Merci à tous pour vos reviews même si un certain nombre d'entre vous m'a quelque peu menacé si je ne m'étais pas rapidement un nouveau chapitre… Enfin, je suppose que ça signifie que ma fic vous a plu. J'espère que ça va continuer car ce chapitre est celui qui m'a posé le plus de problème (à partir du moment où j'ai su que je l'écrirai car avant je n'avais absolument pas prévu ce qui s'y passe mais le déroulement de la fic a entraîné tout ça comme une boule de neige entraîne une avalanche. Bon, cessons là les métaphores. Au début je craignais que ça fasse un peu happy end (sauf que ce n'est pas du tout la fin !) mais là ça vire plutôt presque à la catastrophe. Enfin, à vous de juger !)

Romain, pourquoi faut-il que je coupe toujours mes chapitres à l'instant fatidique ? mais pour garder des lecteurs bien sûr ! Aie, j'ai bien peur que ton idée de harcèlement soit suivie ar beaucoup d'autres personnes… Vous allez finir par m'obliger à fuir dans un pays très lointain où internet n'existe pas !

Didine Potter, je suppose que tu me laisseras tout de même survivre jusqu'à ce que je termine ma fic, mais merci quand même !

Sandeca, des tendances suicidaires moi ? non, plutôt sadiques et je sais que personne n'essaiera de me tuer avant que j'ai terminé ma fic, n'est-ce pas ? est-ce que j'ai honte d'avoir mis Eridan et Harry dans cet état ? pas du tout ! de toute façon, j'ai joué au poker avec eux, ils ont perdu car je sais mieux tricher qu'eux, et donc, ils doivent endurer sans se plaindre et avec le sourire tout ce que je veux !

Augusto, merci merci, enfin quelqu'un qui ne projette pas de me lyncher ! et qui apprécie mes petits effets de suspense…

Zouzou, j'ai bien peur que le délai de parution t'ait paru un peu long mais ce chapitre a été difficile à écrire, il est beaucoup plus long que ce que j'imaginais et je me suis retrouvée envahie par des cousins et cousines dont l'intervalle entre leurs cris laissaient peu de temps à l'inspiration… (oui je sais, toujours des excuses !)

Lannes, bien contente que tu aies aimé ce chapitre, apparemment l'action mêlée au drame c'est ton truc. Sinon, je ne parlerai pas du tome 6 (j'ai déjà lu deux chapitres mais je me suis débrouillée pour savoir à peu près tout ce qui s'y passe) car je sens que je vais être déçue.

Tusaisqui, encore une qui adore ce chapitre et qui projette de me tuer sauf que là, je dois me faire du souci puisque tu sais où j'habite… dois-je te rappeler que si tu me tues, il n'y aura plus de chapitre ? sinon, comme tu t'en doutes, puisque j'écris un autre chapitre, et que tout est du point de vue de Harry (enfin normalement) il y a encore quelque chose après le « et puis… » et comme je ne suis pas très tentée par faire tourner des tables…

Zabou, merci, et effectivement pour ce chapitre il m'a fallut du courage !

Dinue, je vais finir par m'inquiéter. Ça commence à faire beaucoup de personnes qui veulent ma mort là !

Olivia Potter, merci beaucoup, j'espère que tu aimeras toujours autant.

Mélusine Habbot, merci beaucoup. Non ce n'est pas très gai, en même temps, dans le contexte ça paraît difficile. Il fallait bien qu'un jour Harry affronte Voldemort ? sans doute et ce n'est pas fini !

Une intru, c'est vrai je reconnais avoir mis beaucoup de temps à écrire mais ce n'est pas ma faute ! enfin si mais bon, c'était vraiment un chapitre difficile. Je ne tenais pas à ce que ça fasse « tout est bien dans le meilleur des mondes » et vu ce qui se passe… c'est pas facile !

Bonne lecture !

Chapitre 23 : Debout les morts !

Harry avait l'impression de flotter dans une épaisse brume. Il ne sentait plus son corps – en avait-il encore un ? – et ne ressentait, en fait, aucune sensation corporelle. Il n'avait pas mal, pas froid mais son esprit fonctionnait au ralenti. Il ne savait pas où il était ni comment il était arrivé là. Mais ces interrogations lui traversèrent à peine l'esprit, comme une brise légère passant sur un corps nu, un simple frisson, un simple souvenir… Il était tellement plus simple de ne penser à rien, de se laisser flotter dans ce non-réel…

Mais des sons diffus commençaient à parvenir à ses oreilles. Tout d'abord, Harry essaya de chasser ces bruits qui trouaient son cocon de brume mais, plus il luttait plus il les entendait et plus son esprit se remettait à fonctionner. C'était des voix. Plusieurs voix. Mais Harry n'arrivait pas à les reconnaître ni à comprendre ce qu'elles disaient. Ce n'était que des murmures indistincts et son esprit était encore engourdi, mêlé.

Harry essaya de se concentrer, de rapprocher les sons qu'il entendait pour former des mots. Mais des mots dont il ne parvenait toujours pas à trouver le sens ! Pourtant il sentait, il savait qu'il aurait dû comprendre… Harry força un peu plus son esprit. Il avait l'impression de voir les petits messages sous formes de signaux électriques courir dans ses neurones et sauter d'une synapse à une autre. Mais avait-il seulement des yeux pour voir ? Il avait l'impression de se débattre pour écarter la brume, pour se tracer un chemin et voir quelque chose. Toujours ce problème de la vision…

Les sensations revinrent peu à peu. Ce fut d'abord la douleur. Une douleur omniprésente, permanente, qui lui fit prendre conscience qu'il avait bel et bien un corps. Mais la douleur l'arrêta dans sa démarche. N'était-il pas plus simple, plus agréable, de rester dans la brume, dans cette douce torpeur qu'était la non-sensation ? Mais l'esprit de Harry qui avait doucement recommencé à lui envoyer des messages, et qui ne tenait manifestement pas à s'arrêter en si bon chemin, lui cria que la non-sensation c'était la mort, le vide, le néant ! Le néant ? Ce mot rappelait quelque chose à Harry. Mais quoi ? Il fallait qu'il lutte, qu'il lutte pour trouver le chemin pour sortir de cette prison brumeuse et douceâtre !

Harry se concentra à nouveau sur les voix. Il parvenait maintenant à entendre des mots, des mots qui avaient un sens pris séparément : … vu… bouger… mais… espoir…

Harry tendit de toutes ses forces son esprit vers les voix. Il fallait qu'il comprenne ! En comprenant, et seulement en comprenant, il pourrait sortir de cet état, il le savait ! Mais la douleur nuisait à son travail. Pourtant, cette douleur n'avait rien de véritablement intolérable. En fait, c'était plutôt comme s'il avait des courbatures partout après avoir été roué de coups… Mais il avait souffert bien pire, cela il le savait. Quand ? Où ? Pourquoi ? Il ne le savait pas. Mais l'avait-il su ? Cherchait-il à accéder à de nouvelles connaissances ou juste à des souvenirs ?

Harry prit soudain conscience de son poids et il se sentit tomber, tomber dans une longue chute effrayante. Mais malgré une peur grandissante, Harry refusa de vider son esprit pour retrouver l'état rassurant de l'inconscience. Il était courageux. Le courage avait une grande importance dans sa vie, cela aussi il le savait. Puis Harry se sentit heurter quelque chose. Mais il ne s'était pas fait mal, il était juste… surpris. Oui, c'était cela, il avait été surpris de pouvoir entrer en contact avec quelque chose… quelque chose qui n'était pas lui !

Il a bougé ! Je vous jure qu'il a bougé !

Harry avait compris cette fois-ci. Et il avait reconnu une voix de femme, une voix pleine d'excitation et d'espoir même s'il ne comprenait pas les raisons de cette excitation et de cet espoir…

Harry avait pleinement conscience de son corps maintenant et il se rendait bien compte que cette conscience était quelque chose de normal, quelque chose qu'il avait déjà eu. Il était allongé sur le dos, sur quelque chose qui n'était pas vraiment dur, bien que solide, ni vraiment mou, il ne s'y enfonçait pas vraiment. Un mot se formait dans son esprit. Un mot accompagné d'une image. Un matelas. Il était allongé sur un matelas et la chose légère et assez douce qui le recouvrait devait être un drap. Il était donc allongé sur un matelas et recouvert d'un drap. C'était une information. Une information banale sur un fait normal, voire même habituel. Alors qu'est-ce qui ne l'était pas dans cette scène ? Car il y avait quelque chose, cela il en était certain !

Une odeur lui titilla soudain les narines. L'odeur du café chaud. Harry se sentit bêtement heureux. Il avait redécouvert un autre sens et ce sens lui apportait à nouveau une perception habituelle et rassurante. Harry se concentra sur l'odeur comme si elle pouvait avoir sur lui le même effet que l'ingestion de caféine.

C'est vrai ! Moi aussi je l'ai vu bouger !

Une autre voix. Une voix d'homme cette fois-ci, tout aussi excité.

Vous croyez qu'il faut prévenir quelqu'un ?

Encore une autre voix. Mais cette fois, Harry était certain qu'il la connaissait. Il l'avait déjà entendue. Quand ? Dans une autre vie peut-être ? Oui, il l'avait déjà entendue. Souvent. La voix était décidément très familière.

Harry ouvrit les yeux mais il les referma aussitôt, aveuglé par la trop forte luminosité.

Il a ouvert les yeux !

Il faut que vous partiez. Maintenant !

Quoi ? Mais…

S'il se réveille maintenant et qu'il vous voit, comment croyez-vous qu'il réagira ? Vous êtes censés…

De quoi parlaient-ils ? Harry n'arrivait pas à comprendre. Qui étaient ces gens ? Que lui voulaient-ils ? Où était-il ? Harry gémit à cause de l'excès de bruit pour son pauvre cerveau qui venait à peine de décider à réutiliser certaines de ses fonctions.

