Disclaimer : à Rowling l'argent et ses persos (Gwendoline la Fantasque est mentionnée dans le tome 3), à moi mes propres persos, prière de ne pas y toucher sans mon consentement. (encore que j'imagine peu de personnes écrire sur cette époque, mais sait-on jamais…)

Titre : Gwendoline la Fantasque

Autrice : Mephie

Rating : G

Genre : Humor/Romance

Note : Voici comme promis le chapitre deux, à partir de maintenant j'updaterai tous les dimanches ! Bonne lecture !

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Chapitre 2 : En route pour la France !

L'horloge indiquait quelques minutes avant minuit. Se retenant de soupirer d'impatience – un Black ne soupire pas d'impatience, tout lui vient toujours à point, le concept de patience et d'impatience lui est inconnu – Lord Black décida d'accorder quelques instants de son précieux temps à l'étude de la tapisserie familiale.

Des générations et des générations de Blacks, de Sang-Pur, sa fierté. Il était désormais le pilier de cette famille, le garant de sa pureté, et, comme chacun de ses prédécesseurs, il veillerait à ce que ses enfants vivent dans le but de conserver cette tradition sacrée.

Son regard se porta lentement vers les extrémités de l'arbre généalogique et un léger sourire détendit ses lèvres. Jusqu'à aujourd'hui, ses ancêtres pouvaient être fiers de ses choix d'alliances… Sa fille aînée avait épousé un lointain cousin de la famille Parkinson. Un mariage parfait : le garçon ne lui avait donné que des filles, trois, pour être exact, et semblait avoir compris qu'un descendant mâle n'était pas de rigueur. Oui, Anguitia avait su manier les potions avec brio pour se conformer à ses ordres. Elle était sa fille préférée, la plus dévouée à son clan. Il avait eu raison d'écouter les prédictions de la Devineresse et de ne pas l'étouffer à sa naissance. Ce n'était pas sa faute si elle été née fille, elle avait compensé à de nombreuses reprises cette terrible tare, acceptant d'œuvrer dans l'ombre et de ne pas faire valoir ses légitimes prétentions à la direction de la Maison des Blacks lorsqu'il avait désigné son deuxième enfant, son seul fils, comme son successeur.

Ophiuchus ferait un superbe chef de clan. La preuve était qu'il avait déjà déniché sa future épouse, une Sang-Pur bien entendu, et noble roumaine, qui étudiait dans une année inférieure à la sienne alors qu'il était encore à Durmstrang. Il était d'ailleurs en train de lui faire sa cour et serait marié d'ici juin, le temps que la fille ait fini ses études.

Bérénice était promise à tout autre chose. Troisième rejeton, elle n'existait que pour redorer le prestige de la famille. Ses cheveux blonds encadraient un visage angélique, et cette seule caractéristique l'avait rendue digne de compter dans la famille Black. Elle était la ravissante idiote de la famille, son père y avait veillé. Sa beauté naïve, sa fraîcheur rassuraient les autres sorciers qui avaient vu d'un très mauvais œil l'inscription d'Ophiuchus à Durmstrang. Elle resterait ce petit modèle délicat de pureté, et jamais elle ne se marierait.

Et enfin, Amélia, la dernière-née. La seule qui fît grincer les dents de son père. La seule qu'il n'aurait jamais du laisser vivre. Il se souvenait parfaitement de la première fois qu'il l'avait prise dans ses bras, après que la Devineresse lui eût chuchoté combien de problèmes cette enfant causerait à son Sang. Mais alors qu'il s'apprêtait à sceller la bouche et le nez du bébé avec une lourde couverture, elle s'était subitement tendue de tout son corps et son visage était devenu la réplique parfaite miniature de celui de son père qui la surplombait, imitant jusqu'à l'éclat inquiétant de ses yeux sombres. Prenant cela pour une soumission à la Famille qu'il représentait, il l'avait épargnée, et maintenant, il s'en mordait toujours les doigts. Une Serdaigle chez les Blacks ! Aux tendances gryffondoriennes qui plus est ! Enfin… Le fils Flint était réputé pour son caractère brutal et dominant ; bientôt la Maison des Blacks serait débarrassée de cette honteuse plaie. D'une façon ou d'une autre…

Une petite explosion et un nuage de fumée verte dans la cheminée sortirent le maître des lieux de ses pensées. Le nouveau venu, Lord Lacertus Malfoy, épousseta des grains de poussière inexistants de la cape qui le recouvrait et s'assit sans préambule sur le siège qui faisait face au bureau de Lord Black :

