Ce chapitre a été un cauchemar à imaginer et à concevoir, je me tapais littéralement le front sur les murs... mais une fois que j'ai commencé, ça a coulé bien plus facilement que je l'imaginais! Sephiroth est très difficile à cerner, mais je crois que l'essentiel de sa philosophie se retrouve ici... La philosophie Sephirothienne et la philosophie Cloudienne, d'ailleurs...

(Bon, là ya Wilya qui insiste pour que je me dépêche...)

Alors on se revoit au prochain le chapitre, le dernier! À bientôt!


Apprendre le monde 14

La chair n'est rien

Le corps n'est qu'une machine

Le sang n'est rien

La vie n'est qu'un songe.

Kadaj et moi attaquions Sephiroth, sans relâche, et je sentais qu'il faiblissait, je sentais… que nous étions trop forts pour lui. Il était dans les airs, et nous bondissions vers lui, poussés par nos amis qui restaient en bas.

-Mère serait si déçue de t'entendre…

Sephiroth parlait à Kadaj, il me semblait que j'étais presque un étranger, que ce combat était le leur, je n'étais là que pour rétablir l'équilibre des forces.

-Mère n'est rien.

Ils étaient les deux fils de Hojo, les deux enfants de Jenova, ils étaient, d'une certaine manière… sublimes. Je frappais, et Sephiroth esquivait avec grâce ou bien opposait Masamune à la lame de ma lourde épée, et Kadaj frappait, et Sephiroth… combat de mort, combat acharné…

-Mère est tout. Elle est ma substance, et je suis la tienne.

Je vis le sang éclater sur le bras droit de Kadaj, quelques gouttes tombèrent sur moi… quelques gouttes du sang de Sephiroth, aussi, touché à la jambe. J'aurais voulu crier, mais je sentais que Kadaj… allait bien… je sentais que Kadaj… allait gagner.

-Non, Sephiroth. Je suis Kadaj. Simplement Kadaj. Et tu m'appartiens.

Et Kadaj… gagna. Oui, il avait gagné. Sephiroth était touché au ventre, Kadaj l'avait pratiquement tranché en deux, comment pourrait-il… survivre… à une telle blessure? Je voyais toute la douleur dans son visage, et surtout la stupéfaction… celle d'avoir été touché par… son frère… d'avoir été vaincu…

Une grande aile brune apparut dans son dos, à sa gauche. Il volait toujours, Kadaj et moi retombions. Était-ce terminé? Tous regardaient au plafond, regardaient cette silhouette à une seule aile, et…

Il lança Masamune sur moi, en poussant un cri de rage. Je la frappai avec mon épée, et elle alla se planter dans un mur en vibrant de toute sa longueur.

Sephiroth se précipita vers Kadaj qui retombait non loin de moi, et… il le prit dans ses bras. Pourquoi ne le tuait-il pas, je ne le savais pas… pourquoi ne se vengeait-il pas avant de mourir?

Parce qu'il ne voulait pas mourir…

J'atterris sur le sol rocheux alors que Sephiroth se redressait, le corps immobile de Kadaj contre lui. Il m'adressa un horrible sourire, puis il se tourna vers la tête de Kadaj, appuyée sur sa poitrine, et dit :

-On verra qui appartient à qui, Kadaj.

Et la grande aile brune les enveloppa tous les deux. On ne voyait plus rien d'eux, et… je sentais que Kadaj… Kadaj était condamné… et je me sentais triste, triste et enragé, enragé contre moi-même qui n'avait pas pu le protéger… moi qui avais cru que Sephiroth était déjà mort… lui qui refuserait éternellement de se contenter d'être un simple souvenir…

La grande aile brune disparut, plumes tourbillonnantes s'évaporant dans l'air, et Sephiroth retomba au sol comme une pierre, s'y enfonça comme un météore en faisant éclater tout ce qui se trouvait autour de lui. Son énergie était flagrante, explosive.

-Fuyez! criai-je aux autres.

-Crois-tu que nous allons t'abandonner? s'exclama Tifa.