Tu as raison… Tu crois qu'il faut aller prévenir un guérisseur ? Il n'a pas l'air bien…

Un guérisseur ? Il avait déjà entendu ce mot. Guérisseur… il devait être dans un hôpital. Un hôpital sorcier. A Sainte-Mangouste ? Mais pourquoi ? Que lui était-il arrivé ? Il fallait qu'il se souvienne. Harry entreprit de fouiller sa mémoire. C'était difficile, un véritable embrouillamini. Mais il y avait quelque chose. Quelque chose qui se refusait à sa conscience ! Le vide. Le vide effrayant. Le noir. La peur. La douleur. Des cris ? Un sort. Un combat. Eridan ! Harry se souvint tout d'un coup. Tout lui revint à l'esprit comme une claque dans la figure. Le combat contre Voldemort. Leur impossibilité à le détruire. La dernière solution d'Eridan. Le sort de néantisation. Mais… il ne devrait pas être là ! Il devrait être mort ! Anéanti ! Et Eridan ? Où était-elle ? Vivait-elle ?

Harry se redressa soudainement dans son lit d'hôpital, ouvrant brusquement les yeux. Il fut tout d'abord aveuglé par la lumière puis il finit par s'y habituer. Mais il n'arrivait toujours pas à distinguer quoi que ce soit. Tout était flou !

Là, entendit-il calmement. Reste tranquille, ça va aller.

C'était la voix qu'il connaissait, une voix calme, grave et rassurante. Quelqu'un l'aida à s'installer confortablement en l'appuyant sur des coussins puis lui enfila une paire de lunettes. Harry cligna des yeux plusieurs fois, le regard tourné vers la vague silhouette qui lui faisait face.

Rémus ? finit-il par demander d'une voix hésitante.

Oui, c'est bien moi Harry. Comment te sens-tu ?

Je ne sais pas trop. C'est difficile à dire… Où suis-je ? A Sainte-Mangouste ?

Oui.

Quel jour sommes-nous ?

Le vingt et un août.

Douze jours alors…

Euh… Harry… Il faut vraiment que je te dise quelque chose d'important…

C'est à propos d'Eridan ? le coupa Harry précipitamment. Est-ce qu'elle est…

Non ! cria presque Rémus.

Puis d'une voix plus calme, il ajouta :

Elle est toujours dans le coma. Mais puisque tu en es sorti, il y a un espoir qu'elle se réveille elle aussi…

Rémus désigna de la main un lit à l'autre bout de la chambre. Harry suivit sa main du regard et finit par distinguer une frêle silhouette au milieu des draps blancs. Son cœur se serra. Eridan…

Harry il faut vraiment que…

Harry tourna à nouveau son regard vers l'homme mais il fut bientôt attiré par des bruits qui venaient de derrière la porte. Des voix. Encore. Harry fronça les sourcils. La porte commença à s'ouvrir…

Non ! s'écria Rémus. Pas encore ! Je n'ai pas encore pu lui dire, il n'est pas préparé !

Mais la porte s'était déjà ouverte. Harry écarquilla les yeux avant de se laisser tomber en arrière, les yeux fermés. Ce n'était pas possible ! Non, impossible ! Les personnes qui venaient d'entrer étaient… Elles ne pouvaient pas être là ! C'était un rêve, une illusion formée par son esprit pas encore remis de son long coma. Forcément ! Mais pour des illusions, elles étaient quand même vachement réelles ! Elles s'étaient tues mais Harry pouvait sentir leur présence, leur embarras, il pouvait entendre le pas de l'une d'elle, les froissements de vêtements d'une autre, une autre personne encore qui se tordait les mains… Harry ouvrit à nouveau les yeux. Les illusions n'avaient pas disparu, elles étaient même encore plus présentes qu'auparavant d'une certaine manière.

Harry cacha un soupir derrière un nouveau gémissement. Il ne pouvait pas avoir une vie simple et normale, non c'était trop demander ! Harry se rendit compte qu'il devrait être heureux. Mais l'utilisation du verbe devoir montrait bien tout le problème. Harry ne savait pas ce qu'il ressentait exactement. D'une part car il avait du mal à croire que c'était vrai et que son esprit était encore un peu embrumé mais surtout parce qu'il ne comprenait pas comment c'était possible, quelles seraient les conséquences à part le fait que cela allait encore complexifier sa vie et que cela venait de détruire le peu de stabilité et de certitudes qu'il avait peinées à construire dans sa vie.

Harry se redressa à nouveau et observa les quatre nouveaux arrivants, deux femmes et deux hommes. Il grimaça en voulant réajuster ses lunettes sans savoir si c'était à cause de la douleur produite par le moindre mouvement ou à cause de ce qu'il voyait… et ne comprenait pas.

Vous devriez être morts, finit-il par dire d'une voix calme.

Trois des quatre adultes grimacèrent alors qu'ils se tortillaient, mal à l'aise, sous ses regards trop détachés. Le quatrième, ou plutôt la quatrième, semblait davantage l'étudier et ne pouvait pas s'empêcher de jeter des regards vers le lit à l'autre bout de la pièce. Le lit d'Eridan. Harry observa lui aussi la femme. Après tout, il ne connaissait son existence que depuis à peine plus d'un mois. Mais elle lui ressemblait. Ce n'était pas son portrait craché, non, mais il y avait indéniablement un air de famille. Et les mêmes yeux, du moins dans certains cas. Harry se dit soudainement qu'il aurait pu avoir des souvenirs d'elle, après tout, il l'avait forcément vu avant… Mais il était si jeune, à peine plus d'un an la dernière fois…

Harry pouvait sentir les regards inquiets des trois autres, auxquels s'ajoutaient ceux de Rémus, sur lui. Il ne savait pas vraiment comment réagir mais il sentait confusément qu'il devait dire ou faire quelque chose. Finalement, il opta pour un compromis peu compromettant.

Je suppose que vous êtes Circé Jedusor, dit-il en tendant la main vers la femme.

En effet, répondit celle-ci en prenant sa main. Je suis très heureuse de faire ta connaissance Harry.

Moi aussi d'autant plus que je n'aurai jamais imaginé que cela serait possible.

La femme hocha simplement la tête avant de se reculer, obligeant Harry à lever les yeux vers les trois autres qui se tenaient au pied de son lit. Rémus était toujours à côté de lui et Harry sentit sa main sur son épaule. Harry lui adressa un sourire rassurant.

Je ne sais pas vraiment quoi dire, finit-il par dire. J'ai du mal à croire que je ne suis pas en train de rêver, ou d'avoir des hallucinations… Ce ne serait pas si étonnant que cela vu l'endroit où je me trouve…

C'est normal que tu sois un peu déboussolé, finit par dire l'un des hommes d'une voix rendue rauque par l'émotion.

Les deux autres restèrent silencieux, l'homme ayant mis son bras autour des épaules de la femme.

Je ne comprends pas, finit par rajouter Harry. Je ne comprends pas comment cela est possible… Pour le voile, je peux encore imaginer, mais pour les avada !

Voldemort ne nous a jamais vraiment jeté un avada, expliqua la femme brune avec qui il avait fait connaissance peu auparavant.

Harry leva vers elle un regard interrogatif.

Voldemort n'a fait que nous emprisonner afin de pouvoir utiliser nos magies. Et le voile, comme tu l'appelles, donne sur la prison dans laquelle Voldemort nous retenait depuis tant d'années, plongés dans un état d'inconscience. Le jour où vous avez affronté Voldemort, il a dû se passer quelque chose car la porte du voile s'est ouverte et le sort qui nous maintenait inconscient s'est brisé…

Mais dans ce cas, si le voile appartenait à Voldemort, pourquoi était-il au ministère !

La femme haussa les épaules.

Nous n'en savons rien. Je suppose que tu comprends que nous avons eu d'autres préoccupations depuis notre… retour ! Il faudra demander à Dumbledore. Il a peut-être une idée…

Harry essaya de remettre ses idées en place. Après tout, pourquoi pas. Il avait appris des choses plus incroyables cette année…

Mais on a vu vos corps ! dit-il au couple enlacé.

La femme se dégagea de l'étreinte de l'homme pour se rapprocher.

C'était des leurres, dit-elle doucement, qui n'ont pas duré très longtemps…

Harry se rappela les propos de McGonagall quand il lui avait demandé où avaient été enterrés ses parents. Alors tout s'expliquait, ils étaient vraiment de retour.

C'est… plutôt perturbant, finit par dire Harry. C'était si difficile de faire le deuil et maintenant…

La femme, d'une main un peu tremblante, effleura sa main, posée sur le drap.

Je comprends, murmura-t-elle. C'est difficile pour nous aussi.

L'homme finit par faire un pas vers lui, poussé par ses deux amis. Harry observa ce visage si semblable au sien, enfin à celui qu'il aurait sûrement dans plusieurs années.

Tu… tu sais que nous sommes tous vraiment fiers de toi, finit par bredouiller l'homme.

Harry esquissa un sourire. Il se rappela ce qu'il s'était dit, à peu près un mois plus tôt, alors que plutôt perturbé, il avait posé ses yeux sur Eridan. Se donner une chance. Oui, sans doute pouvait-il le faire, sans doute en avait-il le droit. Et puisqu'on lui en donnait la possibilité, il serait vraiment stupide de ne pas en profiter, non ? Même si c'était vraiment très bizarre, très perturbant.

Harry en était là de ses pensées quand la porte s'ouvrit à la volée. Au vu des vêtements de la femme qui venait d'entrer, c'était une guérisseuse, ou une infirmière, et elle avait l'air furieux.

Vous auriez dû nous prévenir ! s'écria-t-elle. Ne vous rendez-vous pas compte de votre inconscience ! Il se réveille à peine d'un coma de plusieurs jours ! Vous cherchez à le tuer ! De toute façon, les visites sont terminées, dehors maintenant !

Harry se demanda si toutes les infirmières étaient formées sur le même moule que madame Pomfresh. En tout cas, celle-ci semblait avoir le même caractère et le même entêtement. En effet, malgré tout ce qu'ils purent dire, les cinq adultes durent quitter la chambre, à reculons et non sans avoir promis de revenir aux premières heures de visite le lendemain.

Harry devait avouer qu'il n'était pas mécontent qu'ils soient partis. Il y avait trop de nouvelles choses qui venaient de lui sauter dessus et il se sentait encore vaguement embrumé. Il avait encore du mal à savoir où se situait la réalité et les rêves et les derniers événements n'étaient pas faits pour l'aider !

