Okay, je n'ai rien dit, c'est "encore" plus court que la dernière fois, mea culpa. Le fait est que je ne pouvais pas vraiment faire autrement. Au moins, comme ça, vous avez toute la « guimauve » d'un coup et l'angoisse (la pseudo-angoisse dirons-nous) viendra plus tard.

(What I like about you, Lillix)

Le regard de Grissom se posa successivement sur les quatre autres personnes assises autour de la table. D'abord Nick – chez qui ils passaient tous la soirée – en jean et boxer, torse nu et rayonnant. Il avait déjà abandonné pour ce tour et ses cartes étaient posées face contre table devant lui. Ensuite Greg en boxer uniquement – à l'effigie d'Einstein – observait son jeu avec circonspection tout en grignotant des tortillas. Warrick, plus chanceux – et surtout plus vêtu à l'origine, donc plus malin selon lui – portait encore jean, boxer et chaussettes. Il semblait plein serein et affichait un petit sourire satisfait. Et puis Sara, à sa gauche, encore toute habillée, le regard espiègle et sûre d'elle. Superbe. Elle dégagea une mèche qui tombait sur son front et ses yeux croisèrent les siens.

L'entomologiste lui sourit et elle lui rendit bien volontiers son sourire. Ce sourire. Celui qui lui creusait d'adorables fossettes deux côtés de sa bouche. Son cœur s'emballa et il eut toute la peine du monde à lui faire répondre un rythme normal. Lui aussi avait gardé tous ses vêtements jusqu'à présent. Ce qui était assez prévisible, il en avait une bonne expérience de ce jeu. Mais Sara… Trois ans auparavant elle savait à peine jouer et là elle se montrait redoutable. Elle n'avait pas perdu une seule fois. Elle le surprendrait toujours… Quoiqu'il en soit, il était ravi d'être ici avec eux. Ils jouaient depuis une bonne heure – après en avoir passé deux à déguster de délicieux tapas accompagnés de bière et de sodas.

Ils avaient beaucoup discuté, pas mal rit aussi. Catherine était là, mais elle ne jouait pas. Elle préférait regarder les hommes se faire plumer par Sara avec délectation – selon ses propres dires. Et Gil devait bien avouer que c'était un spectacle assez plaisant. Il soupçonnait tout de même les trois jeunes experts de faire exprès de perdre afin de faire plaisir à leurs deux ravissantes collègues et d'exhiber leurs physiques avantageux. La règle était simple. Les trois premiers qui abandonnaient ou perdaient devaient se séparer d'un de leurs vêtements. Et jusqu'à présent ni lui ni sa jeune collègue n'avait eu à le faire. Et quelque part il ne pouvait s'empêcher de penser que c'était dommage…

- « Sara, je suis sûre que tu triches ! » s'exclama Greg en déclarant forfait, son sourire démentant ses propos.

- « Pas du tout » rétorqua la jolie brune. « Je suis naturellement douée » le taquina t'elle avec une fausse condescendance.

- « Mouais… tu nous déconcentres ! » grogna le jeune homme, mauvais perdant.

- « Si j'avais vraiment voulu vous déconcentrer je me serais arrangée pour perdre deux ou trois parties » énonça simplement la brunette comme si c'était une évidence.

- « Ce serait plus juste que Grissom et toi enleviez quelques vêtements » releva Nick en souriant. « Vous êtes trop forts » constata t'il en levant les mains en signe de démission.

- « Sara en sous-vêtements… » fit Greg dans un murmure extatique, faisant sourire tous ses collègues et amis.

- « Mais qui te dit que j'en porte, Greg ? » susurra la jeune femme brune, mutine.

- « Mon Dieu… Et comment vous voulez que je me concentre après ça ? » se lamenta t'il, prenant les autres à témoin.

- « Elle en porte et ils sont rouges » énonça Grissom d'un ton neutre, faisant mine de se concentrer sur son jeu.

Nick manqua de s'étrangler avec la gorgée de jus d'orange qu'il venait tout juste de prendre. Warrick ouvrit de grands yeux. Greg fixait son supérieur, la bouche ouverte. Catherine se figea avant de se mettre à sourire avec malice. Et Sara arqua un sourcil étonné, légèrement confuse, mais surtout amusée.

