Des amies qui vous veulent du bien...
Chapitre 3.
« Saaaaaaaiiii ! » hurla Hikaru se précipitant sur le jeune homme qui venait d'apparaître sur scène.
Il n'arrêta pas sa course, l'entraînant avec lui dans les coulisses et le plaquant au sol tel un rugbyman.
« C'est bien toi ? » demanda-t-il en se relevant, détaillant son ami allongé sous lui, vêtu d'une tenue plus ordinaire mais assez inhabituelle pour lui.
Des murmures d'incompréhension s'élevèrent dans la salle en voyant le spectacle brusquement interrompu. Une hôtesse s'empara immédiatement du micro pour expliquer qu'il était fréquent que l'auteur à succès se fasse de la sorte harceler par ses fans, ce qui prouvait une fois de plus, qu'il avait été judicieux qu'il garde jusqu'alors l'anonymat.
Pendant ce temps, fou de joie de retrouver son ami mais inquiet à l'idée de devoir encore se justifier auprès d'Akira (fort jaloux) sur ce beau et mystérieux jeune homme aux si longs cheveux qu'il semblait très bien connaître, Hikaru prit Sai par la main et l'entraîna vers les toilettes dans lesquelles il se boucla avec lui.
« Hikaru ! » protesta Sai sans que celui-ci l'écoute. « Je ne suis plus obligé de t'accompagner aux WC, maintenant. Tu peux y aller sans que je te suive ! Je peux bouger par moi-même !»
« Comment es-tu revenu ? » demanda immédiatement le jeune garçon, ignorant sa remarque précédente et oubliant de se réjouir de la nouvelle.
« C'est une longue histoire… » commença l'homme, embarrassé.
« Mais pourquoi cette femme a-t-elle annoncé que tu étais l'auteur de 'Go and love' ? »
« Parce que c'est la vérité ! Hi hi hi ! Je ne suis pas seulement fort au go ! J'ai d'autres talents ! Tu ne te rappelles pas des superbes notes que tu avais quand je faisais tes rédactions d'histoire ? »
Hikaru fronça les sourcils, mécontent qu'on lui rappelle ce souvenir.
« Bon, ça va ! Mais pourquoi as-tu fait ça à Isumi-san ? Je croyais que tu l'aimais bien ! Tu n'arrêtais pas de dire qu'il était trop mignon et qu'il avait un trop sexy petit derrière… »
Sai rougit, gêné : « Euh… c'est vrai, c'est vrai ! Hihihi ! »
« Et Ogata-sensei ? » poursuivit l'adolescent « Je croyais que tu le respectais et que tu voulais disputer une vraie partie contre lui ? »
« C'est vrai aussi. Mais tu me connais, Hikaru, dès qu'un homme n'est pas trop mal fait, on ne me tient plus ! Mais pour les lettres anonymes, je te jure que c'est pas moi. »
Hikaru, suspicieux, le regarda de travers:
« Quelles lettres anonymes ? »
« Oups ! »
« Sai, tu ferais mieux de tout m'expliquer et le plus clairement et rapidement possible ! »
« D'accord, c'est moi qui ai écrit 'Go and love' mais c'était sous la contrainte ! »
« Sous la contrainte ? Mais comment es-tu revenu d'abord ? »
« Ben je suis retourné tout bêtement dans le vieux goban de ton Grand-père puisque ma mission était terminée. »
« Pas possible ! Je suis allé le voir et tu les tâches de sang avaient disparues ! Tu ne peux pas savoir à quel point je me suis fait du souci ! »
« Hihihi ! C'est que ce n'était pas le vrai. Le véritable goban de Shusaku, ton grand-père l'a revendu pour se payer les services de masseuses thaïlandaises. »
« Quoi ? »
« Donc je dormais dans ce goban dont le nouveau propriétaire se servait comme repose-pied et j'ai entendu parler de choses intéressantes. Tu sais, comme dans les mangas que tu veux jamais acheter pour moi, Hikaru ! Alors je me suis montré ! Et je suis tombée en plein milieu d'une réunion de filles. Tu sais, ces choses étranges avec des longs cheveux comme moi, qui perdent tout le temps au go, comme toi ; portent des habits bizarres, comme Akira et ne cessent de se plaindre comme Mitani. Mal m'en a pris. Tu ne peux pas savoir comme j'ai souffert ! »