Les infirmières et les guérisseurs, arrivés en nombre après leur départ, tournaient autour de lui dans un ballet enivrant. Ils lui faisaient de multiples examens, lui posaient des questions sans même attendre les réponses et, au bout d'un temps qui lui sembla des heures, ils lui donnèrent une potion. Bien qu'ils aient dit que c'était juste un reconstituant, Harry savait pour en avoir déjà pris à Poudlard que la potion devait le faire dormir. Or Harry estimait avoir suffisamment dormi pendant les douze derniers jours. Mais il savait aussi qu'il ne servait à rien de discuter avec ces gens-là. Il fit donc semblant d'avaler la potion et mima une légère somnolence jusqu'à ce que tout le personnel hospitalier ait quitté sa chambre. Il attendit sans bruit quelques minutes, le temps d'être certain que personne ne reviendrait, avant de se lever et de se diriger vers le lit d'Eridan.

La jeune fille était toujours immobile au milieu de ses draps blancs. Harry lui jeta un regard désespéré avant de se reprendre. S'il avait pu sortir du coma, il n'y avait pas de raison qu'Eridan ne le puisse pas ! Elle avait vécu bien d'autres horreurs, elle était sûrement capable d'encaisser cela aussi ! De toute façon, elle ne pouvait pas l'abandonner comme ça, encore moins maintenant. Il avait besoin d'elle !

Harry marchait à grandes enjambées autour du lit de son amie. Il essayait vainement de mettre un peu d'ordre dans ses pensées mais c'était peine perdue ! Il n'arrêtait pas de penser que ses parents et ceux d'Eridan venaient subitement de réapparaître après seize ans, sauf pour Sirius encore qu'on pouvait qualifier son emprisonnement pendant douze ans à Azkaban comme une disparition. Bon sang, il les croyait morts ! Les morts ne revenaient pas normalement ! Et même si Circé Jedusor disait que Voldemort ne les avait jamais vraiment tués, c'était quand même difficile à avaler… Il ne les connaissait pas ! C'était ses parents et il ne les connaissait pas ! Et eux ne le connaissaient pas non plus… Il commençait tout juste à accepter la mort de Sirius et à se faire à l'idée qu'il était définitivement un orphelin et maintenant… Comment espéraient-ils qu'il se sente ? Il avait encore du mal à croire que c'était vrai, que ce n'était pas des hallucinations dues à son coma ou un piège de Voldemort… Même s'il savait au fond de lui-même que c'était bien eux, qu'ils étaient vraiment revenus… c'était vraiment déroutant !

Harry finit par se laisser tomber sur une chaise près du lit d'Eridan. Il se sentait perdu et fébrile. Sa trop longue inactivité le rendait à la fois hyperactif et fatigué du moindre mouvement et dans ses pensées, ses sentiments, c'était le même désordre d'excitation et de fatigue, de joie et de peine, d'espoir et d'abattement… Harry ne cessait de s'asseoir et de se relever, de faire quelques pas accompagnés de grands gestes des bras et de s'arrêter immobile. Il finit par se calmer devant le lit de son amie. Il posa les yeux sur elle et sourit tristement. Lentement, il approcha sa main de son visage, hésitant, intimidé, et effleura tendrement sa joue.

Je ne sais pas si tu peux m'entendre, murmura-t-il, mais il s'est passé quelque chose d'incroyable. Nos parents sont vivants ! Tu peux le croire toi ?

Harry scrutait la jeune fille, attentif au moindre mouvement indiquant qu'elle aurait pu entendre ou qu'elle s'apprêtait à se réveiller. Mais la jeune fille était désespérément immobile. Harry posa délicatement une main sur une des siennes, posée sur le drap.

Ne m'abandonne pas, j'ai vraiment besoin de toi…

Harry crût voir la jeune fille frissonner, frisson qui se répercuta dans son propre corps.

Eridan ? appela-t-il.

Les paupières de la jeune fille papillonnèrent avant de s'ouvrir, offrant son premier regard à Harry.

Harry ? demanda la jeune fille d'une voix un peu étrange. Où sommes-nous ?

Harry saisit ses mains avec précipitation et douceur.

Oh Eridan, j'ai eu si peur que tu ne te réveilles plus !

La jeune fille esquissa un sourire et réitéra sa question.

Nous sommes à Sainte-Mangouste.

Nous devrions être morts !

Apparemment, nous ne le sommes pas…

De toute évidence, grimaça la jeune fille en tentant de se redresser.

Harry lui donna un coup de main qui lui permit de s'asseoir sur son lit.

Le sort a raté, continua Eridan.

Harry leva vers elle un regard interrogatif.

S'il avait réussi rien n'aurait pu survivre dans un rayon de cent mètres, non ce n'est même pas une question de survie. Le sort devait tout anéantir sur un rayon de cent mètres. Forcément il a raté. Tu sais où et comment on nous a retrouvés ?

Non, je n'ai pas même pensé à le demander et ils n'ont pas eu le temps de me le dire avant de se faire jeter par les guérisseurs.

Eridan avait levé la tête à la manière dont Harry avait prononcé le pronom ils.

Qui ça ils ? demanda-t-elle.

Harry hésita. Comment devait-on annoncer ce genre de nouvelles ? Il s'assit sur une chaise et, tenant toujours les mains d'Eridan dans les siennes, il se lança.

Nos parents. Ils sont revenus. Tous les quatre.

Harry fixa le visage de son amie afin d'essayer de découvrir ce qu'elle pensait mais la jeune fille resta impassible quelques secondes. Finalement, elle dit :

Je suppose qu'ils n'étaient pas morts.

Non. Apparemment Voldemort les a emprisonnés derrière le voile dans lequel Sirius est tombé. Et après notre confrontation, le voile s'est ouvert et ils ont été libérés.

Oh. Je suppose que nous avons dû faire quelque chose qui les a libérés…

Tu n'as pas l'air surprise, ni…

Ni quoi ? Joyeuse ? Tu ne l'es pas non plus ! Quant à la surprise, j'essaie juste de remettre de l'ordre dans mes idées et d'analyser objectivement ce que tu me dis. A quoi ressemblent-ils ? Qu'ont-ils dit exactement ?

Harry essaya de lui répondre le plus justement possible, observant toujours le visage impassible de la jeune fille.

Et que ressens-tu à leur propos ? finit-elle par lui demander.

Harry hésita, cherchant ses mots, cherchant à exprimer ses pensées…

Je ne sais pas trop. C'est difficile à dire. Je devrais être heureux, non ? Mais en fait je suis surtout très… perturbée. Je les croyais morts ! J'avais enfin fait le deuil et maintenant… Et puis, ce ne sont pas vraiment nos parents, n'est-ce pas ?

Si tu prends parents au sens biologique si, ils le sont. Si tu considères que les parents ce sont ceux qui nous ont élevés alors non…

On ne les connaît pas et ils ne nous connaissent pas !

Oui. Maintenant, c'est à nous de savoir si nous voulons apprendre à les connaître.

Tu crois que nous avons le choix !

Bien sûr, personne ne peut nous forcer à vouloir les connaître, encore moins à les aimer !

Oh ! Oui, sans doute…

Je me demande bien comment Rémus a réagi quand il les a vus réapparaître…

C'est vrai, je me demande ce qu'il a ressenti et ce qu'il ressent encore. Il avait l'air plutôt heureux mais il sait cacher ses émotions.

Il serait intéressant de lui poser la question.

Harry hocha la tête puis le silence s'installa. Finalement, Harry le troubla en remarquant qu'Eridan se servait d'une fiole de potion qui avait manifestement été déposée là à cet effet, par Rogue très probablement.

Je me demande aussi comment a réagi Rogue…

Eridan haussa les épaules.

Et toi ? finit par demander Harry.

Moi quoi ?

Que ressens-tu ?

La jeune fille resta silencieuse à tel point que Harry crût qu'elle ne répondrait pas. Mais finalement, elle murmura :

Je ne sais pas. Les morts ne reviennent pas, ça je le sais et Voldemort m'a toujours dit qu'il avait tué ma mère. Il prenait tant de plaisir à me le dire et puis… en général, il ne cherchait pas à me cacher quoi que ce soit. J'ai dû mal à croire qu'il ait pu ne pas les tuer…

Ta mère a dit que c'était pour utiliser leur magie.

Oui, c'est une explication. Et son choix semble judicieux : sa fille et les parents de celui qu'il considère comme son ennemi attitré… En ce qui le concerne, ils doivent avoir des magies intéressantes…

La jeune fille se tût quelques instants avant de reprendre.

Quant à mon père… J'en étais venue à considérer que je n'avais pas de père. Et après, quand j'ai su… vous m'aviez dit qu'il était mort ! Je n'ai pas eu l'envie, ni même la possibilité en fait, de l'imaginer un instant dans le rôle de mon père…

Nous l'avions vu tomber derrière le voile… Dumbledore a dit qu'il était mort mais en fait c'était une prison de Voldemort. Tu ne l'as jamais vu dans l'un de ses manoirs ?

Tu ne m'as jamais décrit ce voile Harry.

Peut-être… De toute façon, ça n'a plus d'importance maintenant.

Il ne savait même pas qu'il avait une fille, continua Eridan, imperturbable mais enfonçant encore un peu plus le clou dans son désarroi.

En la voyant si perdue, Harry se demanda s'il n'aurait pas dû lui annoncer le retour de ses parents autrement. Avec un peu plus de tact… En même temps, il ne pouvait pas dire qu'il l'avait appris d'une manière plus délicate. Harry poussa un soupir. Pourquoi les choses étaient-elles si compliquées ? Pourquoi ne pouvait-il pas simplement être heureux ? Parce qu'il avait commencé à prendre conscience des choses, et notamment de tout ce qu'impliquait le retour de ses parents et de ceux d'Eridan… Il se demanda un instant comment le monde magique avait pris la nouvelle. Mais en toute honnêteté, il s'en fichait. Marre de se préoccuper des autres, il voulait pouvoir penser un peu à lui maintenant. Mais ce n'était pas vraiment plus facile. Pas dans ces conditions !

Harry s'assit sur le lit d'Eridan, en face de la jeune fille.

Que faisons-nous maintenant ?

Eridan releva la tête vers lui.

Je ne sais pas, répondit-elle d'une voix lasse.

