Bon, voilà j'ai pris soin de faire des chapitres (et je tente de leur faire avoir – environ – la même taille), j'espère que ma manière de découper l'histoire n'est pas trop anarchique.

Gil soupira et prit une grande inspiration avant de frapper à la porte de son supérieur. Il était 9 heures du matin. La vieille, à peine rentré chez lui, il avait trouvé un message d'Atwater qui lui accordait sa soirée – pouvait-il vraiment faire autrement ? – et lui demandait de passer dans son bureau le lendemain. Enfin, demander… il n'avait pas vraiment le choix. De toutes façons, il était debout depuis 5 heures du matin – après une nuit peuplée de cauchemars – et avait passé les quatre dernières le nez plongé dans ses papiers. A tenter de ne pas penser à Sara. A se persuader qu'il n'avait pas à l'appeler pour savoir comment elle allait. A ne pas revivre encore et encore les merveilleuses secondes durant lesquelles elle avait été dans ses bras… Pathétique. En plus ça n'avait pas marché.

- « Entrez » fit une voix claire et ferme de l'autre côté.

Grissom s'exécuta et, une fois entré, il referma la porte derrière lui. Atwater était là, assis derrière son bureau. Ecklie aussi était là, en retrait sur la droite. L'entomologiste grimaça et refusa le siège que lui proposait le shérif. Il sentait que cette discussion n'allait pas lui plaire… En même temps, le sous-directeur du labo n'avait pas l'air très à l'aise non plus et, ça, c'était plutôt une bonne chose. En tous cas c'était assez satisfaisant.

- « Gil, vous voilà… » commença Atwater avec un sourire engageant. « Je suis content de vous voir. On m'a dit que Nick Strokes était sorti d'affaire » ajouta t'il avec un air sincèrement concerné.

- « Il va bien, en effet » répondit Grissom, à peine courtois. « Mais je suppose que nous ne sommes pas ici pour débattre de la santé de mon CSI, si ? » Il s'en voulut immédiatement. Atwater l'avait toujours soutenu. Du moins il ne l'avait jamais enfoncé délibérément comme Mobbey avait l'habitude de le faire.

- « Non bien sûr » concéda le shérif. « Mais cette affaire m'a fait réfléchir. Il semblerait que séparer votre équipe n'ait pas été une excellente bonne idée. » Grissom eut un petit sourire cynique. « J'en ai discuté avec Conrad… » Il glissa un regard noir vers Ecklie. « Et j'ai décidé de remédier à ça. J'ai pensé à vous basculer vous, mademoiselle Sidle, messieurs Sanders, Brown et Strokes dans l'équipe de nuit que vous dirigerez. Je pense transférer Willows à la direction de l'équipe de jour comme elle le souhaitait mais si elle désire, je ne suis pas opposé à ce qu'elle reprenne sa place dans votre équipe quitte à se que vous conserviez le service de jour » expliqua Atwater à un Gil Grissom médusé et à un Conrad Ecklie dégoûté. « Toutefois, étant donné vos rapports… disons… particuliers avec Sofia Curtis, je me demandais si… »

- « Mes rapports 'particuliers' avec Sofia ? » le coupa l'entomologiste, incrédule. Qu'est-ce qu'Atwater pouvait bien vouloir dire par là ? Il n'avait pas de rapport particulier avec Sofia. En fait, elle était certainement – sans aucun doute possible – celle à laquelle il tenait le moins parmi tous ses proches collègues et coéquipiers.

- « Eh bien… » entama son supérieur, confus. « Il nous semblait que puisque vous vous voyiez en dehors du travail… »

Le shérif avait sans doute du continuer ses explications mais Grissom avait décroché là. 'Nous' ? Qu'est-ce que ça voulait dire, 'nous' ? Est-ce que l'intégralité du labo pensait qu'il entretenait une relation avec Sofia ? Et surtout, est-ce que Sara pensait ça ? Mon dieu, non… Pas ça… Il secoua la tête et se ressaisit. Il était temps de dissiper le malentendu.

- « Non, attendez… Je ne vois pas Sofia en dehors du travail » corrigea le scientifique. « Nous sommes allez dîner une seule fois. Elle voulait quitter le labo… » se justifia t'il juste avant d'être assailli par une horrible pensée.

Cette excuse ne plairait sans doute pas davantage à Sara. Quand 'elle' avait voulu partir il lui avait envoyé une plante. Mais il avait invité l'autre à dîner. Deux poids, deux mesures. Le fait est qu'il aurait adoré dîner avec Sara mais il n'aurait pas pu se contrôler… pas plus qu'il ne l'aurait voulu d'ailleurs. Au moins avec Sofia il ne prenait pas de risque, il n'était pas attiré par elle. Toujours cette lâcheté chronique… En même temps une autre idée lui vint à l'esprit. Si il interprétait correctement ses paroles, son supérieur venait de suggérer qu'il n'était pas opposé à une relation entre CSI de la même équipe. Tant que ça n'interférait pas dans le travail – bien évidemment. A méditer sérieusement.

- « Oh… Excusez-moi, je pensais que… » s'excusa Atwater, quelque peu mal à l'aise avant de s'éclaircir la gorge. « Bien, nous verrons ça quand tout le monde sera de nouveau sur pied. Conrad m'a fait part de quelque chose dont il aimerait que nous parlions » reprit-il. « De quelqu'un plus exactement… »

Instinctivement la mâchoire de Grissom se crispa et il coula un regard meurtrier vers Ecklie. Pour lui, ça ne faisait aucun doute que le « quelqu'un » qui posait problème au sous-directeur était Sara. Et ça lui posait un problème à lui. On ne faisait pas de mal à Sara. A sa Sara. Et si cet espèce d'imbécile congénital tentait de lui faire du tord… il l'étranglerait de ses propres mains. Sans aucun regret. En plus il avait déjà quelques idées pour cacher le corps.

