Merci pour vos reviews !

Caveat lector ! Quelques passages intenses dans cette partie, vous êtes prévenus … (7)

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5 – Rodney pleurait, ce qui d'ailleurs l'étonnait beaucoup parce qu'il était persuadé qu'il avait épuisé toutes ses réserves de larmes pour disons, les dix prochaines années à venir. Il essuya ses joues contre les draps.

Il était allongé sur le lit installé à la hâte pour accueillir les mendeciens. Des lits plus grands que ceux qu'ils avaient amenés avec eux de la Terre, il y avait maintenant presque deux ans de cela. Rodney se souvenait même avoir du faire faire sur mesure son matelas médical : les sommiers étaient plus petits que la taille réglementaire d'un lit une place.

Le Daedalus essayait petit à petit de rééquiper le personnel d'Atlantis en matériel de meilleure qualité que celui avec lequel ils étaient partis. Une équipe fraîche au réveil valait mieux qu'une équipe ratatinée par une mauvaise nuit. Mais pour le moment, ces fameux lits n'équipaient qu'une partie du personnel, ainsi que les quartiers d'hôtes.

Curieusement, Rodney était reconnaissant de ce choix. Au moins, dans un lit deux places, il pouvait se pelotonner le plus loin possible du mendecien. En fait, il se trouvait si près du bord que s'il bougeait, il y aurait toutes les chances qu'il tombe.

Rodney se moucha dans les draps. Il fallait vraiment qu'il arrête de pleurer. Ne serait-ce que pour le bruit. Il n'avait aucune envie de réveiller l'homme qui se trouvait de l'autre côté du lit. Il prit une large inspiration et reporta son attention sur la baie.

La plupart des chambres octroyées aux mendeciens se trouvaient équipées d'une baie vitrée donnant sur l'océan, preuve supplémentaire qu'Elisabeth et Cladwell prenaient à cœur le bien-être de ces derniers. Une belle chambre, de bons lits et même de quoi s'amuser dedans. A cette dernière pensée, Rodney étouffa un petit cri, mi ricanement mi sanglot.

Pourquoi était-il là ? Pourquoi pleurait-il sur ce qui venait de se passer dans cette chambre quelques heures plus tôt, comme tous les soirs depuis plus de quinze jours ?

Rien ne l'empêchait de tout dire, de tout dévoiler. Bien sûr, il y avait la possibilité qu'ils perdent toute chance de s'équiper d'un bouclier inviolable. Mais ce n'était pas sûr. Peut-être … peut-être les mendeciens condamneraient-ils ce qui s'était passé, peut-être condamneraient-ils l'auteur des actes perpétrés contre lui … peut-être accepteraient-il de les aider malgré tout.

Peut-être …

Rodney en avait assez de pleurer, assez d'avoir peur, assez de ne jamais se sentir propre, assez d'être seul.

Demain, demain il irait voir Sheppard. Il lui dirait tout. Sheppard l'écouterait, n'est-ce pas ? Ils avaient été amis.

Ca comptait non ?

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Il s'étira et son pied rencontra une jambe. Nue. Il glissa sa main sous les draps mais le corps auquel appartenait ladite jambe se trouvait hors de portée.

Il sourit et tendit son bras jusqu'à ce qu'enfin, il touche la peau, chaude et douce, encore en sueur après leurs ébats d'il y a quelques heures. Il posa sa paume contre le mollet puis remonta vers la cuisse, sentant avec délice les frissons qu'occasionnait son geste.

Ils avaient encore quelques heures avant le lever du soleil. Et il savait exactement comment les passer.

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Rodney se tenait devant le bureau de Sheppard. Il fixait le panneau de contrôle depuis maintenant une bonne quinzaine de minutes et les techniciens et militaires qui passaient à côté de lui devaient penser qu'il était devenu timbré, à rester là, la main tendue vers la porte, sans bouger.

Ils auraient sans doute eu raison parce que c'était certainement ce qui lui arrivait. Il devenait fou. La situation était devenue insupportable et il ne savait plus quoi faire, plus vers qui se tourner.

Rodney McKay n'avait jamais compté que sur lui-même et il n'avait jamais eu à demander de l'aide pour quoi que ce soit. Jusqu'à aujourd'hui. Il prit une large inspiration, ferma les yeux et frappa à la porte.

Un « Oui, quoi ! » étouffé lui parvint, puis la porte s'ouvrit avec ce petit swisssss caractéristique.