« Mon cher beau-frère, j'ai la solution idéale à notre petit désagrément français… Il est temps pour nous de mettre au pas ce misérable Gobelin de Maltheus Gringotts et, faisons donc d'une pierre deux coups, de nous donner les moyens financiers auxquels nous trouverons toujours une certaine utilité…»

§

Au même moment, dans l'obscurité nocturne, la ville de Londres bruissait des rafales tourbillonnantes du vent. Alors que les ténèbres recouvraient la lune pour un temps, une ombre se glissa furtivement le long des ruelles, plus silencieuse qu'un chat, frôlant les maisons endormies. Elle se retrouva bientôt devant le grand bâtiment de la banque Gringotts aux ombres inquiétantes. A pas de loup, elle s'approcha du portail de bronze, et il sembla qu'un léger sourire flotta sur ses lèvres quand une porte apparut soudainement dans le métal lisse et opaque. Elle la passa sans hésiter et se glissa à l'intérieur. La porte disparut tout aussi soudainement qu'elle était apparut et une lumière aveuglante figea la souple silhouette.

« Vous vous rendez bien compte, Miss, que si vous faîtes un jour allusion à ce passage secret, je devrai nier en bloc puis m'assurer d'un silence plus… définitif de votre part, grinça le vieux Gringotts.

Un mince sourire détendit le visage de Skia rosi par les assauts du vent glacial qui sifflait au dehors. Rabattant sur ses épaules la capuche couleur de pierre qui recouvrait sa tête, elle secoua ses boucles brunes d'un air mutin.

-Voyons mon cher monsieur le directeur de cette banque, pour cela, il faudrait d'abord que vous m'attrapiez, répondit-elle.

-Trêve d'amabilité, Skia, nous ne sommes pas ici pour plaisanter ! » intervint Maugrey en sortant de l'ombre.

-Grand Sachem ! Quel plaisir de vous revoir ! commença la jeune fille en lui administrant une grande claque dans le dos. Toujours à faire des heures sup' à ce que je vois !

Le Supérieur des Aurors se contenta de lui répondre par un froncement de sourcils, et, lui faisant signe de le suivre, la mena dans le bureau du directeur de la banque où attendait déjà le Chef du Conseil. Le Gobelin qui avait joué le rôle de comité d'accueil adressa à ce dernier un regard noir et lui prit vivement des mains la petite balance de cristal qu'il était en train d'admirer, pour la reposer à sa place sur le manteau de la cheminée. Ceci fait, il s'assit confortablement face à ses hôtes.

« Bien, nous connaissons tous la raison pour laquelle nous sommes réunis en ces lieux, commença-t-il nerveusement. Cependant, je ne crois pas que nous ayons eu le plaisir d'être présenté, continua-t-il en reportant son regard sur Skia. Je suis Maltheus Gringotts, directeur de cette banque.

-Et voici Miss Amelia Black ! s'empressa de compléter Muldoon, désireux d'écourter au plus vite cette réunion.

Un silence de plomb suivit des déclaration. Le Gobelin semblait pétrifié de stupéfaction puis de colère, tandis que la mâchoire de Maugrey se crispait de contrariété.

-Je n'ai pas fait appel à v…, gronda sourdement Gringotts.

-Seriez-vous donc aussi borné que le commun des humains, Directeur ? coupa Amelia d'un ton tranchant.

Un sombre éclat joua dans les yeux du vieux Gobelin. Comment cette enfant gâtée pouvait-elle oser lui adresser la parole de la sorte ? Mais la jeune fille ignora son humeur.

« Pensez-vous donc réellement que le Chef du Conseil des Sorciers des Iles de Grande Bretagne et le Responsable de la Sécurité de la Nation sorcière anglaise s'amuseraient à vous présenter une incapable pour remplir la mission dont il est question ce soir ?

Les prunelles de la jeune Metamorphmagus passèrent du vert tendre au bleu polaire tandis qu'elle parlait, et elle se leva brusquement, rejetant sur son siège son ample cape, révélant ainsi à la vue des trois hommes une robe de mage de guerre couleur de nuit bardée de cuir retenue par une ceinture à laquelle brillait une longue épée d'airain dont la poignée incrustée d'argent étincelait de mille feux aux côtés d'un assortiment de petites fioles soigneusement scellées.

« Pensez-vous réellement que je n'ai pas les qualités requises pour un tel travail ? Pensez-vous réellement que je puisse usurper cet uniforme en la présence même du Supérieur des Aurors ?