- « Sara.. » ne put-il s'empêcher de murmurer dans un souffle

- « Oui, en effet. Il s'agit de Sara Sidle » confirma Atwater en se calant dans son fauteuil. « Je ne suis d'ailleurs pas d'accord avec lui sur ce point. Il n'est pas question que le labo se sépare d'une CSI de son niveau. C'est sans doute la meilleure experte que nous ayons après vous Gil… n'en déplaise à notre sous-directeur » exposa t'il avec un regard en coin en direction d'Ecklie. « En dépit du fait qu'elle soit relativement émotive et présente un penchant certain pour l'insubordination, c'est une jeune femme réellement brillante. En fait… » ajouta t'il avec une malice qui surprit l'entomologiste « … elle ressemble beaucoup à son professeur. Et en particulier dans son incapacité à se montrer diplomate. Mais je pense que si vous y veillez, Gil, elle saura se contrôler. »

- « Mais elle… » tenta de protester Conrad, la mine renfrognée.

- « Si je me souviens bien des paroles que vous m'avez rapportées elle a plutôt pêchée par honnêteté » l'interrompit sèchement Atwater. « Nous savons tous que si vous occupez cette place c'est uniquement parce le docteur Grissom n'en a pas voulu. Je ne suis pas Mobbey. Ne jouez pas à ça avec moi, Conrad. Ce laboratoire est ce qu'il est grâce à la réputation de Gil et au travail de son équipe. En dépit de votre propre diplomatie, si vos supérieurs devaient se séparer de quelqu'un, ici, il ne s'agirait certainement du plus éminent entomologiste de l'état » conclut-il avant de se retourner vers l'entomologiste en question. « Nous devrons donc finalisez les choses avec votre équipe mais vous avez carte blanche… »

Grissom hocha la tête en signe d'acquiescement. Une telle confiance et un tel soutien auraient certainement mérité un 'merci' mais en fait, ce n'était que justice. Et puis, il n'était pas diplomate, n'est-ce pas ? Toutefois, il était vraiment soulagé par la tournure des évènements. Tout semblait se profiler au mieux. Excepté peut-être cette petite chose à propos de Sofia. Et Catherine. Il faudrait qu'il lui parle. Mais pour l'instant il avait du travail. Lui et Brass. Des monticules de papiers à remplir, de décisions à prendre…

(Girls and boys, Blur)

Il était plus de treize heures lorsque Gil rejoignit finalement le Desert Palm et la chambre de Nick. Il resta un moment à l'extérieur, observant au travers des stores la scène que se jouait dans la pièce. Le jeune convalescent était assis dans son lit. Adossé à des coussins. Sara était lovée contre lui. Sur le lit également mais en dehors des draps. Une boîte de ce qui semblait être des chocolats sur les genoux. Greg était assis sur une chaise non loin d'eux. Ils discutaient tous avec entrain. Du moins Greg monologuait et les deux autres souriaient. La table contre le mur était jonchée de divers bouquets de fleurs, peluches, ballons et autres cartes. La télé dans un coin en hauteur était allumée. Visiblement sur une chaîne 'découverte' – étant donné les vastes paysages et les animaux exotiques qui défilaient.

A un moment Greg dut sortir une de ses blagues dont il avait le secret parce que les deux autres éclatèrent de rire. Sara nicha son nez dans le cou de Nick en pouffant et ce dernier déposa un baiser sur ses boucles brunes. C'était un spectacle touchant. Touchant et qui réchauffait le cœur. Tant de chaleur, d'affection, d'amitié, d'amour… De bonheur en fait. Et il les enviait. Il aurait aimé pouvoir faire pareil. Pouvoir se dévoiler de cette façon. Pouvoir extérioriser ses sentiments. Mais voilà, il ne le pouvait pas. Il n'avait jamais pu. Jamais vraiment voulu. Alors peut-être que maintenant il était trop tard. Peut-être que lui-même était trop vieux pour changer maintenant... Repoussant ses idées noires, il se décida enfin à pénétrer dans la pièce en se composant un sourire de circonstances.

- « Alors, comment vont nos malades aujourd'hui ? » lança t'il en entrant dans la chambre, déposant au passage la fougère qu'il avait acheté pour le malade.

- « Hey, Griss ! » s'exclama Greg avec enthousiasme. « Bien, ils vont très bien » reprit-il, un large sourire aux lèvres.

- « Tant mieux » fit l'entomologiste en se prenant une chaise. « Nick ? »

- « C'est vrai Griss » répondit-il d'une voix éraillée mais distincte. « Juste quelques courbatures, et un mal de tête épouvantable… la routine quoi » conclut-il avec humour.

- « Le médecin a dit qu'il en avait pour deux semaines de repos complet plus une semaine cantonné au labo » exposa Sara en gratifiant le jeune texan d'un sourire espiègle.

- « Sans compter les séances de psy… » grogna Nick, visiblement peu enchanté par cette perspective mais les yeux brillant de malice.

- « Et toi ? » interrogea Grissom en posant un regard concerné et affectueux sur la jolie brune.

- « Elle va très bien » répondit une voix maintenant familière depuis la porte. Le docteur Carter se tenait là, des feuilles de résultats dans les mains. « Vous êtes en parfaite santé mademoiselle Sidle. Et vous êtes encore plus ravissante qu'hier » la complimenta t'il avec un sourire charmeur.

- « Dites-moi quelque chose que j'ignore… » lui répliqua t'elle en plaisantant, un léger sourire malicieux flottant sur ses lèvres.

