Peut-être pas le meilleur des chapitres mais j'y tenais... (et surtout, j'adore cette chanson ;-))
(wishin' and hopin', Dusty Springfield)
- « Voulez-vous boire quelque chose ? Un café, un thé, un jus d'orange… ? » proposa aimablement une vendeuse, faisant ainsi sursauter la jeune femme brune qui se tenait debout au beau milieu de la boutique, dubitative.
- « Non merci » répondit celle-ci avec un sourire forcé. 'Mais je ne serais pas contre une bonne dose de cyanure là, tout de suite' songea t'elle avec un humour relatif avant de se tourner vers le jeune homme assis un peu plus loin. « Nick ? »
- « Je veux bien un café » fit le texan en adressant à Sara un sourire mi-compatissant, mi-taquin auquel elle répondit par un haussement d'épaule désabusé et un soupir lourd de sens. Il sourit de plus belle et camoufla son rire naissant dans une quinte de toux.
Ça faisait plus de deux heures qu'ils étaient arrivés et près d'une heure et cinquante-huit minutes que Sara arborait cet air consterné. C'est Catherine qui avait organisé cette visite chez W&W – à savoir 'Wonderful Wedding'. Rien que le nom avait tiré à la future mariée une grimace peu ambiguë quant à son enthousiasme et son intérêt pour le concept. Jusqu'ici, elle avait donc laissé son aînée – qui, elle, était extatique – se démêler avec la patronne et les diverses employées. Ainsi, depuis deux heures la brunette tentait de rester stoïque face aux assauts répétés de rose bonbon, bleu layette ou autre blanc criard qui décoraient la boutique. Elle avait déjà renvoyé une dizaine de robes et commençait à perdre patience.
Alors que Sara songeait sérieusement à fuir par la porte de derrière – ou à la rigueur feindre un évanouissement, elle était assez doué pour ça au lycée – une sonnerie familière se fit entendre. Elle trouva rapidement son portable dans son sac à main – négligemment posé sur un fauteuil en forme de cygne… beurk – et vérifia le nom qui s'affichait. Grissom. Un court instant elle pria pour qu'il s'agisse d'une affaire criminelle qui nécessitait son aide. Elle soupira intérieurement. Peu probable. Dommage…
- « Sidle » lança t'elle plutôt sèchement après avoir ouvert son portable. L'exaspération perçait nettement dans son ton et elle ne cherchait pas à la cacher.
- « Hey, honey… » commença affectueusement Grissom à l'autre bout du fil.
- « Gil » fit platement Sara, encor plus renfrogné par la bonne humeur manifeste de l'entomologiste.
- « Tout se passe bien ? » s'enquit-il un peu incertain et légèrement inquiet. Il savait que ce genre de sorties 'shopping' n'étaient pas du goût de sa future femme et qu'elle n'avait accepté celle-ci que pour faire plaisir à Catherine – ainsi qu'à lui-même. Et il était très reconnaissant à Nick d'avoir accompagné les deux jeunes femmes, se doutant que sa présence aiderait Sara à supporter cette 'épreuve'.
- « C'est injuste, tu devrais être ici et subir ça avec moi ! » asséna t'elle à la manière d'une gamine capricieuse.
- « Catherine a dit que je ne devais pas voir la robe avant le jour J » répliqua Grissom, un sourire dans la voix.
- « Oui, eh bien je serais toi je ne croirais pas tout ce que dit Catherine. Parce que si je l'écoutais je me marierais dans une robe fushia qui recouvre à peu près autant de peau que mon premier bikini. Et j'avais 12 ans ! » rétorqua t'elle, non sans une pointe d'humour.
- « Tu ne pourrais pas garder celle-là pour la nuit de noce ? » demanda l'entomologiste d'une suggestive basse, imaginant déjà son adorable fiancée dans le vêtement en question.
- « Griss ! Elle est fushia ! » répéta t'elle comme si ce simple fait expliquait pourquoi il était totalement hors de question qu'elle envisage cette éventualité.
- « Okay, okay… » se rendit Gil, avec une pointe d'amusement. « Tu vas t'en sortir quand même ? » interrogea t'il, vraiment concerné.
- « Oui. Je pense que Cath a assimilé le fait que je n'aurais pas de demoiselle d'honneur. Et puis elle m'a promis un strip-teaseur pour mon enterrement de vie de jeune fille, la semaine prochaine. Ça m'aide à tenir » fit-elle, malicieuse.
- « Un quoi… ? » s'étrangla à moitié l'entomologiste.