- « Quoi ? » fit l'entomologiste, comme si il ne voyait aucune raison à leur effarement collectif. « Je suis observateur, c'est tout » se justifia t'il en haussant les épaules. Ça et le fait qu'il n'avait pu détacher ses yeux d'elle durant les 10 premières minutes lorsqu'il l'avait vu dans sa jupe noire et sa chemise rouge – très, très cintrée – au col largement ouvert – mais c'est vrai qu'il faisait chaud chez Nick. Et c'était sans doute voulu.

- « Au moins on sait pourquoi c'est vous le boss » constata simplement Warrick en repoussant ses cartes vers le centre de la table.

- « Hey, Griss, c'est vous qui êtes sensés être un pro en poker, comment pouvez-vous la laisser gagner comme ça ? » demanda Nick faussement outré, avant que la jeune femme ne lui assène un léger cou de coude dans les côtes.

- « D'accord, on va faire un deal » commença Sara en se tournant vers Grissom. « Maintenant tous les perdants devront enlever un de leurs vêtements. Tous les quatre. Donc quand je gagne, vous en enlevez un et… »

- « … quand je gagne tu en enlèves un » conclut Grissom avec un sourire en coin.

- « Si tu gagnes, oui » rectifia la brunette, espiègle, provoquant par ce tutoiement une nouvelle vague de surprise collective.

- « Deal » répondit-il simplement, beaucoup moins confiant et assuré qu'il en avait l'air. Seul avec Sara, il ne disait pas non. Mais là il devrait contrôler ses réactions si il gagnait. Et il devait gagner. Pas question de se retrouver en boxer devant eux. Bien sûr il savait que ça ne changerait rien au respect qu'ils avaient pour lui. Seulement il n'avait plus les abdos de ses trente ans… et il avait toujours son orgueil.

- « Cool » fit Warrick, le premier à se reprendre. « On va enfin savoir si Grissom est plutôt boxer ou caleçon » plaisanta t'il.

- « Il a des caleçons dans son armoire en tous cas » lâcha Sara avec détachement en mélangeant les cartes. C'était un juste retour des choses. Elle ne se serait certainement pas aventurer sur ce terrain là si il n'avait pas parler des ses propres sous-vêtements avant ça mais puisqu'il semblait être d'humeur badine…

- « Oh, oh, ça devient intéressant » releva Catherine, tout sourire, en s'enfonçant davantage dans son fauteuil.

- « N'en tirez pas de conclusion trop hâtives » intervint tout de même l'entomologiste en souriant légèrement.

- « Loin de nous cette idée… » fit Nick en posant son bras sur le dossier de la chaise de Sara avant de lui adresser un clin d'œil taquin. « Le jeu continue ? »

Une demi-heure plus tard, Sara s'était débarrassée de ses deux chaussures. Grissom avait du abandonner chaussures ceinture et chemise – mais conservait son tee-shirt. Et les trois autres joueurs avaient abandonné depuis un petit moment – des serviettes placées stratégiquement sur leurs genoux. Gil était un peu plus maussade à présent. Bien sûr les sourires que Sara lui adressait à intervalles réguliers lui donnaient l'impression d'être l'homme le plus important de l'univers. Mais les regards gourmands et malicieux qu'elle lançait aux trois garçons – et particulièrement à Nick et à son corps musclé – avaient le don de l'agacer. Oui, ce n'était pas bien d'être jaloux, mais c'était humain. Et quoiqu'il puisse laisser à penser par certains de ses agissements, il était humain. Surtout quand elle était là.

- « Hey, les gars, » commença Catherine dans un bâillement « ce n'est pas que je n'apprécie pas cette soirée mais il est déjà minuit passé et certains travaillent demain… » souligna t'elle en souriant.

- « Elle a raison » approuva Sara. « On devrait remettre ça à une autre fois. Je tombe de fatigue » ajouta la brunette en secouant ses boucles brunes. « Et puis j'ai tenue ma promesse… »

- « Quelle promesse ? » demanda Warrick en fronçant les sourcils.

- « Catherine voulait voir quelque chose… et elle l'a vu » fit-elle simplement en échangeant un regard espiègle avec sa coéquipière.

- « Hey ! Tu n'as pas le droit de faire ça ! » protesta Nick en riant, tentant de chatouiller la jolie brune à sa droite.