- « Vous n'êtes plus libre demain soir » rétorqua t'il mine de rie, du tac au tac, ignorant les regards meurtriers de Grissom qui ne supportait pas de le voir flirter ainsi avec 'sa' Sara. Et qui le supportait d'autant moins qu'elle ne semblait pas s'en plaindre.

- « Et qu'est-ce qui vous fait croire que j'étais libre ? » lui demanda la jeune femme, entrant dans son jeu.

- « Vous ne l'étiez pas ? » fit le médecin, faussement désespéré. Elle se contenta de lui sourire en secouant la tête. « Parfait, je passerais vous prendre à huit heures » fit-il avec un air vainqueur. « Vous pourrez sortir demain monsieur Strokes » ajouta t'il en direction de Nick avant de quitter la pièce.

- « Pensez à acheter des fleurs ! » lui lança Sara, amusée.

- « Comptez sur moi ! » répondit-il en disparaissant dans le couloir.

- « On dirait que vous vous entendez bien avec le médecin de Nick… » avança Grissom en faisant de son mieux pour ne pas laisser transpercer son amertume dans son ton. Sans grand succès. Elle venait d'accepter un rendez-vous. Avec un autre homme. Juste sous son nez ! En même temps si elle pensait qu'il entretenait une relation avec Sofia… Il sentait sur lui le regard inquisiteur du texan et celui mi-suspicieux mi-amusé de Greg.

- « Il est… gentil » répondit laconiquement Sara, sans même le regarder, comme si elle n'y prêtait aucune importance.

Et incroyablement mignon songea la jeune femme en souriant. Avec un faux air de George Clooney – relief de sa période 'Urgences'. Cependant elle se rembrunit rapidement. Elle parlait à son supérieur. Pendant un court moment, elle avait occulté sa présence et elle avait 'flirté'. Avec un autre homme. Juste son sous nez. Mais de toutes façons elle n'avait pas de comptes à lui rendre, pas vrai ? Au contraire… Il avait l'air de vouloir renouer leurs liens d'amitié. Parfait. Elle n'était pas mal à l'aise par rapport à Nick et Greg. Alors pourquoi le serait-elle par rapport à lui ? Pourquoi ? Comme si elle ne le savait pas... Il avait beau la repousser, la faire souffrir, elle l'aimait. Ça ne lui plaisait pas mais elle ne pouvait pas faire autrement. C'était plus fort qu'elle…

- « Vous voulez un chocolat ? » proposa t'elle à Grissom en lui tendant la boîte en question, désireuse de changer de conversation.

L'entomologiste accepta ce qu'il interpréta comme une 'offre de paix'. Il piocha dans le petit carton rouge et en sorti un escargot en chocolat noir. Il échangea un sourire avec Sara et s'adoucit encore. Il n'avait pas le droit d'être jaloux… mais par contre, il avait le droit d'essayer de regagner son amitié. Et peut-être, qui sait, de la séduire. Oui, ce n'était pas son genre. Oui, il ne l'avait jamais tenté auparavant. Mais deux choses lui avaient ouvert les yeux. Les réflexions d'Atwater d'une part. Et une idée qui l'avait traversé fugitivement pendant la nuit. Ça aurait pu être Sara. A la place de Nick. Dans ce cercueil. Et ils auraient pu ne pas la retrouver à temps. Il aurait pu la perdre. Définitivement. Et ça, il ne l'aurai pas supporté.

- « Alors, que vas-tu faire de tes 'vacances', Nick ? » fit Grissom en se retournant vers le jeune homme, choisissant un sujet neutre pour relancer la conversation.

- « Eh bien, mes parents arrivent demain et je crois que je vais passer une semaine au ranch avec eux » commença le texan qui se redressa légèrement dans son lit tout en maintenant Sara contre lui. « J'ai besoin d'un peu de calme après tout ça, de m'éloigner… »

Ils discutèrent ainsi pendant une petite heure. De tout et de rien. Dans une ambiance très détendue. Gil s'autorisa même à rire à quelques plaisanteries – plus ou moins douteuses – de Greg. Mais il passa le plus clair du temps à regarder Sara rire. Parce que ça, ça n'avait pas de prix. Le son mélodieux de son rire. La luminosité de son sourire. L'éclat de joie dans ses yeux. Tout ce qu'elle avait semblé avoir perdu ces dernières années était là. Ça ne l'avait pas quitté. Ou seulement avec lui… Ils passèrent donc agréablement le temps jusqu'à l'arrivée de Warrick et Catherine.

- « Salut les gars ! » fit la femme blonde avec entrain en pénétrant dans la pièce, un énorme bouquet de roses blanche dans les bras.

- « J'ai apporté les bretzels » ajouta le jeune afro-américain en souriant largement, leur agitant sous le nez un gros sachet de papier couleur crème.

Le visage de Sara s'illumina tandis qu'elle tendait la main vers l'objet en question. Quand elle voulut s'en emparer, Warrick le lui déroba puis le lui abandonna finalement avec un sourire malicieux.

- « Alors sunshine, on a un petit creux ? » plaisanta le jeune homme en lui pinçant affectueusement le nez.

- « Tu en as pris au chocolat ? » demanda t'elle d'un air gourmand en relevant la tête du sachet.

- « Evidemment ! » répliqua t'il, faussement outré par sa question. « Hey, mec, comment ça va ? » interrogea t'il ensuite en se tournant vers Nick.

Le jeune homme le gratifia d'un sourire rassurant avant d'éteindre brièvement Catherine qui se penchait vers lui. Une fois qu'ils se furent tous installés et que Nick ait répondu aux questions des deux nouveaux arrivants, Grissom se décida à prendre la parole.

