Merci pour les reviews ! L'idée de cette fic' est de montrer l'état de la pauvre psyché de Rodney. Comme beaucoup de personnes abusées de façon régulière, il passe par plusieurs stades clairement identifiables : colère, culpabilité, honte, dégoût. Je souhaitais que la confusion des sentiments, le tourbillon des émotions, la fragilité, soient palpables, je ne suis pas super satisfaite, mais bon, j'espère que ça vous plaît quand même !
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9 – Rodney n'avait pas franchement réfléchi. Il était sorti du laboratoire et s'était juste mis à courir. Il avait emprunté le premier transporteur qu'il avait vu et, après en avoir rapidement trafiqué la commande de manière à ce que personne ne puisse le suivre, il s'était retrouvé là sur ce ponton, à l'est de la Cité. Cela faisait trente bonnes minutes maintenant qu'il fixait l'étendue bleue devant lui.
L'océan l'avait toujours fasciné.
Il avait aimé vivre à Vancouver près de l'océan pacifique. Dès qu'il avait du temps de libre, il aimait les passer sur les côte du Canada ou même celles des Etats-Unis. Il aimait cet océan froid, d'un bleu de glace. Après sa mission en Russie, il avait pris quinze jours de repos et était allé sur l'île de Sainte croix (13). C'était avant d'être affecté à la zone 51, avant de partir en Antarctique, avant Atlantis.
Depuis qu'il était ici, Rodney avait pris l'habitude de diviser sa vie en deux temps : avant Atlantis et depuis Atlantis. Sauf qu'aujourd'hui, il savait que cette seconde partie de sa vie touchait elle aussi à sa fin. Bientôt, il y aurait après Atlantis, après … Il frissonna. L'eau lui arrivait presque aux genoux.
Voir Carson avait été un choc. Il s'était d'une certaine manière, senti trahi par Cadman. La jeune femme n'avait pas cessé d'épier ses faits et gestes depuis qu'elle avait repris le commandement de Wallace. Rodney n'aurait jamais pensé qu'elle ait compris ce qui se passait. Une fois encore, il avait du sous estimer la fameuse « intuition féminine », sinon, pourquoi aurait-elle demandé à Carson de l'examiner ? Pourquoi n'avait-elle pas compris qu'il ne voulait pas que quelqu'un d'autre soit au courant ? Elle ne cessait de répéter à qui voulait bien l'entendre que depuis qu'elle avait été dans sa tête, elle était la personne qui le connaissait le mieux sur Atlantis et sans doute aussi sur Terre : alors pourquoi avait-elle tout raconté ? Si elle l'avait connu aussi bien que cela, elle aurait su qu'elle devait se taire, qu'il ne supporterait pas que d'autres personnessachent. Mais elle avait tout dit à Carson. Et maintenant, il y avait deux personnes au courant.
Non, trois personnes. Parce que Sheppard devait savoir lui aussi. Sûrement, Carson allait s'empresser de tout lui raconter et son humiliation serait ainsi complète.
L'eau était glaciale et Rodney ne sentait plus ses pieds. C'était une sensation étrange et en même temps agréable. Ne plus rien ressentir, ni le froid, ni la peine. Il leva les yeux vers le large.
Que penserait Sheppard lorsqu'il apprendrait qu'il s'était conduit comme … comme une vulgaire prostituée. Oh, oui, il pouvait facilement imaginer la scène. Le Colonel allait hausser un sourcil et ses lèvres dessineraient un petit sourire de dégoût. Il ne serait pas surpris par la nouvelle. Au contraire, ce serait juste la confirmation de ce qu'il pensait de lui : quelqu'un prêt à tout pour accéder à la connaissance, pour être reconnu comme le génie qu'il clamait être. Rodney pouvait l'imaginer pousser un petit soupir d'agacement et dire quelque chose du genre : « Evidemment, qu'est-ce que McKay ne ferait pas pour mettre la main sur une nouvelle technologie ? »
Et il aurait raison bien sûr. Rodney comprenait désormais le sens de l'expression se vendre « corps et âme ». C'était ce qu'il avait fait. Il ne parvenait plus tout à fait à se convaincre qu'il avait fait ça pour Atlantis, pour la Terre. Son cœur lui disait que c'était vrai, mais son esprit lui chantait le contraire. Son esprit savait de quoi il était capable lorsqu'il était question de technologie. Et apparemment, il avait juste démontré que Sheppard et Elisabeth avaient raison de douter de lui. Ce qu'il avait fait n'était pas très différent de ce qui s'était passé sur Dorandan à une seule différence près : cette fois au lieu de risquer la vie d'autrui, il avait juste mis la sienne dans la balance. Rodney ricana, c'était peut-être un juste retour des choses : une vie pour une vie, celle de Collins (14) pour la sienne.