- « Vraiment ? » questionna la jeune femme avec un sourire des plus innocents en repoussant sa main baladeuse. « Allons, il est temps de rentrer, maintenant. Nicky ? »

- « Ne t'inquiète pas, je rangerais plus tard » répondit le texan en hochant la tête.

- « Je vais t'aider » annonça Greg. « Demain c'est mon jour de congé. »

- « Parfait » répondit Catherine en se levant. « On va vous laisser vous rhabiller » ajouta t'elle avec un sourire en coin. « Repose-toi bien Nicky. Greg. Warrick, on se voit demain » conclut la jeune femme blonde avant de se saisir son manteau et de se diriger vers la sortie.

Grissom s'était d'ores et déjà levé, avait attrapé sa veste ainsi que celle de Sara et attendait près de la porte. La brunette fit la bise aux trois garçons, glissa quelques mots à l'oreille du texan et vint rejoindre ses deux collègues. Cinq minutes plus tard, ils étaient dans la rue et un vent frais vint frôler leurs visages. Sara leva son visage à la rencontre de cette caresse vivifiante alors que Catherine resserrait les pans de son manteau autour d'elle.

- « Bon, eh bien, je vais rentrer… » reprit la blonde en jetant à ses deux coéquipiers un regard entendu. Elle s'abstint de toutes remarques supplémentaires sur les 'incidents' de la soirée. D'ailleurs elle s'était abstenue toute la journée de revenir sur la conversation qu'elle avait surprise la veille. Ce qui tenait quasiment du miracle. Le fait est qu'elle connaissait assez Grissom pour savoir qu'il avait changé mais que trop de pressions extérieures pouvaient tout aussi bien annihiler son tout nouveau courage. « A demain vous deux. Ou plutôt à tout à l'heure » les salua t'elle en ouvrant la porte de sa voiture avant de s'y engouffrer.

Sara reporta son attention sur l'homme à ses côtés et rencontra immédiatement son regard d'un bleu intense et profond. Elle décida très fermement de ne pas en être gênée et se contenta de sourire en réprimant un frisson. Frisson davantage dut à une forme d'excitation qu'au froid ambiant pour tant très vif. Immédiatement elle sentit ses mains sur ses épaules et son torse contre son dos. Une chaleur délicieuse l'envahie toute entière. A l'instant peu lui importait qu'il ne s'agisse que d'un jeu pour lui, que cela ne signifie rien… Parce qu'elle était dans ses bras. Et même si elle savait, au fond, que ça ne durerait pas, que ça n'aurait pas de suite, c'était réel. Elle était vraiment dans ses bras, c'était vraiment son souffle sur sa nuque. La jeune femme ferma les yeux pour goûter l'instant.

- « Je te ramène ? » murmura Gil à son oreille. « Je sais que tu es venue à pied… » Il n'était pas sûr de ce qu'il était en train de faire, de ce qu'il était sur le point de faire mais il le faisait. Il ne suivait ni sa raison ni une quelconque logique mais juste son intuition, ses envies. Il avait découvert depuis une semaine que ce n'était pas ni particulièrement difficile ni dangereux.

- « J'aime marcher » rétorqua Sara à voix basse, souriante. Souriante mais désespérément troublée par sa soudaine proximité.

- « Tu vas attraper froid » répliqua l'entomologiste de la même façon.

La brunette se retourna doucement et le jaugea du regard. Il avait ce petit air malicieux qu'elle aimait tant… Une douloureuse et impérieuse envie d'embrasser ce sourire s'empara d'elle et elle ne put s'empêcher de fixer ses lèvres d'une façon qui ne devait laisser que peu de doute quant à ses intentions. Si elle avait relevé la tête, elle aurait constaté que le regard de Grissom s'était embrasé d'une lueur nouvelle : le désir. Elle aurait constaté que ses yeux ne quittaient pas sa propre bouche. Et elle aurait sans doute reculé, brisé le charme. Mais elle ne releva pas la tête. Dans son esprit, elle ne prenait pas de risque. Son principal garde-fou était devant-elle. La seule chose qui l'empêchait d'avoir une liaison avec Grissom était Grissom lui-même. Comment aurait-elle pu savoir que cette barrière là n'existait plus ?