- « Ecoutez » commença t'il quand il fut sûre d'avoir toute leur attention. « Vous savez peut-être que j'ai vu Atwater ce matin… Quoiqu'il en soit, il m'a proposé quelque chose. J'en ai déjà parlé avec Catherine ce matin » continua l'entomologiste en jetant un coup d'œil à la jeune femme en question. « Le shérif nous a proposé de retravailler ensemble… tous ensemble » précisa t'il alors que quatre de ses collègues le regardaient avec de grands yeux.

- « Vraiment ? » Sara réagit la première, un lumineux sourire venant illuminer ses traits.

Dire qu'elle semblait ravie de cette proposition aurait été un tel euphémisme que personne n'y songea. Elle avait l'air… euphorique. Quelque part cela contraria Grissom. Non pas qu'il n'aimait pas la voir heureuse – au contraire – mais cet élan d'enthousiasme spontané… Comme si cette année à ses côtés avait été un véritable calvaire. Nick lui aussi affichait un air extatique et n'hésita pas à serrer la brunette dans ses bras – autant que lui permettaient ses courbatures. Cette réaction était plutôt encourageante. Ils avaient tous eu peur qu'après ce dramatique 'incident', il ne veule plus retravailler au labo. Mais il semblait se remettre étonnement vite. Gil était fier du lui, fier de sa force de caractère. De leur force de caractère à tous…

- « C'est génial ! » lâcha finalement le jeune texan. « Je veux dire… Cath, ce n'est pas contre toi, tu es une excellente superviseur mais… être tous ensemble, ça m'a manqué » clarifia t'il.

- « Ne t'inquiète pas » le rassura Catherine, sincère. « Ça m'a manqué aussi, c'est pourquoi je vais laisser tomber mon poste. De toutes façons, c'était bien plus amusant quand toutes nos conneries retombaient sur Griss » fit-elle avec malice.

- « Donc vous êtes tous d'accord ? » demanda Grissom, soulagé et heureux de cet état des choses. Ils acquiescèrent tous en s'échangeant des regards rieurs. « Parfait » conclut-il en souriant. « Quelqu'un veut un café ? »

Cette brusque transition en fit sourire plus d'un. Mais tous saluèrent l'idée et il fut convenu que les trois hommes valides rempliraient cette lourde tâche. Ils continuèrent à parler de choses et d'autres tout au long de l'après-midi. En grignotant les bretzels de Warrick et les chocolats de Sara. Ils évitèrent soigneusement le sujet du travail mais parcourent tous les autres du surf à la poterie, de la politique à la poésie, du rock à la musique classique… la conversation était surtout alimenté par Greg, Warrick et Catherine mais les trois autres protagonistes en tirait tout autant de plaisir. C'est finalement une infirmière qui les mit dehors, arguant le fait que le convalescent avait besoin de repos. Nick eut beau argumenter – entre deux bâillement – qu'il n'était absolument pas fatigué, rien n'y fit.

C'est ainsi qu'ils durent se séparer sur les coups de 17 heures. Après de longues effusions, il fut convenu que Warrick raccompagnerait Catherine – puisqu'il l'avait emmenée – et Grissom se proposa pour se charger de Sara. Son geste ne manqua pas de surprendre mais ne suscita aucun commentaire particulier. Quelques regards en coin, certes. Des regards interloqués, amusés et surpris. Mais pas de commentaires.

(White Flag, Dido)

Sara observait le profil de son supérieur. Légèrement tournée vers lui, confortablement installée dans son siège et agréablement bercée par la conduite fluide de l'entomologiste, elle l'observait. Ses cheveux grisonnants – elle avait toujours trouvé ça très sexy, en particulier sur Richard Dean Anderson, dans Stargate. Ses yeux d'un bleu étonnamment pure et troublant. Ses pommettes délicieusement viriles. Sa barbe qu'elle mourrait d'envie de frôler du bout des doigts. Ses lèvres fines qu'elle savait s'étirer parfois d'un sourire malicieux ou même sensuel. Son regard glissa le long de son cou puis de son bras musclé. Ses mains grande, fortes et pourtant si douces. Il n'était pas vraiment beau. Pas du tout même. Du charme… non, pas réellement. Enfin si, il n'en était pas dénué. Mais c'était autre chose.

Un charisme, une présence et une intelligence hors du commun. Voilà ce qui lui plaisait chez lui. D'ailleurs elle n'était pas la seule à lui trouver ce quelque chose de particulier. Il n'y avait qu'à voir Terri Miller, Lady Heather, Sofia… Rien que d'y penser, elle avait la nausée. Un désagréable frisson la parcourut et elle ferma les yeux un instant, se retournant vers l'extérieur. Ce n'était pas le moment d'être jalouse. Après tout, n'avait-elle pas rendez-vous avec un urgentiste adorable et incroyablement bien foutu ? Si. Alors il était temps de se reprendre. C'était assez incompréhensible du reste. Enfin, quoi… Elle avait pourtant cessé d'y croire. Elle avait cessé d'espérer depuis des mois – voire des années. Elle avait appris à vivre avec. Pourquoi ne pouvait-elle pas seulement passer à autre chose ?