Bien sûr, nous pourrions fuir très loin d'ici, réfléchit Harry. Je suis sûr que nous pourrions trouver un moyen pour qu'on ne nous retrouve jamais… Mais ce ne serait pas très courageux, surtout pour des Gryffondors…

Tu crois que ça a vraiment de l'importance que nous soyons des Gryffondors ?

Non. Bien sûr que non. C'est juste que je ne croie pas que je voudrais m'enfuir. Il n'est pas très bon de fuir ses problèmes, n'est-ce pas ?

Non. Et je ne crois pas que je voudrais fuir moi non plus.

C'est juste que j'aimerais avoir une vie normale pour une fois !

Je doute que ce soit possible…

Non, sans doute pas.

Alors que fait-on ?

Je suppose qu'il ne nous reste qu'à attendre et voir comment les choses se passent, répondit Harry.

Le jeune homme se rendait compte qu'il se lançait une nouvelle fois dans l'inconnu et que cette aventure là n'était pas moins compliquée que la précédente. Peut-être l'était-elle plus car il avait davantage le choix, au moins en ce qui concernait ses sentiments. Et il n'était pas seul dans ce cas, ses parents se lançaient eux-aussi dans l'inconnu. Harry se demanda s'il aurait agi comme eux s'il avait été à leur place. S'il était sorti d'un emprisonnement de seize ans, serait-il venu attendre l'hypothétique réveil d'un fils qu'il ne connaissait pas, même s'il avait donné sa vie pour lui ? Ou serait-il parti dans un autre pays où personne ne le connaissait pour refaire sa vie ? Il n'en avait aucune idée. Tout cela était bien compliqué…

Harry ne se rendit compte que la nuit était passée que quand la porte s'ouvrit devant deux infirmières qui se jetèrent presque sur lui et Eridan, leur reprochant de ne pas les avoir appelées pour signaler qu'Eridan s'était réveillée. Harry se laissa examiner sous toutes les coutures sans manifester la moindre émotion : ces fréquentes visites à l'infirmerie de Poudlard lui avaient appris comment se comporter pour en finir le plus rapidement possible. Manifestement, Eridan avait dû faire de même car l'infirmière qui s'occupait d'elle termina à peu près en même temps que celle qui s'occupait de lui. Elles furent suivies par des guérisseurs qui leur firent à peu près les mêmes examens sans vraiment trouver quoi que ce soit. Ils finirent par les laisser en paix en leur annonçant que les visites ouvriraient dans une demi-heure.

Harry jeta un coup d'œil à sa feuille de soin et réfléchit à ce qu'il avait trouvé près de lui quand il s'était réveillé. Il n'y avait rien et les guérisseurs ne lui avaient donné aucune potion.

Ils ne savent pas ce que nous avons ni comment nous soigner, remarqua Harry.

Comment le pourrait-il ? Le sort de néantisation est un dérivé d'un sort de magie ancestrale qui n'a pas été utilisé depuis des siècles. Et si le sort avait fonctionné, nous devrions être morts !

Harry hocha la tête. Ils étaient donc victimes d'un sort que personne ne connaissait et qui aurait dû avoir pour seule conséquence de les anéantir totalement. Effectivement pour ce qui était de savoir comment les soigner, cela se présentait plutôt mal ! Enfin, Harry se sentait bien. Certes, il avait mal partout, comme des courbatures, et il se sentait ankylosé. Bon, peut-être avait-il un peu mal à la tête quand il y avait trop de monde mais rien de très important ou de très inhabituel ! Pourtant, et même sans compter le sort de néantisation, il aurait dû avoir tous les os broyés…

Je croyais qu'il n'était pas possible de guérir du sort pour briser les os que m'a jeté Voldemort, finit par dire Harry. Pourtant, je n'ai plus rien de cassé !

Je ne sais pas si cela peut se soigner mais cela prendrait au mieux des mois. Ce que je crois c'est… que le sort raté de néantisation a aboli tous les autres sorts qui ont été jetés avant…

Oh. Je vois… Nous ne saurons jamais exactement ce qu'il s'est passé après que tu as jeté le sort, n'est-ce pas ?

Je ne vois pas comment nous pourrions le savoir. La seule chose dont je sois sûre, c'est que le sort a raté. Sinon nous ne serions plus là pour en discuter. Pour le reste… Peut-être pourrons-nous avoir quelques indices quand ils nous diront comment on nous a retrouvés.

Oui, peut-être…

A ce moment, la porte de la chambre s'ouvrit doucement. Harry se tendit, il savait qui étaient derrière la porte et il ne savait toujours pas comment réagir. Le visage d'Eridan était devenu indéchiffrable. Les cinq même personnes que la veille entrèrent silencieusement, refermèrent la porte puis levèrent les yeux vers les deux adolescents, toujours assis sur le même lit. Ils n'avaient pas l'air étonné de les voir tous les deux réveillés, les infirmières avaient dû les prévenir. Par contre, ils n'avaient pas l'air de savoir vraiment comment ils devaient réagir. Ils firent quelques pas vers eux puis s'arrêtèrent. Finalement, seul Rémus s'approcha.

Je suis content que tu sois à nouveau parmi nous Eridan, dit-il.

La jeune fille hocha la tête puis elle fixa ses regards vers les quatre autres.

Nous avons de toutes évidences énormément de choses à nous dire. On va essayer d'éviter les banalités qu'on dit dans ce genre de situations inédites. Mais pas ici. Je ne veux pas rester à l'hôpital.

Eridan, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, commença Rémus. Vous sortez à peine du coma…

Ils ne connaissent pas le sort qui nous a mis dans cet état et savent encore moins comment y remédier ! Je pense que sur ce point, j'en sais davantage qu'eux. Il ne sert donc à rien de rester ici…

Et je ne resterai pas non plus, rajouta Harry. De plus on se sent bien !

Les cinq adultes échangèrent quelques regards et quelques chuchotements puis Circé Jedusor se tourna vers les deux adolescents :

D'accord, nous allons essayer de convaincre les guérisseurs.

Ils commencèrent à repartir vers la porte. Rémus voulut les suivre mais Eridan l'attrapa par le bras. L'homme baissa les yeux vers les deux adolescents puis comprit.

Je… je vais rester avec eux pendant ce temps, finit-il par dire.

Circé leur jeta un regard que Harry ne parvint pas à déchiffrer puis murmura : Je pense que c'est une bonne idée, oui… avant de refermer la porte derrière elle.

Pendant quelques minutes, ils restèrent silencieux, un certain malaise planant dans la pièce.

Comment… comment avez-vous pris leur retour ? finit par demander Harry.

Rémus lui jeta un regard étonné.

Bien ! Je veux dire, j'étais très joyeux bien sûr !

Bien sûr ! releva Eridan. Rémus, ce n'est pas ce que vous devriez ressentir que nous voulons connaître, nous voudrions vraiment savoir ce que vous avez ressenti car… nous on ne sait vraiment pas.

Rémus les regarda d'une manière qui avait quelque chose de la bête acculée puis, poussa un soupir.

Je ne sais pas vraiment non plus. En fait, je n'ai jamais eu vraiment le temps de me le demander. Quand ils sont apparus devant moi pour la première fois, il y a eu la surprise. Ensuite, ils n'ont cessé de me poser des questions à votre sujet. Apparemment, Circé avait mis Sirius au courant pendant le trajet. Parce qu'ils ne sont pas ressortis par le ministère. Je ne sais pas par où, nous n'avons pas eu le temps d'en parler. Tout le monde n'était préoccupé que par votre santé. Mais c'est forcément bien, n'est-ce pas ? Ce doit être bien !

Rémus avait dit ces derniers mots avec un certain désespoir, comme s'il voulait se convaincre lui-même plus que les deux adolescents. Harry se sentit un peu mal de l'avoir fait douter. Enfin, ils ne l'avaient pas fait douter, il l'avait juste forcé à exprimer ses doutes.

C'est sûrement bien, dit Harry pour tenter de le réconforter. C'est juste que c'est tellement incroyable. Et nous ne les connaissons pas. Eux non plus ne nous connaissent pas !

C'est plutôt perturbant, continua Eridan. Et nous n'avons pas vraiment l'habitude que ce qui nous tombe dessus de manière si extraordinaire soit bon pour nous. D'habitude, c'est plutôt mauvais signe. C'est tellement inattendu… En fait, on ne sait pas vraiment comment nous devons… pouvons… voulons réagir. Tout est tellement embrouillé !

Je crois, finit par dire Rémus, que pour commencer il faut essayer de faire connaissance. Ensuite, vous pourrez prendre une décision plus claire…

Les deux adolescents hochèrent la tête, soulagés d'un certain côté que Rémus soit aussi perturbé qu'eux. Harry avait eu peur d'être devenu insensible parce qu'il n'avait pas sauté de joie au retour de ses parents. Faire connaissance. Oui, il allait essayer. Pour commencer…

Ils ne revenaient toujours pas. Manifestement, ils devaient avoir du mal à convaincre les guérisseurs de les laisser partir.

Je vais aller voir si je peux faire en sorte d'accélérer les choses, bredouilla Rémus, toujours aussi mal à l'aise.

Les deux adolescents le regardèrent franchirent la porte et la refermer derrière lui. Ce n'était facile pour personne… Harry replongea dans ses pensées. Si seul Sirius était revenu, cela aurait été plus simple. Pour lui, pas pour Eridan ! En effet, cela ne faisait pas seize ans qu'on lui disait que Sirius était mort, il avait à peine commencé à faire son deuil et il connaissait Sirius et lui le connaissait. S'il n'y avait eu que Sirius, il aurait su comment réagir. Il aurait pu lui sauter dans les bras, pousser des cris de joie… Mais comme ses parents aussi étaient revenus, cela était impossible et il lui fallait redéfinir les rapports qu'ils avaient avec ceux qu'il considérait comme sa famille et en définir de nouveaux avec ceux qui étaient vraiment ses parents. Tout cela était horriblement compliqué et Harry n'aimait pas, mais alors pas du tout, l'air totalement détaché d'Eridan. Elle se refermait sur elle-même et il savait que c'était mauvais. Très mauvais !

La porte s'ouvrit à nouveau. Les cinq adultes entrèrent.