-Oui, tonna la voix de Sephiroth, fuyez si vous tenez à vos misérables vies!

-Fuyez! répétai-je.

-Mais toi, Cloud?

Tifa se fit entraîner par Reno et Rude et dut suivre les autres, mais je sentais son regard, son regard, son regard désespéré sur moi… Je devais rester… je devais battre Sephiroth… je l'avais déjà battu, non…? J'étais encore le seul à pouvoir le faire.

Sephiroth se releva. Sa peau semblait fumer, comme si elle irradiait une lumière noire. Il ne portait plus aucune trace de la blessure infligée par Kadaj… Kadaj…

-Où est Kadaj?

-Il m'appartient.

-Où est-il?

-Là où tu ne pourras jamais le retrouver, Cloud. Dommage, il était bien avec toi. Aussi bien qu'Aeris. Les deux étaient de parfaits idiots qui t'aimaient très, très fort…

La colère montait en moi, une furie incontrôlable.

-Comment oses-tu parler d'Aeris ainsi? Et Kadaj…

-Tu devrais les oublier, Cloud. Les oublier. De toute façon, tu vas bientôt mourir de ma propre main. Tu veux les retrouver? Sentimental, tu as toujours été bien trop sentimental. Mais tu vas les retrouver grâce à moi, tu pourras me remercier quand tu seras mort.

-Crois-tu que je vais me laisser tuer aussi facilement?

Mais j'étais ébranlé… Kadaj… était-il… vraiment mort? Il avait disparu…

Sephiroth s'éleva à nouveau dans les airs. Son sabre se dégagea du mur de pierre et revint dans sa main tendue.

-Te laisser tuer, bien sûr que tu devrais te laisser tuer. Je n'ai jamais compris la volonté de vivre des humains, dit Sephiroth. Je n'ai jamais compris vos motivations pour sauver ce monde corrompu. Je suis là pour le sauver, je suis là pour tout détruire afin de mieux reconstruire. La vie n'a qu'une importance secondaire dans ce projet, du moins pour l'instant…

Il leva sa main libre dans les airs, et le plafond éclata… le plafond qui était la montagne… c'était la montagne entière qui explosait. Je vis les énormes blocs de pierre et de terre s'écraser dans les plaines… heureusement que la région était déserte… Je voyais aussi la Sierra voler au-dessus de nous, bien au-dessus… mes amis avaient pu éviter cette catastrophe, et je poussai un léger soupir de soulagement. Ils volaient dans le ciel qui se couvrit de nuages à une vitesse extraordinaire, des nuages gris, lourds, comme s'ils étaient de la poussière, des nuages chargés d'éclairs…

-Il n'y a rien qui n'ait pas d'importance, Sephiroth! m'exclamai-je en sautant vers lui, mon épée prête à le frapper.

-Oh, bien sûr, tu m'as déjà dit ça, non?

Il bloqua mon épée et me repoussa au sol.

-Tu surestimes la valeur de ce monde, tu surestimes la valeur de ta propre existence, tu surestimes la valeur de ce qui t'entoure, de ces gens qui tu essaies en vain de protéger. Quand comprendras-tu que tu es seul?

Il plongeait vers moi, Masamune pointée vers mon cœur. Je me tordis sur moi-même pour l'esquiver, mais Sephiroth bloqua ma contre-attaque, bloqua mon épée avec sa lame, juste au-dessus de sa tête.

-Je ne suis pas seul!

En se dégageant, il m'entailla la jambe. Je tombai par terre, le visage crispé de douleur, et Sephiroth me regarda, amusé.

-Tu aimes toujours te bercer d'illusions et de mensonges, à ce que je vois… Tu vis dans un monde de rêves et de songes, Cloud… peu importe à quel point tu tiens aux gens autour de toi, peu importe à quel point ils t'aiment, tu restes seul. Seul confronté avec toi-même. Seul dans ta tête, dans ton petit monde. Si je te tue maintenant, ce sera pour toi la fin du monde, mais pour tes amis… Ils continueront d'exister.

