Non non, vous ne rêvez pas, voici le chapitre 19 en cette belle nuit entre un mercredi et un jeudi. Faut dire aussi que j'ai décidé de finir cette année avant le nouvel an, alors donc… Voili voilà, ce chapitre est l'avant dernier ! Donc le prochain est le dernier (logique implacable)

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Chapitre 19 : Le gardien des rêves

Remus regarda par la fenêtre du bureau directorial le soleil haut dans le ciel. Il n'avait dû s'écouler qu'une ou deux heures depuis son transport dans le sinistre château alors que cette période lui avait semblé une éternité dans les couloirs obscurs où le jour n'existait pas.

Il ignorait combien de temps exactement Dumbledore l'avait laissé sous la garde de l'Auror, ni pourquoi il ne l'avait pas directement renvoyé à Poudlard, mais lorsqu'il était revenu, il lui avait tendu un mouchoir en lui demandant de l'attendre dans son bureau. Un portoloin, évidemment, qui l'avait ramené au collège.

Il resta un long moment à simplement fixer le paysage inondé de soleil, sans même chercher à observer les lieux, mais bien vite, un tournis lui rappela son état de fatigue et il chancela jusqu'à un fauteuil, s'endormant dans la seconde où il s'y installa.

Une pression sur son épaule le réveilla une minute après qu'il se soit laissé porté par le sommeil, du moins lui semblait-il car lorsqu'il ouvrit difficilement les yeux, il put constater que des bougies avaient été allumées et que des étoiles scintillaient dans le ciel désormais nocturne.

- Comment vous sentez-vous ?

Il tourna la tête vers son directeur qui lui adressait un sourire rassurant et réalisa à ce moment là qu'il se trouvait dans son fauteuil.

- Je suis désolé, souffla-t-il en faisant mine de se lever.

- Vous avez bien le droit de vous asseoir ici, le rassura Dumbledore en mettant sa main sur son épaule pour le maintenir en place. De plus, je ne suis pas certain que vous soyez en état de tenir debout.

Remus le regarda un instant avant de soupirer. Il avait raison, son corps semblait peser des tonnes et ses jambes ne risquaient pas de le supporter plus de quelques secondes. Pourtant, étrangement, ce poids ne paraissait pas particulièrement venir d'une faiblesse musculaire mais plutôt d'un manque de volonté qu'il ne parvenait pas à surmonter.

Dumbledore sortit d'une de ses poches une petite fiole contenant un liquide ambré qu'il déboucha avant de lui tendre.

- Toute conversation avant que vous n'ayez pris ce remède ne servira à rien.

- Remède ? répéta Remus sans prendre le flacon.

- Buvez cette potion et je vous expliquerai après, lui assura le directeur. Je dois cependant vous prévenir que le contrecoup risque d'être assez brutal.

Le garçon hocha la tête, n'ayant pas très envie de réfléchir, et avala la potion proposée. Il ne ressentit d'abord qu'une sensation de chaleur dans son ventre, mais celle-ci se transforma rapidement en un fourmillement glacial qui se répandit dans ses veines à travers tout son corps, lui faisant désagréablement prendre conscience du moindre de ses vaisseaux sanguins. Lorsque la sensation engloba son cerveau, il poussa un gémissement et se prit la tête entre les mains avec l'impression qu'il venait de heurter le bord tranchant d'un mur d'acier. Une nausée le submergea et il tomba à genoux aux pieds du fauteuil en vomissant tout ce que son estomac pouvait contenir.

Une main qu'on passait doucement dans son dos le réchauffa quelque peu mais ne calma pas le bourdonnement incessant de son crâne. Puis, progressivement, tout se calma et Remus se sentit très mal à l'aise. Toutes les impressions de lourdeur avaient disparu mais il était désormais trop léger, son esprit était trop clair, comme s'il n'existait plus vraiment.

- Remus ? Vous m'entendez ?

La voix de Dumbledore lui apparut comme une bouée de sauvetage à laquelle il se raccrocha pour retrouver sa consistance. Cela fonctionna et tout lui apparut soudain plus réel alors qu'il levait les yeux vers le vieux sorcier. Presque trop réel…

Les souvenirs de ces derniers mois déferlèrent dans son esprit, mais cette fois-ci il était à même de les comprendre et les analyser, d'appréhender pleinement leur signification. Au fur et à mesure que cette période se reconstruisait dans son esprit, son visage pâlissait et le regard qu'il lança à Dumbledore était presque suppliant lorsqu'il posa sa question.

- Mon père…

- Je suis désolé. Votre père est bel et bien mort.

Il secoua la tête, des tremblements parcourant son corps alors que des larmes glissaient sur ses joues. C'était un cauchemar, il allait se réveiller, ça ne pouvait qu'être un cauchemar…

- Non… Non… NON !

Ses pleurs s'écoulaient sans qu'il puisse les retenir, son cœur serré d'une douleur à l'en faire éclater, et lorsqu'il sentit l'homme en face de lui se rapprocher, il ne réfléchit pas avant de saisir ses robes et d'enfouir sa tête dedans, ayant besoin d'un contact, n'importe lequel, pour ne pas sombrer, pour ne pas devenir fou. Mais derrière la souffrance, une autre question se profilait, plus angoissante quelque part, comme son sort lui était inconnu, alors il releva à nouveau le visage, inquiet, son cœur toujours serré mais ses pleurs cessant.

- Où est ma mère ? Je… Je dois la voir…

- Les Weasley l'ont accueillie chez eux, elle s'y trouve en ce moment. Ils s'occupent bien d'elle, je peux vous l'assurer. Dès demain, vous pourrez vous rendre auprès d'elle, mais il est trop tard pour le moment et nous devons mettre certaines choses au point. Vous comprenez ?

Remus passa une main tremblante sur son visage et hocha la tête. Il réalisa qu'il se trouvait toujours agenouillé au sol et se releva difficilement, ses jambes ayant du mal à le porter sous le coup de l'émotion.

- Vous devriez vous rasseoir.

- Non, je… Je préfère rester debout.

Il inspira profondément en fermant les yeux, essayant de ne pas penser à son père, mais c'était impossible.

- Où est-il ? demanda-t-il sans ouvrir les yeux.

- Dans un service de Ste Mangouste. Ils ont accepté de conserver son corps jusqu'à ce que vous le réclamiez.