La voix de la jeune fille semblait régner soudain d'autorité dans la pièce. Lentement, le Gobelin la détailla, puis il reprit la parole, soutenant le regard implacable planté dans le sien.

-Il s'avère, Miss Black, qu'il me semble au contraire devoir vous reconnaître non seulement l'arrogance caractéristique de votre famille, mais également une présomption qui n'a d'égale que votre suffisance. Cependant, continua-t-il légèrement moins mordant, je pense que cela vous sera bien utile pour faire face à ces Français infatués de leurs personnes.

A ce changement de ton, Muldoon soupira de soulagement, remerciant Merlin que la situation n'ait pas occasionné de complication dues à l'effronterie de la cadette des Blacks, tandis que Maugrey prenait note mentale de féliciter pour une fois la jeune fille de son incroyable et épouvantable caractère. La fierté des Blacks, dont la part importante dans le caractère de Skia était indéniable, même si vigoureusement reniée par la principale intéressée, venait d'opérer un petit miracle en convaincant sans équivoque le vieux Gobelin grincheux et misogyne de la valeur d'une femme. Skia, quand à elle, se contenta de se rasseoir.

« Voici, fit le Gobelin en lui présentant un parchemin, la liste des personnes que vous devrez rapatrier. L'adresse au bas de la feuille est celle de votre seul et unique contact français. Il habite à Paris. Il vous aidera dans votre entreprise. Avez-vous des questions ?

La jeune fille parcourut diligemment des yeux la cinquantaine de noms inscrits à l'encre rouge si particulière de Gringotts – après tout, n'assurait-on pas que ce n'était non pas de l'encre, mais plutôt le sang des malheureux qui avaient tenté de braquer la banque ? – et s'attarda une seconde sur l'adresse.

-Puisque vous me le demandez si aimablement, commença-t-elle avec un charmant sourire, j'aimerai assez savoir si vous accepteriez d'être mon témoin !

Alors que le banquier haussait un sourcil des plus circonspects, la jeune espionne, qui arborait maintenant une chevelure rousse flamboyante, se tourna vers Muldoon, dans une attente muette. Avec un regard malheureux, le Chef du Conseil soupira à fendre l'âme et sortit de la sacoche soigneusement posée sur ses genoux un parchemin à l'en-tête du Conseil des Sorciers, et le lui tendit. Dans un sourire éblouissant, elle le saisit et, l'ayant soigneusement parcouru des yeux, elle le tendit à Maugrey. Pendant que celui-ci le lisait à son tour, elle dit :

« Voyez-vous, Monsieur le Directeur, je ne suis pas exactement un citoyen libre et en pleine possession de ses droits civiques, même si je peux parfaitement prétendre au titre d'Auror ; et étant donné le caractère pour le moins vital de la mission que je me prépare à effectuer, je me suis permis de demander en guise de rémunération, une majorité anticipée et mon entière indépendance au Conseil des Sorciers. Grâce à ce document que je compte laisser dans un de vos coffres réputés inviolables… » Elle s'interrompit soudain, comme frappée par une idée particulièrement désagréable avant de reprendre d'un ton suave : « Bien sûr, s'il venait à en disparaître…

-Mon établissement a bâti sa renommée sur la fiabilité de nos coffres, Miss Black, l'interrompit vivement Gringotts. Soyez certaine que nul ne touchera à ce document avant votre retour, assura-t-il en saisissant le parchemin que lui tendait maintenant le Supérieur des Auror, lançant au passage un regard en biais d'avertissement vers Muldoon qui se ratatina sur sa chaise. Il en lut le contenu avec soin, puis apposa sa signature près de celle de Muldoon qui ornait déjà le bas du papier. Maugrey puis Skia l'imitèrent avant qu'il ne le range méticuleusement dans son coffre-fort personnel.

« Je vous remercie de tant d'application dans votre travail, commenta Skia, alors qu'il finissait de replacer les sorts compliqués assurant l'inviolabilité du coffre. Maintenant, pouvez-vous me dire comment je passerai outre les barrières magiques de la douane sorcière française ?

