En toute honnêteté, j'aurais pu mettre la fin ici, avec la résolution des choses et tout (parce qu'autant le vous dire tout de suite cette partie ne fait absolument pas avancer « l'action »)… mais je me suis dit que ça allais peut-être faire beaucoup alors vous saurez tout (ou presque) la prochaine fois.

(Christmas is all around, Billy Mack)

- « I feel it in my fingers. I feel it in my toes. Christmas is all around me and… » entonna Nick alors que Sara et lui marchait dans les rues de Vegas, bras dessus, bras dessous.

La jeune femme rit doucement avant de le couper dans son élan d'un léger coup de coude. Elle rit de nouveau devant l'air faussement offusqué qu'adopta immédiatement le texan. Elle ferma ensuite les yeux et resserra son emprise autour du bras de l'adorable brun. Souriant, il se dégagea de l'étreinte puis il passa ce même bras autour des épaules de Sara avant qu'elle n'ait eu le temps de protester. Satisfaite de ce nouvel état des choses, la brunette se blottit contre lui en passant une main atour de la taille fine du jeune homme, savourant la chaleur bienfaisante que diffusait ce radiateur humain. Ils continuèrent de marcher ainsi. Longeant les vitrines des magasins, illuminées de milles feux et décorée de sapins surchargés de boules éclatantes, de pères Noël de carton ou de chair, de guirlandes multicolores…

Les casinos rivalisaient de splendeur pour l'occasion. Des chorales de Noël se déplaçaient avant de s'arrêter ici et là et de chanter quelques classiques. L'air charriait une délicieuse odeur de marrons chauds. Les rues étaient chargées de cette atmosphère de fête si particulière et si agréable. La foule se pressait sur les trottoirs. Inconsciemment, Sara sourit. Quelques degrés de moins, quelques flocons de neige et tout aurait été parfait songea t'elle alors que Nick déposait un léger baiser sur son front. Elle était ravie d'être là avec lui. Avec son grand frère. Mais pourtant, quelque part, elle ne pouvait s'empêcher de penser que c'était un moment qu'elle aurait voulu vivre avec Griss. Ça n'arriverait jamais bien sûr mais… Une boutique sur le côté retint son attention, la distrayant de ses réflexions.

- « Il faut que j'achète un sapin » fit la brunette en relevant la tête vers Nick. « On est à une semaine de Noël et je n'ai même pas de sapin ! » constata t'elle, davantage pour elle-même que pour le jeune texan qui l'entraînait déjà vers la boutique en question.

- « Tu as raison, c'est une honte » la taquina t'il en s'arrêtant devant une intéressante collection de conifères. « Alors, lequel tu veux ? »

Après un long débat sur la taille idéale d'un arbre de Noël, ils finirent par en choisir un d'une taille raisonnable. Encore un peu petit si on se fiait aux marmonnements du texan mais bien assez grand pour faire du chemin jusqu'à la voiture une véritable épopée héroïque. Après pas mal de fou rire et un certain nombre d'arrêts, la 'bête' fut chargée dans la tahoé de Sara. Le faire tenir dans le coffre fut une autre histoire et le transport jusqu'au salon de la jeune femme ne se fit pas sans heurts. Finalement, les deux transporteurs se laissèrent tomber en riant dans le canapé de la brunette, épuisés. Ils prirent un moment pour contempler le sapin, trônant maintenant dans un coin de la pièce.

- « Il va falloir le décorer… » remarqua doctement Nick, toujours souriant, visiblement on ne peut plus réjoui par cette idée.

- « Je vais chercher les cartons et les CD » annonça Sara, tout aussi souriante, en s'extrayant du canapé pour se diriger vers la chambre.

- « Ok chef. Je prépare le chocolat chaud et je sors les bretzels » renchérit le jeune homme.

Ils passèrent ainsi les deux heures suivantes à décorer avec application non seulement l'arbre mais aussi tout l'appartement – et accessoirement eux-mêmes à grand renfort de batailles de neige artificielle et de cheveux d'anges – au son de chants de Noël. Au bout de deux heures – trois litres de chocolat chaud, une demi-douzaine de bretzels – le sapin était habillé de rouge et or et toutes les pièces étaient décorées aux couleurs de Noël avec beaucoup de goût. L'appartement était devenu l'incarnation parfaite de l'esprit et de la chaleur des fêtes de fin d'année. Pour mieux juger de l'effet, Nick éteignit les lumières aux premières notes de « White Christmas ». Seules les guirlandes lumineuses de l'arbres et les flammes vacillantes des bougies baignaient à présent la pièce d'une douce et irréelle clarté.