C'est bon, expliqua Circé. Ils ont accepté que vous partiez. Au début ils ne voulaient pas mais nous avons fini par les convaincre. Si vous êtes prêts…

Harry et Eridan avaient profité du temps où ils étaient seuls pour s'habiller et regrouper les affaires qui avaient été apportées pour eux. Harry n'avait trouvé nulle part sa baguette magique mais ce n'était pas vraiment le moment de s'en occuper.

Ce sont des portoloins, continua Circé en leur tendant à chacun une fleur.

Très bien, répondit Eridan d'une voix froide et distante en prenant la fleur.

Mauvais, très mauvais, pensa Harry en prenant la fleur tout en jetant un coup d'œil à son amie.

Harry n'eut pas le temps de se demander où devaient les conduire les portoloins qu'il atterrit dans la cuisine du square Grimmaurd. Il fut rapidement suivi par Eridan puis les cinq adultes. Machinalement, Lily, sa mère rectifia Harry, récupéra les fleurs portoloins pour en faire un bouquet qu'elle installa dans un vase. Le silence qui s'était installé était pesant et l'atmosphère très inconfortable. Mais cela ne dura pas car peu après apparut Dumbledore. Harry put presque entendre un soupir de soulagement s'échapper de toutes les bouches. La venue de Dumbledore signifiait certes le temps des explications mais aussi qu'il n'était pas l'heure de laisser seuls parents et enfants.

Sur l'invitation du directeur de Poudlard, tous s'assirent autour de la table. Tous sauf Eridan qui finit par se hisser sur le plan de travail. Mauvais, très mauvais, se répéta Harry en observant l'air détaché de son amie. Il baissa la tête pour qu'on ne voie pas la grimace qu'il faisait. Cela allait être encore plus compliqué et difficile que ce qu'il avait craint, il le sentait !

Bien, commença Dumbledore. Je suppose que tout le monde ici a beaucoup de questions. Nous allons tous essayé d'y répondre. Pour commencer, je propose que nous laissions la parole à nos deux jeunes gens.

Les adultes hochèrent la tête. Eridan et Harry échangèrent un regard puis la jeune fille, de sa voix calme, apparemment dépourvue de toute émotion, prit la parole :

Comment nous avez-vous retrouvés ?

Quant le professeur Rogue et moi sommes revenus ici, et que nous avons vu votre mot, nous avons crû ne jamais vous revoir, répondit Rémus. Mais finalement, Séverus a trouvé une potion pour vous localiser. Il l'a faite puis nous l'avons prise sans prévenir personne d'autre. Quant nous sommes arrivés sur les lieux, il n'y avait que des décombres. Nous les avons fouillés jusqu'à ce qu'on vous trouve et on vous a ramenés à Sainte-Mangouste.

Rémus se tût mais reprit la parole, devançant la question qu'Eridan s'apprêtait à lui poser.

Nous n'avons trouvé aucun autre corps ni rien qui soit encore reconnaissable.

Ma baguette ? demanda Harry.

Je suis désolé Harry, mais il n'y avait qu'un tas de cendres près de toi. Elle a dû être détruite…

Si la baguette de Harry a été détruite, réfléchit Eridan, celle de Voldemort l'a probablement été aussi. Et peut-être que sa destruction a…

… ouvert la porte du voile, continua Harry.

C'est une possibilité, reconnut Dumbledore. Il faudra faire d'autres recherches pour en être sûr.

Qu'avez-vous fait quand vous êtes sortis du voile ? demanda Harry.

D'abord nous avons été surpris de nous retrouver tous les quatre, expliqua Circé. Puis nous avons cherché où nous étions car nous ne sommes pas ressortis par le ministère.

Où êtes-vous sortis ? demanda Harry.

Sur une lande déserte d'Ecosse. Ensuite, Sirius nous a plus ou moins raconté tout ce qui s'était passé depuis notre… départ et nous avons pris la route jusqu'ici, continua Circé.

Rémus nous a raconté ce que Sirius ne pouvait pas savoir, continua doucement Lily et nous nous sommes précipités à l'hôpital…

Bien sûr, notre retour a posé quelques problèmes mais nous les avons réglés lorsque nous ne pouvions être à votre chevet, précisa Circé. Nous sommes à nouveau des citoyens sorciers normaux avec des baguettes et tout ce qu'il faut…

Harry hocha la tête. Il jeta un coup d'œil vers Eridan mais la jeune fille semblait toujours aussi distante, refermée sur elle-même, et ses yeux étaient bleus.

Maintenant, nous avons aussi quelques questions à vous poser, dit Dumbledore.

Il resta silencieux quelques minutes.

Que s'est-il passé pour que vous décidiez de rejoindre Voldemort et que s'est-il passé là-bas ? finit-il par demander.

L'attaque au ministère était une provocation de Voldemort. Il nous signifiait qu'il nous attendait. Nous n'avions pas vraiment le choix, et maintenant ou plus tard, qu'est-ce que cela changeait ? Eridan savait où il se trouvait donc nous y sommes allés, répondit Harry.

Les six adultes avaient les yeux posés sur lui, attendant la suite.

Voldemort nous attendait. Nous avons commencé à nous battre mais il était trop fort. Alors nous avons fini par prendre la décision de jeter un sort de néantisation…

En disant ces mots, Harry se sentit replonger dans ce moment. Il avait dit cela comme si ce n'était rien mais c'était tellement loin de la réalité ! Comment mettre des mots sur ces émotions, ces sentiments qu'ils avaient ressentis à ce moment là ?

Un sort de néantisation ? répéta Dumbledore.

Le sort aurait dû anéantir totalement le manoir et tout ce qui s'y trouvait, expliqua simplement Eridan.

Tout ? répéta Sirius d'une voix rauque et tremblante.

Oui.

Nous n'avions pas le choix ! s'écria presque Harry. C'était la seule solution…

Tous les fixaient maintenant, avec un air qui mêlait compassion et horreur.

Et vu que nous sommes vivants, cela signifie que Voldemort l'est aussi, termina Eridan.

Mais sa déclaration fut noyée par le bruit de la sonnette et bientôt la cuisine du square Grimmaurd fut envahie par une foule de personnes. Il y avait là la famille Weasley au grand complet, Hermione, Tonks, Hagrid, McGonagall, madame Figg, Mondingus Fletcher, Neville et sa grand-mère… Il y avait un monde fou, une foule de personnes bien décidées à fêter leur réveil et le retour de leurs parents.

Ils n'eurent pas un instant de répit de toute la journée. Tout le monde s'enquerrait de leur santé, voulait savoir ce qui s'était passé, comment ils allaient… Harry finit par soutirer d'Hermione et Ron qu'après leur disparition, une certaine panique s'était installée dans le monde magique. Que la panique avait fait place à la joie quand ils avaient été retrouvés, inconscients mais vivants, et qu'il n'y avait plus une trace de Voldemort. Les mangemorts se faisaient discrets et leurs parents étaient revenus, comme un miracle supplémentaire, la cerise sur le gâteau. Harry ne se sentit pas le cœur de gâcher la joie de toutes ces personnes, heureuses de les savoir en vie en leur disant que Voldemort n'était pas mort et qu'ils étaient, pour le moment au moins, très loin de former une famille unie.

D'un certain côté, cette foule convenait fort bien à Harry. Tous ces gens qui ne cessaient de parler, de lui parler, de s'extasier, de crier… l'empêchaient de penser, de se concentrer sur les derniers événements, de réfléchir à l'attitude qu'il convenait d'adopter… Tout cela s'évanouissait devant l'instant présent et tous ces gens qui comptaient pour lui et pour qui il comptait.

Aussi, quand tous furent partis, un certain malaise s'installa à nouveau sur la cuisine du square Grimmaurd où ils se trouvaient tous les sept, Rémus étant restés avec eux.

Je crois qu'il y a d'autres sujets qu'il faut aborder, commença-t-il, bredouillant.

Harry se tendit. Il savait qu'il parlait des relations qu'il était censé y avoir entre des enfants et leurs parents. Mais avant que Harry ne puisse vraiment commencer à s'inquiéter, Eridan se leva assez précipitamment.

Je suis désolée, je suis fatiguée, je vais aller me coucher.

Et sans un mot de plus, sans se retourner une seule fois, elle monta l'escalier sous les regards tétanisés de tous les autres. Harry finit par se secouer et se jeta à sa poursuite.

Eridan ! appela-t-il alors que la jeune fille entrait dans sa chambre.

Pas maintenant Harry. Je n'ai aucune envie de parler de ça maintenant. Je veux juste dormir.

Ne sachant pas quoi faire, Harry la laissa s'enfermer dans sa chambre. Il comprenait certes l'attitude de son amie mais il comprenait surtout que les choses allaient être difficiles, très difficiles et que l'attitude d'Eridan ne ferait qu'empirer les choses.

Harry eut envie de s'enfouir sous des draps avec une potion de sommeil sans rêve pour ne plus penser à rien. Pour ne plus penser à ce qui s'était passé ni avant ni après son réveil à l'hôpital, pour oublier… Mais il savait qu'il ne servait à rien de se cacher, et qu'il valait mieux qu'il essaie d'arranger un peu les choses. Harry redescendit donc plus calmement et, restant dans l'entrebâillement de la porte, il s'adressa aux cinq adultes qui n'avaient pas bougé depuis le départ précipité d'Eridan.

La journée a été longue et fatigante. Je crois qu'il est mieux pour tout le monde d'aller prendre du repos. Nous parlerons de tout ça demain, à tête reposée.

Ils hochèrent la tête. Mais quand Harry se dirigea vers sa chambre, il ne put oublier les regards tristes qu'ils lui avaient jetés. Harry poussa un soupir. Il verrait cela demain. Demain, tout irait mieux après une bonne nuit de sommeil…

Le lendemain matin, Harry eut un instant de panique. Il ne savait pas où il se trouvait et il était plutôt confus. Puis tout lui revint brusquement : le combat contre Voldemort, le réveil à l'hôpital, le retour de leurs parents, l'arrivée square Grimmaurd… Harry mit ses lunettes comme pour essayer d'y voir plus clair dans ses pensées. Il était encore tôt, à peine sept heures du matin mais il n'avait plus sommeil. Pourtant, il hésitait à sortir de son lit et à affronter sa famille. Mais en bon Gryffondor qu'il était, il se leva, s'habilla et descendit dans la cuisine. Seule Eridan s'y trouvait qui semblait méditer devant une tasse de café.