Remus ouvrit ses paupières et fixa Dumbledore, mais cette fois-ci, il n'osa pas poser la question. Sa mère était en vie et se trouvait auprès d'amis sûrs. Elle devait simplement être encore sous le choc, il ne pouvait y avoir d'autres raisons qui l'auraient empêchée de s'occuper de l'enterrement ou même de venir le voir…

- Remus, je ne veux rien vous imposer et je comprendrai si vous préfériez être seul, mais je pense qu'il est important autant pour vous que pour les besoins de l'enquête sur ce qui s'est passé que nous en discutions maintenant.

- Je sais… souffla le garçon. Je veux des réponses moi aussi et… Le professeur Carvi, est-ce qu'il s'est enfui ?

- Non, nous avons pu le capturer et nous avons eu le temps de l'interroger sous Veritaserum, ce qui nous a permis de récupérer le remède que vous venez de prendre.

- Un remède contre quoi ?

Se focaliser sur Carvi lui permettait de mettre dans un coin de son esprit tout le reste, réalisa-t-il, et lorsqu'un frisson le parcourut comme une image de son père s'imposait à lui, il préféra se concentrer sur sa mère.

- Il s'agit d'une potion d'éclaircissement de l'esprit qui a apparemment été inventée par un des fidèles de Voldemort. Lors de son interrogatoire, Carvi nous a avoué vous avoir fait ingurgiter de faibles doses de potion de confusion tout au long de l'année et son maître comptait vous rendre toutes vos facultés avec cet antidote, qui a également la propriété de détruire la potion de confusion se trouvant dans votre organisme.

- Mais comment… Le thé… murmura Remus, les yeux écarquillés.

- En effet, il mettait une dose dans votre thé à chaque fois que vous alliez dans son bureau. Wilhelm Carvi n'est pas seulement un excellent botaniste, il est également l'un des meilleurs préparateurs de potion qui existe.

- Je ne comprends pas… Je me sentais bien en sortant de chez lui et je n'ai pas eu l'esprit confus tout au long de l'année alors que je n'ai jamais cessé d'aller boire du thé avec lui.

- Suivant comme elle est préparée, la potion de confusion agit différemment. Le mélange conçu par Carvi vous donnait dans un premier temps une impression de félicité car elle ôtait tous vos soucis, elle agissait comme un inhibiteur des mauvaises pensées, pour faire simple. Mais ce qui a surtout joué, c'est la manière dont le professeur Carvi vous l'a administrée. Au départ, votre corps n'était pas habitué à la potion, alors il a réagi assez facilement à ses effets, vous rendant confus et irritable, mais sur des laps de temps plutôt courts, quelques jours. Par la suite, vous vous êtes accoutumé aux effets et la potion n'a donc plus eu aucune prise si ce n'est quelques effets secondaires, comme des vertiges ou des maux de tête. Le problème, c'est qu'à un certain moment, votre corps n'a plus pu supprimer la potion et elle s'est accumulée dans votre organisme, vous rendant non seulement de nouveau sensible mais en plus de manière plus importante et continue. Votre corps a saturé et il est heureux que Voldemort vous souhaitait en pleine possession de vos moyens, car à plus fortes doses, les effets auraient été irréversibles.

- C'était évident… Comment ne m'en suis-je pas rendu compte ?

- Vous n'avez pas à vous en vouloir, Carvi a bien joué son jeu et nous a tous berné, y compris moi. Si une personne doit culpabiliser ici, il s'agit de moi, qui vous ai mis en danger et n'ai pas réussi à voir ce qu'il se passait juste sous mon nez.

Le regard de Dumbledore était grave et Remus eut un faible sourire.

- Tant qu'à faire de se rejeter les responsabilités, autant les mettre sur le dos de Voldemort, remarqua-t-il, recevant en retour un sourire approbateur du vieux sorcier. Mais… Que me voulait-il ? Pourquoi ne pas m'avoir simplement fait transporter avec les autres ? Et qu'est-ce qu'il attendait d'eux ?

- Pour vos camarades, Voldemort les avait choisi suivant des critères faciles à comprendre : les Sangs-purs les plus puissants de l'école, qu'il était quasiment assuré de ne jamais voir venir vers lui de leur plein gré.

- Pourtant Evans…

- Certains se sont retrouvés là-bas par erreur ou tout simplement parce qu'ils touchaient le portoloin d'un autre lorsqu'il s'est actionné. Je suppose que vous savez, monsieur Lupin, la difficulté de faire ainsi fonctionner plusieurs portoloins au même moment, surtout dans la mesure où Voldemort voulait être certain que tous arriveraient en même temps. Il a utilisé une ancienne technique qui repose sur la latence de la magie. Les badges étaient déjà des portoloins lorsqu'ils ont été distribués, mais seule leur destination était alors définie, ils n'étaient pas encore actionnés. Voldemort n'a levé ce blocage que lorsqu'il a souhaité les amener à lui, mais pour qu'ils se mettent en action, il fallait que tous les portoloins soient portés par quelqu'un, chacun étant lié aux autres.

- Je suppose que ce sortilège ne fait pas la distinction du porteur du badge ?

- En effet. La seule condition pour cet enchantement est que le portoloin soit porté par quelqu'un, mais cette personne peutêtre n'importe qui. Pour une raison ou une autre, il y a dû y avoir des échanges de badge.

- J'ai donné le mien à Evans, remarqua Remus.

- Voldemort voulait être certain de vous récupérer.

- Pourquoi ? répéta Remus. Je suis un Sang-mêlé et si je ne suis pas un mauvais élève, je ne suis pas non plus parmi les meilleurs. Si cela a un rapport avec le garou, qu'espérait-il de moi ? Une fois l'esprit clair, il était inconcevable que j'accepte de l'aider, il devait bien le savoir ! Je ne comp…

Il se tût brusquement, le regard fixé sur un point invisible. La conversation interrompue par Carvi qu'il avait eue avec Fitevil l'an passé lui revenait en mémoire.

« - Monsieur Lupin, pensez-vous être conscient de ce qu'implique votre situation de loup-garou ?

- Je pense oui.

- Moi je ne crois pas. Si vous connaissez les implications cliniques de votre maladie, j'ai bien l'impression que vous ne réalisez pas ce que cela signifie pour votre puissance.

- Ma puissance ?

