de voir son amie.

« À Dollet et à Galbadia » répondit-elle, alors que son amie la lâchait pour se jeter maintenant au cou de Chad.

« Chaaaad, fit-elle d'un ton qu'elle voulait langoureux, en se lovant dans son cou ! Tu m'as manqué, mon grand fou…

- (Aïe… J'ai de nouveau mal) Tant que ça ? soupira-t-il.

- Mais oui ! Il faut qu'on finisse ce qu'on a commencé lundi matin… C'est qui, eux ? demanda-t-elle ensuite, toujours accrochée au cou du noir et voyant les deux autres approcher.

- Thomas, répondit Jessie.

- Mouais… dit-elle, comme si elle le jaugeait.

- … et Cassandra » poursuivit-elle, en profitant pour lui jeter un regard noir.

Camille lâcha alors Chad pour observer la rousse de plus près. Celle-ci lui la foudroyait distinctement du regard. La châtaine arrêta son visage à quelques centimètres du sien.

« Aucune chance… » déclara-t-elle, puis elle s'en alla un peu plus loin avec Jessie, laissant Chad avec ses côtes, Cassandra avec des pensées meurtrières vers Camille, et Thomas renfrogné par sa remarque pas tout à fait aimable.

« Lundi matin ? s'emporta Jessie sans trop élever la voix, une fois que les deux furent hors de portée d'oreille.

- Ça te turlupine, hein ? fit son amie.

- Qu'est-ce que tu as fait ?

- Je lui ai sauté dessus quand il est sorti de sa chambre, gloussa-t-elle.

- Et ?

- Je l'ai poussé dans sa chambre, et je l'ai déshabillé.

- Dis moi que c'est tout ! la supplia-t-elle.

- Malheureusement, oui, soupira-t-elle.

- Ah, fit la brune, rassurée.

- Si je retrouve ce crétin de templier, je le tue !

- Tu ne l'auras jamais, niark ! la nargua son amie.

- Ah bon ? Pourquoi ? Ne me dis pas que toi, tu l'as fait !

- Non, rit-elle. Je t'expliquerai plus tard… »

Après avoir pris congé de leur camarade, ils repartirent vers la BGU, et, une fois arrivés, ils se rendirent directement au bureau du proviseur. Debout devant les quatre jeunes gens au garde à vous, Cid attendit leur rapport. Lorsqu'il aborda l'entrevue avec Martine, Cid le coupa.

« Qu'a-t-il dit ? demanda-t-il, surpris.

- Que vous aviez transmis des ordres à l'autre équipe, ainsi qu'à nous, pendant que nous faisions le trajet.

- Mais à quoi pensait-il ? explosa-t-il. Je n'ai jamais rien fait de tel ! »

Les quatre SeeDs furent surpris.

« Mais alors, demanda Thomas. Il nous a menti ?

- J'en ai bien peur… Mais dites-moi ce qui s'est passé ensuite… »

Chad poursuivit son récit, jusqu'à leur sortie de la ville.

« Et qu'en est-il de l'autre équipe ? demanda-t-il, inquiet.

- J'ai bien peur qu'ils aient échoué dans la tentative d'assassinat, répondit Chad. N'ayant pas réussi à l'abattre à distance, ils ont tenté une attaque plus directe.

- Peuvent-ils rentrer ? demanda-t-il, nerveusement.

- Ils se sont faits encercler par les soldats. Ils ont certainement été capturés. »

Les templiers présents dans le bureau s'agitèrent, inquiets de cette nouvelle.

« Il va falloir en assumer les conséquences… finit par déclarer le proviseur. Mais vous êtes tous les quatre de retour, ce qui est déjà une bonne nouvelle. Vous devez être fatigués, allez donc vous reposer. Rompez ! »

Les autres étaient sortis quand Chad se rappela d'un détail.

« Monsieur, j'ai omis de vous parler de quelque chose…

- Quoi donc ?

- Almassy est aux côtés de la sorcière.

- Ah, fit-il. Alors elle sait certainement qu'ils viennent d'ici… »

Avant que les portes du bureau ne se referment, Chad put entendre un templier dire à l'un de ses frères :

« IL ne va pas être content… »

IL ? Qui donc ?

Midi sonnait lorsqu'il sortit de l'ascenseur, et il se dirigea donc vers la cafétéria. Les trois autres avaient aussi pris cette direction, et il les aperçut, chacun séparément dans leurs groupes habituels, et Jessie avec Camille.

« Alors, tu vas me raconter ? fit la châtaine, impatiente.

- D'accord… » soupira son amie.

Elle lui raconta comment Chad avait un peu fait irruption dans leur chambre, alors qu'elle n'était qu'en serviette de bain, et ce qu'il s'était passé par la suite. Lorsqu'elle mentionna la remarque du noir, Camille lui donna un coup de coude amical, puis déclara :

« Je crois bien que tu lui as tapé dans l'œil.