Lui savait déjà qu'il était perdu. Irrémédiablement. Il l'était depuis près de 10 ans. Depuis près de 10 ans il était debout, devant un gouffre. Désirant plus que tout s'y jeter mais luttant de toutes ses forces pour s'en éloigner. La bataille était vaine. C'était une chose qu'il savait aussi. Il avait peur de ce qu'il allait trouver dans ce gouffre. Il en connaissait le bord. Il y était habitué. Mais s'il franchissait la limite, s'il faisait ce pas vers l'inconnu, vers elle… Il n'y aurait pas de retour en arrière possible. Bien sûr le gouffre était tentant. Bien sûr elle en valait la peine – elle valait toutes les peines du monde, ça oui. Bien sûr cela pourrait être le début de quelque chose de merveilleux. Mais cela serait forcément différent. Il allait devoir apprendre. Il allait devoir partager, s'ouvrir. Tout ce qu'il avait toujours redouté.

Pourtant, en la voyant là, dans ses bras, les yeux brillants, les joues délicieusement rosées, si jolie, si adorable… Tout ça n'avait plus aucun sens. Elle seule comptait. Comment avait-il sérieusement pu croire une seule seconde qu'il pourrait se passer d'elle, vivre sans elle ? Cela lui semblait tellement ridicule à cette seconde. Comment avait-il pu vouloir l'éloigner de lui, la repousser ? Il ne la méritait pas, c'était certain. Mais c'était à elle d'en décider. Et si par miracle elle voulait encore de lui, alors… alors… Il la vit redresser la tête. Il vit son regard se troubler. Il vit une lueur incrédule passer dans ses yeux alors qu'elle fixait les siens. C'était maintenant ou jamais. Il plaça un bras autour de sa taille, la rapprochant de lui, puis glissa une main tremblante sur sa joue glacée.

Gil repoussa ensuite une boucle brune derrière son oreille avant de laisser son pouce caresser sa pommette. Les battements de son cœur s'accélérèrent dangereusement alors qu'il se penchait vers elle. La sensation de son souffle brûlant contre son visage déclancha à elle seule une foule d'émotions dans tout son corps. Doucement, tendrement, il effleura ses lèvres des siennes. Une fois. Elle frissonna, les yeux clos. Deux fois. Elle entrouvrit la bouche en laissant échapper un léger gémissement. Encouragé par cette réaction et rendu fou par la docilité de Sara, il pressa plus fermement ses lèvres contre les siennes. Ça y était, il était mort et avait atterri au paradis. La sensation était divine, envoûtante. Parfaite. Deux bras vinrent se nouer autour de sa nuque. Une main vint jouer dans ses cheveux.

Il ne résista pas à cet appel silencieux à approfondir l'étreinte. Ses doigts s'insinuèrent sous la sa veste de la jeune femme. Puis ils se frayèrent un chemin sous sa chemise, à la recherche d'un contact avec sa peau. Il tentait de se maîtriser le plus possible et de ne pas la brusquer mais il avait terriblement besoin d'elle. Sans trop savoir comment, il l'avait adossé à sa voiture, la maintenant pressée plus étroitement encore contre lui. Ses gestes devenaient impatients. Les siens aussi. Leur baiser s'intensifiait, se faisant plus ardent, plus passionné, dévorant. Leurs caresses désordonnées témoignaient d'une impatience certaine, d'un désir trop longtemps refoulé. Leurs langues se cherchèrent, s'attisèrent puis se joignirent et se mêlèrent avec sensualité, avidité, frénésie. Avec fougue aussi.

Leurs dernières onces de lucidité chavirèrent, balayées par la vague de plaisir qui les envahit. Leurs esprits enfiévrés ne pouvaient plus émettre la moindre pensée cohérente. Leurs sens, aiguisés à l'extrême, avaient pris le relais, explorant, goûtant, s'enivrant de l'autre. Ajustant son corps contre le sien, Grissom approfondit encore le baiser, électrisé par les gémissements de Sara qu'il étouffait sous ses lèvres. Sa main quitta la joue de la jeune femme et passa dans son dos pour descendre vers le creux de ses reins. Il ne revenait pas de ce qu'il venait juste de se passer, de ce qu'il venait de faire. De ce qu'il venait enfin d'oser faire. Il y avait pensé depuis qu'il l'avait rencontrée. Il en avait envie depuis près de 10 ans. Une envie irrésistible contre laquelle il avait lutté jusqu'à… maintenant. Et la seule chose qui lui venait à l'esprit c'est qu'il aurait du le faire bien avant.