- Il s'agit avant tout d'une puissance physique, en tant qu'être humain, mais également psychique. Saviez-vous, par exemple, que les lycanthropes développaient des capacités d'occlumancie impressionnante à force de combattre le garou ?

- L'occlumancie ? Je ne pense pas être doué pour…

- C'est bien ça le problème avec vous, Lupin, vous ne pensez pas assez. Si vous parvenez à contrôler le garou, si vous, en tant qu'humain, pouvez acquérir les capacités du garou, voir les mêler à votre puissance magique, avez-vous pensé à ce que vous ferez de ce pouvoir ? Avec ces pouvoirs, il y a de nombreuses choses dont vous serez capable, mais reste à savoir de quelle manière et pourquoi vous utiliserez ces dons… »

- Le professeur Fitevil avait essayé de me mettre en garde, constata-t-il, incrédule. Je pensais que c'était elle qui voulait m'avoir mais en fait… Qu'est-ce que ça signifie ?

Dumbledore observa un instant son élève puis poussa un faible soupir.

- Le professeur Carvi nous a également révélé cela. Angèle Fitevil est arrivée à Poudlard quelques années avant Wilhelm Carvi. D'après ce que je sais, ils firent connaissance peu avant l'arrivée de ce dernier en tant que professeur, en 1968, et ils ont eu une relation qui a duré à peu près deux ans. Le professeur Carvi était déjà un Mangemort et il a entraîné Angèle à sa suite, la convaincant d'une manière ou d'une autre d'embrasser les idéaux de Voldemort. Seulement, à cette époque, Voldemort ne faisait pas encore vraiment parler de lui, s'engager à ses côtés ne relevait pas encore de devenir meurtrier ou pire encore. Quand il a commencé à montrer sa vraie nature, le doute a envahi Angèle Fitevil, mais pas assez pour qu'elle se détourne de lui. Et puis vous et vos camarades êtes entrés en scène…

Il marqua une courte pause, son regard perçant plongé dans celui de son élève, avant de poursuivre.

- D'après Wilhelm Carvi, elle n'avait été impliquée que dans la mission te concernant, pas celle qui a abouti à l'enlèvement massif d'aujourd'hui. Il n'est un secret pour personne qu'Angèle Fitevil n'a jamais vraiment apprécié les loups-garous, mais apparemment, elle ne pouvait se résoudre à te livrer à Voldemort. Elle s'est mise à contrer Wilhelm sans prendre ouvertement position contre Voldemort, mais arrivé à la fin de l'année, le professeur Carvi a considéré qu'elle finirait par réellement les trahir et l'a tuée avant qu'elle puisse venir me parler.

- Il l'a tuée de sang-froid ? demanda Remus, se sentant de nouveau pâlir.

- S'il est une chose que nous avons apprise de Wilhelm Carvi ces dernières heures, c'est qu'il est fou à lier, soupira Dumbledore. Malheureusement, il est également un génie, et je ne parle pas que de la botanique et des potions mais de son talent pour la comédie. Angèle Fitevil était une femme intelligente et vous l'êtes également Remus, cela ne l'a pas empêché de vous tromper, tout comme il l'a fait avec moi et tous les autres.

Remus ne répondit pas, se perdant à nouveau dans ses pensées. C'était agréable mais également déstabilisant de pouvoir raisonner clairement après tous ces mois de confusion et il se rendit compte qu'il avait tendance à plus se concentrer sur ses idées maintenant qu'il pouvait les analyser avec lucidité.

- Est-il à Poudlard ? se renseigna-t-il soudain. Le professeur Carvi, est-ce qu'il est ici ?

- Il l'est toujours. J'ai demandé aux Aurors de patienter au cas où vous auriez souhaité le voir. Je tiens cependant à vous avertir qu'il n'a plus aucune raison de jouer son rôle désormais. Le professeur que vous avez cru connaître n'a jamais existé.

- Je sais mais… J'ai besoin de le voir. Juste pour l'entendre de sa bouche.

- Je comprends, je vais le faire venir dans ce cas.

Il appela un fantôme qu'il envoya mander les Aurors ainsi que leur prisonnier. Quand il fut sorti, Remus se tourna à nouveau vers Dumbledore comme il avait laissé son regard errer dans la pièce. Maintenant que son esprit était clair, il ressentait un besoin presque vital de remettre en place tout ce qui lui avait échappé ces derniers mois.

- Je ne me souviens plus très bien de ce qui s'est passé dans le repaire de Voldemort mais comment avez-vous pu arriver jusque là ?

- Lorsque les élèves ont disparu, nous n'avions aucun moyen de savoir où ils avaient été transportés. J'ai utilisé de nombreux réseaux pour tenter de les retrouver mais sans succès. A peu près une heure après votre disparition, une chauve-souris est arrivée, celle de votre ami James Potter, pour être précis, et s'est montrée très insistante à mon égard. Elle revenait du quartier général de Voldemort et nous n'avons eu qu'à lui appliquer un sortilège de traçage rétrospectif pour connaître son point de départ. Après avoir rassemblé plusieurs hommes, nous avons transplané devant le château puisqu'un anti-transplanage était actif à l'intérieur et nous vous avons retrouvés.

- Aussi simplement ? s'étonna Remus.

- Voldemort ne s'attendait pas à ce que certains élèves ne se retrouvent pas à l'endroit où ils auraient dû être transportés. La raison de cette erreur de destination reste d'ailleurs encore obscure. Sans le message de vos amis, nous n'aurions jamais pu trouver cet endroit puisqu'il fait parti de ceux où on ne peut se rendre qu'en y étant déjà allé.

- Et Jugson ? James, Sirius et Peter avaient tendance à le prendre pour un Mangemort, comme beaucoup d'élèves, à cause des autres professeurs et de leur attitude à son encontre. J'ai assisté à son duel contre un Mangemort, il nous a protégé, Peter et moi, n'est-ce pas ?

- Frater Jugson était quelqu'un en qui j'avais une confiance absolue. Je ne peux vous en donner toutes les raisons car il aurait fallu que vous le connaissiez, ce qui aurait été impossible par ailleurs vu qu'il n'appréciait pas les loups-garous.

- Avait-il une raison particulière ?