Pourquoi ne pouvait-elle pas se contenter d'accepter son amitié et faire sa vie avec un autre homme ? Un homme qui l'aimerait et qui le montrerait. Ça devait bien exister. En fait, elle ne se faisait pas d'illusion. Le problème venait d'elle. D'elle et de sa fichue tendance à être complètement – et désespérément – accro à Gil Grissom. Le plus grand enfoiré affectif de sa génération – et sans doute le plus brillant. Et le pire dans tout ça, c'est qu'elle n'arrivait jamais à vraiment lui en vouloir. Quoiqu'il fasse, quoiqu'il dise. Elle était blessée. Elle souffrait. Pourtant elle n'arrivait pas à le haïr correctement. Etre en colère contre lui l'aurait sûrement aidé. Lui aurait fait du bien en tous cas. Mais pas moyen. Peut-être que si ils retrouvaient effectivement la complicité des débuts, elle saurait s'en contenter. Ou pas…

Gil se redressa dans son siège et s'obligea à fixer la route devant lui. Malheureusement cette occupation ne suffit pas à lui faire oublier la sensation de sa présence à ses côtés. Le poids de 'son' regard sur lui. Et surtout le filet de voix mélodieux qui s'échappait de ses lèvres si parfaites – si tentantes. Depuis un moment déjà elle accompagnait la chanteuse qui passait à la radio. Il doutait même qu'elle en soit consciente. Mais il aimait ça. Elle était définitivement douée et n'avait rien à envier à cette 'Dido' comme l'avait annoncé l'animateur peu avant. Si il n'avait pas su que c'était totalement ridicule, il aurait presque cru au destin. Les paroles étaient tellement… Un savant mélange de ce qu'ils auraient pu dire. Se dire. Tous les deux.

Il secoua doucement la tête, doutant que Sara puisse prêter une réelle attention aux mots qu'elle articulait. Il glissa un coup d'œil hésitant vers sa voisine. Elle avait cessé de le regarder. Le visage tourné vers l'extérieur. Ses incroyables yeux chocolat reflétaient toutes les lumières de la ville. Il était à peine 18 heures et la nuit tombait déjà. Grissom retint un soupir et caressa des yeux les traits pâles et réguliers de la jeune femme. Il ne s'en lassait pas. Et il aurait tout donné pour pouvoir passer sa main sur cette joue diaphane et dans ces boucles brunes. Il en avait souvent rêvé. Enfin, dans ses rêves il allait un peu plus loin que ça… Mais mieux valait ne pas y songer. Pas pour l'instant en tous cas.

- « Vous croyez qu'on y arrivera ? » fit soudainement la jeune experte en se tournant vers lui, rencontrant son regard et le surprenant donc en plaine contemplation.

- « Pardon ? » fut la seule chose qu'il réussi à articuler, remarquant – non sans surprise – que la voix d'un homme occupait à présent les ondes. Il ne s'attendait vraiment pas à ce qu'elle entame une conversation. En fait, ce n'était pas seulement inattendu, c'était inespéré.

- « Vous croyez qu'on y arrivera ? » répéta t'elle patiemment, amusée par son air confus.

- « Arriver à quoi ? » demanda l'entomologiste à la faveur d'un feu rouge qui l'obligea à s'arrêter momentanément.

- « A ce que tout redevienne comme avant… » murmura Sara, plus grave, en penchant doucement sa tête sur le côté.

Grissom étudia un moment le beau visage tourmenté qui lui faisait face. La détresse dans sa voix l'avait saisi à la gorge. Elle avait l'air perdue, fatiguée, angoissée. Tant d'expressions qu'il aurait souhaité ne jamais voir dans ses yeux. Il l'étudia pour chercher un indice, quelque chose qui le mette sur la voix. Parlait-elle de toute l'équipe ou seulement d'eux ? Faisait-elle référence au lien qui unissait leur groupe les années précédentes ou au lien qui les avait unis elle et lui il y avait bien longtemps ? Elle ne le savait sans doute pas elle-même. Peut-être un peu des deux… Malheureusement, il ne pouvait rien lui promettre. Ni dans un cas, ni dans l'autre. Parce qu'il ne pouvait parler ni pour les autres, ni pour elle. Mais lui ferait tout pour lui rendre le sourire, pour la rendre heureuse.

- « Tout ira bien » murmura t'il finalement en retour, tentant de faire passer dans ses yeux tout ce qu'il ne disait pas. Cela ne répondait pas vraiment à sa question mais elle parut s'en contenter. Elle sourit même lorsque sa main vint doucement presser la sienne avant de retrouver sa place sur le volant.

Voilà pourquoi elle n'arrivait jamais vraiment à le détester. Parce qu'à chaque fois qu'elle avait vraiment besoin de lui, il était là. Peut-être pas autant qu'elle l'aurait voulu ni de la manière dont elle l'aurait voulu mais présent tout de même. Il avait toujours un regard, un sourire, un geste qui lui disait qu'il tenait à elle malgré tout. Et ces trois petits mots-là sonnaient comme une promesse. La promesse de quelque chose qu'elle ne parvenait pas encore à déterminer… Mais de quelque chose de bien. Pour eux. Elle reporta son attention sur les immeubles qui défilaient derrière la vitre.

- « Les saisons me manquent » reprit-elle sans transition. Ce n'était pas vraiment volontaire. Elle avait pensé tout haut. Mais en constatant du coin de l'œil qu'elle avait toute l'attention de son voisin, elle continua. « La neige surtout. J'ai toujours adoré la neige. »

- « Il neigeait beaucoup à San Francisco ? » la taquina Grissom avec un sourire malicieux.

Elle haussa les épaules, faisant mine d'être vexée mais ne parvint pas à dissimuler le sourire qui la gagnait à son tour. Elle se sentait incroyablement bien ici et maintenant. Incroyablement à sa place. Depuis quand n'avaient-ils pas plaisanté ainsi, juste tous les deux ? Elle préférait ne pas répondre à cette question. Trop démoralisant.

- « Je vois ce que tu veux dire » concéda l'entomologiste en lui lançant d'un regard complice qui la déstabilisa un instant. « Tu as faim ? » l'interrogea t'il ensuite tout en faisant mine de se concentrer sur sa conduite.