- « Sara… » soupira t'il contre sa bouche. C'était trop. Trop fort, trop intense. Il allait mourir… Il ne pouvait en être autrement.

Les lèvres de l'entomologiste abandonnèrent celles de la brunette pour venir tracer une ligne de feu imaginaire le long de sa gorge. Dieu qu'il avait envie d'elle. Il la voulait, là, ici et maintenant. Il la voulait comme il n'avait jamais désiré quoi que se soit – ou qui que se soit. Il la voulait avec une force irrationnelle qui lui faisait perdre pied. Mais il n'en avait cure. Si c'était ça perdre le contrôle, il ne souhaitait jamais le retrouver. Il n'avait pas vécu jusque là, il avait juste existé. S'attardant quelques secondes sur cette veine palpitante qui courait dans son cou, dans un état second il l'entendit soupirer son nom. L'abandon mêlé d'extase qui transperçait dans sa voix l'emplit de joie et de fierté. Elle était à lui. Il remonta ensuite vers son visage en déposant une nuée de tendres baisers sur son menton, ses joues, son nez, avant de fondre sur ses lèvres avec une fièvre décuplée.

- « Griss ? Sara ? » fit soudain une voix peu assurée à quelques mètres d'eux.

Cette interruption fit l'effet d'une douche froide à la jeune femme. L'esprit encore embrumé par le plaisir qu'elle venait de ressentir, elle se figea cependant, interdite, avant de rompre le baiser. Sara réalisait doucement que oui, elle était coincée entre une froide carrosserie et un corps chaud. Que oui, elle était dans les bras de Grissom. Et que oui, il était en train de l'embrasser comme si sa vie en dépendait et qu'elle l'embrassait en retour – en tout cas jusqu'à présent – avec une égale ferveur. Le tout devant l'immeuble de Nick et apparemment devant Warrick aussi… Elle choisit pour l'instant d'ignorer l'intrus, elle se concentra sur l'homme qui la maintenait toujours fermement dans ses bras. Ce qui était plutôt une bonne chose étant donné que ses jambes ne la portait plus.

Elle releva les yeux pour croiser les siens, encore voilés par le désir. Ne sachant pas comment réagir – et jugeant qu'hurler, comme elle avait très envie de le faire, n'était pas la meilleure des solutions – elle esquissa un sourire timide. Tel qu'elle le voyait là, Grissom, les traits crispés par une envie impérieuse, était l'incarnation parfaite de la virilité. Et il était très manifeste – en particulier sous sa ceinture – que toute notion de professionnalisme ou même d'amitié avait déserté l'esprit de l'entomologiste. Le souffle court, il posa son front contre le sien avant de se détourner vers Warrick. Le jeune afro-américain avait l'air totalement ahuri et affreusement nerveux. Apparemment, il aurait tout donné pour se trouver ailleurs à l'heure actuelle. Sara compatit, sa situation n'était pas des plus évidentes. La sienne non plus du reste.

- « Warrick… » tenta Grissom, pour le moment incapable de prononcer autre chose et encore moins de se séparer de Sara. Il lui semblait qu'il mourrait s'il était privé de son contact ne serait-ce qu'une seconde.

- « Heu, Je serais vous, je ne resterais pas là » commença le jeune homme en réprimant un sourire. « Greg ne va pas tarder et quelque chose me dit que vous n'aimeriez pas avoir à lui expliquer la situation… »

- « Tu as raison » approuva l'entomologiste. « A demain » ajouta t'il alors que Warrick se dirigeait vers sa propre voiture.