- Pas la moindre. Beaucoup de personnes, malheureusement, n'aiment pas les gens qui sont différents d'eux, de quelque manière que ce soit. Ce n'est pas pour ça qu'on ne peut pas leur faire confiance. Frater Jugson a en effet été un exécuteur, mais contrairement à certains de ses collègues, il n'a jamais tué d'autres loups-garous que ceux qui présentaient un danger immédiat pour une population. Je ne dis pas que je l'ai approuvé mais il ne s'est jamais montré cruel. Les gens sont complexes, ils ont leurs bons et mauvais côtés et on ne peut connaître quelqu'un en ne le jugeant que sur ce qu'on voit de lui. S'il est une chose que j'ai eu à reprocher au professeur Jugson, c'est qu'il avait tendance à se laisser emporter par ses sentiments, ce dont vous et monsieur Peterson avez pâti.

- Wilbur Peterson ? Je me rappelle maintenant que le professeur Jugson s'en prenait à lui.

- Parce qu'il a un jumeau, acquiesça Dumbledore, s'attirant un regard perplexe du Gryffondor. Le frère de Wilbur Peterson est un Cracmol. Frater Jugson le savait et a reporté sa colère sur lui parce qu'il n'a jamais pu supporter ce lien qui le liait à son propre jumeau.

- Quel lien ?

- L'Anceps Ortus, je croyais que vous et vos amis étiez au courant.

- C'est vrai qu'ils m'en ont parlé mais je ne m'y suis pas vraiment intéressé.

- Je vois. J'ai pris un risque en acceptant le professeur Jugson ici, parce que l'Anceps Ortus, qui lie les pouvoirs de deux jumeaux, impliquait que son frère, un Mangemort notoire, pouvait contrôler ses agissements. Malgré tout, ce contrôle est limité et Frater Jugson n'est pas homme à être si aisément manipulable. Une fois seulement, cela est arrivé, bien que ce soit Carvi qui nous l'ait appris.

- La fois où il fouillait le bureau, comprit immédiatement Remus.

- Exactement. Voyez-vous, il y avait quelques dissensions au sein des Mangemorts. Le frère du professeur Jugson, Gemel, devait ne lui laisser pratiquement aucun instant de répit afin de lui faire avoir une attitude suspecte qui aurait totalement détourné l'attention de quoi que ce soit d'autre. Cela a fonctionné sur la plupart des professeurs et a été renforcé par l'attitude de Wilhelm Carvi. Cependant Gemel Jugson ignorait qui était le traître dans Poudlard, Voldemort était le seul, avec Fitevil jusqu'à l'année dernière, à savoir qui était réellement Wilhelm Carvi et comptait bien garder cet avantage. Apparemment, Gemel Jugson a désobéi à son maître en cherchant de qui il s'agissait et surtout en trouvant. Le professeur Carvi est parvenu à effacer la mémoire de Frater Jugson sur l'événement et son jumeau a été puni par son maître. Normalement, Frater aurait dû se rappeler l'intrusion de son frère et venir m'en parler.

- Comment pouviez-vous faire autant confiance à Jugson ? demanda Remus, incrédule. Car si vous l'avez choisi en remplacement du professeur Fitevil, c'est que vous deviez lui en accorder une absolue.

- Comme je vous l'ai déjà dit, il aurait fallu que vous connaissiez Frater Jugson de vous-même, mais je pense qu'il a démontré toute la confiance que je pouvais lui accorder aujourd'hui. Si moi je le savais, je regrette que certains aient eu besoin de cela pour le comprendre.

Le professeur Dumbledore ne parlait pas pour Remus et celui-ci le comprit très bien. L'événement avec Jugson restait assez flou en considération de son état de fatigue à ce moment-là, aussi voulut-il demander des précisions au sorcier quand on frappa à la porte.

- Entrez.

Wilhelm Carvi entouré de deux Aurors fit son apparition. Il n'avait nullement l'air effrayé par sa situation, il paraissait même s'ennuyer, mais ses yeux, qui parcoururent la salle d'un air indifférent sans même s'arrêter sur Dumbledore, prirent une lueur d'amusement lorsqu'ils se posèrent sur Remus.

- Je suis ravi de te retrouver en bonne santé, mon petit Remus, lança-t-il d'une voix moqueuse.

- Tu ne parles pas tant qu'on ne t'en donne pas la permission, le reprit assez rudement un des deux Aurors.

- Excusez-nous pour l'attente. Maugrey nous a contacté juste avant que vous nous fassiez demander. Il faudrait que nous emmenions le prisonnier au ministère dès que possible.

- Cela ne prendra pas longtemps, assura Dumbledore sans lâcher Wilhelm Carvi des yeux.

- Vous êtes en train de vous demander comment vous avez pu vous tromper à ce point, pas vrai ? demanda soudain Carvi, narquois. Si ça peut vous rassurer, même mon maître a failli perdre sa patience en ma présence.

Il rigola franchement, comme s'il venait de sortir une bonne blague, et Remus frissonna. Cet homme n'était définitivement pas l'enseignant qu'il avait côtoyé durant quatre ans. Tandis que le prisonnier se faisait de nouveau rabrouer par ses gardiens, le directeur se tourna vers le garçon, l'interrogeant du regard.

Remus se contenta d'abord d'observer l'homme inconnu qui se trouvait devant lui puis se rapprocha tout en gardant une certaine distance. Le visage de son professeur de botanique retrouva une certaine douceur mais derrière, il y avait toujours cette moquerie malsaine qu'il arborait depuis son entrée.

- Alors voilà qui vous êtes réellement, dit-il d'une voix plus rauque qu'il ne l'aurait voulu.

- Cela te blesse Remus ? demanda l'homme d'une voix doucereuse. Tu m'en vois sincèrement navré, cela n'a jamais été dans mes intentions.

- A qui espérez-vous faire croire cela ? demanda Remus en crispant légèrement les doigts. Depuis le départ vous n'aviez qu'une idée en tête. Même avec la méthode Weruish, n'est-ce pas ?

Dumbledore fronça légèrement les sourcils à ses côtés et Carvi eut un petit rire.

- L'accident avec la méthode Weruish en était réellement un. Mon seul but était de développer tes capacités, comme mon maître le désirait. Je me suis attaché à toi, tu sais ? Oh, évidemment, tu n'es encore qu'un gamin naïf et stupide par moments, mais tu as tellement de force en toi. Je ne t'ai jamais menti, mon garçon.

- Vous voulez me faire croire que l'histoire de votre sœur était vraie peut-être ? s'exclama Remus.