-Ces barrières ne contrôlent que les transplanages et le réseau de cheminées, et ce pour la simple raison que les autorités françaises sorcières estiment que personne ne serait assez fou pour tenter la traversée de la Manche en balai ou par toute autre voie aérienne. Il te sera donc facile de les passer en balai. Bien entendu, ce sera à ce moment des vigiles moldues que tu devras te défier : elles ont toutes été dotées d'une vision capable de percer les sortilèges d'invisibilité, à leur insu bien sûr. Mais le grand nombre de navires templiers en panne dans le port de La Rochelle devrait te permettre facilement de passer inaperçue, les mâts et les cordages forment sans doute une sorte d'écran dans lequel tu devras te faufiler, estima son supérieur.

Skia fit la moue, déçue à l'idée de ne pas faire, comme à son habitude, une arrivée éclatante sous un déguisement de riche moldue… Le rôle de comtesse ivre qu'elle avait du jouer lors de sa précédente mission dans le fin fonds des Highlands avait été des plus divertissants !

Tous trois passèrent ensuite en revue divers détails de moindre importance, puis chacun des hommes serra gravement la main de la jeune fille, à un tel point qu'elle imagina un moment qu'ils devaient assister à un enterrement le lendemain et venaient soudainement de s'en souvenir.

Alors qu'elle disparaissait dans la nuit, Skia ne vit pas une petite silhouette sortir quelques minutes après elle du bâtiment, et presser le pas furtivement à sa suite.

Cependant, un vieil homme à la robe couleur de nuit dissimulée dans une cape couleur de pierre avait vu la petite silhouette, et il se glissa à son tour dans le bâtiment.

« Figg ! s'exclama Maugrey en voyant le vieil Auror passer soudainement la porte du bureau de Gringotts où il discutait encore du pourcentage de réussite possible de Skia dans sa mission. Je vous avais demandé de veiller à ce que personne n'ait connaissance de cette réunion ! Que faites-vous à l'intérieur de la banque ? questionna-t-il vivement alors que Gringotts se remettait difficilement de l'attaque que la soudaine apparition de l'Auror avait provoqué chez lui.

-Un Gobelin vient de sortir des bâtiments, Monsieur ! répondit le vieil homme. Et il a apparemment pris Skia en filature. Vous m'aviez dit que le seul Gobelin présent serait Maltheus…

-Balivernes ! s'écria le Gobelin. Aucun de mes Gobelins n'était autorisé à rester cette nuit. Ils sont tous rentrés chez eux, et la banque est inviolable !

-En tout cas, il était à l'intérieur avant que je ne prenne ma garde, donc avant le crépuscule ! assura Figg. Je peux vous le certifier.

-Si le Gobelin a entendu cette conversation, commença Muldoon, la voix tremblante, et qu'il prévient la presse…

-Au diable la presse ! s'écria avec emportement Maugrey. Marcus, avez-vous reconnu le Gobelin en question ?

-Je me souviens surtout de l'avoir vu accueillir ici Lord Black hier matin ! répondit sombrement Figg.

-Le conseiller financier de M. Black est Agrippa, intervint le banquier, mais il est actuellement couché avec une poussée de furoncles fébriles depuis une semaine… Je devais accueillir moi-même Lord Black hier, mais j'ai eu un empêchement… Le rapport de mon secrétaire doit bien faire mention de… Par tout l'or des mines de Zama! Pourquoi donc a-t-il confié le rapport mensuel de ce Black de malheur à un saisonnier ?

-Un saisonnier ? releva Maugrey.

-Un fainéant qui plus est, et un incapable ! grommela le vieux Gringotts. Ce Porsenna n'a jamais été capable de comprendre la différence de prix entre l'or blanc et l'or jaune.

-Et je suppose que vous avez l'adresse de ce … Porsenna ? questionna Figg, une sinistre lueur brillant dans son regard.

§

Après s'être débarrassée de l'uniforme d'Auror au Quartier Général, Skia rentra chez elle.

Alors qu'elle s'avançait vers sa garde-robe, son œil capta un reflet blond dans le miroir de la coiffeuse en frêne. Elle s'approcha et un sourire sans joie lui monta aux lèvres. Ce n'était qu'elle-même. Elle avait une fois de plus oublié de quelle apparence elle s'était dotée. Examinant les boucles blondes et le petit visage pale, elle comprit pourquoi elle avait cru voir sa sœur Bérénice : sans s'en rendre vraiment compte, elle avait donné au personnage de Gwendoline un physique qui rappelait énormément la blonde jeune fille.