- « Passez une bonne nuit » fit simplement le jeune expert en prenant place dans son véhicule, non sans une pointe de malice. « Vous m'avez l'air bien partis… »

Sur ce, il referma la portière et démarra, laissant ses deux coéquipiers seuls sur le sombre parking. Les joues de Sara avaient pris une jolie teinte pivoine à la suite de ce dernier commentaire et elle remercia silencieusement l'obscurité ambiante de cacher cette réaction aux yeux de son superviseur. 'Et maintenant quoi ?' songea t'elle avec lassitude. Telle qu'elle le connaissait, il ne tarderait pas à s'écarter d'elle, horrifié, et à s'empresser de faire comme s'il ne s'était rien passé. Elle priait pour qu'il ne le fasse pas. Elle avait appris à supporter beaucoup de choses. A oublier beaucoup de chose. Mais ça elle ne le pourrait pas. C'était trop. En même temps, tout aurait été bien plus facile s'il n'avait rien fait. Là, elle ne savait plus du tout où elle en était où ils en étaient… et elle n'aimait pas ça.

Il y a quelques années – voire quelques mois – elle aurait été ravie d'une telle initiative mais le moment lui semblait on ne peut plus mal choisi. Elle l'aimait bien sûr mais elle avait renoncé à lui. Et voilà qu'il venait mettre à terre toutes ses bonnes résolutions… de la manière la plus délicieuse qui soit, certes, mais cela n'en était pas moins troublant. Elle était partagée entre la joie et l'appréhension. Entre la certitude et le doute. Elle n'était sûre que d'une chose : elle adorait être dans ses bras… Comme il ne bougeait pas, elle se décida à agir. La peur d'être rejeté lui vrillait le ventre mais elle devait faire quelque chose. Alors, doucement, avec hésitation, Sara enroula ses bras autour de la nuque de l'entomologiste. Se blottissant contre lui, elle nicha son visage dans son cou et ferma les yeux. Advienne que pourra.

Après l'intervention de Warrick et leur court échange, Grissom n'avait su comment réagir. Il avait agi sur le coup d'une impulsion et maintenant… Etait-elle fâchée ? En colère ? Le détestait-elle pour ce qu'il venait de faire ? Allait-elle lui hurler dessus, le frapper et s'enfuir en courant ? Il espérait de tout son cœur qu'elle n'en ferait rien. Après tout elle avait répondu à son baiser… Pendant un moment, donc, il ne sut quoi faire. Il aurait pu lui dire qu'il était désolé mais ça aurait été un mensonge… Alors quand il la sentit se rapprocher timidement de lui, il ne put s'empêcher de soupirer de soulagement. Et puis de plaisir aussi. Sans plus réfléchir, il passa une main sous le menton de la jeune femme puis chercha ses lèvres avant de les capturer dans un chaste baiser.

Un baiser d'une tendresse infinie qui contrastait étrangement avec la ferveur de la précédente étreinte. Un baiser dans lequel il tenta de faire passer tous ses sentiments pour elle. Un baiser pour lui montrer tout ce qu'elle représentait pour lui, pour lui montrer combien elle comptait pour lui. Et elle y répondit de la même façon, les larmes aux yeux, osant à peine croire ce qu'elle était en train de vivre et ne cherchant surtout pas à l'analyser. Mais quand même. C'était Gil Grissom qui était en train de l'embrasser. Et ce n'était même pas un rêve.

- « Rentrons » lui glissa finalement Grissom à l'oreille en lui ouvrant la portière.

Dans un état second, elle ne put qu'acquiescer et monta dans la voiture avant qu'il en fasse de même. Ils n'échangèrent pas un mot durant le trajet mais quand l'entomologiste posa une main sur la cuisse de la jeune experte, elle n'hésita pas et la recouvrit de la sienne avant d'enlacer ses doigts aux siens, envahie par une délicieuse vague de bien-être. Sara dut s'endormir car lorsqu'elle rouvrit les yeux, le véhicule était arrêté devant la maison de Grissom. Et ce dernier était penché sur elle. Arborant un sourire terriblement tendre et un regard incroyablement chaud. Toujours en silence, elle lui rendit son sourire et se laissa guider. Seule comptait la sensation de cette main ferme et douce qui couvrait la sienne. Elle doutait encore mais elle était sûre de ce qu'elle voulait cette nuit…