« Mouais, mouais, ça saute tout de suite aux yeux en te voyant… »
« Elles m'ont séquestré. Elles voulaient tout savoir sur ma vie amoureuse et surtout sexuelle. Et ensuite, elles m'ont même forcé à écrire des histoires et elles n'étaient jamais satisfaites, elles voulaient toujours plus long, toujours plus descriptif… »
« Et ? »
« Elles ne savaient même pas jouer au go. Je m'embêtais alors elles m'ont promis d'apprendre et de jouer avec moi si j'écrivais une histoire comme 'Go and love'. »
« Mais pourquoi l'avoir fait sur Isumi et Ogata ? »
Sai prit un air outré :
« Il fallait bien que je m'inspire de personnes que je connaissais ! Et je n'allais tout de même pas te prendre toi comme sujet avec Waya. Ca non ! J'ai une morale moi ! »
« Humhum en effet…. » convint Hikaru « Enfin bref, qu'est-ce que tu comptes faire à présent ? »
« Ecrire d'autres livres, pardi ! T'as vu ce succès ! En plus j'ai déjà une idée pour le titre du prochain : 'Le paradis du batifolage' ! Ca sonne bien, non ? »
« Sai ! Ne fais pas l'enfant ! Tu dois réparer les dommages causés à Ogata-sensei et à Isumi-san ! »
« Dommage ? Mais non c'est pas dommage ! »
« Sai ! Tu n'es qu'un égoïste ! »
« Bon, bon…. Qu'est-ce que je dois faire, alors, Hikaru ? »
Heureusement, pendant ce temps, dans la salle de réception, Maître Morishita s'était emparé du micro, se dévouant pour sauver la soirée et de sa plus belle voix de baryton, avait entonné un hommage à Joe Dassin (une star très à la mode au Japon, comme chacun sait) avec le très approprié : 'Et si tu n'existais pas'.
Quand Sai et Hikaru se furent mis d'accord et sortirent des toilettes, ils ne remarquèrent pas une ombre furtive qui se faufila à leur suite dans le couloir.
L'ombre, qui avait une étrange forme de champignon, passa une porte qui menait directement dans le public et non pas en coulisse et s'approcha discrètement d'Isumi.
« Isumi-san, tu connais un dénommé Sai ? »
« Sai ? Sai du net ? » répondit à sa place Akira, incrédule, qui était resté près de lui après l'avoir empêché de suivre Hikaru et le mystérieux jeune homme aux longs cheveux.
« C'est quelqu'un que tu connais, Akira ? » lui demanda Isumi, se tournant vers lui.
« C'est un joueur super fort qui a même battu mon père ! »
« Comment ? »
« Ce Sai est une connaissance de Shindo… » précisa le troisième luron.
« Ochi ! Comment es-tu au courant ? » demandèrent d'une même voix les deux jeunes hommes.
« Ben j'étais aux toilettes pour taguer la porte, comme d'habitude et j'ai entendu la discussion entre ce dénommé Sai et Shindo. Ils avaient l'air de bien se connaître… Ils ont l'air d'écrire souvent des choses ensembles…»
« Cet homme était Sai ? Et il connaît Shindo ? J'en étais sûr ! » cria Akira.
« Cet homme a écrit 'Go and love' ? Et il connait Shindo? Comment est-ce possible ! » cria de son côté Isumi.
C'est à ce moment là qu'Hikaru arriva près d'eux pour regagner sa place. Akira se précipita vers lui et le gifla aussitôt :
« Tu m'avais dit que si je couchais avec toi, tu me dirais la vérité sur Sai et tu m'as menti ! »
« Aïe ! Akira… »
Comme l'adolescent aux mèches teintes se tenait la joue, une deuxième gifle partit, venant d'Isumi celle-là :
« J'ai refusé tes avances alors tu t'es vengé en aidant à écrire 'Go and love' ! »
« Aïe ! Isumi… »
Akira et Isumi, la tête haute et l'air outrés, s'éloignèrent.
Hikaru, incrédule, regarda Ochi.
« Non mais qu'est-ce qui leur prend ? »
Le petit regard de fouine que lui adressa l'adolescent roux ne le rassura pas.
« Aïe ! Mais qu'est-ce que je t'ai fait ? » demanda Hikaru, surpris en recevant une troisième gifle.
« Tu flirtes avec tout le monde et même pas avec moi ! » expliqua Ochi avant de tourner lui aussi les talons.