Non, ça n'allait pas du tout ! Elle ne pouvait pas garder cette apparence pour Gwendoline ; elle aurait l'impression d'imiter sa sœur… Et elle savait très bien qu'il n'y avait aucun point commun entre Amelia Black et Bérénice Black autre que leur nom de famille. Bérénice était la constance et la douceur même. Amelia était la mutation perpétuelle et la rébellion incarnée. Bérénice était la fille chérie qui faisait bonne figure dans les bals ; Amelia était la brebis galeuse que l'on mariait au plus vite afin de s'en débarrasser. Et pourtant c'était grâce à Bérénice qu'Amelia était devenue ce qu'elle était. Deux ans seulement séparait les deux jeunes filles, et elles avaient plus ou moins grandi ensemble. La remuante et détestable Amelia avait profité de la douceur de son aînée, l'élevant au rang de modèle inatteignable. Amelia estimait que c'était l'influence de Bérénice qui l'avait sauvé d'être envoyée à Gryffondor. Tout comme Bérénice avait longuement argumenté avec le Choixpeau pour être envoyée à Serpentard et non à Poufsouffle, Amelia, se souvenant de la confidence de sa sœur au sujet de sa répartition, avait bataillé avec le même Choixpeau pour éviter non seulement Serpentard par pur esprit de contradiction, mais aussi Gryffondor, car appartenir à cette maison lui aurait valu d'être forcée par son père à avaler le stock entier de poisons de sa chère et tendre sœur Anguitia.

Fronçant les sourcils, la jeune Black métamorphosa lentement ses longues mèches de manière à ce qu'elles soient plus courtes et plus bouclées, puis s'attaqua au problème épineux de la couleur de ses yeux. Du vert tendre, ils passèrent au bleu acier puis au violet. Malheureusement, le violet était la couleur caractéristique des yeux des Vélanes en furie, mieux valait donc l'éviter, même si elle aurait eu un franc succès pour se faire obéir, songea-t-elle avec amusement. Perplexe, elle fit passer ses prunelles par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel avant de soupirer de découragement. Elle avait espéré faire de Gwendoline son meilleur personnage, mais comment atteindre l'excellence si le déguisement n'est que banal ? Fatiguée de fixer le miroir, elle baissa son regard vers la table de sa coiffeuse où trônait l'horrible collier d'opale que Flint lui avait offert le jour même. Les yeux écarquillés, elle reporta son regard sur son reflet. Son talent créatif piqué à vif, elle s'appliqua à faire adopter à son regard la même nuance que l'opale, puis rectifia la couleur de sa chevelure en l'assombrissant légèrement, ne laissant que les deux mèches de devant aussi blanches que la neige. Le nez retroussé d'un air mutin du plus bel effet, elle se sourit à elle même, un seul mot lui venant à l'esprit : parfaite !

S'arrachant à son auto-contemplation, elle ne devait partir que deux heures plus tard, calcula-t-elle, ce qui lui laissait suffisamment de temps pour finir ce qu'elle avait entrepris. Se saisissant d'une brosse, elle attira Mim sur ses genoux et s'appliqua à brosser soigneusement son pelage, ignorant les petits grognements de désaccord de la Demiguise.

« Allons ma belle, tu ne voudrais tout de même pas te présenter les poils emmêlés chez les Français… On dit que ce sont les gens les plus soucieux de leur toilette que la Terre ait jamais portés… Il ne faudrait pas faire mauvaise impression… »

Une fois lustrée, Mim courut se réfugier sous le lit, et entreprit, boudeuse, de retrouver le désordre confortable de sa fourrure… Réprimant un sourire, Skia se contenta de hausser les épaules et rassembla avec précaution les poils de l'animal restés sur sa brosse. D'un geste négligent du poignet, elle conjura ensuite un rouet et un fuseau qui s'activait déjà à tisser une cape faite d'un étrange matériau. Sans se démonter, Skia tordit rapidement la petite pelote de poil en un fil lisse et confia le tout à la machine. L'idée de se faire une cape d'invisibilité lui était venue quelques mois auparavant alors qu'elle avait retrouvé sous une armoire une de ses capes préférées qui semblait ornées d'un énorme trou en son milieu. Il s'était avéré que l'accroc était inexistant, et que ce n'était qu'un tas de poils du petit animal qui avait donné cette illusion. Ce moyen d'obtenir une cape aussi utile était certes plus long, mais aussi moins… définitif que celui que son père avait voulu mettre en application, à savoir écorcher la Demiguise.

