Bon, nos deux tourteraux sont séparés... foutue Shin-Ra...
Alors je vous présente ici ma version de l'existence de Kadaj avant AC... je sais pas ce que vous allez en penser... personnellement, avant d'écrire le chapitre, je n'avais pas vraiment d'idée précise, juste celle d'un labo plein de clones... et d'une grande souffrance... c'est venu au fur et à mesure.
Merci encore aux revieweurs-ses! Je vous aime!
Apprendre le monde 5
Une vision d'éternité
Celle de la mort
Laissez-moi libre
Laissez-moi mourir
Je n'avais pas vraiment compris ce qui se passait. Je m'étais levé, mais Cloud était déjà parti. Je n'entendais pas grand-chose, l'appartement devait être libre. Je suis allé prendre une douche, je me suis habillé d'un nouveau kimono, vert forêt cette fois, et Marlene est venue me voir. Barrett lui avait permis de rester avec moi. Je me sentais honoré par cette subite confiance. Denzel était là aussi, souriant comme d'habitude.
Mais nous n'avons pas pu commencer à jouer. À peine entré dans la chambre de Marlene, une voix amplifiée me parvint aux oreilles. On me demandait de sortir, de me rendre. Je ne comprenais pas vraiment. Je suis allé à la fenêtre et j'ai vu cette centaine de militaires qui pointaient leurs armes sur moi. Et il y avait cet homme – je le croyais mort, nous l'avions torturé, lui et sa collègue, jusqu'à ce qu'ils meurent, mais c'était sûrement mieux qu'il soit encore vivant – c'était lui qui me sommait à me rendre.
J'ai demandé aux enfants de se coucher sous le lit et j'ai sauté par la fenêtre. Et je me suis battu. Ces soldats n'étaient rien, leurs armes n'étaient que des jouets. Je les ai tous éliminés rapidement. Ils me voulaient du mal; je ne leur en voulais pas, pas vraiment. Je voulais simplement qu'ils cessent de s'en prendre à moi. Je ne crois pas avoir tué personne. S'il y a des morts, c'est que ces idiots se sont tirés dessus.
Lorsque les coups de feu et les attaques au corps à corps cessèrent, j'ai regardé au-dessus de ma tête. Un hélicoptère de la Shin-Ra. Évidemment. J'ai sauté, j'y suis entré, une fenêtre était ouverte. On a encore essayé de me faire du mal… je me suis défendu, et j'ai entendu la voix de Rufus.
La caméra. Un autre jouet dont je ne comprends toujours pas le fonctionnement. Ça m'est un peu égal : Rufus pouvait me voir et m'entendre, et même me répondre. Et Cloud était avec lui. Je ne comprenais pas vraiment ce qu'ils faisaient ensemble – je ne comprenais vraiment rien, j'avais agi par pure impulsion depuis que j'avais entendu la voix de l'homme en noir qui m'ordonnait de me rendre. Je n'avais pas la notion du bien ou du mal, seulement celle de ma défense.
Rufus me voulait à nouveau. Pourquoi, ça, je l'ignorais. Parce que j'étais un esprit de Sephiroth… je ne pouvais pas le croire. Shachou n'est qu'un menteur et un traître.
J'ai été jeté à terre et coincé par un coup de traître…
J'ai cherché à me dégager du corps de ce grand homme qui me maintenait par terre, sans succès. Il était trop lourd, il m'étouffait. Son collègue lui a jeté un bout de tissu humide, et le grand Turk le posa sur ma bouche. Sentant, goûtant presque le chloroforme dont il était imbibé, je secouai la tête et mordis les doigts tenant le chiffon. Sans succès.
-Cloud…
Ma tête était horriblement lourde. Mes yeux se fermaient sans mon consentement. Mes muscles m'abandonnèrent. Je sombrai dans les ténèbres.
OoOoO
Il faisait sombre, presque noir. C'était plus lumineux dans mes rêves, me dis-je en ouvrant les yeux. J'avais été réveillé par un choc, comme si la terre tremblait, toujours plus fort. Je voulus m'asseoir, mais je me rendis compte que j'étais ligoté. Chevilles, jambes, poignets et bras contre le corps. Les liens étaient très serrés, j'en avais des fourmillements partout dans le corps.
-Bon, il se réveille.
Je tournai la tête. J'étais dans un camion qui devait manifestement rouler sur une route particulièrement cahoteuse. Avec moi, il y avait ce petit homme aux cheveux rouges, celui qui pilotait l'hélicoptère avant qu'on ne m'endorme.