Le texan s'était assis à même le sol, contre le canapé. Sara avait pris place entre ses jambes. Sa jolie petite tête contre son torse. Son bras fin passé autour de sa taille. Sa main blanche sur son genou. Le jeune homme enlevait distraitement les fils dorés des boucles brunes qui lui chatouillaient le menton. Ils ne parlaient pas. Ils n'en avaient pas besoin. Ils se comprenaient au-delà des mots depuis longtemps déjà. La jeune scientifique dégagea son bras pour attraper une petite figurine qui avait été oubliée. Une petite fée aux cheveux d'argents. Elle passa un doigt sur ses ailes délicates et sourit. Lorsqu'elle était plus jeune – beaucoup plus jeune – elle rêvait d'être une fée. Pour les pouvoirs magiques, bien sûr. Pour les ailes, sans doute. Pour la grâce, aussi. Et pour la liberté.

Ce n'est pas qu'elle y ait vraiment cru un jour. Les lettres au père Noël, les vœux et tout le reste… Elle ne voulait pas vraiment en être une. Mais elle en rêvait. Sans trop savoir pourquoi elle se demanda si toutes les petites n'avaient pas de souhaits similaires. Surtout à cette période de l'année. A l'époque où son père lui avait offert cette petite fée, elle l'avait appelée Lily. Elle s'en souvenait parfaitement. Lily. C'était comme ça qu'elle voulait appeler sa fille. Lily. Comme la fleur. Elle fit jouer la figurine entre ses mains, avec précaution. Où était passée la petite fille qu'elle était ? Où étaient passés ses rêves ? Etre mère. Sauver le monde. Epouser un prince charmant. Tenir une boutique de confiserie. Et découvrir comment marche l'univers. Pas forcément dans cet ordre. Mais les idées étaient là.

Pourquoi ne rêvait-elle plus maintenant ? Pour ne pas être déçue sans doute. Entre nous soit dit, ça n'avait pas vraiment marché. Elle avait été déçue. On l'était toujours. Ne plus rêver était une façon de se protéger. Mais n'était-ce pas aussi une façon de se résigner, de tourner le dos à tout espoir ? Elle soupira imperceptiblement. Elle réfléchissait trop. C'était ça son problème principal. Ça et Gil Grissom. Elle frissonna et se lova davantage contre Nick. Nick qui la regardait avec cette tendresse fraternelle si particulière et rassurante. Qui aurait pu penser que Sara Sidle aimait autant les contacts humains, les élans d'affection et les jeux d'enfants ? Lui-même en avait été surpris. Au début. Mais finalement il aimait ça. Qu'elle ait assez confiance en lui pour laisser tomber son masque lorsqu'ils étaient ensemble.

- « Je suis désolée… » commença Sara, rompant le fil de ses propres pensées.

- « Pourquoi ? » fit doucement le texan, contre son front.

- « Je n'ai pas vraiment été là pour toi ces derniers temps » reprit la jeune femme, sincèrement soucieuse face à cette révélation. C'est lui qui avait été enterré vivant et c'est lui qui était là pour elle. Ce n'était pas juste. « Je me suis engluée dans mes propres problèmes sans réaliser que… que tu avais besoin de nous… de moi. Et je n'étais pas là » conclut-elle piteusement.

- « Tout va bien sweetheart » la rassura Nick avant de déposer un baiser sur ses cheveux tout en les caressant. « C'est toi qui m'a trouvé là-bas. C'est toi qui étais là quand je me suis réveillé à l'hôpital… tu étais là » continua t'il en passant deux doigts sous le menton de Sara pour l'obliger à le regarder.

- « Mais maintenant ? » reprit la brunette, peu convaincue. « Je veux dire si tu veux parler, si tu as peur parfois, si tu fais des cauchemars ou bien… »

- « J'ai un psy pour tout ça hon', toi tu es mon amie » la rectifia Nick, espiègle. « Tu m'aides en étant avec moi ce soir. Tu ne peux pas savoir combien ça m'aide. Je sais que je peux te parler et ça me suffit. Je n'ai pas besoin d'être materné, Sar'. J'ai juste besoin de retrouver mes repères, que tout soit comme avant » expliqua t'il plus sérieusement.

- « Ça ne serait plus jamais comme avant » murmura Sara, les yeux dans le vague.

Nick eut la sensation qu'elle ne parlait plus de son expérience, à lui, mais d'autre chose. De quelque chose qui la perturbait. Qui la faisait souffrir. Il voyait bien qu'elle n'allait pas bien. Pâle, plus mince, plus sombre… Elle avait décliné trois ou quatre invitations cette semaine. A regret semblait-il. Alors, non, elle n'allait vraiment pas bien. Mais il avait le sentiment qu'elle ne dirait rien cette fois. Elle lui avait parlé de ses parents, de son enfance, de ses peurs, de ses espoirs, de sa vie avant – avant Vegas. Pourtant, là, c'était différent. Quelque chose dans son regard, dans son sourire… Il ne voulait pas la brusquer. Il voulait juste savoir si il pouvait l'aider. Elle, elle l'aidait malgré ce qu'elle croyait. Bien sûr elle n'agissait pas avec lui comme si il était en porcelaine et qu'il risquait de se casser à tout moment.