Bonjour, dit Harry en se faisant une tasse de café. Ça va ?

Bonjour. Pourquoi ça n'irait pas ? demanda Eridan sans lever les yeux de sa tasse.

Harry lui jeta un drôle de regard mais ne sachant comment aborder la question, il se contenta d'avaler son café, presque cul sec, avant de s'en refaire un autre. Harry ne savait pas ce qu'il devait dire, il craignait l'arrivée de ses parents et ne savait toujours pas quoi penser, encore moins quelle attitude adopter.

Harry, je doute que te saouler au café puisse régler tes problèmes ou les miens, dit Eridan en le regardant dans les yeux pour la première fois.

Harry s'aperçut, embarrassé, qu'il entreprenait de boire son sixième café de la matinée. Il était maintenant obligé de reconnaître qu'il était stressé et qu'il ne trompait personne, pas même lui, avec sa pseudo attitude détendue. Harry soupira, il fallait qu'il se ressaisisse.

Un bruit se fit entendre et les cinq adultes entrèrent dans la cuisine, tous ensembles. Harry se demanda si c'était un hasard ou s'ils s'étaient attendus. Cette deuxième hypothèse, bien que la plus probable, avait quelque chose de grotesque, d'enfantin. Que craignaient-ils de trouver dans cette cuisine ? Soudain, Harry comprit. Ils craignaient simplement de se retrouver seuls face à ceux qui étaient censés être leurs enfants et dont ils ne savaient rien. Une attitude enfantine certes, mais après tout, ils n'avaient jamais eu le temps de grandir. Ils étaient directement passés de l'âge d'une vingtaine d'années, à peine plus que l'âge qu'il avait lui-même, à presque quarante ans avec des enfants adolescents qui avaient grandi sans eux. Et si Sirius lui était passé par tous les âges normaux, il ne fallait pas oublier qu'il les avait passés à Azkaban ! Il était resté douze ans à Azkaban ! Il était idiot de croire que cela ne l'avait pas marqué. Harry se rappela ce que madame Weasley et Hermione avait dit de Sirius deux ans plus tôt. Avec un pincement au cœur Harry se dit qu'elles n'avaient pas totalement tort et il pouvait sans doute étendre ces reproches aux trois autres. Quant à lui et Eridan, ils n'avaient rien d'enfants comme les autres, avec un passé lourd comme une montagne de pavés et une idée de ce qu'était la famille qui rimait avec sortez-moi de là ! Avec un soupir et une ironie qui lui était de plus en plus familière, Harry se dit que si un psychiatre sorcier s'installait dans les parages, il n'aurait pas besoin d'autres clients qu'eux jusqu'à sa retraite. Mais il n'existait aucun psychiatre sorcier et ils allaient devoir se débrouiller seuls. Soudainement, Harry se rappela qu'Hermione avait dit vouloir faire un métier vraiment utile, il faudrait qu'il lui parle de la psychiatrie, sûr qu'elle ne manquerait pas de clients !

Les cinq adultes évoquaient un souvenir de leur scolarité alors qu'ils s'asseyaient à table. Encore un fait qui prouvait qu'ils se complaisaient dans le passé !

Machinalement, Eridan fit léviter vers eux des tasses de café. Harry fronça les sourcils ; quand elle n'essayait même pas de faire semblant d'utiliser ses mains, c'était qu'elles la faisaient particulièrement souffrir. Il faudrait prévenir le professeur Rogue. En relevant la tête, Harry s'aperçut que Sirius et Circé fixaient eux aussi les mains d'Eridan. Harry grimaça : au moins étaient-ils au courant…

Eridan avait repris sa place sur le plan de travail, renforçant physiquement la distance qu'elle mettait avec les autres. Harry ne savait pas quoi faire. Il avait l'impression que les choses allaient aller en empirant mais il n'avait aucune idée de comment il pouvait y remédier.

Pendant quelques minutes, nul ne parla, tous étant occupés à siroter leur café, le septième pour Harry qui se dit qu'il ferait mieux d'arrêter avant de faire de la tachycardie. Finalement, Lily, sa mère rectifia mentalement Harry, posa sa tasse :

Peut-être, commença-t-elle en bredouillant puis affermissant sa voix, peut-être que vous pourriez nous appeler papa et maman ?

Harry pouvait voir une lueur d'espoir briller dans les yeux de leurs parents. Il réfléchit à cette idée. Elle ne lui paraissait pas mauvaise. Après tout, s'ils faisaient comme s'ils étaient des familles normales, s'ils se comportaient comme des familles… alors peut-être qu'ils en deviendraient vraiment ! En tout cas, cela ne coûtait rien et valait le coup d'essayer. Harry jeta un coup d'œil à Eridan pour voir ce qu'elle en pensait mais l'expression de son visage lui fit craindre le pire. Regardant vaguement en direction de ses parents, ses yeux ayant pris une inquiétante couleur bleu délavé, elle dit d'une voix où se mêlaient tristesse et colère :

Je suis désolée mais ça, c'est impossible.

Et sautant à bas du plan de travail, elle s'enfuit par les escaliers. Harry eut l'impression que tout le poids du monde venait de lui tomber dessus mais ce n'était rien en comparaison de l'expression de Sirius qui avait quelque chose de l'animal blessé à mort et sans espoir de survie.

Harry cacha sa tête dans ses mains. L'apocalypse annoncée venait de commencer…

Les choses ne s'arrangèrent pas. En même temps, Harry voyait mal comment cela pouvait s'arranger. Ses propres relations avec ses parents étaient… comment dire ? En fait, eux comme lui faisaient semblant que tout se passait bien, normalement. Harry ne savait pas si c'était bien et d'une certaine façon, devoir se préoccuper d'Eridan et de ses parents lui permettait de ne pas penser à ses propres problèmes. Et pour ce qui était des problèmes d'Eridan et ses parents, il était servi ! Sirius avait la même attitude que lorsqu'il était coincé square Grimmaurd deux ans auparavant et, par mesure de prudence, Harry avait aidé Rémus à faire disparaître toutes les bouteilles d'alcool de la maison. Circé semblait vivre tout cela mieux mais Harry avait compris qu'elle cachait ses émotions derrière un visage impassible et les regards un peu perdus qu'elle lançait à sa fille, les rares fois où elle l'apercevait, faisait dire à Harry qu'elle était loin d'être impassible. Elle devait juste savoir mieux cacher ses sentiments que les autres, peut-être était-ce l'une des raisons qui expliquaient qu'elle avait passé sa scolarité à Serpentard. Harry l'avait entendue plusieurs fois dire à Sirius de laisser du temps à Eridan mais il devenait impossible pour tout le monde de remonter le moral de Sirius. Harry serait bien allé secouer Eridan si la jeune fille n'avait semblé au moins aussi perdue et désespérée que son père. Elle passait la plupart de son temps enfermée dans sa chambre et ses nuits dans le jardin intérieur qu'elle avait aménagé durant le mois de juillet, loin des autres, fuyant tout le monde et supportant à peine la présence de Harry.

Et les jours s'écoulaient ainsi, n'apportant aucune amélioration.

Un après-midi, on sonna à la porte. Harry alla ouvrir, espérant que les visiteurs pourraient lui changer les idées.

Madame Mal… commença-t-il, surpris.

Madame Black, le divorce a été prononcé.

Oh. Félicitations.

Mais tu peux m'appeler Narcissa, Harry. Mon cousin accepterait-il de me recevoir ?

Harry sourit. Voilà une très bonne nouvelle. Non seulement Narcissa réussirait peut-être à changer les idées de Sirius mais en plus elle pourrait lui parler de ce qu'avait vécu Eridan auprès de Voldemort.

Je pense que oui, suivez-moi je vous prie, dit Harry en lui tenant la porte.

C'est ainsi qu'il aperçut Malfoy derrière sa mère.

Malfoy ? Super, tu vas pouvoir m'aider !

Tu te sens bien Potter ? demanda Malfoy de l'air de quelqu'un qui s'adresse à un fou.

Très bien, sourit Harry. C'est à propos d'Eridan…

Malfoy hocha la tête. Pendant leur petite conversation, ils étaient arrivés dans le salon où les cinq adultes prenaient silencieusement un thé.

Sirius, commença Narcissa, d'une voix tremblante. J'aurai aimé… Je voudrais te dire… J'ai divorcé tu sais ? J'aurai dû le faire depuis longtemps. En fait je n'aurai jamais dû l'épouser mais… Je voudrais m'excuser…

Elle fut coupée par Sirius qui se leva et se dirigea vers elle. Autour, personne ne bougeait ni ne parlait. Tous attendaient de savoir ce que comptait faire Sirius. Il arriva devant sa cousine puis, écartant les bras, il l'attira pour une embrassade sincère.

Harry laissa échapper un soupir de soulagement.

Bon, puisque ça c'est réglé, suis-moi Malfoy, il faut que tu parles à Eridan, elle ne va pas bien du tout depuis que nos parents sont de retour. Euh, tu t'appelles toujours Malfoy ou…

J'ai gardé le nom de mon père.

Le blond hésita puis poursuivit, d'une voix qui manquait un peu d'assurance.

Tu comprends, même si je le déteste, que c'est un monstre et qu'il a essayé de me tuer plusieurs fois, c'est quand même mon père !

Oh. Oui, tu as raison. Et Voldemort, quoi qu'il ait fait et quoi qu'il soit est le grand-père d'Eridan, n'est-ce pas ?

Evidement, répondit Malfoy qui le regardait d'un air chargé d'incompréhension. C'est son grand-père et c'est lui qui l'a élevée, on ne peut pas changer ça même si on le voudrait…

Je crois qu'on a tous cherché à oublier ce fait alors qu'Eridan ne veut pas oublier, n'est-ce pas ?

Elle ne fait pas semblant. Je veux dire, elle ne cherche pas à modifier la réalité, à se cacher derrière des illusions. Ce n'est pas son genre…

Tu dois avoir raison. Allez, viens Mal…foy !

Tu peux m'appeler Drago si mon nom t'écorche tant la bouche, Potter !

Ce n'était pas vraiment dit avec gentillesse mais Harry savait comment il devait prendre cette proposition.

Harry !

Quoi ! demanda Drago qui affichait un air peu élégant sur sa figure.