Un peu plus tard, alors qu'elle avait tranquillement rassemblé quelques affaires nécessaires pour son voyage, la jeune fille entendit résonner des pas furieux dans les couloirs. Vivement, elle rassembla ses affaires de voyages dans un sac qu'elle envoya auprès de Mim, et dissimula le rouet sur le point de terminer sa tâche sous l'une de ses couvertures, ne sachant que trop bien qui approchait. Et apparemment, son père ne se souciait pas de réveiller toute la maisonnée, ce qui signifiait qu'il était dans une colère noire. Etant donné qu'Amelia était la seule à pouvoir susciter une telle colère, mieux valait se préparer à l'orage. Elle n'eut que le temps de transfigurer ses vêtements de voyage en chemise de nuit, avant que son père ne pénètre dans la pièce, faisant exploser au passage les barrières magiques que la jeune fille avait une fois de plus oublié de lever.

« Jamais deux sans trois ! Mais y aura-t-il vraiment une troisième fois ? » pensa-t-elle distraitement, avant que son regard ne tombe sur la petite silhouette cachée dans l'ombre de son père. Un Gobelin… « Mauvais, très très mauvais !!! »

Sans plus réfléchir, elle sauta à terre, récupérant sous le lit son sac auquel une Mim invisible de peur se cramponnait désespérément, mais Lord Black fut plus rapide qu'elle et la rejeta brutalement sur son lit. Le père et la fille s'affrontèrent du regard ; si les yeux pouvaient tuer, ils seraient sans nul doute étendus tous deux au sol, sans vie.

« Comment as-tu osé… cracha le Lord, la baguette levée. Tes frasques ne te suffisaient donc pas ! Il a fallu que tu proposes tes services à ces incapables d'Aurors, reniant par ce geste même ta propre famille ! Je n'avait pas voulu ajouter fois aux ragots, tu n'étais pas la seule Metamorphmagus existant en Angleterre, mais maintenant… Mon sang ne déméritera pas le nom des Blacks ! s'écria-t-il. Avada

-Non !!! hurla le Gobelin, en agrippant son bras. Son meurtre ne pourrait que vous nuire et faire péricliter notre projet !

A ce même moment, le rouet, ayant fini de tisser la cape, se mit à vrombir sous la couverture jetée négligemment sur lui. Profitant de ces deux diversions, la jeune Black attira à elle la cape d'invisibilité ainsi que son balai à l'aide d'un Accio, et fonça à travers la fenêtre, une Mim invisible glissée dans le sac qu'elle tenait toujours.

Malgré sa fuite, Skia ne s'éloigna pas tout de suite de la maison honnie, mais se contenta plutôt de prendre de la hauteur, échappant ainsi aux hurlements furieux et à la vue de son père, et s'engouffra en douceur dans la volière familiale. Se saisissant d'un bout de parchemin préparé de longue date dissimulé dans un replis de son sac, elle l'attacha sans tarder à la patte d'un hibou, l'enjoignant d'apporter le message au plus vite au Supérieur des Aurors. Ceci fait, elle redécolla, ignorant les gémissements paniqués de Mim, terrifiée par les hauteurs. Après que l'animal lui ait occasionné bon nombre d'embardées vertigineuses, Skia se décida à lui jeter un Somnum cape ! pour plus de sécurité.

« Et tu oses me reprocher d'avoir la frousse des araignées… Franchement, qu'est-ce qu'une trentaine de mètres d'altitude face à une sanguinaire arachnide armée de six pattes et de deux féroces mandibules frémissantes à l'idée de me bouffer ? »

§

Beaucoup plus tard…

« Maudite gamine infernale ! J'avais bien dit qu'une femme ne ferait que nous apporter des ennuis, mais croyez-vous que l'on m'ait écout ? Non, bien sûr ! Le vieux Figg ne sait faire que radoter, qu'ils disent … Vieil oiseau de mauvais augure… Ah ça il n'a pas le talent de sa mère-grand ! Et blablabla ! Et blablabla ! Fichue marmaille… Ca n'a même pas de poils au menton et ça se permet de bavasser sur les anciens… Et bien sûr, maintenant que la donzelle est en détresse, qui envoie-t-on sur son vieux balai aux blanches brindilles ? Le vieux Figg bien sûr ! Ah je l'aurait méritée ma retraite ! »

Le sorcier émit un grognement excédé tout en relevant le col de sa cape. La nuit était glaciale au sol, et certainement polaire en altitude.