- Je ne sais pas, répondit-elle évasivement, jetant un œil au jeune homme qui était assis à une table vide, une mèche de cheveux noirs cachant ses yeux.

- Tu ne me dis pas tout, devina l'autre.

- Ben… Il a failli tomber de la tour satellite, et il ne m'a pas remercié quand je l'ai aidé à remonter.

- C'est Chad, tu sais, dit-elle posant sa tête sur sa main. Il y a beaucoup de choses étranges à son sujet…

- Oui » répondit évasivement la brune, sa déclaration de la nuit dernière en tête.

Puis elles passèrent le reste de la journée ensemble, souvent à parler des nouvelles proies potentielles de Camille.

Chad finit son repas, et se rendit sur le campus, où il vit que la scène de la fête était en train d'être montée. Se remémorant la fille aussi surexcitée qu'un chocobo qu'il avait croisé pendant le bal, il se joignit à ceux qui travaillaient là. Ôtant sa veste pour faciliter ses mouvements, il demanda ce qu'il y avait à faire, et les autres, ravis de ces bras supplémentaires, lui indiquèrent. Lorsqu'il les interrogea au sujet de la fille en jaune, personne ne put lui dire où elle se trouvait, mais il apprit qu'elle s'appelait Selphie.

Il passa l'après-midi ainsi, avec ces personnes qu'il ne connaissait pas trop, ravi de cette nouvelle occupation qui le détendait un peu, riant un peu des petits accidents qui arrivaient, sans même s'apercevoir des regards admirateurs des filles qui passaient, et parfois inquiets, car certains bandages semblaient dépasser de sous son t-shirt. Finalement, lorsque le soleil se coucha, le chantier avait bien avancé, et il repartit manger, mais cette fois en compagnie de ces camarades, certainement une première pour lui.

Epuisé par ces derniers jours, il ne tarda pas à rentrer à son dortoir, prendre une douche…

Etrange, ça fait deux fois de suite qu'il faut que j'enlève des bandages pour prendre une douche ici.

…puis il se mit au lit, et s'endormit vite. Il rêva peu cette nuit-là, et n'en eut aucun souvenir au réveil.

Il se leva à sept heures, s'habilla, et ouvrit lentement la porte, vérifiant qu'une Camille ne l'attendait pas devant. Heureusement, non. Rassuré, il referma la porte derrière lui et partit vers la cafétéria.

La matinée se continua avec les cours. Par chance, il n'avait pas cours le jeudi après-midi, et en profita pour se rendre à Balamb à pieds sous un ciel sans nuages. Ouvrant la porte de la forge, il vit que son mentor était attelé à la tâche.

« Ah ! fit-il. J'allais croire que tu m'avais abandonné.

- Toujours le mot pour rire, répondit-il. Hein, le vieux ?

- Viens ici, grimaça-t-il à la réplique du jeune homme. J'ai un truc à te faire faire. »

Il s'approcha, et put voir une lame de lance démontée posée sur l'établi, et un matériau brut à côté.

« Tu vas me faire une petite refonte.

- C'est parti. » déclara le noir, enfilant son tablier et remettant du bois dans le fourneau.

Il allait devoir faire fondre la lame et incorporer le nouveau matériau qui paraissait fort solide. Lorsqu'il jugea le fourneau à la bonne température, il y mit l'acier pour qu'il fonde, puis l'ajout. Après une petite heure, il arriva à un résultat satisfaisant, le produit complètement mélangé ayant un aspect un peu plus clair que l'acier normal en fusion.

Il le versa dans un moule approprié, et le travailla lorsque l'alliage fut solidifié. Il sentit la résistance supplémentaire sous son marteau. Lorsque le fer refroidit, la flèche, d'abord unique, de la lance, avait maintenant deux petites sœurs, une de chaque côté, qui formaient un angle droit entre elles. Sa couleur était passée d'un gris presque argenté à un gris beaucoup plus clair.

Il remonta la lame nouvellement forgée sur sa hampe, et la mit en appui contre le mur.

Le vieillard avait fini son travail depuis longtemps, et avait attendu que Chad ait fini. Lorsque ce dernier se retourna, il le vit avec un grand fourreau dans les mains.

« Ton client n'est pas encore venu la chercher ? fit-il, surpris.

- Mon client est devant moi » déclara-t-il, avant de lui lancer l'arme.

Il la rattrapa au vol, et regarda le forgeron, ne comprenant pas tout à fait.

« Il y a dix ans, s'expliqua-t-il, tu es venu ici traînant cette arme derrière toi, et tu me l'as tendue, me demandant de la réparer. Lorsque je t'ai demandé pourquoi tu voulais, toi, un gamin de sept ans, utiliser cette arme, tu m'as répondu que c'était pour tuer un homme, un homme qui avait tué tes parents. »

Chad regarda la poignée, l'air troublé.