- « Oh, excuse-moi, je dois raccrocher » l'interrompit Sara sans prendre la peine de répondre à sa question. « Il y a une montagne de tulle rose qui arrive vers moi… »
Sur ces mots elle raccrocha sans quitter des yeux l'impressionnant tas de tulle – d'une couleur qu'elle jugea profondément écoeurante – derrière lequel disparaissait quasiment l'une des vendeuses. La jeune femme en question – accompagné d'une Catherine plus souriante que jamais – s'avançait effectivement en direction de Sara. La brunette, effarée, resta sans voix quelques instants alors que Nick manquait de s'étouffer avec son café alors qu'il se battait contre le fou rire que le gagnait.
- « Catherine, qu'est-ce que c'est que ça ? » s'enquit Sara en tentant de dissimuler son dégoût face à cette… chose.
- « Quoi ? Tu n'aimes pas ? » demanda la femme blonde visiblement désappointé.
- « Honnêtement ? » fit la jeune brune, réellement désolée à l'idée de décevoir son amie. « Pas vraiment… » Elle posa une main amicale sur l'avant bras de Catherine, espérant ainsi atténuer l'aspect négatif de cette révélation.
- « Mais je croyais que… » avança la femme blonde, peu convaincue.
- « Ecoute, je vais être claire » reprit la brunette, préférant se montrer franche. « Pas de tulle, pas de voile, pas de froufrou et surtout, surtout pas de rose » continua t'elle en secouant ses boucles brunes. « Ni de blanc… je pense qu'il est inutile de faire croire que je suis encore vierge. Puisqu'il semblerait que je ne puisse pas me marier en jean… » La propriétaire de la boutique la regarda comme si elle venait tout juste de blasphémer. « … je veux quelque chose de très simple. De couleur crème. En tissu léger de préférence. »
Voilà. C'était dit. Etrangement et immédiatement les visages de Catherine et des vendeuses se détendirent. Elles parurent toutes ravies de cette nouvelle prise d'initiative. Et Sara comprit avec lassitude qu'exposer ses attentes en premier – au lieu de se soumettre à celles de son amie et des autres femmes – lui aurait sans doute épargné de longues – voire interminables – heures de 'torture'. Autant pour elle. La prochaine au moins elle saurait quoi faire… Mais il n'y aurait pas de prochaine fois. Enfin, elle espérait qu'il n'y ait pas de prochaine fois. Pour deux raisons principales. Une évidente : elle comptait bien mourir en portant le nom de Grissom. Une plus matérialiste : plus jamais elle ne suivrait – de son plein gré – Catherine dans l'une de ces boutiques.
Quelques minutes plus tard, ses réflexions furent – une nouvelle fois – interrompues. Sa collègue était effectivement revenue et la poussa sans ménagement dans une cabine avant de lui passer quelques robes. Avec un sourire satisfait, Sara constata qu'elles étaient toutes davantage à son goût. Peut-être allait-elle en voire la fin finalement… Lorsqu'elle en ressorti, elle ne peut s'empêcher de sourire devant les mines surprises et profondément admiratives de ses deux coéquipiers. Scrutant son reflet dans le miroir, elle dut avouer que l'effet n'était pas des plus ingrats. La robe était d'un joli blanc cassé. Longue. En satin. Resserrée juste sous la poitrine et retombant souplement sur ses pieds. A manches courtes, elle laissait également ses épaules dénudées. Simple, élégante et flatteuse…
Un bruit derrière elle, la fit se retourner. Elle fronça un instant les sourcils puis éclata de rire. Catherine se tenait toujours sans voix à quelques pas, les yeux brillants et un sourire traduisant une fierté toute maternelle aux lèvres. En revanche Nick, secouait vigoureusement un petit calepin au dessus de sa tête, tentant visiblement d'attirer son attention. Elle s'était d'abord interrogée sur le but de cette manœuvre. Mais la jeune femme comprit rapidement les intentions du texan lorsqu'elle déchiffra un 8 griffonné sur la page blanche. Une note. Il notait la robe. Elle secoua doucement sa tête, faisant ondulé les boucles brunes qui retombaient en cascades sur ses épaules. Il était désespérant. Adorable mais désespérant… Elle disparut à nouveau dans la cabine sans cesser de sourire.