Elle ne lui demandait pas si il allait bien toutes les quinze secondes. Elle ne tentait pas d'avoir l'air naturelle et décontractée tout en marchant sur des œufs avec lui. Elle restait elle-même. Elle agissait avec lui comme avant. Et c'est ça justement qui lui plaisait. La savoir là, près de lui si il en avait besoin. Il n'avait pas besoin qu'on lui rappelle sans cesse qu'il était en convalescence. Il ne le savait que trop.

- « Pour l'instant, Sara, c'est toi qui m'inquiète mon ange » reprit le jeune texan en prenant l'une des mains de la jeune femme entre les siennes. Elle était étrangement froide. Il fronça les sourcils et tenta de la réchauffer en la frottant doucement.

- « Je vais bien, ne t'inquiète pas » souffla t'elle en posant sa tête au creux de son épaule.

La discussion était close. Ils savaient tous les deux qu'elle n'avait pas menti. Ils savaient aussi qu'elle n'avait pas dit toute la vérité non plus. Mais peu importait à l'instant puisqu'ils étaient ensemble et qu'ils avaient confiance l'un en l'autre. 'D'une manière ou d'une autre tout serait terminé demain' fut la dernière pensée de Sara avait qu'elle ne sombre dans l'inconscience, bercée par la respiration calme et profonde de Nick. Ce dernier ne tarda pas non plus à rejoindre les bras de Morphée. Cette nuit il ne ferait pas de cauchemar…

Grissom quitta la table pour aller s'asseoir dans le canapé en attendant le retour de Catherine. Ils venaient de finir de dîner et comme il était déjà plus de 10 heures, Lindsay avait du se mettre au lit. La soirée avait été très agréable, vraiment. Et c'était la première fois qu'il prenait un vrai repas de viande depuis une semaine. Mais pour tout dire ça ne lui avait pas réellement manqué. Parce que lorsqu'il dînait avec Sara, il ne prêtait pas vraiment attention à ce qu'il avait dans son assiette. Il la regardait elle. Il n'avait besoin de rien d'autre. Quoiqu'il en soit, cette soirée avec Catherine, pour aussi plaisante qu'elle eut été, lui laisser un goût amer. Il aurait du prévenir Sara lui-même. Il le savait. Mais cela aurait certainement paru suspect aux yeux des autres, non ?

Et la jeune brune ne désirait certainement pas éveiller les soupçons de leurs collègues. Lui… Il n'y accordait finalement que peu d'importance. Lui n'avait pas à avoir honte de leur relation. Et ce n'était absolument pas le cas. Elle était jeune, belle et brillante. Il ne la méritait pas. Mais puisqu'elle semblait penser le contraire, eh bien… ça lui allait. Le problème était qu'il ne savait pas vraiment comment agir avec elle. Ni en privé ni en public. Il savait juste qu'il était bien avec elle. Et qu'elle lui manquait quand elle n'était pas avec lui. Comme maintenant. Voir Catherine était une bonne chose parce qu'il avait la nette impression que Sara avait besoin d'espace. Quelque chose n'allait pas, il le sentait, il n'arrivait pas à mettre le doigt dessus mais cela le terrifiait.

A l'instant il aurait tout donné pour être avec elle. Juste la tenir dans ses bras, sentir son odeur, sa peau sous ses doigts, ses lèvres sous les siennes… Il adorait plus que tout se réveiller à ses côtés. Enfin, ce n'était pas tout à fait juste. Il aurait adoré se réveiller à ses côtés mais ça n'était arrivé qu'une fois. Leur première fois. Inconsciemment il sourit à ce souvenir. Il n'était pas ce genre de personne, habituellement, mais lorsqu'il voulait qualifier cette nuit-là, le seul adjectif auquel il pouvait penser était 'magique'. Ça avait été magique. Il avait toujours su qu'il y avait quelque chose de spécial entre eux, un lien particulier mais il ne s'était certainement pas attendu à cette 'osmose'. Oui, bon, le mot sonnait bizarrement mais l'idée était là… Et il souriait encore lorsque Catherine revint dans la pièce.

- « Maintenant que Lindsay n'est plus là, j'aimerais connaître la raison de ce sourire » fit la jeune femme, souriante, en venant s'asseoir dans un fauteuil en face de lui.