« … il y a pourtant longtemps que j'ai dépassé l'âge légal des Princes Charmants, moi ! Foutue gamine… Et cet idiot de Chef du Conseil qui me répétait combien il était vital pour la nation sorcière de ramener la brebis égarée au bercail… Et la nation par-ci, et sa survie par-là… Il voulait plutôt dire son mandat de Chef, oui ! Quand je pense que le patron a osé m'envoyer courir après cette tête-en-l'air… Mais qui l'avait envoyée là-bas après tout ? Qui lui a agité sous le nez une possibilité de libert ? Et on ose dire, oui monsieur, qu'il assume parfaitement ses fonctions… Mais où va la jeunesse si les adultes foirent leurs décisions ? »

Marmonnant encore quelques imprécations dans sa barbe, il décolla en douceur et s'enfonça dans l'obscurité, veillant à profiter de la couverture nuageuse. Il sentait déjà le rhume et les rhumatismes pointer le bout de leurs vilaines petites bouilles…

§

Dimanche 15 octobre 1307, port de La Rochelle, 3h59.

Deux jeunes gens, rentrant sans aucun doute d'une nuit de débauche cheminaient paisiblement dans le quartier proche du chantier naval, leurs pas résonnant à peine dans les rues encore endormies.

« IL EST QUATRE HEURES ET TOUT VA BIEN ! DORMEZ BONNES GENS !!!!

Splash !

Le jeune homme, la chevelure brune tirée élégamment en arrière, habillé de pied en cape pour la première fois de sa vie en véritable noble sire venait d'entrer en collision avec ce qu'il assuma être un seau d'eau. Ou plutôt un seau d'eau venait d'entrer en collision avec lui. Glacé qui plus est.

Bien.

La réaction ne se fit pas attendre.

-La FOUIIIIIIIIIIIIIIIIIIINEUUUUUUUUHHHHHH !!! Nan mais ça va pas de hurler ça alors que JE suis sous une fenêtre ???!!!

-Tu portes si bien le seau, Latro… , se moqua son compagnon, je n'ai pas pu résister ! Au fait, tu me dois deux écus… Tu avais parié pour le pot de chambre la dernière fois.

-Même pas vrai d'abord ! Ce pari concernait uniquement ce que TU prendrais sur la t

Le jeune homme se figea soudain alors qu'ils avaient pratiquement atteint la grève, comme frappé par une révélation.

« Dis, tu crois que les gens s'entraînent au lancer de seau en secret ? Nan, mais franchement ? Mais arrête de rire comme un âne ! Ne me dis pas que tu n'as jamais remarqué qu'ils atteignent toujours leur cible alors qu'on les réveille au beau milieu de la nuit !

-Latro, mon cher ami, étant que la douce aurore aux doigts de rose nous apparaît en ce moment dans son plus splendide apparat, je ne pense pas que le terme d…

-Aurore ? Dans le plus simple appareil ? Mais o ? fit l'autre en regardant dans tous les sens, imaginant déjà la délicate jeune fille s'ébattant dans les eaux océanes…

-Aurore… Aube ! répliqua son compagnon, agacé d'avoir été coupé dans son élan poétique matinal.

-Avec Aude ?

-Mais non ! Aurore, aube, lever de soleil par opposition à crépuscule, bougre d'imbécile !

Latro le fixa d'un air malheureux, prêt à fondre en larmes.

-Comment oses-tu me donner de faux espoirs ?

-Comme on dit, l'espoir fait vivre ! C'est pas demain la veille que tu admireras de tes yeux mon exquise cousine en tenue d'Eve !

-Mais si je le fais pas avec MES yeux, je ne crois pas apprécier autant de le faire à travers les yeux d'un autre… AIEUH ! Mais pourquoi tu m'as tap ?

-Sans commentaire…

-…

-…

-Dis…

-Quoi ?

-Ils avaient prévu un grain pour ce matin dans l'Almanach du Sorcier…

-Ouaip.

-Mais ça, ça dépasse la taille du grain réglementaire, non ? Si tu veux mon avis, fais-toi rembourser ton abonnement.

-Il ne t'est bien sûr pas venu à l'esprit que cette chose n'était pas un grain ? demanda poliment le blond.

-Maintenant que tu le dis et que la chose s'est rapprochée, je dirai que ça ressemble plutôt à… une sorte d'énorme … araignée… volante… douée de la parole… et d'un sacré vocabulaire… et … oh non pas elle ! s'affola-t-il soudain en voyant la 'chose' se rapprocher de plus en plus vite d'eux sans faire mine de ralentir.

-Elle ? releva, circonspect, son ami.

-Pose pas de question, et COURS !!! répondit l'autre en entamant un sprint.