Mon prénom c'est Harry, pas Potter !

Oh.

Harry sourit tout en précédant Drago dans les escaliers. Ce n'était pas souvent que Malfoy se trouvait sans réplique. Harry se donna une claque mentale. Ils n'étaient plus ennemis maintenant, et c'était Drago, pas Malfoy ! Décidément, les choses changeaient. Et c'était sans doute mieux ainsi.

Quand Drago et sa mère repartirent, Harry se dit qu'il devait se montrer plus actif. Certes, Narcissa avait dû parler avec Sirius, vu l'air songeur qu'il affichait, et Drago avait discuté avec Eridan. Mais ce n'était pas assez, il fallait qu'il continue sur cette voix ! Et Hermione était toute indiquée pour ce travail. Harry lui écrivit pour lui demander de passer. Elle était actuellement chez Ron, la famille Weasley étant retournée chez elle depuis que tous croyaient que Voldemort avaient disparu. Harry soupira en pensant qu'il allait bien falloir un jour qu'il leur ouvre les yeux. Enfin, il fut décidé que la famille Weasley viendrait avec Hermione le lendemain, histoire de changer les idées à tout le monde !

Harry laissa Hermione avec Eridan et rejoignit Ron et Ginny qui l'attendaient dans sa chambre.

Tu n'as pas l'air très en forme, vieux, commença Ron.

Disons que l'ambiance ici est loin d'être très joyeuse et que je suis fatigué d'essayer d'améliorer les choses.

Et toi, comment ça va ? demanda Ginny. Avec tes parents ?

Harry resta silencieux quelques instants.

En toute honnêteté, j'essaie de faire comme si c'était tout à fait normal d'avoir des parents mais j'évite de me poser trop de questions. Je prends juste les choses comme elles viennent…

Tu es heureux ? demanda Ron.

Je le serais quand les choses iront mieux ! Enfin je suppose…

Harry se mordit les lèvres pour ne pas montrer qu'elles tremblaient. Ron lui donna une chaleureuse tape sur l'épaule.

Allez, ne t'inquiète pas, ça va s'arranger ! Et je suis sûr que Hermione va pouvoir faire quelque chose. Elle réussit toujours tout !

Harry sourit à son tour. Son sourire s'élargit alors qu'il posait les yeux sur son meilleur ami, le regard chargé de malice.

Je vois ! Alors toi et Hermione, vous avez passé le pas ?

Ron rougit fortement.

Oui ! s'exclama Ginny. C'est pas trop tôt ! C'était pendant que vous étiez dans le coma. Nous venions vous voir tous les jours et comme il n'y avait aucun changement, les guérisseurs ont fini par nous dire qu'il n'y avait plus d'espoir… Alors Hermione s'est effondrée dans les bras de Ron. Tu imagines la suite !

Oui, très bien. Mes félicitations, Ron !

Tes félicitations pour quoi ? demanda Hermione d'un ton suspicieux en entrant dans la chambre.

Ron devint écarlate et Harry essayait de cacher son air gêné derrière un livre de potions.

Je pense que c'est parce que vous sortez enfin ensemble, dit Eridan en entrant à son tour. Harry et Ginny commençaient à croire que vous étiez vraiment aveugles !

Hermione rosit et la couleur que prenait Ron commençait à devenir intéressante.

Je crois que nous sommes attendus pour déjeuner, finit par dire Hermione pour couper court à la conversation.

Elle sortit de la chambre et Eridan lui emboîta le pas. Harry écarquilla les yeux. Son amie n'avait pas assisté à un repas avec tout le monde depuis plusieurs jours. A croire que Ron avait raison et que Hermione réussissait vraiment tout ce qu'elle entreprenait. Ron lui adressa un clin d'œil en suivant les deux filles.

Je te l'avais bien dit !

Durant le repas, l'ambiance était assez bonne. Il faut dire que les jumeaux et Ginny se chargeaient de remplir le moindre blanc et Harry vit même Sirius esquisser un sourire. Harry se sentit soulagé. Tout allait aller mieux maintenant… Mais Harry vit Eridan se figer alors qu'on commençait à parler de Voldemort. Au passé.

Voldemort n'est pas mort ! assena la jeune fille avec une certaine colère. Et cette fois-ci, il n'attendra pas quatorze ans pour refaire parler de lui ! Je pense que je suis bien placée pour savoir s'il est encore vivant ou pas !

Eridan se leva et quitta la pièce, presque en courant. Harry ferma les yeux, se passant les mains sur le visage.

Malheureusement, j'ai bien peur qu'elle n'ait raison… dit-il.

L'ambiance se rafraîchit considérablement après cela et les Weasley et Hermione partirent assez rapidement.

Le soir, alors qu'ils se mettaient à table, le feu de la cheminée devint vert et le professeur Rogue sortit élégamment de la cheminée. Aussitôt, James, son père, et Sirius se levèrent brusquement, les poings serrés. Pour un peu, Harry les aurait vus montrant les dents. Il grimaça, pourquoi se comportaient-ils comme des gamins ?

Qu'est-ce que tu viens faire là, Servilus ? demanda Sirius.

C'est moi qui l'aie appelé, le coupa Harry d'un ton sévère.

Sirius et Ja… son père ! se tournèrent vers lui, abasourdis. Harry prit une profonde inspiration. Et dire que c'était à lui de jouer les adultes responsables.

Pour apporter à ta fille la potion dont elle a besoin ! répliqua Rogue de son ton sarcastique.

Il allait ajouter quelque chose mais son regard croisa celui d'Eridan qui se tenait dans l'embrasure de la porte. Il resta donc silencieux et lui tendit le flacon. La jeune fille le saisit avant de tourner les talons assez précipitamment. Sirius resta un instant paralysé avant de se précipiter à la suite d'Eridan.

Rogue fronça les sourcils puis, faisant tourner sa cape, il s'apprêta à repartir de la même manière dont il était arrivé.

Professeur, l'arrêta Harry. Je voudrais vous parler !

La tête que fit le professeur Rogue aurait bien fait rire Harry s'il n'avait pas autre chose à faire. Il s'efforça d'ignorer le regard vaguement horrifié de son père mais sourit à sa mère lorsqu'elle donna une tape sur la tête de son père. Il n'avait pas le temps de ménager les susceptibilités de chacun. Heureusement, sa mère semblait le comprendre.

Harry entraîna le professeur Rogue à sa suite.

Que vouliez-vous me dire ? demanda le professeur lorsqu'ils furent hors de vue de ceux qui se trouvaient toujours dans la cuisine.

C'est à propos d'Eridan. Elle ne va pas bien et j'ai l'impression que ça ne fait qu'empirer…

Et qu'espérez-vous que je fasse ?

Que vous m'aidiez !

Vous me demandez de l'aide !

Oui, comme j'en ai demandé à Drago…

Drago !

Oui, Drago Malfoy ! Ne me dites pas que vous ne connaissez pas le prénom des élèves de votre propre maison !

Le professeur Rogue resta silencieux.

Je demande de l'aide à toute personne susceptible d'être efficace. Je pense qu'il y a des choses plus importantes que des vieilles querelles idiotes !

Vous avez beaucoup mûri monsieur Potter.

Harry sourit.

Vous ne voudriez pas écrire ça sur un parchemin et le signer ? demanda-t-il d'un air malicieux. Juste pour que je puisse prouver que vous m'avez fait un compliment !

Le professeur de potions grogna quelque chose d'inintelligible sous le regard rieur de Harry. Le jeune homme allait rajouter quelque chose quand il se figea dans l'embrasure du salon. Aucune lumière n'avait été allumée mais il pouvait distinguer Sirius et Eridan. Ils étaient tous les deux debout devant la cheminée.

Je suis vraiment désolé, murmurait Sirius d'une voix tremblante. Je suis désolé de n'avoir pas été là… Je n'aurais pas dû penser uniquement à ma vengeance, j'aurai dû vous chercher… C'est de ma faute si tu as passé tant d'années avec ce monstre…

L'air qu'affichait Eridan montrait à la fois son ébahissement et une certaine panique. Manifestement, elle ne s'était vraiment pas attendue à ce genre de discours.

Vous ne saviez pas que j'existais.

Pour Harry qui la connaissait, cette phrase n'exprimait aucun reproche, au contraire, mais pour Sirius, noyé dans sa culpabilité… Eridan recula avant de faire demi-tour pour s'enfuir devant le regard désespéré de son père. Sirius se laissa tomber dans un fauteuil, la tête entre les mains. Harry échangea un regard avec le professeur Rogue. L'homme prit le chemin que venait d'emprunter Eridan, Harry se dirigea vers le fauteuil où Sirius se morfondait. Il se laissa tomber en face de lui.

Elle ne t'en veut pas du tout, murmura-t-il.

Sirius releva la tête.

Son attitude n'a rien à voir avec toi ! Enfin, je veux dire qu'il ne lui viendrait même pas à l'idée de te reprocher ton absence. Elle sait très bien que tu ne savais pas, que tu ne POUVAIS pas savoir ! Ce n'est pas ça, le problème !

Harry prit une profonde inspiration alors que Sirius le fixait d'un drôle d'air. Harry se rendit compte de la bizarrerie de la situation. Il s'apprêtait à expliquer sa fille à Sirius. Enfin, question bizarrerie...

Ce qu'il y a, c'est que pour Eridan la seule personne qui a dit être de sa famille, c'est Voldemort ! Et après, les rares personnes sur lesquelles elle a pu compter, elle ne les a surtout pas associées à des membres de sa famille ! D'ailleurs, en parlant de ça, essaie de ne pas agir stupidement avec Rogue. Même s'il a toujours été un sale type avec moi et que c'est un ancien mangemort, et aussi incroyable que cela puisse paraître, il a vraiment aidé Eridan et elle l'apprécie comme il l'apprécie. Alors je pense qu'il est plus que temps d'enterrer vos vieilles querelles. Je l'ai fait moi, je suis sûr que toi et mon père vous pouvez le faire… Pour Eridan, la famille est connotée uniquement négativement. Ce n'est pas comme pour moi. Moi j'ai eu comme modèle la famille Weasley et je t'ai eu toi ! Et puis, il y a une sacrée marge entre les Dursley et Voldemort ! Voldemort lui a fait subir des choses affreuses ! Je suppose que Narcissa vous a un peu raconté…

Sirius hocha la tête, attentif.