Elle fronça les sourcils, incrédule. Pourquoi est-ce qu'il lui demandait ça ? Où pouvait-il bien vouloir en venir ? Que devait-elle répondre ? Evidemment, ça faisait pas mal de réflexions pour une question si insignifiante. Mais elle avait appris au fil des ans que rien n'était insignifiant avec lui. Il ne parlait pas pour ne rien dire. A part quand il ne savait pas quoi répondre à une interrogation délicate. Celle là ne l'était pas particulièrement à première vue. Mais la jeune femme aurait tout de même voulu savoir à quoi elle devait s'attendre ensuite. Si elle disait oui et que la conversation s'arrêtait là, elle aurait l'air stupide. De la même manière, si elle disait non, ça ne vaudrait pas mieux. Et si elle se taisait, idem. Alors autant se montrer honnête.

- « Oui » finit-elle par répondre, incertaine.

- « Tu veux dîner ? » fit ensuite Grissom, sans la regarder, cachant de son mieux l'appréhension qui l'habitait.

- « Avec vous ? » s'exclama t'elle sans même y penser, trop choquée pour pouvoir réfléchir correctement.

Sa réaction si spontanée détendit le scientifique et le fit sourire. Ça n'avait rien de drôle pourtant. Au contraire. Cela mettait en avant la tension qui régnait entre depuis si longtemps. Trop longtemps. N'étaient-ils pas sensés être amis au moins ? Elle n'aurait pas du être si étonnée par une telle proposition. Lui non plus du reste. D'autant plus qu'il en était l'instigateur. Il ne s'attendait simplement pas à ce que se soit si facile. De lui demander. Attendre la réponse était moins évident.

- « Oui. Avec moi » confirma t'il avec une voix assurée qui était loin de refléter son véritable état d'esprit. « C'est un problème ? » ajouta l'entomologiste avec une pointe d'espièglerie.

- « Heu… non, je ne pense pas » répondit Sara, plus que stupéfaite par l'attitude de son supérieur. Enfin, il ne se montrait rien d'autre qu'amical. Après tout, elle dînait tous le temps avec Nick, Greg et Warrick. Parfois même en tête à tête avec l'un d'eux. Accorder plus d'importance à son supérieur n'était pas une bonne chose pour elle. Pour eux. Elle ne devait pas retomber là-dedans.

- « Parfait » fit Grissom, visiblement satisfait et intérieurement euphorique. « Tu me fais confiance ? » questionna t'il, malicieux. Rien de mieux qu'un peu d'humour pour faire disparaître les tensions.

- « Je ne devrais pas ? » répliqua la jeune femme, sur le même ton, encore hésitante quant au bien-fondé de ce dîner mais quelque part heureuse de retrouver un peu de cette complicité si délicieuse qui les unissait il y a bien longtemps.

- « Peut-être… »

- « Je ne vous connaissais pas ces talents de cuisiniers… » se moqua gentiment Sara en regardant Grissom évoluer devant ses fourneaux. Elle s'étonna elle-même de se sentir si à l'aise avec lui. Après des années à enchaîner des moments de silence tendus, d'indifférence, de souffrance… Peut-être était-ce ça son problème. Elle ne l'avait jamais considéré comme un ami. C'était l'homme de ses rêves. Peut-être que si elle le considérait comme Nick ou Warrick ils pourraient vraiment construire quelque chose. Quelque chose de solide et de sain.

Il se retourna un instant et sourit à la jeune femme qui l'observait depuis le salon. Il constata avec plaisir qu'elle avait pris ses aises dans son canapé. Appuyée contre l'accoudoir, une jambe repliée sous elle, l'autre ramenée contre son torse, un verre de vin rouge dans une main. Et elle souriait. Elle avait ce sourire. Celui qui la rendait tellement irrésistible. La voir ainsi…chez lui… c'était un peu comme la réalisation d'un rêve. Et au-delà de ça, il avait l'impression que c'était juste. Que tout était enfin à sa place. Il l'avait bien senti un peu réticente quand elle avait compris où il l'emmenait. Mais au bout de quelques minutes ils discutaient et plaisantaient comme si cette situation était des plus habituelles. Finalement Gil s'arracha – après un dernier sourire – à sa contemplation pour surveiller la sauce.

Sara secoua ses boucles et posa son verre sur la table basse avant de se lever et de déambuler dans la pièce. Elle n'était venue ici qu'une seule fois. Quatre ans auparavant. Avec toute l'équipe. Pour cette affaire de tueur en série. Déjà à l'époque elle avait apprécié l'atmosphère de sa maison. Peut-être un peu trop froide, un peu sévère, pas assez chaleureuse. Mais elle l'aimait parce que c'était chez lui. Et puis là avec les lumières allumées, quelques bougies, une table pour deux et Grissom en train de lui faire la cuisine… ça avait un petit air de paradis. Elle savait qu'elle devait faire attention. Ne pas tomber dans le piège. Ne pas se remettre à espérer, ne pas se perdre dans ce rêve si familier… La chute serait trop dure.

- « Je peux mettre de la musique ? » demanda la jeune femme alors qu'elle arrivait devant la chaîne et souriait devant le choix de CD de son supérieur. Pourtant cette simple question lui avait demandé pas mal de courage. Ridicule.

- « Fais comme chez toi » répondit Grissom sans lever la tête de ses fourneaux, camouflant un sourire. Cette situation était vraiment étrange mais elle était terriblement plaisante.

Sara tiqua – 'fais comme chez toi' ? – puis se gifla mentalement de réagir aussi futilement. C'était une formule polie et banale. Mais dans sa bouche à lui… Peu importe. Elle ne devait pas y penser. Soit son amie, tu n'auras rien d'autre de toute façons se sermonna la brunette. Elle jeta finalement son dévolu sur un CD de Nat King Cole qu'elle inséra dans le lecteur avant de rejoindre Grissom. Elle se positionna juste derrière lui et se pencha par-dessus son épaule. Une délicieuse odeur se dégageait des casseroles. L'entomologiste se figea en la sentant si proche de lui. Il ferma les yeux un instant. A moitié pour graver cet instant dans sa mémoire. Et à moitié pour garder un minimum de contrôle. Bon sang, c'était quand même Sara. Là, juste derrière lui.