Quand elle refit son apparition dans une nouvelle tenue, au bout de quelques minutes, elle sut instinctivement – d'après les visages de ses deux amis – que c'était 'la' robe. Elle était parfaite. Le bustier crème, rebrodé de fils plus foncés, mettait en valeur sa taille de guêpe et ses formes harmonieuses. Il s'attachait dans sa nuque et se terminait en pointe sur une jupe de la même couleur s'évasant gracieusement jusqu'au sol. Catherine, souriante s'avança vers la brunette et prit sa main, comme pour mieux juger du résultat.
- « Parfaite… Elle est parfaite… » fit-elle à mi-voix en examinant Sara de haut en bas comme elle l'aurait fait pour un indice sur une scène de crime. Le sourire en plus.
Nick, lui, semblait se retenir de sauter sur place. Levant un pouce vers le haut, il agita frénétiquement son calepin orné d'un énorme 10 souligné – au moins – cinq fois. La jeune experte lui sourit presque timidement avant de prendre une grande inspiration et de faire face au miroir. Quelque part, elle fut surprise par l'image qu'il lui renvoyait. C'était elle pourtant. Instinctivement son regard se posa sur la bague qui étincelait à sa main gauche. Elle allait se marier. Vraiment. La pensée sembla la frapper presque violemment. Elle avait eu 4 mois pour se faire à l'idée mais manifestement ça n'avait pas été le cas… Elle entendait vaguement Cath s'extasier sur la coupe de la robe. Sur la façon dont elle tombait 'merveilleusement' bien. Sur la façon dont elle irait 'admirablement' bien avec le bouquet de tulipes rouges et crèmes…
- « Ça va ? » demanda soudainement Nick, juste derrière elle, en posant une main affectueuse sur son épaule. Elle ne l'avait pas vu arrivé et fut prise de court par sa question. Elle réalisa aussi que Catherine n'était plus à ses côtés mais discutait à présent avec l'une des vendeuses.
- « Ça va bien » le rassura Sara avec un sourire sincère. « Je… je réfléchissais » admit-elle en posant sa propre main sur la sienne. « Merci d'être là, je ne pense pas que j'aurais pu tenir toute seule… » ajouta t'elle avec malice.
- « Je sais » répondit le beau texan, taquin, sur le ton de la confidence avant de l'attirer à lui et de déposer un baiser sonore sur la joue.
- « Nick ! Fais attention à la robe… » le gronda Catherine depuis l'autre bout de la pièce. Les deux jeunes gens échangèrent un regard et un sourire complices.
- « Dès que le calvaire est fini je t'offre un hot-dog et on se fait une partie de bowling » glissa Nick à l'oreille de Sara qui acquiesça en nichant son visage contre son épaule afin d'étouffer un début de fou rire.
Lorsqu'elle rentra chez elle – ou plutôt chez 'eux' – ce soir là, fatiguée mais ravie, elle sût tout de suite que Grissom n'était pas là. Ce n'était pas vraiment une surprise, après tout il était sur une affaire importante… Elle comprenait. Ça lui arrivait souvent à elle aussi. Mais ce soir elle aurait aimé pouvoir lui décrire sa journée, écouter le récit de la sienne, cuisiner à ses côtés, se blottir dans ses bras, le voir… Oui, c'était sans doute un peu ridicule, pourtant elle ne put s'empêcher de soupirer en allumant les lumières. Sara déposa ses clefs sur le comptoir, se débarrassa de ses chaussures et prit un instant pour caresser Lily qui s'était précipitée à sa rencontre. Elle allait se faire couler un bon bain plein de bulles – accompagné d'un pot de nutella – lorsque que quelque chose sur la table basse attira son attention.
Une magnifique rose d'un rouge profond était posée là, près d'une feuille de papier. Ses lèvres s'étirèrent d'un tout nouveau sourire. Elle se fustigea un instant d'avoir une telle réaction. Mais elle ne parvint pas à faire obéir ses lèvres qui semblaient déterminer à ne pas quitter leur nouvelle position. Le cœur soudain plus léger, elle effleura brièvement les pétales couleur sang avant de lire les quelques lignes qui l'accompagnaient.
Hey sweetheart,
L'affaire s'éternise et va certainement prendre toute la nuit. Je suis juste passé pour me changer et écrire ce mot. Tu peux me joindre au labo si tu veux. J'espère que ta journée s'est bien passée. Sinon, je suis passé chez le traiteur asiatique et ton plat préféré est dans le frigo.
Je t'aime.
Gil
PS : c'est quoi cette histoire de strip-teaseur ?
Son sourire s'élargit encore et elle porta distraitement la fleur à son visage en se dirigea vers la salle de bain. Peut-être bien qu'elle ferait un tour au labo cette nuit…