- Mais elle l'est. J'ai simplement omis un petit détail : je faisais parti des villageois à l'avoir capturée. Et tu peux me croire, c'était très agréable d'entendre ses os craquer sous mes mains et mes pieds.

Le Gryffondor recula d'un pas, horrifié. L'homme avait dit cela d'un ton neutre, comme s'il s'agissait de quelque chose d'anodin.

- Mais rassure-toi, ajouta-t-il rapidement, ce n'était pas à cause de sa lycanthropie, c'était juste pour m'amuser. Je te promets que je n'ai jamais été répugné par toi.

Remus sentait la nausée lui revenir mais lorsque Dumbledore s'avança d'un pas pour intervenir, il le devança.

- Ce n'est pas grave, assura-t-il en se tournant vers lui, l'air presque dur. J'ai… Je n'avais pas l'esprit très clair ces derniers temps, et je pense que la potion de confusion n'était pas la seule responsable, mais ça n'a plus d'importance. Je ne peux pas faire comme si rien n'était arrivé mais je ne peux pas tout arrêter à cause de cela non plus. Ça lui ferait trop plaisir, ajouta-t-il en regardant Carvi, dont le sourire était redevenu moqueur.

Le garçon planta son regard dans celui de son directeur avec assurance.

- Je vais bien.

- J'avais raison en ce qui te concernait, ricana le Mangemort.

- Toi, tu te tais, grogna l'un des Aurors qui le retenait.

Dumbledore resta un moment à observer son élève puis hocha la tête.

- Vous pouvez l'emmener au ministère. Nous en avons fini avec lui.

Les trois hommes se dirigèrent vers la sortie mais le prisonnier les fit stopper sur le pas de la porte et se retourna à demi.

- Hé gamin ! Si tu changes d'avis, il y aura toujours une place pour toi auprès du Seigneur des Ténèbres.

- On t'a dit de te taire !

L'Auror le bâillonna d'un sortilège et ils sortirent enfin.

Alors que Remus se laissait tomber sur un fauteuil placé devant le bureau directorial, Dumbledore s'installa à sa place pour écrire une courte lettre qu'il fit disparaître d'un coup de baguette magique avant de regarder à nouveau le garçon.

- Vous êtes certain que ça ira ?

L'adolescent hocha la tête en souriant légèrement.

- Ce n'est pas comme si je pouvais me laisser aller, dit-il dans un souffle. Il y a James, Sirius et Peter, je n'ai pas su voir qu'ils étaient près de moi, je ne peux pas les trahir encore une fois.

- Vous ne les avez pas trahi, remarqua Dumbledore en fronçant imperceptiblement les sourcils.

- Si, à ma manière je les ai trahis, et c'est pourquoi je dois tout mettre en œuvre pour que ça ne se reproduise plus. Et puis il y a ma mère, je ne peux pas l'abandonner, surtout pas maintenant. Alors je vais bien. Pour eux, j'irai bien.

- Votre force d'esprit me surprendra toujours, sourit Dumbledore. Vous avez une volonté rare.

- Mes amis l'ont encore plus.

- Et cela leur sera très utile, mais je suis heureux de constater que vous vous êtes affirmé avec le temps, et ce malgré cette année difficile. Vous tous êtes encore jeunes et avez du chemin à parcourir avant de totalement vous connaître, mais j'ai confiance en vous sur ce plan-là. Leurs prouesses en magie ne sont pas tout ce qui donnent leur assurance à vos amis, de même que pour vous. Vous saurez entretenir et faire évoluer cela, jusqu'au jour où vous comprendrez de quoi je veux parler.

- Toute cette histoire me donne l'impression que le temps nous est compté, avoua Remus, mais j'ai envie de le prendre, de prendre le temps de découvrir et de comprendre. Je ne sais pas si je pourrais mais je l'espère.

Il gardait ses yeux sur le ciel étoilé, aussi ne vit-il pas la lueur au fond des yeux du sorcier ainsi que son sourire qui paraissait porter tant d'espoir.

- Professeur, puis-je vous poser une question qui n'a rien à voir ?

- Vous pouvez me demander ce que bon vous semble, mais je ne puis vous assurer d'avoir une réponse.

- Lors de son premier cours sur les loups-garous, le professeur Jugson nous a parlé d'une légende relevant de l'origine de la lycanthropie, est-ce que vous savez quelle part de vérité se trouve dans ce conte ?

- Melissa Dibissa – je suppose que vous connaissez cette lycanlogue – a depuis peu étayé ses théories sur l'origine de la lycanthropie. Une version apparaît des plus plausibles.

Remus reporta totalement son attention sur Dumbledore, qui se cala dans son fauteuil en menant ses mains croisées devant lui, ses coudes reposant sur les accoudoirs.

- La légende que vous a rapporté le professeur Jugson avait en effet un fond de vérité, à savoir que tout est parti d'un homme dont l'animagus était un loup. Cependant, à aucun moment il ne s'est retrouvé bloqué sous sa forme animagus. Il est en revanche vrai que de son union avec une femme est né un enfant loup-garou, qui n'avait pas d'humanité. On ignore ce qui a été à l'origine de cela, on suppose un dérèglement magique venant d'une mauvaise maîtrise de la métamorphose ou du processus y amenant. Cet enfant loup-garou était extrêmement sauvage de nature mais ses parents auraient tout de même essayé de le faire vivre comme un humain. Il a fini par se retourner contre eux et les tuer ainsi que plusieurs autres villageois. Par vengeance, certains parents et amis se sont liés pour le tuer mais leur rage était si grande qu'ils ont maudit toutes les personnes ayant la même catégorie de signature magique que le "maudit" à leur époque. Melissa Dibissa y a vu là une explication de la plus ou moins forte résistance au garou des personnes atteintes, suivant leur catégorie de signature magique, et également la raison pour laquelle les Moldus ne survivent jamais à la lycanthropie.

- Les sorciers qui se sont vengés devaient être très puissants pour étendre ainsi la malédiction, remarqua Remus. Si je me souviens bien, il existe à peu près un millier de catégories de signatures, à répartir sur la population mondiale de sorciers, cela fait toujours un certain nombre.

- Ces sorciers étaient un groupe complet de magie complémentaire, expliqua Dumbledore.

Comme Remus lui adressait un regard perplexe, il poursuivit.