- « Pardon ? » répondit Grissom encore perdu dans ses pensées, en relevant la tête.

- « Ce sourire… » reprit Catherine en faisant un geste de la main vers lui, amusée.

- « Quel sourire ? » s'enquit l'entomologiste en tentant de dissimuler ledit sourire – l'arrivée et l'interrogatoire de son amie aurait du aider mais il ne pouvait s'empêcher de penser à Sara.

- « Pas avec moi, Gil… Tu es bizarre depuis une semaine » souligna t'elle en arquant un sourcil inquisiteur, sans cesser de sourire.

- « 'Bizarre' ? » répéta t'il, surpris et légèrement amusé par ce qualificatif.

- « Différent » précisa Catherine en allant chercher le café qui venait de finir de passer.

- « 'Différent' ? » répéta t'il à nouveau, davantage pour énerver son amie que par réel étonnement. Bien sûr qu'il était différent. Il passait ses soirées avec Sara et ses nuits dans ses bras. Et même si il aurait voulu plus – et que quelque chose dans cette relation lui faisait un peu… peur et que Sara paraissait un peu distante ces derniers temps – il était plus heureux qu'il ne l'avait jamais été.

- « Ne joue pas les innocents, je suis sûre qu'il y a quelque chose » fit la femme blonde qui revenait, deux tasses de café dans les mains. « Tu n'es pas le seul d'ailleurs… Sara aussi agit de façon bizarre en ce moment » ajouta t'elle en lui tendant l'une des tasses.

Catherine constata que ses dernières paroles avaient atteint leur but. Elle avait réussi à éveiller l'intérêt de Grissom. Pour preuve, il prit distraitement le café et le posa devant lui sans la quitter des yeux. Il savait que la jolie brune était un peu 'distraite', mais pas plus que lui, si ? Ils entamaient une relation, il était normale qu'elle ne puisse pas tout à fait se comporter comme si de rien n'était. Il aurait bien aimé la rassurer, la conforter mais il avait peur de l'étouffer. Sara n'était pas comme toutes ces jeunes femmes qui se complaisent dans une relation exclusive. Elle était indépendante. Forte. Unique. De là à dire qu'elle agissait 'bizarrement'…

- « Alors, tu n'as rien a me dire ? » reprit Catherine avec naturel en se ressayant.

- « Non » répondit simplement l'entomologiste, peu désireux de prolonger la conversation dans ce sens. Mais connaissant la jeune femme, c'était peine perdue.

- « Gil Grissom, ne me prend pas pour une idiote, je te connais trop bien » le prévint-elle, faussement menaçante, faisant soupirer son invité.

- « Bon, je vais te le dire… » céda le scientifique, sachant parfaitement qu'il y serait bien obligé à un moment ou un autre. Et puis, dans un sens, en parler à Catherine lui ferait certainement du bien. Ça ne lui plaisait pas particulièrement mais quelques conseils ne seraient sans doute pas superflus.

- « J'étais sûre qu'il y avait quelque chose » exulta la blonde, ravie. « C'est à propos de Sara, n'est-ce pas ? » Grissom acquiesça.

- « Sara et moi… » commença t'il, horriblement mal à l'aise par rapport à ce sujet délicat.

- « Je le savais ! » s'exclama t'elle, extatique, le coupant dans son élan.

- « Catherine… » gronda l'entomologiste en fronçant les sourcils.

- « Désolée » s'excusa sa collègue, contrite. Ce n'était pas tous les jours que Grissom se confiait sur sa vie privée et elle n'aurait pas de deuxième chance. « Continue, je t'écoute. »

- « Je disais donc que Sara et moi, nous sommes… ensemble » lâcha t'il d'un seul coup, se sentant étrangement soulagé par cette confession.

- « Quoi ? » s'étrangla Catherine en ouvrant de grands yeux, manquant de recracher la gorgée de café qu'elle venait de prendre. Ce n'était pas vraiment le fait qu'ils soient ensemble qui la surprenait. Il était évident que ces deux-là n'étaient pas de simple collègues – ou même amis – l'un pour l'autre. Mais, en revanche, le fait qu'ils agissent en fonction de leurs sentiments, ça c'était vraiment étonnant. Et le fait qu'il l'admettre était carrément… stupéfiant.

- « Nous avons une relation » explicita Gil. Cette affirmation le déconcerta lui-même un moment. Bien sûr, il savait qu'ils avaient une relation. Mais formuler ce fait à haute voix le rendait terriblement concret et réel. Ils avaient une relation. Vraiment.

- « Okay » fit la jeune femme en se reprenant. « Toi et Sara avez une relation » répéta t'elle, comme pour s'assurer qu'elle avait bien compris. « Depuis combien de temps ? » demanda t'elle, encore incrédule.