-Yo, ça va? Paraît qu'il faut pas trop t'abîmer…
Il se pencha sur moi en me souriant. J'aurais voulu le frapper, mais j'en étais incapable.
-Regarde-moi pas comme ça, le gamin. Faut pas m'en vouloir, moi je ne fais que suivre les ordres du patron.
-Quels sont ses ordres, exactement?
-En gros… on te ramène à la maison.
-La maison?
Il se tapa le front avec le doigt avec un air idiot.
-Mais oui, Kadaj, là où tu es né.
Là où j'étais né… il fallait que je réfléchisse. Ma tête était encore dans l'étau de nuages où le chloroforme l'avait placée. Ma naissance… j'avais eu droit à plusieurs naissances, en fait. J'étais un être pluriel, j'étais sans être vraiment, j'étais… un esprit de Sephiroth. Un clone, un corps où son âme et ses cellules ont pu trouver la place pour croître. J'étais né comme tous les enfants, d'un père et d'une mère, cela je le savais, même si je ne pouvais pas m'en rappeler – évidemment, comment l'aurais-je pu?
J'étais un être formé de Mako et de cellules qui ne m'appartenaient pas, des cellules de Mère, des cellules de Sephiroth… j'étais un être créé par Hojo. Oui, c'était lui qui m'avait… déshumanisé. Un bébé normal qui était devenu… ce que j'avais pu devenir. Ce que Yazoo et Loz étaient aussi devenus. Le Mako avait délavé nos cheveux, donné à nos yeux leur forme étrange et leur couleur pâle… et Mère…
Je ne voulais pas me souvenir de Mère ou de ce qu'elle m'avait fait faire. De toute façon, grâce à Aeris, elle ne faisait plus partie de moi. Je secouai la tête, et le rouquin me sourit bêtement.
-Là… tu te souviens?
-Le laboratoire… de Hojo?
-À peu près ça.
Je m'agitai à nouveau, mais mes liens étaient vraiment trop serrés.
-Hojo avait plusieurs labos… celui de la Shin-Ra, à Midgar, le sien, à Corel, et un autre à Mideel… celui où tu es né. Le plus intéressant, d'ailleurs. Ce type était un fou, mais c'était aussi un génie.
-Je ne veux pas retourner là-bas!
D'horribles souvenirs remontaient à ma mémoire. Ce que j'aurais voulu garder bien camouflé au fond de mon être. Un tube où j'étais enfermé jour et nuit, depuis ma naissance ou presque, nu et frigorifié, sentant le Mako me pénétrer par tous les pores de ma peau, sans pouvoir me défendre contre l'énergie dévorante. Et sentir, par ces aiguilles dans ma peau, une autre vie que la mienne me pénétrer…
-Je ne peux pas retourner là-bas!
Entendre les cris de mes semblables qui, comme moi, subissaient le même traitement. Des centaines de mes semblables. Des centaines de mes frères et soeurs. Il y avait des bébés qui pleuraient, des enfants qui pleuraient, des adolescents qui pleuraient, des adultes qui pleuraient, même. On ne se fait jamais vraiment à la douleur. Des centaines de personnes enlevées par Hojo, abandonnées par leurs parents, des centaines de personnes aux cheveux gris ou blancs.
-Vous ne me forcerez pas à retourner là-bas!
Il y avait la souffrance, mais je ne connaissais rien d'autre. Je croyais que c'était normal. Tout le monde souffrait autant que moi. Nous étions tous nourris par intraveineuses. Nous apprenions à parler avec des images projetées directement dans notre cerveau. Notre sommeil était calculé, nous étions endormis par des gaz et éveillés par d'autres gaz. Plusieurs mouraient rapidement. Je voyais le Mako déchirer leur chair, tordre leurs os. Ils étaient évacués, leur tube était nettoyé, et on y mettait un nouveau sujet. Un nouveau-né.
-Je préférerais mourir plutôt qu'aller là-bas!
Des aiguilles, des aiguilles dans mes veines. Quand on m'a sorti de mon tube – combien d'années y ai-je passé? – on m'a attaché sur une table et on m'a opéré. J'étais anesthésié, je ne sentais rien, mais je voyais ces visages masqués, ils s'échangeaient des mots courts, brefs, secs. J'avais peur de ces inconnus, j'avais peur hors de mon tube, je ne savais pas que le monde extérieur pouvait être aussi terrifiant, même si c'était loin d'être une vision réelle d'un monde extérieur.