- La majorité des sorciers fait partie d'un groupe de magie complémentaire qui compte généralement entre quatre et sept membres, mais il est en revanche extrêmement rare d'en trouver qui soient réunis, et surtout tous réunis, comme des complémentaires peuvent être répartis sur toute la surface du globe. Le plus grand groupe de complémentaires réuni était certainement celui dont je viens de vous parler puisqu'ils étaient une dizaine. Les règles qui régissent un groupe ne sont pas encore totalement connues, la seule certitude que nous ayons est qu'aucun complémentaire d'un même groupe n'appartient à la même catégorie de signature magique, ensuite la magie semble avoir sa volonté propre pour les associer. Pour te donner un exemple, les quatre fondateurs de Poudlard étaient complémentaires.

Remus réfléchit un moment et leva un regard curieux vers le directeur.

- James et Sirius… Ils sont complémentaires, n'est-ce pas ?

- Cela est fort possible, sourit mystérieusement Dumbledore. Il est cependant peu probable de trouver des complémentaires dont le groupe comprenne moins de quatre personnes.

- Mais vous avez dit vous-même qu'il était tout aussi rare de trouver un groupe complet. James et Sirius doivent faire partie d'un groupe plus vaste… Appartient-on forcément à un groupe de complémentaires ?

- Il existe un nombre infini de signatures magiques, chacune étant unique, et un bon nombre de catégories, il est donc possible de ne pas appartenir à un groupe de complémentaires, les sorciers dans ce cas ont une nature exceptionnelle mais certainement bien incomplète. Il est cependant tout aussi rare qu'un sorcier trouve un jour ses complémentaires et ce n'est pas pour autant que sa magie en sera diminuée.

- A quoi servent les complémentaires dans ce cas ?

- La magie emprunte parfois des voies bien mystérieuses, se contenta de répondre Dumbledore.

Remus préféra ne pas insister mais revint tout de même sur un point qui le tourmentait.

- Alors ce qu'on pensait sur les animaux et les animagi, rien n'est vrai ?

- Pour les animaux, il a été prouvé que s'ils risquaient moins qu'un humain en présence d'un loup-garou, ils n'en restaient pas moins en danger. En revanche, malgré le fait qu'on n'en soit qu'à la théorie, il semblerait effectivement que les animagi n'ont quant à eux rien à craindre. Cela serait dû à ce que les lycanthropes les considèrent comme faisant partie de leur race, or les loups-garous n'ont jamais été cannibales.

Le garçon eut un petit rire sous la remarque du professeur.

- Je crois que je vais y aller. Je pense que mes amis n'iront pas se coucher avant que je les rejoigne pour tout leur expliquer et ça risque de prendre un moment. Mais j'ai compris maintenant, même s'il m'aura fallu du temps.

- Qu'avez-vous compris ?

- J'avais tendance à croire que la confiance était innée, qu'il suffisait que quelqu'un fasse preuve d'une bonne action pour qu'on puisse la lui offrir. J'étais un peu paresseux sur ce plan-là et j'attendais des autres qu'ils me fassent directement confiance parce que je savais qu'ils le pouvaient. Mais les autres ne peuvent pas savoir cela, il faut leur montrer, le leur prouver, et accepter qu'ils doutent de nous. La confiance est certainement la chose la plus dure à acquérir, parce que si nous savons que nous sommes loyaux, ce n'est pas une évidence pour tout autre. On ne peut pas être dans l'esprit de quelqu'un d'autre, il faut accepter qu'on puisse se tromper sur quelqu'un pour savoir faire confiance à une autre personne. Jusqu'à maintenant, je pense que je n'avais pas assez confiance en mes amis et je leur demandais tout sans rien leur donner en échange.

Il eut un sourire triste.

- J'étais bien égoïste, souffla-t-il. Et j'ai commis une grave erreur en donnant ma confiance à une personne qui ne le méritait pas.

- Vous vous êtes trompé, remarqua Dumbledore avec un étrange sourire.

- Et je l'ai accepté, approuva Remus en lui rendant son sourire. Je peux venir à huit heures demain ? demanda-t-il soudain en reprenant un air sérieux.

- Je vais prévenir les Weasley dès ce soir, acquiesça Dumbledore. Et demain je vous amènerai voir votre mère.

Remus hocha une dernière fois la tête puis lui souhaita une bonne nuit avant de sortir.

Sa conversation avec le directeur lui avait fait beaucoup de bien, mais il savait que tout n'avait pas été dit et que la confrontation avec ses amis allait être décisive pour lui. Il avait fait l'erreur de ne pas croire en eux en seconde année et de ne pas accepter leur aide cette année. Il était temps pour lui d'affronter ses peurs et d'accepter de faire face aux difficultés.

o

Après que la porte du bureau se soit refermée, Albus Dumbledore se laissa aller contre le dossier de son fauteuil en caressant sa barbe d'un air réjoui.

- Il m'a bluffé.

Le sorcier tourna un regard amusé vers Tara Milten, qui venait d'apparaître à la place d'une petite armoire et fixait d'un air abasourdi la porte par laquelle Remus venait de partir.

- L'aurais-tu sous-estimé ? demanda-t-il à l'adolescente.

- Jamais de la vie, mais lorsqu'on était dans le château…

Elle ne termina pas sa phrase, se contentant de grimacer avant de se tourner vers Dumbledore. Le professeur la fixait de son regard perçant et elle sut qu'il avait compris qu'elle lui cachait quelque chose, mais elle n'avait pas l'intention de lui en parler.

- J'aurai cru qu'il allait parler de moi, dit-elle pour détourner l'attention du directeur, qui se laissa faire bien que saisissant la manœuvre.

- Tu ne m'as toujours pas dit ce que tu avais fait.

- Bien sûr que non, vous m'avez sermonné le temps que nous avons parlé, remarqua Tara avec un petit sourire.

- Cela aurait pu très mal tourner, remarqua Dumbledore en prenant un air grave. Je te fais confiance lorsque tu me dis que tu ne t'attendais pas à ce que le transport soit aussi proche dans le temps, mais la prochaine fois, je préférerai que tu viennes me voir en premier lieu.

- Je sais et vous avez raison, soupira Tara en s'asseyant, mais je n'ai pas vraiment réfléchi, j'ai agi dans l'urgence. Quant à Remus… Elle retrouva son sourire malicieux. J'ai utilisé mon Veritas.

- Ton…

Le sorcier la regarda avec un certain étonnement inhabituel chez lui.

- Depuis quand ?