- « Une semaine » se contenta de répondre l'entomologiste.

- « Une semaine ? » répéta Catherine. « La partie de poker… » murmura t'elle plus pour elle-même qu'autre chose.

- « En effet » acquiesça Grissom avec une sérénité qu'il était loin de ressentir.

- « D'accord, cela explique pas mal de choses… » commenta t'elle. Objectivement, elle était contente pour eux, pourtant il y avait quelques petits 'trucs' qui la chiffonnaient. Si ils étaient effectivement ensemble depuis une semaine, certains faits devenaient étranges. Et, bien que Grissom paraissait satisfait, Sara l'inquiétait… « Mais si je comprends bien, vous étiez ensemble lorsque tu as dîné avec Lady Heather. Et ce soir, elle ne savait pas que tu allais venir ici, n'est-ce pas ? »

- « Non… » admit-il, ne voyant pas très bien où elle voulait en venir.

- « Et comment l'a-t-elle pris ? » s'enquit la femme blonde.

- « Je ne sais pas » avoua l'entomologiste, légèrement inquiet. A quoi pouvait bien rimer ces questions ? Tout ça ne lui disait rien qui vaille…

- « Griss, je ne voudrais pas paraître mauvaise langue mais lorsque l'on vient d'entamer une relation avec une jeune femme, on évite de la laisser de côté pour passer une soirée avec quelqu'un comme Lady Heather » souligna Catherine, tenaillée par un mauvais pressentiment.

Le cynisme naturel de la jeune femme et ce qu'elle avait appris de la vie ne l'autorisait pas – ou plus – à croire à des concepts comme celui d'âme sœurs – ou de personnes faites l'une pour l'autre. En particulier depuis son divorce avec Eddy. Pourtant, Grissom et Sara… Ils étaient tellement semblables – manière de raisonner, désir de toujours en apprendre plus, intelligence hors du commun… – et en même temps si différents de part leur manière d'agir… Ils se complétaient parfaitement sur le terrain et goûtaient aux mêmes plaisirs dans la vie de tous les jours. Enfin, plaisirs, ça dépendait du point de vu songea t'elle, un brin amusée. Tout ça pour en venir au fait que, oui, elle était certaine que d'une façon ou d'une autre ils étaient parfaits l'un pour l'autre.

En revanche, le problème qui lui sautait aux yeux était qu'ils avaient tous les deux une déficience certaine quant à l'expression de leurs sentiments et à la communication privée en générale. Si aucun des deux ne faisait d'effort pour palier à cette déficience, ils risquaient fortement d'en souffrir. Si aucun des deux n'exprimait clairement ce qu'il attendait de cette relation, ils allaient droit dans l'impasse. Ils étaient trop doués au jeu de dissimuler ce qu'ils éprouvaient et si cela s'étendait à ce qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre…

- « Mais elle n'a rien dit » se défendit Grissom, peut-être davantage pour ce convaincre lui-même que son interlocutrice. Elle n'avait vraiment rien dit du reste. Il l'avait senti un peu tendu mais il avait mis ça sur le compte de la fatigue. Elle lui avait semblé sereine par rapport à cette histoire avec Lady Heather. Mais l'était-elle vraiment ?

- « C'est Sara ! » rétorqua t'elle avec une pointe d'exaspération. « Evidemment qu'elle n'a rien dit ! » s'énerva Catherine.

Qu'est-ce qu'il pouvait être obtus parfois… souvent même admit-elle en pensée. Elle ne prétendait pas être proche de Sara – et elle ne l'était pas d'ailleurs, sauf en de rares occasions et plus depuis leur dernière altercation. D'autant que ces propres problèmes avec Lindsay ne l'aidaient pas. Mais ça ne l'empêchait pas d'éprouver à l'égard de la jeune femme une sollicitude toute maternelle. Elle savait qu'elle avait vécu des choses terribles – même si elle ne savait pas exactement quoi. Elle avait de l'affection pour elle. Elles étaient très différentes, certes. Leurs caractères et leurs parcours étaient peu compatibles, aussi. Pourtant elle admirait sa jeune collègue. Elle l'appréciait et ne voulait pas la voir souffrir. Et autant qu'elle ait pu en juger elle n'était pas heureuse en ce moment.