Une rafale de vent un peu plus violente que les autres le fit un peu chanceler. Les vagues lui léchaient les cuisses mais il n'avait toujours pas froid. Peut-être avait-il perdu toute sensation ? C'était fréquent ces temps ci. Il y a quelques jours, il s'était entaillé la main avec un des cristaux du générateur. Il avait saigné pendant un bon moment avant de s'apercevoir qu'il s'était coupé, et encore, c'était un des techniciens mendecien qui lui avait signalé qu'il saignait. Il n'avait pas eu mal lorsqu'il s'était coupé, il n'avait pas eu mal lorsqu'il s'était soigné, appliquant généreusement de l'antiseptique sur la plaie. Il n'avait plus mal. INVULNERABLE. Rodney sourit à cette référence (15).
Oui, il avait peut-être enfin trouvé le moyen de devenir invulnérable, peut-être que plus rien ne pourrait le toucher, qu'il ne ressentirait ni froid extrême ni chaleur suffocante ni joie ni peine …
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John donna un violent coup de poing dans la porte du transporteur.
Pas moyen de déterminer où McKay était allé. Immanquablement, le transporteur indiquait un seul point de destination : la salle de contrôle. Cadman avait vérifié si le scientifique s'y trouvait mais bien sûr personne ne l'avait vu là-bas depuis 24 heures.
John se tourna vers Carson.
« Qu'est-ce qui se passe avec McKay ? »
Le médecin écossais secoua la tête et se passa la main dans les cheveux.
« Tout ce que je peux vous dire Colonel, c'est que nous devons le retrouver, et vite, son état émotionnel m'alarme un peu et … »
John leva les yeux au ciel. Il ne tirerait rien de Carson, secret professionnel et autre barricades déontologiques étaient dressées. Parfait. Il se tourna vers Cadman.
« Lieutenant, je veux une explication, et je la veux concise, claire et maintenant ! »
Laura leva les yeux vers son supérieur. Elle se rappelait très bien ce qu'elle lui avait dit la veille. Et elle avait pensé le moindre mot. Seulement là, il avait vraiment l'air inquiet. Elle poussa un soupir et se tourna vers Carson. Il lui sourit et lui fit un petit signe de tête comme pour l'encourager à parler. Elle prit une large inspiration avant de lui répondre.
« Je pense que quelqu'un maltraite Rodney. »
John écarquilla les yeux.
« Quoi ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? »
Laura reprit.
« Il a plusieurs fois fait dire qu'il ne se sentait pas bien et est resté dans ses quartiers, il lui est arrivé de venir au laboratoire en tenant à peine sur ses jambes ! Et je suis certaine d'avoir au moins une fois, aperçu des ecchymoses sur ses avants bras … » (16)
John secouait la tête, abasourdi par ce qu'il venait d'entendre. Rodney était la victime d'un … Ridicule ! Il resta en face de la jeune femme, incapable de lui répondre tant l'idée que quelqu'un puisse utiliser McKay comme un punching-ball était inconcevable. Pas sous son nez, pas sous son commandement, pas avec un de ses coéquipiers. Pas sur un de ses amis. C'était impossible, non ?
Cadman continuait sa démonstration.
« … Oh bien sûr, il n'y a jamais de traces visibles mais je suis à peu près sûr de ce que j'avance. J'ai eu une copine de chambrée à la fac qui se faisait taper dessus par son petit ami et … et je retrouve les mêmes choses avec Rodney ! Une fois, une seule fois, il avait une trace sur le cou et quelle excuse a t-il trouvé, je vous le donne en mille : « je suis rentré dans une porte » ! Une porte ? Sur Atlantis ? La Cité ou tout s'ouvre avec un woooosh en coulissant ! Et puis, même son comportement est étrange. Il est parfois complètement désorienté, la tête ailleurs, ça ne lui ressemble pas ! »
John fixait toujours Cadman. Les mots tournaient et retournaient dans sa tête. Et soudain, il se souvint de ce que lui avait dit Rodney dans son bureau, il y avait plusieurs semaines de cela. Il n'avait pas compris sur le coup pourquoi le scientifique lui disait ça. Quelque chose sur sa responsabilité en matière de sécurité. Celle des mendeciens mais aussi celle de « tous les membres de cette base. » Parlait-il de lui-même ? Il essaya de se rappeler si McKay portait des traces de coups mais avec sa veste et son tee-shirt à … John cligna des yeux, sa respiration soudainement coupée. Une veste et un tee-shirt à manches longues. Il faisait chaud dans les bureaux. Elisabeth était toujours bras nus, et la plupart du temps, c'était aussi le cas de John. Et généralement de Rodney. Alors pourquoi … et Merde ! Merdermerdemerdemerde.
« Colonel, je pense qu'il faudrait que nous tentions de localiser Rodney, je … »
John mit immédiatement sa radio en route, coupant le médecin.