- L'an dernier, seules Lily et Fiona sont au courant. Je vais vous montrer.

Elle se concentra un instant puis une illusion se matérialisa devant elle : une femme d'origine africaine, grande et belle, dont le regard doux rassurait et apaisait l'âme. Ses cheveux noirs étaient emmêlés d'or et son corps était enveloppé dans une toge présentant un dégradé pourpre à lilas décorée de cordons tressés dorés.

- Une protectrice, évidemment, sourit doucement Dumbledore. Les révélateurs du miroir de l'âme sont des magies bien trop personnelles pour que je puisse les détecter, même dans l'enceinte de mon école, mais pourquoi ne pas m'en avoir parlé ?

- A vrai dire, je manquais encore de pratique. C'est la première fois que j'arrive à créer un Veritas aussi réel. Je me suis dit que c'était la meilleure façon d'aborder Remus.

- Apparemment c'était le cas.

- Que voulait faire Voldemort ? Avec les autres élèves et avec Remus ? La pièce où se trouvait Remus n'était même pas fermée.

- Pour monsieur Lupin, je ne pense pas me tromper en disant qu'il cherchait à conserver un certain climat de confiance autour de lui. La particularité d'un loup-garou est qu'on ne peut pas le forcer à se mettre de son côté. Si le but final de Voldemort était de contrôler le garou hors des phases de pleine lune, il lui fallait que Remus soit totalement consentant. Pour les autres élèves, il espérait les rallier à sa cause d'une manière ou d'une autre, mais il les lui fallait à sa portée pour que cela soit possible.

- Et pour Lily, Sirius, James et Peter ? Vous avez une idée de ce qu'il s'est passé ?

Cette fois, le sourire de l'homme revint sur son visage.

- Je l'ignore précisément mais j'ai ma petite idée. Lily Evans n'aurait jamais dû être transportée mais elle avait la broche de Remus Lupin, cependant j'ai appris que Peter Pettigrow avait trouvé le badge de miss Evans et c'est donc celui-ci qui l'a transporté. D'après la liste que nous avons pu obtenir de Wilhelm Carvi, Agathe Kwartz aurait dû être transportée avec les autres, ce qui me laisse penser que pour une raison ou une autre, elle et miss Evans ont échangé leurs badges à un moment donné.

- Mais comment se sont-ils détraqués ?

- N'en as-tu pas une quelconque idée ?

Le directeur l'observait de son air malicieux qu'il avait toujours lorsque la réponse était évidente et il ne le lui dirait pas si elle ne le trouvait pas.

- Si ce que vous dîtes est vrai alors ce sont les badges de Lily, puisque je suppose que l'échange s'est fait en début d'année, Remus, Sirius et James qui… Le choc de rencontre !

- Je constate que ton esprit est toujours aussi fin. J'ai été mis au courant par le professeur Flitwick de cet événement mais je suppose que miss Evans t'en a parlé plus en détail.

- Lily et James se sont envoyés des sortilèges qui, en se percutant, ont émis une onde de magie puissante qui a même eu des répercussions physiques. Maintenant que j'y pense, je me rappelle que Lily râlait parce que son badge avait noirci et qu'elle espérait que ça allait partir. Je trouve ça d'ailleurs surprenant qu'ils n'aient pas compris que c'était dû à leurs baguettes sœurs, ajouta-t-elle avec un sourire amusé.

- Tu pourrais le leur dire, remarqua Dumbledore.

- Oh non ! C'est plus amusant de les laisser trouver par eux-mêmes, rigola Tara. Et puis de toute façon, je ne pense pas qu'ils pourraient comprendre tout ce que ça implique.

Elle marqua une pause, pensive.

- Je me demande, le parchemin couvert de pastilles que j'ai trouvé chez le professeur Carvi, il s'agissait des badges ?

- Un moyen pour lui de savoir si les badges étaient portés ou non, approuva Dumbledore. Il devait s'assurer qu'aucune broche ne se perde durant l'année. Nous pouvons nous estimer heureux que Voldemort ait eu une trop grande confiance en son plan pour ne pas prendre plus de précautions.

- Il ne fera pas la même erreur deux fois mais heureusement vous non plus, remarqua Tara avec un grand sourire. Et puis maintenant, il ne reste plus que des gens de confiance dans Poudlard. Vous savez déjà qui vous allez contacter pour le poste de botanique ?

- Il était déjà prévu que Mme Chourave revienne. Elle avait cette place avant le professeur Carvi et celui-ci n'était là qu'en remplacement pour une durée déterminée de sept ans. Quant au poste de défense contre les forces du Mal, j'ai mon idée sur la question.

- Moi aussi j'ai fait des erreurs.

Dumbledore attendit qu'elle poursuive alors que l'adolescente prenait un air las.

- Je n'ai pas fait assez confiance en mon pouvoir et mon instinct. Wilhelm Carvi a un destin pur négatif, vous savez ? Huit dans tout le collège, mais je me suis aussi laissée tromper par l'apparence en fin de compte. J'avais l'impression qu'il était bien alors si au départ je m'en suis méfiée, j'ai fini par douter de mon instinct. Il faut que je fasse attention bien sûr, mais j'ai jusqu'alors sous-estimé le pouvoir des visionnaires… J'ai vraiment un don complexe et quasiment parfait, n'est-ce pas ?

Elle ne se vantait pas, ce n'était qu'un constat un peu lassé, comme si elle s'en serait volontiers passée.

- Tara, que s'est-il passé là-bas ? demanda Dumbledore en lui adressant un regard inquiet, souhaitant comprendre et l'aider dans ce qui semblait l'avoir blessée.

- Rien que je ne puisse surmonter par moi-même, lui assura Tara en comprenant que nier ne servirait à rien. J'ai… eu un instant de faiblesse, je crois. J'ai simplement besoin de faire le point, après ça ira mieux. Bonne nuit Albus, reposez-vous, vous en avez besoin vous aussi.

Elle s'apprêtait à sortir mais fit soudain demi-tour pour aller déposer un baiser sur la joue du sorcier avec un sourire, comme un enfant aurait embrassé un parent.