-Je ne veux pas aller là-bas!
Après cette opération, ils m'ont changé de salle. Je n'étais plus parmi mes frères et mes soeurs. Il n'y avait qu'une dizaine d'autre tubes, irradiant la lumière Mako, d'une teinte encore plus aveuglante. C'est là que j'ai compris que j'étais plus fort que les autres – mais combien je le regrettais! C'est aussi là que j'ai vu Yazoo et Loz pour la première fois. Yazoo était à ma droite, Loz à ma gauche.
-Vous ne pourrez jamais m'obliger à retourner là-bas!
Quelques années. Le temps de devenir fou, mais pour moi le temps était une chose très floue. Je commençais à ressentir la présence de Mère dans ma tête. Elle me disait qu'elle m'aimait, elle me disait que j'étais fort, elle me disait que j'étais digne de porter l'esprit de Sephiroth. Elle m'a donné le courage de vivre.
-Je vais me tuer si vous me forcez à retourner là-bas!
Puis… plus rien. Rien. Plus de Mako, plus de cellules, plus rien. Plus de nourriture… j'ai cru mourir… puis j'ai frappé sur le verre du tube. J'ai frappé avec toute la force de mon âme. La plupart des autres étaient déjà morts. Mes deux voisins étaient les seuls encore vivants, ils me regardaient, l'oeil hagard, frapper sur le verre. Au moment où je crus m'épuiser, je sentis une nouvelle force m'envahir, celle de Mère, celle de Sephiroth aussi. Et j'ai brisé le verre.
-Je ne veux pas retourner là-bas!
-Yo! Calme-toi!
Mes muscles étaient atrophiés – je n'avais pratiquement jamais bougé de toute ma vie, jamais hors de mon tube… Un mètre de diamètre d'existence… Ce n'est pas suffisant pour faire de l'exercice… Alors je me suis effondré, parmi les débris de verre. J'ai saigné, connu cette autre douleur. Et au bout d'un moment, j'ai pu libérer mes deux frères. Loz. Yazoo. Mes aînés. Dès ce moment, ils sont devenus mes complices.
-JE NE VEUX PAS RETOURNER LÀ-BAS!
Nous étions encore nus, mais il faisait moins froid que dans notre tube. Nous étions… libres. C'était merveilleusement effrayant. C'était au-delà de tous nos rêves. Mais en quittant notre pièce, nous avons aussitôt connu l'horreur de la mort. Cette salle où j'avais passé toute mon enfance, cette salle où avaient vécu des centaines de mes frères et de mes soeurs… avaient vécu… ils étaient tous morts… ils se putréfiaient sur place, dans leurs tubes, l'odeur était suffocante… Nous avons traversé cet immense charnier en rampant, déjà à bout de force…
-T'ES CHIANT, LE GAMIN, TA GUEULE!
-Je ne veux pas y retourner… pitié…
Hojo inspectait les lieux. Hojo se rendait compte de l'ampleur du désastre. Et lorsqu'il nous vit… son visage s'illumina d'un sourire inhumain. Je ne comprenais pas pourquoi il portait des vêtements, des lunettes, pourquoi ses cheveux étaient bruns, il était d'une étrangeté absurde à mes yeux. Hojo nous sauva cette fois-là, parce que nous étions les forts. Après nous avoir condamnés à une vie de souffrance, il nous sauva. J'aurais voulu le tuer, je le haïssais, je haïssais tout ce qui n'était pas moi et mes frères… mais j'en étais encore incapable. Je ne vis Hojo que cette fois. Il retourna à Midgar après que la barrière érigée par Sephiroth, au cratère du Nord, ait éclaté, il voulait lui donner de l'énergie. Il était le père de Sephiroth, tout comme il était mon père. Il l'aimait par sa science.
-Rien à foutre de ce que tu veux ou ne veux pas, on te ramène là.
-Non! Non! NON!
Hojo était mort. Nous étions à nouveau seuls. Je ne savais pas ce qu'était le monde, nous étions toujours dans le laboratoire, dans des chambres. Des lits. Nous avions des vêtements, que de simples chemises d'hôpital, mais tout de même des vêtements. De la nourriture, et mâcher était un plaisir étrange, goûter était divin. De l'eau à boire pour nos gorges asséchées. Nous connaissions enfin la chaleur. Nous vivions tous les trois, seuls, dans ce laboratoire au beau milieu de la jungle de Mideel. Nous comprenions pourquoi le laboratoire devait être caché des yeux indiscrets. Nous nous disions qu'il faudrait bien sortir un jour… lorsque la nourriture serait épuisée…
-Yo, ça suffit, là!