« Radek. Ici Sheppard ! »
Il n'eut pas longtemps à attendre pour entendre la réponse du scientifique tchèque, ponctuée bien évidemment de ce qui devait être quelques invectives bien senties dans sa langue natale.
/Quoi ! Je suis en train de travailler sur Jumper 4, Colonel ! Je suis sûr que vous savez pourquoi /
John soupira.
« Oui, oui, mais il y a plus urgent. »
/Plus urgent que de réparer un Jumper ? /
On pouvait entendre l'incrédulité dans la voix du scientifique.
« Radek, j'ai besoin que vous me localisiez Rodney. Vous pouvez certainement utiliser les senseurs de la Cité, un peu comme la fois où vous m'avez traqué en ShepBug ! (17).»
/Pourquoi ? Il y a un problème avec le super générateur ? Vous ne parvenez pas le joindre par radio /
John nota avec une petite pointe de tristesse que même Zelenka ne pensait pas que l'on puisse avoir besoin de Rodney pour autre chose que pour son expertise. Ca et l'idée qu'il n'avait rien remarqué commençait à le rendre vraiment mal à l'aise. Il s'énerva un peu, plus en colère contre lui-même que contre le tchèque.
« Bon sang Zelenka ! C'est urgent, Okay ! Une question de vie ou de mort, ça vous va comme urgence ? Alors, vous filez à la salle de contrôle et vous me pianoter sur cette foutue console pour me le retrouver ! »
Il y eu un bref moment de silence puis la radio craquela.
/Bien, je vous recontacte ASAP (18)/
La voix était sèche mais John s'en fichait éperdument. Il se tourna vers Carson et Cadman.
Il avait encore quelques questions à poser avant d'aller chercher Rodney.
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Rodney frissonnait. Il avait ramené ses bras autour de sa poitrine. Finalement, il n'était pas si invulnérable au froid que ça. Encore une erreur à mettre sur son compte, n'est-ce pas ? Maintenant, il avait de l'eau jusqu'à la taille et elle était si froide qu'il en avait la respiration coupée.
Il fit un pas en avant. Froidfroidfroidfroid. Un autre pas.
« Rodney. »
Rodney stoppa net son avancée.
« Rodney. »
Rodney ferma les yeux. Il fallait qu'il continue. Il était allé trop loin pour s'arrêter maintenant. Tout était allé trop loin. Il fit un autre pas dans l'eau.
« Rodney. »
La voix était juste derrière lui, non, elle était juste à côté de lui. Il pouvait sentir la chaleur du corps de son propriétaire. Une chaleur qui l'attirait comme la voix des sirènes attiraient les marins. Il avait si froid. Il aurait aimé se blottir contre ce corps, absorber sa chaleur.
« Rodney. »
La voix était douce quoiqu'insistante. Elle ne criait pas, répétant juste son prénom encore et encore, comme si il l'avait oublié, comme si elle voulait lui rappeler qui il était.
« Rodney. »
Oui, il était Rodney, enfin, il l'avait été, juste pendant quelques mois. Sheppard, Radek, Carson, Elisabeth et même cette enquiquineuse de Cadman, ils avaient tous pris l'habitude de l'appeler par son prénom. Pour lui, ç'avait été une première. Jamais il n'avait autorisé ses collègues à l'appeler par son prénom mais à vrai dire jamais ces derniers n'en avaient ressenti l'envie. Et puis il avait commis une terrible erreur et il était redevenu « McKay ». Il n'était pas sûr de pouvoir redevenir Rodney.
« Rodney. »
Cette fois, il sentit le souffle chaud de celui qui l'appelait près de sa joue et puis il y eu un contact, bref, peau sur peau. Comme une brûlure.
Et Rodney hurla.
TBC
(13) L'île de Sainte Croix fut une colonie française (il y a environ 400 ans). Elle est aujourd'hui une des petites îles du Maine (Etats-Unis, Océan Atlantique). Ces habitants sont appelés les … acadiens ! Bien qu'aujourd'hui américaines, on y trouve encore de nombreuses personnes parlant français.
(14) Collins est le jeune technicien qui meurt sur Dorandan brûlé vif après le premier essai de mise en route du super générateur.
(15) Episode saison 1, Hide and seek/Invulnérable. Rodney y découvre un petit bouclier individuel et dans une des scènes « chantonne » ce mot.
(16) Et oui, pas terrible le sixième sens féminin de Cadman ! Elle n'a pas tout à fait compris ce qui arrivait à Rodney …
(17) Episode Conversion, saison 2 : Sheppard subi une grave altération génétique qui le rapproche peu à peu de l'insecte rencontré dans la saison 1, dans l'épisode 38 minutes. Les senseurs de la Cité le font apparaître non pas en point lumineux blancs comme tous les autres humains mais en point rose.
(18) ASAP : as soon as possible (dès que possible).