Malheureusement, il ne put éviter sa deuxième collision de la journée.

Après un réjouissant concert de grognements, de gémissements, de jurons particulièrement colorés et de recrachage de sable mouillé, Latro fit face à son assaillant volant.

-Skia, ma douce, je suis conscient de te faire perdre la tête par la seule vue de ma personne, mais c'est pas une raison pour te jeter à la mienne ! En privé, je ne dis pas, mais tout de même, pas devant témoin !

L'autre sembla prête à répliquer vertement, mais elle se figea.

-Latro ?

-En chair, en os et en magie ! Et lui c'est La Fouine… parce qu'il adore mettre son précieux petit museau dans les affaires des autres ! Mais dis-moi, c'est pas très gentil de ne pas me prévenir de ton arrivée ! Si j'avais su, j'aurai prévu de te consacrer un peu de mon précieux temps, tiens, et même des vêtements, mais ne t'y habitues pas, hein, parce que ç'aurait été seulement parce que j'en aurais eu l'occasion ! Et comme l'occasion fait le larron comme dit le proverbe…Jolie cape au fait ! Elle vaut presque la mienne ! Où est-ce que tu l'as volée ? babilla-t-il en tentant de découvrir la tête de la jeune fille. Ou plutôt devrais-je demander… lequel de tes copains Aurors te l'a offerte par amour pour tes beaux yeux ? finit-il en se rembrunissant.

-Pas touche ! le coupa-t-elle en administrant une légère incision dans la main baladeuse à l'aide d'un poignard qu'elle avait soigneusement dissimulé jusque là. Et puis d'abord, comment tu m'as reconnue ?

-Il n'y a que toi pour jurer par tous mes pseudonymes…, répliqua le brun. Dis, tu me souhaites vraiment de me retrouver pendu par les …

-Tout ça, c'est du pass ! Latro, mon cher, j'ai une proposition à te faire ! fit soudain Skia, en rejetant soigneusement la capuche qui masquait son visage aux deux jeunes gens.

Le mouvement eut l'effet escompté, et elle put récupérer furtivement une Mim encore sonnée sur le sable et la ranger sous son ample manteau sans qu'ils s'en aperçoivent, trop occupés à fixer son pâle visage angélique serti de deux magnifiques yeux couleur d'opale et ses boucles d'un blond foncé contrastaient étrangement avec les deux mèches presque blanches qui folâtraient sur ses joues.

-Ah non ! La dernière fois que je t'ai écoutée, j'ai du quitter en catastrophe le pays ! protesta le brun après s'être remis du choc.

-Et si je te dis que c'est le genre de proposition que tu es incapable de refuser ? minauda la jeune fille en battant des cils.

A suivre…

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Petites précisions :

Le mot Skia vient du grec qui se prononce pareil et qui signifie 'ombre'. Sous ce pseudo, Amelia a donc bien pu se faire passer pour un homme parmi les Aurors et autres.

D'autre part, je ne choisis pas les noms de mes personnages au hasard, ça intéresse quelqu'un d'avoir les équivalences françaises des noms latins ?

Dans ce chapitre apparaissent bien des personnages. Est-il nécessaire de faire un rappel à chaque chapitre ?

Les formules :

-Tout le monde connaît l'Accio et l'Avada Kedavra je pense, vu qu'ils sont mentionnés dans l'œuvre de Rowling.

-Somnum cape ! endort la personne (ou dans la situation présente l'animal) visé.

§

Réponses aux reviews :

Lulu-Cyfair : Et voilà la suite des aventures de Skia ! Ou plutôt de Gwendoline ! J'espère que ça te plait toujours ! Un grand merci pour ta review ! Je commençais à croire que ce que j'écrivais seule n'avait pas grand intérêt…

Docteur Gribouille : Heureuse que ça te plaise ! En effet, il y a longtemps que j'avais écrit ce premier chapitre, et même une partie du deuxième, mais je n'avais plus d'idées pour la suite ! En fait je pensais faire uniquement une fic humoristique, mais récemment j'ai eu l'idée de bâtir toute une intrigue qui sera le fil rouge de l'histoire et qui me permettra d'insérer les éléments comiques que j'avais en tête depuis le début. En tout cas, je promets de ne pas la laisser non finie ! Merci de ta review ! Je pensais que personne n'avait aimé cette fic lors de sa première mise en ligne sur ce site, c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je me suis découragée et que je ne l'ai pas continué avant aujourd'hui.