Tandis que Hikaru digérait les événements sans les comprendre, Sai s'était rendu au chevet d'Ogata à l'infirmerie.
Il prit une chaise et, un peu intimidé, resta sans parler auprès du convalescent. Celui-ci, sentant une présence, se tourna lentement vers lui et la voix chevrotante, demanda au nouveau venu :
« Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? »
« J'étais venu vous présenter toutes mes excuses…. » murmura Sai d'une voix douce.
« Vos excuses ? Mais pourquoi ? »
« C'est moi qui suis l'auteur de 'Go and love'…. »
Le visage d'Ogata se décomposa davantage et il prit une voix plaintive pour demander :
« Ainsi, c'est vous mon bourreau ? Mais pourquoi tant de haine ? Que vous ai-je fait ? Vous ai-je nui dans une vie antérieure ? »
Sai bondit de sa chaise, tout excité :
« Comment ? On s'est déjà croisé dans le passé ? Pas possible ! Et nous avons disputé une partie de go, peut-être ? Ou alors, nous avons été… plus intimes… ? »
Ogata le fixa, le regard vide, n'ayant pas l'air de saisir le sens de ses paroles ni la raison de sa soudaine agitation.
« Je ne comprends rien à ce que vous dites ni à tous ces reproches que vous me faites… »
Sai, l'air contrit, baissa la tête.
« Ecoutez… j'ai appris que mon livre vous a fait un petit peu de tort… »
Ogata leva un sourcil mais laissa Sai poursuivre :
« Peut-être que si je vous offrais des vacances loin de l'agitation qui règne ici, vous pourriez vous rétablir en toute sérénité et je réparerai un peu le mal que je vous ai causé bien malgré moi… »
« La seule fois où j'ai pris des vacances, cela a tourné au cauchemar…. » objecta Ogata.
Mais Sai ne l'écoutait pas.
« Moi aussi ça fait bien longtemps que je n'ai pas pris de repos. Toutes ces contraintes que l'on a quand on devient célèbre ! Ecoutez, j'ai justement là des billets pour une croisière paradisiaque sur le lac Léman. Qu'en dites-vous ? »
« Le lac Lemon ? » répéta Ogata, incrédule.
« Vous verrez, c'est formidable ! »
L 'homme ne connaissait pas ce lac et dans un accès de faiblesse, il approuva de la tête, comme s'il acceptait la proposition.
Sai tenta de dissimuler un grand sourire de satisfaction :
« Hé hé hé ! » pensa-t-il « Seul avec Ogata et un goban durant un mois entier ! Quelques somnifères dans les verres de mes amies et le tour est joué ! »
Mais alors qu'il venait d'élaborer son plan machiavélique, Hikaru fit irruption dans l'infirmerie et après avoir rapidement salué Ogata, il tira Sai dehors.
« Alors ? Tu as réglé le problème ? »
« Oui, je me suis arrangé avec Ogata. Je suis sûr qu'il ne m'en veut plus. Nous allons même partir en vacances ensemble ! »
Hikaru se renfrogna :
« Tu me laisses des mois sans nouvelles et quand tu réapparais, c'est pour te tirer avec le premier qui passe ! »
« Mais Hikaru ! C'est toi qui m'as dit d'aller réconforter Ogata ! »
« Je ne t'ai pas dit d'aller le réconforter ! Je t'ai juste demandé de t'excuser ! Et Isumi ? Qu'est-ce que tu comptes faire pour lui ? Tu pars en vacances avec Ogata, fort bien, mais j'espère que tu as prévu une compensation pour Isumi ! »
« Euh… » fit Sai gêné.
L 'ex-fantôme prit un air de chien battu mais Hikaru ne le prit pas en pitié.
« Très bien…. » finit par céder Sai après quelques minutes de silence « Je donnerai mon billet à Isumi ! Moi qui rêvais pourtant de naviguer sur ce lac ! »
Hikaru sembla apaisé et Sai l'accompagna alors dehors pour calmer Akira.
Dans l'infirmerie, Ogata soupira longuement en regardant le plafond.
Une croisière… c'était sûrement ce qu'il lui fallait ! Il avait rêvé toute son enfance devant les images féeriques de 'la croisière s'amuse'. Il prendrait sûrement du bon temps. Il sourit légèrement.
« Je vais pouvoir décompresser ! » prédit-il.
FIN