-JE NE VEUX PAS, JE NE VEUX PAS, JE NE VEUX PAS!
Ce fut Mère qui m'ordonna de sortir. La lumière du soleil me brûla les yeux, même si elle était filtrée par toutes les feuilles de tous les arbres. Des végétaux. Des animaux. Des insectes. Je me pris de haine pour tout ce qui s'offrait à mon regard. Mère m'insufflait cette haine. Mes frères derrière moi, je leur dis ce que Mère attendait de nous. Il nous fallait quelqu'un pour s'occuper de nous, ce serait elle. Elle était dans nos chairs, dans notre sang, dans nos yeux. Elle était notre substance, notre monde, notre vie. Elle était cette force qui nous avait permis de survivre, alors que tous les autres étaient morts. Si j'avais su, à ce moment, ce qu'elle me ferait faire, ce que je deviendrais par sa faute…
-TU VAS LA FERMER, OUI?
Paire de gifles. Je revins à la réalité. Le camion qui roulait dans la jungle de Mideel. Le Turk aux cheveux rouges en face de moi. Mes liens.
-Pourquoi aller là-bas?
-Sais pas. Pas vraiment besoin de savoir pour obéir.
Je me mis à sangloter. Ma vie d'horreur, ma vie de souffrance… ils n'allaient pas me remettre dans mon tube? Continuer l'expérience? Non, je ne pouvais pas y croire. Qu'allaient-ils faire de moi, dans ce cas? Il y avait toutes sortes de pièces dans ce laboratoire. Nous les avons toutes explorées, mais nous ne comprenions rien. Enfin, pas grand-chose, car il y avait surtout de la mécanique, de l'électronique… des machines. Cependant, dans l'une d'elles, nous avons trouvé des armes et des vêtements de combat en cuir. C'est Mère qui nous a conseillés. J'y ai pris mon fidèle souba, Yazoo a choisi ses gunblades et Loz a pris son bras mécanique électrifié. Nous étions émerveillés. Peut-être parce que nous ne connaissions que la voix de la violence.
-Bon, il se met à chialer, maintenant. C'était si terrible?
Je lui jetai un regard noir si intense qu'il en recula. Comment pouvait-il se douter…? Il ne pourrait jamais comprendre. Tout ce qu'il avait pu vivre jusque-là était le paradis en comparaison avec mon existence passée. Même la sortie du laboratoire, qui à l'époque m'avait parue emplie de bonheur, avait des allures de cauchemar. Les monstres qui hantaient la jungle de Mideel nous attaquaient sans relâche. Mère nous donnait la force de manier nos armes, et nous apprenions vite, mais nous étions souvent blessés. Et même si nous guérissions rapidement, grâce à notre sang Mako et nos cellules de Mère, nous devions nous contenter de souffrir. De subir les attaques. Nous étions condamnés à être forts ou à mourir.
-… faut croire que oui… mais j'en ai rien à faire, si le patron le demande, il faut que j'obéisse.
Il fallut nous un an et demi pour acquérir la force nécessaire pour rechercher enfin Mère. Comprendre juste assez le monde pour voir où étaient les puissants, où étaient les faibles. Verser le sang de ces faibles, verser le sang des traîtres, verser le sang de tous ceux qui s'opposaient à nous.
-Shachou… Shachou est un traître. Shachou est un lâche.
-Peut-être, mais c'est lui qui a le pognon.
Je soupirai, laissant couler les larmes. Je ne voulais plus revivre dans ce monde si clos, si froid, si douloureux… je connaissais enfin la liberté… d'abord la liberté physique… puis la liberté de mon esprit… Je ne voulais plus de Mère en moi, je ne voulais pas d'autre Mako, je voulais seulement retrouver Cloud. Moi qui avais appris à me débrouiller par moi-même, je souhaitais vivement que quelqu'un vienne me sauver.
Le rouquin s'éloigna encore de moi et s'assit à l'extrémité opposée du camion. Il prit son PHS, contacta quelqu'un, échangea quelques mots et raccrocha. Il me regarda, l'air troublé.
-Désolé, petit, mais il va falloir que je te rendorme. On arrive.
Je le regardai, sans expression. Je ne voulais plus rien du monde, j'aurais préféré mourir plutôt que retourner au laboratoire. Dormir… cela ne changeait rien. Ce ne serait que d'autres ténèbres avant l'enfer.