-Mais qu'est-ce que ça change? Il faut protéger le monde pour ceux qui y vivent, pour ceux qui y vivront. Pour que leurs vies soient belles.

-Illusions et rêves… c'est la vie que tu veux, Cloud? La beauté n'est pas de ce monde…

Il leva son visage vers le ciel, comme s'il était en extase. J'en profitai pour me jeter un discret sort de soins sur ma jambe blessée.

-La beauté, c'est Mère… C'est elle la voix de la raison… elle me dit que ce monde est corrompu et que je peux en construire un meilleur, en détruisant d'abord cette planète. En me servant de cette planète comme d'un nouveau Météore pour rejoindre un autre monde. Et je pourrai enfin bâtir quelque chose qui ressemblera à Mère… quelque chose de pur… quelque chose de parfait!

-Jenova n'est qu'une maladie et tu en es le virus!

Il se tourna vivement vers moi alors que je me relevais. Ma jambe était engourdie, mais je pouvais à nouveau m'en servir.

-Les humains sont le cancer qui gruge cette planète! s'exclama Sephiroth, ses yeux brillant de rage. Les humains ont condamné cette planète, tout ce que je fais c'est l'achever! Tu n'as donc aucune pitié pour ce monde qui souffre?

-C'est toi qui n'as aucune pitié! C'est toi qui n'y as jamais rien compris!

Il bondit vers moi, enragé. J'esquivai son épée et nous avons commencé à nous battre. Tout mon corps me faisait mal, tout mon corps n'était que fatigue, mais je continuais, j'attaquais, je me défendais avec acharnement contre la furie de ses coups, contre le tranchant mortel de sa lame… J'avais le poids du monde sur mes épaules : pour Sephiroth, j'étais le symbole de la résistance, j'étais le dernier obstacle contre lui, contre sa folie, la dernière entrave à ses projets…

-Le monde est d'abord constitué de ceux qui y vivent, m'écriai-je. Vouloir les détruire est insensé!

-Ah? Tu crois?

Je sentis quelque chose me pénétrer, au centre de mon être. Une douleur… que j'avais déjà connue, la douleur de sentir Masamune me traverser, juste dans ma poitrine… Sephiroth me tenait au bout de son épée, ravi de sentir mon poids au bout de son bras… de sentir ma mort au bout de ses mains… C'était comme à Nibelheim… il y a sept ans… Nibelheim… mais cette fois il n'y avait nulle part où jeter Sephiroth pour le tuer… Juste la conscience de la mort qui m'envahissait…

Le goût du sang me prit à la gorge, je sentis quelques gouttes couler sur mon menton. Il avait sûrement perforé un poumon… oh, la mort qui m'envahissait…

-C'est toi, l'insensé qui s'est opposé à moi, Cloud… l'insensé qui a voulu protéger un monde condamné… condamné par ses propres habitants… et moi, la voix de la raison, je condamne les habitants. Où est le mal?

Je mis mes mains sur la lame, mais Sephiroth leva le bras, et je m'enfonçai jusqu'à la garde. Nouvelle douleur. Je crachai mon sang sur son visage, dans ses cheveux, sur ses vêtements… je le voyais rire… je le voyais, mais je n'entendais déjà plus rien…

Il me jeta par terre, Masamune toujours dans mon corps. Je m'écrasai sur le côté. Mes yeux se fermaient, mais… je refusais de les laisser se fermer… je le refusais de toutes mes forces… mourir… c'était absurde… J'avais trop mal, mes poumons étaient remplis de sang, mais… j'allais survivre, n'est-ce pas?

-Cloud… c'est mon dernier cadeau…

Je sentis mes forces revenir, légèrement. C'était le cadeau d'Aeris. La douleur était toujours aussi présente, mais je pouvais respirer à nouveau, je pouvais entendre, je pouvais voir clairement… Sephiroth qui s'approchait de moi… Sephiroth… son rire… ses longs cheveux flottant au vent… Sephiroth et ma haine pour lui… mon épée, toujours dans ma main tremblante… Masamune était en moi, mais je décidai de l'oublier. Alors que Sephiroth se penchait pour la récupérer, je le frappai de toutes mes forces avec mon épée, juste au flanc, je coupai son ventre.