Quand ils se retrouvèrent face à face dans le salon, Grissom sembla perdre un peu de sa belle assurance. La pression sur sa main ne se relâchait pas mais, maintenant, dans ce cadre si familier, la situation en elle-même lui apparaissait d'autant plus surréaliste. Il ne regrettait rien bien sûr. Il avait fait son choix et il l'avait choisie elle. Il était prêt à en payer le prix. Il la voulait. Il l'aimait. Cependant, lui qui se laissait habituellement guider par sa raison – ou à la limite par un simple désir exempt d'émotion – il n'avait pas appris à agir selon ses sentiments. Et c'était précisément ce qu'il devait faire…

- « Est-ce que… est-ce que tu veux boire quelque chose ? » proposa assez maladroitement l'entomologiste, sans pourtant manifester la moindre intention de bouger. Il semblait chercher dans son regard un signe, quelque chose qui lui montrerait quoi faire. Comme si il avait peur de mal agir. Il cherchait une approbation. Il voulait l'embrasser. Il le voulait vraiment. A tel point que cela lui faisait mal. Il voulait caresser sa peau, glisser ses doigts dans ses cheveux. Il voulait lui faire l'amour ici et maintenant. Mais il voulait qu'elle soit d'accord. Il voulait qu'elle le veuille aussi.

Sara secoua ses boucles brunes en signe de négation. Oh non, elle n'avait pas soif… pas dans ce sens là du moins. Elle savait qu'il tenait vraiment à elle. Et elle comprenait sa peur, sa maladresse. Elle était prête à l'aider. Ses lèvres s'étirant d'un sourire espiègle. Apprendre quelque chose à Gil Grissom, ça n'arrivait pas tous les jours… Elle leva une main pour venir la poser sur son torse. Tout près de son cœur. Elle retint un mouvement de surprise lorsqu'elle en sentit les battements désordonnés sous sa paume. Elle dégagea ensuite son autre main, doucement, et lui fit rejoindre l'autre. La jeune femme accrocha le regard brûlant de Grissom qui semblait retenir son souffle. Elle entreprit, très lentement, de faire remonter ses mains jusqu'aux épaules de son amant en passant sous sa veste.

L'homme se contenta de suivre ses mouvements avec attention et de frissonner en attendant la suite. Elle fit tomber le vêtement par terre avant de s'attaquer aux boutons de sa chemise. Un par un. Attisant un peu plus le désir déjà peint sur le visage de son amant. Il paraissait s'en remettre à elle et lui abandonner le contrôle des opérations. Mais quand ses doigts fins glissèrent jusqu'à sa ceinture et s'y attaquèrent, il n'y tint plus. Il fondit littéralement sur elle, enflammant ses lèvres d'un baiser fiévreux. Passant ses bras autour de sa taille, il la souleva légèrement et, sans plus attendre, prit la direction de sa chambre, son précieux fardeau contre lui. Il gémit contre sa bouche quand ses longues jambes vinrent s'enrouler autour de ses hanches et que sa langue vint taquiner la sienne.

Abandonnant sur leur chemin divers vêtements, ils se débarrassèrent des quelques autres avec des gestes fébriles et impatients. Finalement ils basculèrent sur le lit dans un enchevêtrement de bras et de jambes. Sara rit doucement sous les caresses expertes et audacieuses de Grissom mais elle fut rapidement mise au silence par une bouche affamée. Et bientôt, elle ne songea plus à rire. Choisissant plutôt de murmurer le nom de son amant dans de longs soupirs extatiques alors qu'il se mouvait en elle et que ses mains glissaient avec avidité et application sur sa peau nue, l'entraînant toujours plus loin dans les limbes du plaisir. Ce n'est que bien plus tard qu'ils sombrèrent dans le sommeil, apaisés et comblés, leurs corps moites étroitement enlacés.

Sara émergea doucement, le corps étrangement engourdi. Elle prit doucement conscience d'une source de chaleur tout contre elle. Cette constatation l'intrigua, mais pas suffisamment pour qu'elle consente à ouvrir les yeux. Elle était trop bien. Elle se sentait divinement bien, même. Comme elle ne l'avait pas été depuis… pfou… depuis un moment en tous cas. D'ailleurs ça n'était absolument pas normal. Mais elle décida de reléguer ses pensées dérangeantes en arrière plan et nicha son nez dans une nuque accueillante. Une délicieuse odeur chatouilla ses narines tandis qu'un bras se resserrait autour de sa taille et que des lèvres chaudes se posaient sur sa tempe. Des doigts se glissèrent sur son dos et une jambe s'insinua effrontément entre les siennes, lui faisant réaliser qu'elle était nue. Qu'est-ce que… ?