Et puis, il n'y pas que ça. Il y a moins de deux mois qu'elle sait que tu es son père et elle l'a appris après avoir appris ta mort. C'est plutôt perturbant, tu vois… Mais je peux t'assurer que quand elle a compris que tu étais son père, elle n'en a éprouvé aucun malaise. La seule chose qui la rendait triste c'était que tu étais mort sans qu'elle puisse te connaître ! Et puis il n'y a pas que ça. Quand nous avons affronté Voldemort et que nous avons décidé de jeter le sort de néantisation… nous savions très bien ce que cela signifiait... Ce n'était pas une décision facile, nous n'avions aucune envie de mourir, mais nous nous croyons déjà morts ! Et puis nous nous sommes réveillés et non seulement nous étions vivants mais vous, que nous croyons morts, aussi ! Y a vraiment de quoi devenir fou ! Et il y a encore autre chose… Eridan ne fait jamais semblant. C'est contraire à ce qu'elle est. Elle n'a jamais fait semblant de suivre Voldemort alors que cela aurait été vraiment dans son intérêt. Elle serait bien incapable de se faire passer pour une de ses partisanes, d'aller contre ses valeurs même si sa vie en dépendait !

C'est peut-être pour ça que le choixpeau l'a envoyé à Gryffondor et pas à Serpentard… réfléchit à haute voix Harry.

Une idée lui vint à l'esprit.

Sirius, quand tu étais jeune, tu n'as jamais essayé de faire croire à tes parents que tu pensais comme eux, n'est-ce pas ? Je parie que tu préférais leur crier ce que tu pensais d'eux…

L'homme hocha la tête.

Et bien tu vois, à ce sujet, vous avez encore plus de points communs que ce que je croyais. Eridan ne fait pas semblant. Elle a été élevée par un psychopathe qui l'a fait souffrir, elle le sait et le reconnaît. Elle ne veut pas qu'on fasse comme si ça n'était jamais arrivé, comme si ce n'était rien. C'est important ! C'est son passé et ce qu'elle veut c'est qu'on lui reconnaisse ça, pas faire semblant d'être une famille normale… Ce n'est pas avec des illusions qu'elle s'est construite, pas avec des illusions qu'elle ira mieux ! Et Voldemort, même si elle le hait et qu'elle est la première à rappeler qu'il est toujours là et que la guerre n'est pas finie, Voldemort est son grand-père…

Oui bien sûr, murmura une voix.

Harry et Sirius se retournèrent brusquement pour apercevoir Circé appuyée au chambranle de la porte.

Je n'ai jamais considéré Voldemort comme mon père, il ne l'est pas d'ailleurs, juste mon géniteur et encore… Mais il est le grand-père d'Eridan et ça, je crois que nous avions tous trop tendance à vouloir l'oublier…

Harry hocha la tête. Circé s'approcha d'eux et s'assit sur l'accoudoir du fauteuil de Sirius. Harry vit son parrain prendre presque timidement la main de la mère de sa fille. Il pensa tout d'un coup qu'il n'y avait pas que le fait d'être parents qui pouvaient les perturber mais aussi celui d'être un couple. En effet, cela faisait seize ans qu'ils ne s'étaient vus et c'était pareil pour ses parents. Harry étouffa un soupir. Il ne pouvait pas s'occuper de tout, il y avait des choses pour lesquelles il faudrait qu'ils se débrouillent seuls.

Et non seulement pour Eridan, Voldemort est son grand-père mais pour Voldemort, Eridan est sa petite-fille. C'est plutôt perturbant de s'apercevoir qu'un monstre comme lui peut éprouver quelque chose d'autre que de la haine pour quelqu'un, même si cette chose n'est ni de l'amour ni vraiment de la fierté… mais c'est un fait. Quand il lui a brisé les poignets, il ne l'a pas tuée, même s'il pensait peut-être qu'elle en mourrait. Et cette année, à chaque fois qu'il l'a croisée, avant de lui jeter des sorts, il lui a toujours proposé de le rejoindre, de lui accorder ce qu'il appelle une seconde chance… Et ce n'est pas seulement parce qu'il a peur d'elle ! Vous comprenez, c'est difficile de s'en sortir dans ces conditions…

Sirius et Circé hochèrent la tête.

Tu as raison, je crois que nous avons été maladroits, murmura Circé. Nous aurions dû lui laisser le temps de se faire à notre retour avant d'essayer de se comporter comme une véritable famille…

Maladroits ! Ce n'est pas de la maladresse. Même si ce n'est pas vraiment le mot adéquat, vous venez de ressusciter ! Non seulement vous ne pouviez pas savoir mais je suppose que ça ne doit pas être facile de revenir comme ça… Et ce qu'il y a, c'est qu'Eridan comprend très bien cela. Si elle en veut à quelqu'un, c'est uniquement à elle ! Question culpabilité, je crois que nous serions tous bons pour une thérapie ad vitam aeternam ! Maintenant, je crois qu'il faut que vous attendiez qu'elle arrive à remettre de l'ordre dans ses propres sentiments et qu'elle décide de vous parler mais sans que vous vous sentiez mal pour autant. Il faut que vous pensiez aussi à vous reconstruire individuellement et… en couple, pas seulement comme parents ! Nous nous sommes construits comme nous avons pu, ça n'a pas été sans mal et ça reste fragile sur bien des points. Et votre retour a mis en miettes brutalement une partie de ce que nous avons eu tant de mal à construire, certes pour que nous puissions nous reconstruire plus normalement mais… ce n'est pas facile et ça ne se fait pas en un jour ! Je ne sais pas si cela aurait été mieux de faire les choses plus lentement, par étapes et ça n'a plus d'importance. Maintenant c'est fait et c'est tout. Laissez du temps à Eridan et si vous vous reconstruisez, vous aussi, en même temps sans être mal, alors elle ne culpabilisera pas davantage et pourra se concentrer sur elle et ça devrait finir par aller mieux pour tout le monde !

Harry reprit enfin son souffle. Sirius le regardait avec dans les yeux une expression de fierté émue qui contrastait avec son air ébahi.

Tu as vraiment grandi depuis la dernière fois, murmura-t-il en étreignant l'épaule de son filleul.

Harry lui sourit.

Je crois que c'est plutôt une bonne chose, non ?

Le lendemain matin, Harry eut la surprise de voir Eridan s'asseoir à table avec eux.

Bonjour, dit-elle en acceptant la tasse de café que lui tendait Harry.

Pour la première fois depuis son réveil à l'hôpital, la jeune fille semblait heureuse et apaisée.

Le petit déjeuner se déroula dans une tranquille douceur puis, levant les yeux vers ses parents, Eridan demanda d'une voix timide :

Quand je serais à Poudlard, je pourrais prendre le nom des Black ?

La question était tellement inattendue que pendant plusieurs secondes, on aurait pu entendre une mouche voler. Harry se demanda s'il n'avait pas décidément des hallucinations avant de décider d'arrêter de se prendre la tête alors que pour une fois, les choses semblaient s'arranger.

Bien sûr, si c'est ce que tu veux, finit par répondre Sirius.

C'est ce que je veux.

Durant tout le reste de la journée, Sirius afficha un sourire idiot…

Alors qu'ils sortaient de table, Harry se décida à poser à Eridan la question qui lui trottait dans la tête depuis son intervention :

Tu veux bien me dire ce que t'a dit le professeur Rogue pour obtenir un tel changement.

Eridan afficha un petit air embarrassé.

Il m'a demandé si je voulais vraiment gâcher cette chance qu'on m'offrait d'avoir une vie plus normale et si je tenais tant que ça à ce que Voldemort me gâche aussi le reste de ma vie.

Harry écarquilla les yeux. Brutal, pensa-t-il. Brutal mais efficace !

La veille de la rentrée, alors qu'ils terminaient tout juste de déjeuner, la cheminée s'alluma, le feu devint vert, et le professeur Rogue en sortit.

Tu m'as demandé de venir, dit-il à Circé en guise d'introduction.

Effectivement Séverus. Je voudrais te remercier tout d'abord pour ce que tu as fait pour notre fille et je voudrais te demander d'être son parrain.

A ce moment là, Harry aurait tout donné pour avoir un appareil photo. Entre l'air absolument ébahi de Rogue, celui horrifié de son père, décidé et amusé de Circé, désabusé de Sirius et sa mère qui cachait un fou rire derrière une page de journal, il y avait vraiment de quoi faire un souvenir incroyable.

Quoi ! réussit à croasser Rogue.

Cela ferait très plaisir à Eridan j'en suis sûre et je pense que tu es tout indiqué pour ça. Tu veux bien signer ce papier pour dire que tu acceptes ?

Dans un état second, Rogue prit le papier et la plume que lui tendait Circé. Puis, prétextant des choses à faire avant la rentrée, il prit la fuite, tellement perturbé qu'il manqua de peu se prendre les pieds dans sa cape. Il n'était pas parti depuis deux secondes que sa mère explosa de rire, immédiatement suivie par Circé et Rémus. Harry les rejoignit bien vite et il fut heureux d'entendre le rire d'Eridan se joindre aux leurs. James et Sirius ne mirent pas longtemps à les imiter. Entre deux éclats de rire, Rémus expliqua à Harry que Circé avait pris cette décision à cause de la fierté maladive de Rogue, Sirius et James. C'était la seule solution pour que Rogue puisse venir voir Eridan sans que ni les uns ni les autres n'aient besoin de faire des excuses ou d'en accepter. Harry rit de plus belle. Les choses s'arrangeaient. Oh, ils n'étaient pas des familles normales, et sans doute ne le seraient-ils jamais, mais cela s'améliorait et la normalité n'avait pas tant d'importance, en tout cas beaucoup moins que le bonheur. Certes, les relations qu'ils avaient tous tissées étaient fragiles et rien ne pourrait changer le passé mais… avec un peu d'effort, cela n'empêchait pas d'être heureux. Même si Voldemort n'était pas là et qu'il fallait à nouveau songer à un moyen de s'en débarrasser, même s'il y aurait des moments difficiles, le plus dur était fait ! Et quant à Voldemort, et bien ils régleraient un problème après l'autre et pour l'instant la balle était dans le camp de Voldemort…