- « Rassure-moi » reprit Cath. « Cette semaine tu l'as emmenée au restaurant, au cinéma, quelque part… ? Tu lui as offert des fleurs ? Tu lui as dit des mots doux ? » l'interrogea t'elle, soucieuse. « Cette idée de rester distant au labo, c'est un truc que vous avez décidé tous les deux ou bien… ? Vous avez parlé un peu, histoire de savoir où vous allez ? Est-ce que tu… »

- « Attends » la coupa Grissom en levant une main. Elle lui faisait peur tout d'un coup avec ses insinuations. « Je ne suis pas un de tes suspects Catherine et ceci n'est pas une salle d'interrogatoire. Il n'y a pas eu de crime de commis. »

- « Si tu la fais souffrir, il y en aura un » répliqua t'elle avec un sérieux presque menaçant. « Il y a au moins trois CSI dans cette ville qui adorent Sara, sans compter quelques policiers et laborantins. Fais attention… »

- « Je n'ai pas l'intention de la faire souffrir ! » s'emporta Grissom. Bon sang, lui aussi il adorait Sara. Il l'aimait par-dessus tout. Pourquoi ne pouvait-elle seulement pas le croire ?

- « Je sais » se radoucit la jeune femme blonde. « Je crois que nous le savons tous. Tu ne veux pas la faire souffrir. Mais répond à mes questions » lui demanda t'elle calmement.

- « Je… disons que depuis que nous sommes… ensemble… enfin, nous ne sommes pas beaucoup sortis. Pour ce qui est des fleurs et… le reste. Ce n'est pas son genre. Elle n'est pas comme ça. Quant au fait de garder ça pour nous, pour l'instant, je pense que c'est ce qu'elle voulait » répondit Gil, de moins en moins sur de lui.

Catherine secoua doucement ses boucles blondes et l'observa avec un sourire affectueux et triste. Evidemment. Sorti des insectes et des meurtriers psychopathes, il ne connaissait pas grand-chose en matière d'êtres vivants. Il avait besoin d'aide. Même si il ne l'avouerait jamais. Ils avaient besoin d'aide. Et ça tombait bien parce qu'elle avait toujours rêvé d'avoir ce genre de conversation avec lui. Qu'elle soit le maître et lui l'élève. Qu'elle parle et qu'il écoute. Pour changer.

- « Griss » fit-elle gentiment, comme si elle s'adressait à un enfant. « Je ne nie pas le fait que Sara soit spéciale à tes yeux et, qu'effectivement, elle n'apprécie pas vraiment les 'trucs de filles', mais toutes les femmes ont besoin de se sentir aimées, désirées. Je ne te parle pas de parures de diamants et de déclarations enflammées mais… Je pense que les hommes ont tendance à croire que nous sommes médiums. Désolée de te décevoir, ce n'est pas le cas » annonça t'elle avec une pointe de malice. « Comme pour une enquête, on a besoin de preuves. Une attention, un mot, un geste… Ce n'est pas parce qu'elle préfère les plantes que Sara n'apprécierait pas un bouquet de roses ou une promenade au clair de lune après un dîner dans un restaurant. Je sais qu'elle pourrait être parfaitement heureuse avec un paquet de pop corn et un documentaire sur les papillons mais garde ça pour plus tard » préconisa t'elle, amusé par l'air concentré et attentif de son ami. « Là, vous en êtes au début et ce n'est pas parce que vous vous connaissez depuis 10 ans que tout va couler de source. Cela ne te dispense pas d'être romantique et attentionné. Cela ne te dispense pas de la séduire, d'apprendre à la connaître vraiment, de la laisser te connaître, toi » conclut Catherine, relativement fière de son monologue. « Et pour cette histoire de garder votre relation pour vous… je ne suis pas sûre qu'elle soit très à l'aise avec ça. Ou, si vous y tenez vraiment, tu pourrais quand même te montrer plus amical et moins… odieux. Qu'elle sache que tu joues la comédie ne change rien, ce n'est jamais très agréable d'être ignorer par l'homme qu'on aime » expliqua t'elle avec une légère grimace.

Le voyant déjà secoué par toutes ces révélations, la jeune femme s'abstint de lui dire que Sara lui semblait particulièrement effacée depuis – précisément – une semaine. Effacée. Pâle. Soucieuse. Et plus mince encore qu'à l'ordinaire. Elle jugea en revanche qu'un petit encouragement ne serait certainement pas malvenu.

- « Je suis contente que tu te sois enfin décidé à lever ta tête du microscope » fit-elle donc en souriant, tentant de rendre l'ambiance plus « légère ».

- « Tu crois que je la fais souffrir ? » demanda Grissom à voix basse. Il n'avait manifestement prêté aucune attention à la dernière phrase de Catherine, trop marqué par ses paroles précédentes. Il semblait réaliser certaines choses, analyser certaines réactions dont il gardait le souvenir et qui prenaient à présent un sens nouveau.

- « Je crois que tu sauras la rendre heureuse et que tu seras heureux avec elle » répondit Cath, éludant sa question et préférant le rassurer. Il ne manquerait plus qu'elle l'ait effrayé et qu'il renonce à cette liaison, croyant agir dans l'intérêt de Sara…

- « Sara ? Saraaaaa ? C'est l'heure, sweetie » souffla doucement Nick au creux de l'oreille de la brunette encore endormie dans ses bras.