- « Sara… honey… il est temps de se lever… » souffla une voix familière aux accents tendres et rieurs, au creux de son oreille.

Les évènements de la veille et de la nuit magique qu'elle venait de passer lui revinrent immédiatement à l'esprit. Elle ouvrit doucement les yeux. Un étrange sentiment de déjà vue s'empara d'elle alors qu'elle croisait un regard bleu lagon. Le visage souriant de Grissom était penché sur elle. L'entomologiste la contemplait comme si elle avait été la chose la plus précieuse au monde. La jeune femme sourit à son tour, incertaine. Quelque part elle était surprise qu'il soit encore là, près d'elle ce matin. C'était sans doute idiot mais lorsqu'elle s'était endormie dans ces bras – heureuse comme elle ne l'avait jamais été – une sourde angoisse lui avait noué le ventre. Même confortablement blottie contre la tiédeur rassurante de son corps, après plusieurs heures d'ébats langoureux, elle avait eu terriblement peur qu'il ne soit plus là à son réveil – et pourtant ils étaient chez lui.

- « Sara… » répéta Grissom en déposant de légers baisers sur sa nuque.

Elle avait toujours été de nature angoissée, très peu sûre d'elle en dehors de l'aspect professionnel des choses. Et les évènements plutôt malheureux qui avaient parsemés sa vie n'avaient pas aidé. Sans compter un travail qui la confrontait chaque jour à ce qu'il y avait de plus mauvais dans la nature humaine. C'est donc tout naturellement qu'à peine remise d'un orgasme dont la puissance l'avait quasiment assommée, elle avait envisagé le pire. Ce n'était pas qu'elle doutait vraiment de lui. Non, ce qu'elle remettait en question, c'était sa propre capacité à retenir les gens auxquels elle tenait. Son frère d'abord qui avait quitté la maison familiale dès qu'il en avait eu l'occasion. Son père ensuite. Malgré tout ce qu'il faisait endurer à sa mère, elle l'adorait et il l'avait quittée – pas de son plein gré, certes, mais cela ne changeait pas grand-chose dans l'esprit d'une enfant de huit ans.

Sa mère aussi l'avait abandonnée lorsqu'elle s'était retrouvée en prison. Puis il y avait eu Alan. Le premier homme qu'elle avait vraiment aimé. Renversé par un chauffard à 25 ans alors qu'il venait de lui offrir une bague de fiançailles. Et Hank, plus récemment, qui l'avait trahie. Sans compter Nick qui avait bien failli partir à son tour… Alors oui, elle avait peur. Peut-être Grissom regretterait-il, peut-être s'en voudrait-il, peut-être allait-elle partir avant qu'elle ne se réveille en laissant un mot du genre : Je suis désolé. Je n'aurais pas du faire ça – 'je', parce que bien sûr il prendrait tout sur lui – c'était une erreur. N'en parlons plus. Mais il était là. Il lui souriait et mordillait doucement la chair tendre de son cou, provoquant de délicieux frissons le long de sa colonne vertébrale.

- « Humm… » fit Sara en penchant sa tête, lui facilitant l'accès à sa nuque, manifestant par là son approbation quant à la douce torture qu'il lui faisait subir.

La jolie brune fit glisser ses mains autour de la nuque de Grissom et ajusta son bassin contre le sien. Elle sourit en constatant que cette simple proximité avait déjà éveillé 'l'intérêt' de son nouvel amant. Elle se redressa brusquement afin de se retrouver à califourchon sur son supérieur, espiègle. Il se laissait faire bien volontiers, posant ses mains sur ses hanches et contemplant sa nudité avec une admiration non dissimulée. Au bout de quelques secondes, s'assit à son tour, l'attirant plus près de lui, et leva une main pour venir caresser sa joue.

- « Tu es vraiment là… » murmura t'il en faisant glisser son pouce sur ses lèvres, comme pour se convaincre de la véracité de cette affirmation.

Pour toute réponse elle s'empara de ses lèvres pour un baiser passionné auquel il ne manqua pas de répondre en s'allongeant à nouveau sur le lit, l'entraînant avec lui.