Le corps de Sara pressé contre le sien. Sa poitrine effleurait son dos. Ses boucles brunes caressaient sa joue. Sa délicate odeur – mêlant orchidée, amande douce et autre chose d'unique qui faisait que c'était elle – enivrait ses sens. Il retint un grognement frustré quand elle s'écarta et se retourna pour lui faire face. Dieu qu'elle était belle. Sa présence semblait illuminer la pièce. Cela n'étant physiquement impossible, il jugea que cela ne pouvait être qu'un effet de son imagination… Mais c'était plaisant.

- « Humm… ça sent bon » le complimenta la jeune femme tout en continuer les bonnes odeurs qui émanaient des casseroles avec un sourire radieux – quoiqu'un peu timide.

- « Tu veux goûter ? » lui proposa Grissom en lui tendant la cuillère en bois qui lui avait servi à remuer sa préparation.

Elle acquiesça. Puis elle se pencha vers lui afin de goûter la sauce du bout des lèvres. Une de ses mains retenait gracieusement ses cheveux en arrière. La délicieuse banalité de la scène enchanta l'entomologiste mais lui fit mal en même temps. Tout n'était pas si simple. Tout ne pouvait pas être si simple. Elle et lui dans sa cuisine. Préparant leur dîner. La voix envoûtante de Nat King Cole interprétant « Paper moon » en arrière fond… L'expression 'Trop beau pour être vrai' ne lui avait jamais semblé si pertinente. Pourtant, lorsqu'elle releva la tête et que leurs yeux se rencontrèrent, il ne put que sourire. Elle était adorable. Il l'avait toujours trouvé littéralement adorable. Mais là… Il déglutit péniblement lorsqu'elle passa avec gourmandise sa langue sur ses lèvres. Manifestement inconsciente de l'effet que ce genre de comportement pouvait avoir sur lui.

- « Délicieux » souffla t'elle lorsque leurs yeux se croisèrent à nouveau, nettement plus sombres que d'habitude.

'Pas autant que toi' songea t'il avant de se morigéner intérieurement. Ce genre de pensées n'était définitivement pas approprié. Son regard glissa inconsciemment vers les lèvres de la jeune femme. Avant qu'il n'ait pu réfléchir aux conséquences de son geste, il avait déjà levé sa main vers son visage. Dans la demie seconde suivante son pouce balayait doucement le coin de la bouche de Sara. La jeune femme rosit, baissa les yeux et se mordit violemment la lèvre inférieure afin d'éviter toute réaction inconsidérée. Grissom retira prestement sa main non sans songer qu'il aurait pu laisser ses doigts parcourir son visage indéfiniment sans se lasser. Comment avait-il pu croire qu'il ne s'agissait que d'amitié, qu'il ne pouvait pas vraiment l'aimer ?

- « Vous aviez un peu de sauce… là » se justifia l'entomologiste avec une mimique d'excuse.

La jeune femme lui adressa un demi-sourire signifiant que ce n'était rien puis se détourna. Ce n'était pas tellement qu'elle désirait à tout prix dissimuler la soudaine teinte rosée qu'avaient prises ses pommettes ou la lueur de désir qui – elle n'en doutait pas un instant – dansait dans ses yeux… mais si. Elle avait juste besoin de 10 secondes pour se reprendre. Quoiqu'elle puisse en dire, si Nick avait fait ce genre de gestes – Dieu sait qu'il le faisait souvent et avec une connotation bien plus… sexy voire érotique – elle n'aurait pas ressentit le quart de ce qu'elle venait de ressentir. Pathétique et puérile, voilà ce qu'elle était. Sara prit une grande inspiration avant de se lui faire face à nouveau.

- « Je peux faire quelque chose ? » suggéra t'elle en désignant les autres plats d'un geste du menton.

- « Non, ça ira, merci » lui répondit-il avec un sourire, soulagé qu'elle ne fasse pas plus de cas de son précédent faux pas.

- « Vous savez, ce n'est pas parce que je ne cuisine pas que je ne sais pas le faire… » souligna la brunette avec espièglerie tout en s'adossant au plan de travail. « Ou au moins porter les plats sur la table » ironisa t'elle avant de croiser les bras sur sa poitrine, son regard sarcastique fixé sur lui.

- « Oh mais je ne doute pas de vos capacité miss Sidle » la taquina Grissom en retour, heureux de la voir aussi détendue. « Tu as l'air vraiment… reposée » ajouta t'il en retirant la casserole du feu et en égouttant les pâtes.

- « Mmmm… oui, c'est vrai » admit la jeune femme en picorant des tortillas natures dans un petit bol à portée de main. « J'ai bien dormi la nuit dernière. C'est à cause de Warrick, il m'a obligé » fit-elle en souriant. « J'étais chez lui » expliqua t'elle.

- « Je ne savais pas que vous étiez aussi proches Warrick et toi » remarqua Grissom en disposant les pâtes et la sauce dans un plat avant de se tourner vers elle sans cesser de sourire. Il ne pouvait définitivement pas être jaloux de Warrick. Il n'avait pas à l'être. Il en était certain. Il s'en voulait même encore d'avoir mis sa jeune subordonnée dans une position délicate lorsqu'il lui avait demandé d'enquêter sur son collègue quelques années auparavant.

- « A vrai dire moi non plus, avant cette année » lui accorda Sara, un peu songeuse. « Mais depuis qu'on ne travaille plus dans la même équipe, on se voit beaucoup plus souvent en dehors du labo. On a passé pas mal de temps ensemble tous les quatre ces derniers temps avec Nick, Greg et Warrick… On s'amuse vraiment bien ensemble » conclut-elle en relevant les yeux vers lui, radieuse.