Pour toute réponse, la jeune femme enfouit son visage contre le torse du texan et gémit en signe de protestation. Il sourit face à cette réaction puis fit jouer sa nuque en grimaçant. Ce n'était plus de son âge de s'endormir assis – sur un sol dur en particulier. Cela étant, il avait bien dormi. Vraiment. Pas de réveil brutal en soudain avec l'impression d'être pris au piège. Non. Il s'était réveillé doucement. Agréablement surpris par la délicieuse chaleur qui se dégageait du corps lové contre le sien. Il n'était que 6h00 lorsqu'il avait ouvert les yeux, étrangement reposé. Pendant une heure, Nick s'était contenté d'observer sa coéquipière qui dormait encore. Parfois, elle se crispait et ses traits s'imprégnaient d'une tristesse intense. Alors il caressait ses cheveux et elle se détendait contre lui. Mais maintenant, ils devaient vraiment se lever si ils ne voulaient pas être en retard au labo.

- « Allez hon', tu vas prendre une bonne douche pendant que je prépare le petit déjeuner, c'est d'accord ? » proposa le jeune texan en repoussant affectueusement une boucle brune derrière l'oreille de la jeune femme.

- « Okay… » céda Sara sans pour autant se décider à quitter les bras de son ami, enfouissant au contraire son nez au creux de l'épaule du jeune expert.

- « Tu ne veux pas que je te portes non plus ? » la taquina Nick en la chatouillant légèrement.

- « C'est une idée… » répliqua la brunette, malicieuse. « Bon, si tu me promets de faire des pancakes, je me lève » fit-elle avec espièglerie.

- « Ça marche » approuva t'il en riant avant de lui ébouriffer les cheveux avec tendresse.

- « Tu as un quart d'heure » précisa la jeune femme avant de se lever prestement. « Quand même, on a fait du bon travail » ajouta t'elle en embrassant la salle du regard, s'attardant particulièrement sur le magnifique sapin.

- « Que veux-tu, je suis un pro » fanfaronna le texan, faussement fier de lui, alors qu'elle disparaissait dans sa chambre après lui avoir tiré la langue.

Les deux coéquipiers franchirent les portes du LVPD une heure et demi plus tard. Ils étaient passés chez Nick pour permettre au jeune homme de prendre une douche et de se changer. Avant de quitter son appartement, Sara avait rebranché son téléphone – qu'elle avait volontairement mis hors service – et ouvert son portable. Rien. « Il » n'avait pas laissé de messages. Ce n'est pas qu'elle aurait voulu avoir un message – après tout elle comptait bien en finir avec cette relation. Mais… elle aurait voulu avoir un message. Bon, peut-être qu'il avait appelé après tout et qu'il n'aimait tout simplement pas les répondeurs. Désespérant. Il fallait toujours qu'elle lui trouve une excuse… Il n'avait pas laissé de message parce qu'il n'avait pas appelé. Et il n'avait pas appelé parce qu'il n'en avait rien à faire.

Heureusement, le jeune texan avait réussi à la dérider durant le trajet. Et Grissom lui était presque sorti de la tête quand ils pénétrèrent dans la salle de repos. Presque. Warrick, Catherine et Greg étaient déjà et saluèrent leur entrée avec enthousiasme. Nick prit place sur le canapé au côté de la femme blonde. Si Sara s'attendait au regard concerné que le jeune afro-américain posa sur elle, celui – tout aussi concerné – de Catherine l'étonna. Cela l'étonna et l'agaça pour tout dire. Elle n'avait rien contre sa collègue. Certes. Mais là, tout de suite, elle la détestait. Peut-être parce que Grissom avait passé la soirée chez elle. Peut-être parce qu'elle était sans doute plus proche de lui qu'elle ne le serait jamais. Ou peut-être simplement parce qu'elle avait besoin de déverser sa colère intérieure sur quelqu'un…

Bien sûr, cette colère était dirigée vers son superviseur. Mais il n'était pas là – quant à savoir si c'était une bonne ou une mauvaise chose… – et Catherine semblait un substitut tout indiqué. Et puis, quelque part, le fait d'être en colère lui permettait de garder un semblant de contrôle sur elle-même. La colère était un sentiment relativement facile à maîtriser. Ce qui n'était absolument pas le cas de la profonde et sourde angoisse qui montait en elle. Angoisse qui se faisait de plus en présente et de plus en plus pressante. Adossée au comptoir et perdue dans ses pensées, Sara ne prêtait aucune attention aux conversations animées qui avaient cours entre ses collègues.