« Ah, McKay. Qu'est-ce que je peux faire pour vous. »

McKay. Pas Rodney. C'était autre chose qui avait disparu en même temps que l'amitié de Sheppard, son prénom. Pfiout, envolé. Juste un nom de famille, pas docteur McKay, juste McKay. S'il avait été un soldat, Rodney se demandait si le Colonel l'aurait appelé par son numéro d'identification.

« Et bien ? »

Il y avait une pointe d'agacement dans la voix du Colonel.

« Heu, oui, oui, je … Je voulais vous parlez de … des mendeciens, et … et … »

« McKay, je n'ai pas toute la journée, j'ai un débrifieng et une mission à préparer demain, alors quoi avec les mendeciens ? J'avais l'impression que les choses allaient plutôt bien, non ? Quelque chose dont nous devrions nous alarmer ? »

Et là, Rodney compris. C'était dans la voix de Sheppard, dans son regard. L'accusation. Celle qui disait « alors McKay, vous avez fini par foutre en l'air aussi cette mission, hein ? » Rodney compris qu'il ne pouvait rien dire.

Parce que s'il le faisait, ce serait lui le coupable. Coupable de faire échouer cette mission scientifique essentielle pour Atlantis et pour la Terre. Coupable. Pas victime. Aux yeux de Sheppard, et certainement aussi à ceux d'Elisabeth, il serait toujours un coupable : coupable d'ambition, d'arrogance. Ils s'attendaient certainement à ce que, d'une manière ou d'une autre, il fasse échouer cette mission. En tout cas, c'était manifestement ce que Sheppard, assis derrière son bureau, attendait. C'était écrit sur son visage, sous entendu dans ces propos.

Un sacrifice. Voilà ce qu'ils attendaient de lui. Qu'il sacrifie une part de lui-même, cet ego qui les gênait tant et qui était à l'origine de ce qui s'était passé sur Dorandan. Bien sûr, ils n'auraient pas imaginé que ce sacrifice inclurait aussi une part de son âme, n'est-ce pas. Mais peut-être pensaient-ils qu'il n'en avait pas. Que son arrogance, son génie le protégeaient de tout.

Rodney aurait voulu crier à l'injustice, hurler, frapper la baie vitrée derrière lui, mais au lieu de ça, il regarda le Colonel et d'une voix calme et sans balbutiement lui répondit.

« Les mendeciens voudraient visiter un peu la Cité. Je me demandais si le Lieutenant Wallace pourrait organiser quelque chose. »

Rodney vit Sheppard froncer les sourcils. Sans doute ne s'attendait il pas à ça. Il devait s'être attendu à recevoir un flot de récriminations et de complaintes.

« Heu, oui, bien sûr. Pourquoi ne pas lui en avoir parlé directement ? »

« Le Lieutenant Wallace est votre subordonné pas le mien Colonel. Quant à la sécurité de nos hôtes, elle est aussi votre responsabilité, non ? Comme celle de tous les membres de cette base. »

Rodney n'attendit pas que Sheppard lui réponde, il sortit du bureau et se dirigea vers le laboratoire. Il se sentait plus léger, soulagé d'un poids. Il s'était trompé. Ces gens – Sheppard, Elisabeth – ces gens n'étaient pas ses amis. Des amis ne vous jettent pas en pâture aux lions, des amis ne vous demandent pas de changer, d'oublier qui vous êtes, de mentir. Parce que le Docteur Rodney McKay serait toujours un homme arrogant, suffisant, sur de lui. C'était ce qu'il était.

Alors oui, il allait se sacrifier, oui, il allait continuer à travailler avec les mendeciens et oui, tous les soirs il se plierait aux jeux pervers de l'un d'eux. Seulement, ce sacrifice, il le faisait non pas à cause de ce qui s'était passé sur Dorandan ou pour retrouver la confiance de ceux qu'il avait cru à tort ses amis.

Il le faisait pour Atlantis, pour la Terre, pour sa sœur Jeannie. Pour lui. Il le faisait pour quelque chose de tangible, quelque chose auquel il croyait, pas pour ce qui n'avait été qu'une illusion.

TBC

(7) Le viol subi par les hommes n'est pas fréquent, encore qu'il soit difficile d'obtenir sur ce sujet des données statistiques fiables. En France, on estime à moins de 10 pour cent le nombre de viol commis sur des hommes (contre plus de 90 sur des femmes). Les recherches faites sur ce sujet sont essentiellement centrées sur le viol en prison, le viol comme punition de l'homosexualité (« gay bashing ») et la prostitution. Le viol masculin, en effet, ne répondrait pas aux mêmes impulsions que celui commis sur les femmes.