- « Je suis content pour toi » fit l'entomologiste avec sincérité en apportant le plat sur la table. Oui, il était content qu'elle ait eu quelqu'un à ses côtés cette année quand lui n'avait pas su être aussi présent qu'il aurait du. Et puis, il n'était pas jaloux de Warrick. De Greg non plus du reste, il ne s'agissait que d'un jeu entre eux. Nick… c'était plus délicat. Mais pour le moment c'est avec lui qu'elle était. A lui d'être là pour elle.

Ils dînèrent finalement d'un plat de pâte à la napolitaine – très savamment préparé. Le repas se déroula dans une ambiance étrangement détendue. Ils ne parlèrent pas énormément et évoquèrent principalement des souvenirs de travail. Mais ils savouraient pleinement la simple présence de l'autre. Ces silences là n'étaient pas inconfortables. Bien au contraire… Deux heures plus tard, ils étaient assis dans le salon. Chacun à une extrémité du canapé du canapé, tournés l'un vers l'autre. Ils riaient tous les deux à l'évocation d'une des dernières et mémorables excentricités de Greg. Mais soudain le regard de Sara se posa sur la pendule et elle prit conscience de l'heure. Pour autant qu'elle appréciait – pour ne pas dire adorer – ce moment, elle savait qu'elle devait y mettre fin. Au moins pour ce soir…

- « Il y a un problème Sara ? » la questionna Gil, inquiété par la soudaine disparition de son sourire.

- « Non, pas de problème » le rassura t'elle. « Mais il est déjà 23 heures 20 et je vais devoir y rentrer chez moi » exposa t'elle d'un ton léger, flattée par son air son renfrogné. « Il faut que je sois à l'hôpital demain matin avant que les parents de Nick arrivent »

- « Oh… » fut tout ce qu'il trouva à répondre. A vrai dire, il n'y avait absolument pas pensé. Il n'avait pas voulu penser au fait qu'elle devrait partir. Le quitter. Ces quelques heures avaient été merveilleuses. Mais bien trop courtes à son goût. « Je vais te raccompagner » fit-il alors, visiblement à regret, en posant sa tasse sur la table basse.

Une demi-heure plus tard, Grissom garait sa SUV devant l'immeuble de sa jeune collègue. Le trajet s'était déroulé en silence. Sara détacha sa ceinture mais arrêta l'entomologiste qui s'apprêtait à en faire de même. Honnêtement, elle avait adoré cette soirée mais elle préférait faire le reste du trajet seule. Les adieux devant la porte… ça faisait un peu trop cliché à son humble avis. Un peu trop 'rendez-vous galant'. Ce que n'avait pas été ce dîner. Sans compter qu'ils étaient bien assez mal à l'aise comme ça. Et puis sa voisine de droite – une charmante sexagénaire avide de 'sensations' – ne manquerait pas de la questionner sur l'homme qui l'avait 'si galamment' raccompagné. Et elle n'avait aucune envie de s'embarquer sur ce terrain là…

- « Je crois que ça va aller-là » lui assura la jeune femme en souriant malicieusement. « Merci pour tout, Griss » ajouta t'elle, sincère. Elle s'interrogea un instant sur la pertinence de lui faire une bise mais renonça. Trop tôt sans doute. Trop risqué.

- « Tout le plaisir était pour moi » répliqua Gil en lui retournant un sourire chaleureux. « La prochaine fois, tu nous feras profiter de tes talents culinaires… »

La prochaine fois ? Il vit Sara se figer une seconde puis sourire à nouveau. Donc elle n'était pas contre une prochaine fois… Bon, il envisageait davantage qu'une prochaine fois à vrai dire. Des milliers de prochaines fois. Des millions. Une infinité si c'était possible. Il était conscient qu'il l'avait beaucoup fait souffrir et que sa présence à ses côtés était quasiment miraculeuse. Du moins de son point de vue. Mais aux vues de son comportement de ce soir – à la fois très amicale mais un peu distante – si il voulait regagner son amitié il allait devoir y aller doucement. Et si il voulait aller plus loin – et Dieu sait qu'il le voulait – il allait devoir se montrer très appliqué et très patient. Très prudent aussi. Lui-même n'était sans doute pas prêt à une trop rapide avancée dans leurs relations.

- « Monsieur est téméraire » plaisanta t'elle en quittant la voiture. Elle rêvait ou il s'agissait d'une nouvelle invitation ? Quoiqu'il en soit ça lui plaisait… Enfin, est-ce que cela lui plaisait vraiment ? Oui, en un sens. Mais c'était un peu troublant quand même.

- « Je ne pense pas prendre beaucoup de risques » lança son supérieur, une lueur taquine dans le regard. « Passe une bonne nuit » fit-il plus doucement, s'attardant encore un moment sur les traits délicats de la jolie brune.

- « Vous aussi » fit-elle sur le même ton avant de refermer la portière.

Un sourire indélébile collé aux lèvres Sara gravit allègrement les quelques marches qui la séparait du hall d'entrée. Elle se retourna une dernière fois pour constater que son supérieur n'était pas encore parti. Cette constatation en elle-même la fit sourire de plus belle. Jusqu'à ce qu'elle se traite mentalement de tous les noms. Elle ne devait pas retomber dans le piège. Il lui était déjà arrivé de se montrer aussi… accessible, gentil. Mais ça n'avait jamais abouti. Il s'était rapidement retranché derrière un professionnalisme froid et blessant. Elle ne se laisserait pas avoir une nouvelle fois. Oui, leur amitié lui manquait. Il lui manquait. Cette soirée avait été parfaite. Elle était tout à fait prête à en vivre d'autres. Et elle en avait envie. Mais ça ne l'empêcherait pas de voir Mattew…