« Je savais que tout ce que tu allais réussir à faire, à ton âge, avec une telle arme, c'était te faire tuer, poursuivit le vieil homme. Maintenant, tu es un adulte, un SeeD. Je t'ai appris tout ce que je savais, j'ai forgé ton corps et un peu ton esprit. Tu es la pièce la plus dure que j'ai jamais eue à faire, mais certainement la meilleure. »

Il était ému par ses propres paroles.

« Tu mérites de récupérer ton arme, maintenant, car tu as le pouvoir de te venger. Hier, ça faisait dix ans, jour pour jour. Joyeux anniversaire, Chad. »

Ils n'avaient pas entendu la porte s'ouvrir, et Jessie, venant récupérer son arme, entendit malgré elle les deux dernières phrases. Ils regardèrent tous deux la jeune fille, puis le forgeron se reprit.

« Bienvenue ! s'exclama-t-il. Votre lance est prête. Mon apprenti vient juste de la terminer.

- J'espère que tu as fait du bon travail, lança-t-elle au noir.

- Tu en doutes ? répliqua-t-il, avant de la prendre d'une main, l'autre toujours sur sa nouvelle arme, et de lui la tendre.

- Tiens, on a plus peur de la prendre ?

- Je sais que c'est une bonne lance, maintenant. »

Après cela, elle paya le forgeron, puis sortit. Chad voulut en faire de même mais le forgeron le retint :

« Il y a encore quelques petites chose que je veux te dire, fiston. Réfléchis bien, quand tu seras devant lui, s'il mérite vraiment de mourir. Ensuite, poursuivit-il, alors que le jeune homme inspirait pour parler, il y a d'autres choses que la vengeance dans la vie, penses-y un jour… »

Chad ne voulut plus rien dire.

« Et en dernier, acheva-t-il. Cette lame s'appelle Masamune (1), prends-en soin. »

Cédant à une impulsion, Chad serra le vieil homme dans ses bras un court instant, puis il souffla :

« Merci. »

Jessie avait attendu devant la forge que Chad sorte. Quand il apparut, elle lui lança :

« Je ne savais pas que c'est ton anniversaire.

- Normal, répondit-il. Pour au moins deux raisons.

- Lesquelles ? demanda-t-elle, curieuse.

- Un : personne ne le sait. Deux : c'était hier.

- Sauf que maintenant, la 'un' n'est plus vraie, puisque je le sais.

- C'est pourquoi je vais devoir te tuer, dit-il, d'un air tel que la jeune fille ne put déterminer s'il plaisantait ou pas. Tu en sais trop.

- Euh… fit-elle, surprise. Tu plaisantes, j'espère… »

Un mince sourire apparut sur le visage du noir, et elle poussa un petit soupir de soulagement.

« Tu sais que tu m'as fait peur ? dit-elle d'une fausse rage.

- Désolé, sourit-il.

- Mais pourquoi veux-tu que personne ne le sache ?

- Tu n'imagines pas ce que peuvent être toutes ces filles énamourées qui viennent m'apporter un cadeau, et parfois en profiter pour se déclarer, pendant toute la journée, et en plus en sachant que ça ne marchera jamais entre elles et moi. Ça me suffit déjà comme ça à Noël et à la Saint Valentin…

- Insinuerais-tu que tu trouves ça stupide de te faire preuve d'admiration ? s'offusqua-t-elle, les poings sur les hanches.

- Non, seulement qu'elles pourraient garder leur argent pour elles, qu'elles se fassent plaisir avec au lieu de le jeter par les fenêtres.

- Mais tu ne comprends pas que c'est leur façon à elles de se faire plaisir ? Elles font toutes de leur mieux pour que tu ne leur accordes ne serait-ce qu'un regard !

- Mais même si je leur accorde un regard, il n'y en aura à la fin qu'une seule avec qui je sortirais. À quoi ça leur sert à toutes alors qu'elles le savent bien, au fond ?

- Mais c'est toi qui es stupide, ma parole ! explosa-t-elle, avant de le gifler. L'espoir serait donc un mot inconnu de ton vocabulaire ? »

Chad la regarda, abasourdi. Elle l'avait giflé ! Prenant conscience de son geste, elle se retourna et s'enfuit en courant.

Il resta un instant à rien faire, portant presque inconsciemment sa main à sa joue. Puis il reporta son regard sur l'arme qui n'avait pas quitté sa main. Le vieux forgeron avait muni le fourreau d'une grande lanière, et le jeune homme la mit en bandoulière, ce qui était certainement la meilleure manière de transporter une lame aussi longue, même si sa pointe n'était qu'à quelques centimètres du sol.

N'ayant rien d'autre à faire en ville, il retourna à l'université.


(1)Ne me dites pas que vous ne l'aviez pas deviné ?