Il sembla s'effondrer, puis son corps s'éleva en l'air. Il avait l'air surpris, il avait l'air de souffrir… et égoïstement, tout ce que j'espérais, c'était qu'il souffre autant que moi. Mes forces m'abandonnèrent à nouveau. J'avais le visage tourné vers la silhouette de Sephiroth… sa silhouette incertaine qui s'envolait toujours… Je vis cette grande aile brune apparaître dans son dos… et…

Une autre aile apparut. Une aile à sa droite, une aile d'un blanc pur, une aile étincelante.

Je clignai des yeux. J'hallucinais sûrement avant ma mort… Sephiroth était un ange à une seule aile… mais non, il y avait bien cette seconde aile, cette aile blanche, deux fois plus large que la brune… et elle enveloppa le corps entier de Sephiroth, qui n'eut que le temps de dire :

-D'une manière ou d'une autre, je ne serai jamais qu'un simple souvenir… souviens-t'en, Cloud. Je serai toujours là.

La grande aile immaculée couvrit son visage, et il sembla disparaître. Le ciel passa du gris sombre et blanc clair, le soleil semblait à nouveau vouloir percer cette couche entre lui et la terre. Ébloui, je fermai les yeux. La douleur, la mort voulait que je les garde fermés.

Je sentis quelque chose de très doux contre mon visage. Des plumes. Les plumes de cette grande aile blanche. Les plumes et… des doigts. J'ouvris vivement les yeux.

J'eus la vision angélique du visage de Kadaj penché sur moi, les plumes tombant de son dos, s'envolant tout autour de nous. Alors c'était lui… c'était son aile… c'était son pouvoir à lui… Il me sourit doucement et me dit :

-Attention… Je ne veux pas te faire de mal, mais je n'ai pas le choix…

Il posa ses deux mains sur le manche de Masamune, toujours plantée dans ma poitrine. Je hochai la tête et je serrai les dents.

Il tira la longue lame hors de mon corps, rapidement, il la glissa en faisant attention de ne rien trancher. C'était horriblement douloureux, mais c'était ce genre de douleur qui fait du bien… la douleur qui soulage… la douleur qui annonce la guérison, la douleur qui fait reculer la mort…

-Kadaj…

-Chh, c'est fini, Cloud.

Il lança le long sabre au loin et posa ses lèvres sur les miennes, qui étaient couvertes de mon propre sang.

-C'est grâce à toi que j'ai pu revenir, me souffla-t-il.

-J'ai eu… l'aide d'Aeris…

-Moi aussi.

-Tu étais… prisonnier du corps de Sephiroth?

-On peut dire ça.

Il posa une main sur ma blessure et je sentais qu'elle se refermait. La chaleur bienfaisante de la magie curative faisait son effet, je me sentais merveilleusement bien. Kadaj… était revenu… nous avions chacun… chacun vaincu Sephiroth… à notre manière… Lui de l'intérieur et moi de l'extérieur…

Il s'allongea contre moi, juste à ma droite, sa tête dans le creux de mon épaule. Je remarquai qu'il avait le souffle court. Baissant les yeux, je vis une longue trace sanglante sur son ventre. La… blessure que j'avais infligée à Sephiroth… la blessure qui l'avait tué…

-Kadaj!

Il suivit mon regard jusqu'à son ventre, et il sourit à nouveau, un sourire un peu plus crispé cette fois-ci.

-Ce n'est rien, Cloud, mon amour. Tu vois, grâce à toi j'ai appris le monde…

Il ferma les yeux et se blottit contre moi. J'étais désemparé, confus… et la fatigue m'envahissait, la fatigue… tous mes combats, toutes mes blessures… et Kadaj, petit Kadaj, mon amour, blessé contre moi… peut-être blessé mortellement…

Une vague d'apaisement me submergea. C'était simplement la main de Kadaj sur mon visage.

-Tout va bien se passer, Cloud. Repose-toi.