- « Café ? »

La voix de Greg fit sursauter la jolie brune. Elle se demanda un instant comment il avait fait pour apparaître devant elle, tout à coup. Puis elle se raisonna avant d'accepter la tasse que le jeune homme lui tendait. Elle le remercia d'un sourire qu'il lui rendit volontiers.

- « Alors, vous vous êtes bien amusés hier soir ? » s'enquit Warrick en faisant signe à la brunette de venir s'asseoir près de lui.

- « Beaucoup » répondit Nick, un grand sourire aux lèvres. « On a acheté un sapin et on a décoré l'appartement de miss Sidle avant de s'endormir comme des masses » continua t'il en lançant un clin d'œil malicieux à la concernée.

- « Est-ce que c'est de ma faute si tu es très doué dans le rôle de l'oreiller ? » rétorqua Sara avec espièglerie. Le texan avait un don certain pour la détendre et elle lui en était vraiment très reconnaissante.

- « Dans le rôle du matelas tu veux dire ? » suggéra t'il, taquin.

- « Où là… » reprit Warrick en riant. « Je pense qu'on se passera des détails » ajouta t'il, son bras négligemment posé sur le dossier de la chaise de sa voisine.

- « C'est ce que je pense aussi » fit une voix bien connue depuis le seuil.

Instantanément, tous les regards se dirigèrent vers Gil Grissom. La silhouette de l'entomologiste se détachait dans l'encadrement de la porte. Personne n'aurait pu dire depuis combien de temps il était là. Mais les réactions face à cette interruption furent relativement variées. En fait, tous les experts restèrent immobiles. Mais leurs visages exprimaient des sentiments très différents. Le simple étonnement pour Greg. La confusion pour Nick. Une certaine appréhension pour Catherine. Une colère froide pour Warrick. Quant à Sara, livide, elle avait reporté son attention sur la tasse qu'elle tenait dans ses mains. Bien trop occupée à se concentrer afin de ne pas s'évanouir dans l'instant pour pouvoir réfléchir convenablement. Elle allait se sentir mal…

- « Greg, Warrick, une mort suspecte dans une galerie de sculptures » commença Grissom, sans aucune transition. « Brass vous attend » fit-il avec impatience alors qu'aucun des deux hommes n'esquissait le moindre de geste.

Greg fut le premier à réagir et s'empara de l'assignement avant de quitter la pièce. Warrick, lui, se leva lentement. Il prit le temps de déposer une baiser sur la tempe de Sara et de glisser « Appelle-moi si tu en as besoin » à son oreille. Il passa devant Grissom, lui jeta un regard glacial et partit rejoindre son coéquipier.

- « Catherine, Sara, un double homicide dans un lycée. Nick vous aidera au labo. L'inspecteur Vega est déjà là-bas » reprit Gil sur un ton neutre. Trop neutre.

- « On y va » fit immédiatement la femme blonde, désireuse d'échapper à la tension qui régnait dans la pièce.

Sara s'apprêtait à la suivre quand elle croisa le regard impénétrable de Grissom. L'impression de plonger dans un puit d'eau glacé lui donna la nausée. Immédiatement, elle se sentit coupable. De quoi, elle n'en savait rien. Mais elle se sentait coupable. Il lui faisait du mal et elle se sentait coupable. C'était typique Grissom. Il avait sa technique à lui de façons à ce que, quoiqu'ils fassent, elle ait toujours le sentiment d'être la fautive. Et elle détestait ça. Rapidement, la jeune femme détourna les yeux et quitta la pièce, le cœur au bord des lèvres. Il fallait que ça s'arrête… L'entomologiste la regarda partir. Résistant au désir de la rattraper, de la prendre dans ses bras et de ne plus jamais la laisser s'en aller. Il n'aurait pas du réagir comme ça. C'était stupide. Il le savait. Il était stupide.

Lorsqu'il était arrivé ce matin, il s'était promis de mettre en pratique les conseils de Catherine. Il y avait réfléchit toute la nuit. Il aimait Sara. Il voulait s'endormir tous les soirs et se réveiller tous les matins à ses côtés. Peu lui importait l'aspect 'cliché' de cette idée. C'est ce qu'il voulait. Il la voulait, elle, plus que tout autre chose. Elle valait tous les risques. Elle méritait toutes les attentions. C'est donc bien décidé à lui parler qu'il s'était rendu en salle de repos. Et puis il avait entendu leur conversation. Il n'était pas quelqu'un de jaloux en règle générale. Et au fond, il savait qu'il n'avait pas à l'être. Mais savoir qu'elle avait passé la nuit avec Nick… sur Nick… même si il ne s'agissait que d'affection fraternelle… Ça le mettait hors de lui. Et ses bonnes résolutions avaient été balayées.