- Vous avez le pouvoir de faire en sorte que les gens voient ce qu'il y a de mieux au fond d'eux, même lorsque vous ignorez de ce dont il s'agit. Par-delà toute la magie du monde, celui là surpasse tous les autres pouvoirs, mais je vois moi, ce qu'il y a au fond de votre cœur, et ce n'est pas de l'excentricité, ce n'est pas de la confiance ni même de l'espoir. Vous n'êtes pas totalement bon, Albus, personne ne l'est, mais vous êtes…

Elle s'approcha pour chuchoter au creux de son oreille la fin de sa phrase puis l'embrassa à nouveau avant de s'en aller.

- Vous devez prendre soin de vous aussi, lança-t-elle en souriant.

Derrière elle, le vieux sorcier aux innombrables victoires eut aussi un sourire alors qu'il fermait les yeux, comme s'imprégnant de ce que l'adolescente avait laissé derrière elle, un cocon de douceur qui le faisait se sentir plus jeune et plus sûr de lui.

Tara déboucha dans le couloir mais ne partit pas vers la tour Gryffondor, prenant même le chemin inverse. Il faudrait qu'elle parle avec Lily, et certainement Fiona, mais il y avait plus important pour le moment.

Alors qu'elle avançait, ses pas se firent cependant moins rapides et elle finit par s'arrêter en serrant ses bras autour d'elle, se remémorant ce qu'il s'était passé là-bas. Si elle devait être franche avec elle-même, elle ignorait ce qui lui avait pris. Au départ, lorsqu'elle était arrivée devant la pièce où se trouvait Remus, tout lui avait semblé simple et elle était même parvenue assez aisément à créer son Veritas. Tout avait basculé lorsqu'elle l'avait vu…

Il avait semblé si fragile ainsi recroquevillé qu'elle aurait en toute logique dû avoir l'envie de le serrer dans ses bras pour le rassurer, mais c'était tout le contraire qui s'était produit. Elle avait dû combattre de toutes ses forces un besoin urgent de fuir l'endroit. Pour une raison ou une autre, elle s'était sentie en danger. Malgré tout, elle était parvenue à lui parler jusqu'à la fin avant d'aller se cacher au fond de la pièce. C'est à ce moment là qu'elle n'avait rien pu faire d'autre que se laisser aller.

Elle avait vu Remus lentement reprendre courage et se relever, mais au fur et à mesure qu'il reprenait des forces, elle en avait perdu. Brusquement, sans qu'elle comprenne pourquoi, tout le poids de ses responsabilités et de son pouvoir lui était tombé dessus, à tel point qu'elle avait eu envie de tout abandonner, de tout fuir.

Après le départ de Remus, elle s'était effondrée au sol avec l'envie de disparaître, de ne plus jamais avoir à se mêler de cette guerre qui ne faisait que commencer. Elle s'était sentie faible comme jamais et elle se souvenait clairement avoir souhaité laisser les autres se débrouiller seuls, aussi bien Dumbledore que ses amies. Jamais cela ne lui était arrivé, elle avait toujours su faire face aux conséquences de son pouvoir et s'était elle-même octroyée le rôle de protectrice, alors elle ne comprenait pas ce qui avait pu se passer.

Quand Dumbledore lui avait demandé de l'accompagner dans son bureau, où se trouvait Remus, elle avait eu une légère hésitation, elle avait eu peur d'à nouveau réagir ainsi, mais ça ne s'était pas produit. Elle avait en revanche été impressionnée par la différence entre la manière dont il s'était comporté dans le bureau et dans le repaire de Voldemort. Quelque part, oui, elle avait eu envie de pleurer, sans trop savoir pourquoi, envie d'à nouveau se lamenter, mais ça n'avait pas été aussi fort et elle avait su se contrôler. Cela l'avait cependant conforté dans son idée que cet état était dû à Remus Lupin, restait à comprendre pourquoi.

- Tara ?

Elle se tourna et sourit largement en découvrant Severus, mais le Serpentard, lui, ne souriait pas et était même plus pâle que d'habitude.

- Severus ! Je te cherchais justement, c'est une chance !

Son cousin l'observa un instant puis, sans parler, l'attrapa par le bras pour la mener à travers les couloirs et la faire entrer dans une salle de classe déserte. Il verrouilla la porte et lança un sortilège de silence avant de se tourner vers elle et de l'enlacer fortement. Tara n'était pas du genre à se laisser souvent surprendre, c'était plutôt elle qui surprenait les gens d'ordinaire, mais en l'occurrence, elle était stupéfaite de l'attitude du garçon.

Il finit par la lâcher et la regarda longuement sous son regard perplexe avant de prendre la parole.

- Je t'ai vu te précipiter dans la loge où se trouvait Evans, alors je t'ai suivi et je vous ai vues disparaître, dit-il. Quand j'ai appris que d'autres avaient également disparu et que j'ai vu les airs satisfaits de certaines personnes, j'ai compris qu'il devait être derrière tout ça et…

Il poussa un soupir et la serra à nouveau contre lui.

- J'ai eu peur, souffla-t-il d'une voix tremblante. C'est la première fois que j'ai aussi peur pour quelqu'un.

Tara sourit doucement dans son cou et lui rendit son étreinte avant de l'écarter un peu.

- Mais je suis là maintenant et je vais bien. Je crois que j'irai toujours bien si je sais que tu penses ainsi à moi, ajouta-t-elle.

Severus la regarda un moment avec incrédulité puis sembla soudain réaliser son geste. Il s'éloigna d'elle et haussa les épaules, gêné.

- On s'habitue à tout, tu fais partie de mon quotidien et je n'aime pas changer mes habitudes, grommela-t-il.

- Je n'ai jamais demandé plus que de faire partie de ton quotidien.

Elle avait dit cela avec sincérité et cette phrase arracha un de ses si rares sourires à Severus avant qu'il la regarde gravement, hésitant un instant.

- Tara… Qu'est-ce que tu me caches ?

Sa cousine le regarda avec une joie non dissimulée à cette question et hocha la tête.

- Tu auras mis ton temps, commenta-t-elle.

Dehors, les étoiles brillent, témoins de nombreuses confessions, de certaines colères et de quelques secrets, mais les étoiles ne parlent pas et ces affaires ne sont pour elles que de futiles événements. Ainsi la nuit englobe de son silence les mystères de ces êtres, une histoire derrière l'Histoire qui forge les bases d'un avenir incertain mais inéluctable.

(à suivre…)

J'espère que ce chapitre n'aura pas été trop lourd :-S

Chapitre 20 : discussions entre ami(e)s, enterrement (snif !) et fin de l'année !