CHAPITRE 2 : la vie, mais à quel prix !

07h00 du matin. 75 rue Devilstreet. QG de l'ordre du phénix.

Encore une nuit difficile pour les membres de l'ordre. Quinze au départ de la mission hier soir, seulement six au retour. Une hécatombe. Ils étaient tombés dans un piège et les plus chanceux avaient réussi à transplaner avant qu'une pluie de sortilèges impardonnables ne s'abatte sur eux, foudroyant les moins expérimentés.

Les survivants étaient maintenant rassemblés dans le salon du QG de l'ordre et pansaient leurs blessures en silence. Il y avait eu trop de morts cette nuit. Trop de morts inutiles. Les mots étaient superflus, l'horreur de la situation suffisait.

Il était assis dans un coin, voûté, les yeux vides. Le visage pâle et fatigué par les nuits sans sommeil, il fixait le feu qui crépitait dans la cheminée sans même le voir. Ses mains serraient si fort sa cape grise que les jointures de ses doigts saillaient sous sa peau fine.

Il ne faisait pas attention aux blessés autour de lui. Il ne voyait rien, il n'entendait rien. Quand Molly Weasley s'approcha de lui et posa sa main sur son épaule, il la repoussa d'un geste las et se leva. Il sentit une douleur à sa jambe droite, là où il avait été touché quelques heures auparavant par le sort d'un mangemort mais il ne cilla pas : il avait tant l'habitude de la douleur !

Il traversa la salle, sans un regard vers ses compagnons qui attendaient sans doute quelques mots de réconfort de la part du Survivant, et quitta la pièce, la tête baissée.

Les membres de l'ordre se regardèrent sans mot dire. Bientôt, ils pleureraient leurs morts mais pour l'instant, il fallait soigner leurs blessures. Seule Molly Weasley ne pouvait empêcher des larmes de couler le long de ses joues. Elle venait de perdre son dernier fils. Son Ron. Il était tombé cette nuit de la main du bras droit du seigneur des ténèbres, Lucius Malefoy. Il n'avait pas poussé un cri. Il s'était affaissé sur lui-même et c'était tout. Un Avada Kevadra ne pardonnait pas.

Elle n'avait même pas pu ramener son corps au QG, tant leur retraite avait été précipitée. Au moins, elle avait pu enterrer ses autres enfants : Fred, tombé l'année dernière, victime des Lestrange ; son jumeau George l'avait suivi quelques semaines plus tard lors d'une attaque de leur ancien QG au square grimmaud, ainsi que la jeune Ginny. Bill et Charlie avaient été retrouvés morts empoisonnés il y a six mois et Percy n'avait plus donné de signe de vie depuis maintenant 5 ans. Et aujourd'hui Ron.

Molly, les yeux embués de larme, s'acharnait pourtant à soigner les blessés, courant de l'un à l'autre, dans une frénésie proche de la folie ; sans doute pour ne pas s'effondrer de douleur à même le sol. Ils avaient encore besoin d'elle.

Elle survola du regard le visage de ses compagnons. Tant étaient tombés ce soir : Ron, bien sûr, mais aussi le grand Kingsley Shackelbot qui s'était défendu vaillamment avant de mourir, la jeune Luna Lovegood, Colin Crivey, son frêre, et tant d'autres.

Ils n'étaient maintenant plus qu'une poignée. Une dizaine d'hommes et de femmes affaiblis, traqués par le lord et son armée de plus en plus puissante.

Il y a de ça trois ans, une évasion massive de la prison d'Azkaban avait libéré les criminels les plus dangeureux du monde magique. Ils s'étaient très vite ralliés au Lord qui ainsi, s'était constitué une armée redoutable et sans pitié. Un an plus tard, malgré les tentatives de l'ordre et des sympathisants de Dumbledore, le ministère était tombé ainsi que le vieux directeur. Voldemort avait réussi son coup d'état. La plupart des sorciers, terrifiés, s'étaient alors ralliés à lui. Seuls quelques sorciers rebelles avaient décidé de continuer la lutte, menés par le jeune Harry Potter. Jusqu'à présent, ils s'étaient battus vaillamment mais peu à peu, leurs forces s'amenuisaient et l'ordre n'était plus que l'ombre de lui-même. Ses membres étaient traqués sans relâche et abattus sans sommation.

Plusieurs décrets avaient été ordonnés par le Lord noir : les sorciers de sang mêlé était mis aux bans de la société, ils étaient interdits dans les lieux public et les aider était passible de peine de mort. Les moldus commencaient aussi à être victimes des attaques des mangemorts et bientôt une guerre ouverte éclaterait entre le monde des humains et le monde des sorciers.

Bien sûr, Harry Potter était activement recherché . Sa tête avait été mise à prix pour plusieurs milliers de gallions mais le lord n'avait pas encore réussi à l'éliminer. Pour l'instant.

Seul, allongé sur son lit, les bras en croix, je fixe le plafond lézardé de ma chambre.

Je sens couler le long de ma jambe blessée un léger filet de sang. C'est douloureux mais c'est bon en même temps. Comme un reste de sensations là où il n'y en a plus. Je passe mes doigts sur ma blessure puis les ramène vers mon visage, tâchés de sang. Je restais là longtemps à regarder ma main, fasciné par la quantité de sang qu'un corps peut contenir. J'en avait tant perdu au cours de ces dernières années ! Comment pouvais je saigner encore !

Je porte mes doigts à mes lèvres. Mon sang a un goût métallique et amère.

Je ferme les yeux. Il serait si doux de rester là, à sentir mon sang s'échapper peu à peu de mon corps et sombrer dans l'oubli.

J'ouvre les yeux : je ne mourrais pas aujourd'hui. Je suis le Survivant. Un sourire ironique se dessine sur mes lèvres : jamais je n'aurait pensé qu'un jour ce surnom prendrait toute sa signification. Ils étaient tous morts ; les uns après les autres et moi, je suis toujours là. : Rémus, Hagrid, Mcgonnagal, Neville, Sean, sa chère Hermione et maintenant Ron. Et moi, j'ai survécu.

Un éclair de douleur traverse soudain ma poitrine. Ron, mon ami , mon compagnon de toujours, mon frêre ! Il est tombé cette nuit, frappé d'un sortilège impardonnable, une expression de stupeur gravée sur son visage. Pauvre Ron ; lui qui n'avait jamais rien compris aux choses de la vie, il n'avait pas compris non plus sa mort.

Ron ! Le nom de mon ami tournait sans cesse dans ma tête de plus en plus douloureuse. La souffrance était trop forte ; je me tourne sur le côté, la tête penchée au dessus de mon lit et je vomis toute ma douleur.

Ron… Je n'arrive même plus à pleurer. J'ai versé mes dernières larmes quand Hermione est morte, il y a de ça deux ans, lors de la prise du ministère. J'ai pleuré des jours durant la perte de celle que j'ai aimé plus que tout. Après, cela je n'ai jamais plus versé une seule larme, comme si quelque chose s'était tari en moi. Et même aujourd'hui, mes yeux sont secs alors que mon meilleur ami vient de mourir.

Je suis vide. Un mort en sursis…

Mais il était pourtant vivant. Désespérément vivant. Une chose en lui refusait de s'éteindre ; une chose sourde et violente qui le tenait éveillé à toute heure de la nuit, une chose qui le poussait à aller encore et toujours au delà du danger : sa haine !

Les yeux de nouveau collés au plafond, le cœur empli de chagrin et de haine, Harry Potter, le Survivant, sombra peu à peu dans un sommeil sans rêve, noir comme une tombe.