Le blabla du Goupil : …voilà la suite… (je mets plus de temps que je ne le croyais à taper quelque chose, moua…)
« Crème, blanc, bleu ciel ou rose clair ? »
Un silence lourd d'incompréhension s'abattit sur la table du petit déjeuner.
Kurapika baissa lentement la tête vers son bol de café, tentant d'ignorer le regard perçant de Maman, braqué droit sur lui.
Kirua plissa les yeux, réfléchit, comprit, et s'empressa de s'étouffer dans son chocolat chaud pour n'en rien laisser paraître.
Gon tourna un visage légèrement surpris vers la mère de son ami, s'apprêtant à lui demander si elle faisait bien référence à une marque de dragée.
Léolio soupira avec fatigue.
« Maman. De quoi est-ce que tu parles ? »
Maman l'ignora royalement.
« Ma petite, j'apprécierais beaucoup que tu me regardes, quant je te parle. »
« Heu. Veuillez m'excuser. »
Kurapika releva les yeux et pu constater à quel point l'intensité d'un regard pouvait donner mal à la tête.
« Alors ? Crème, blanc, bleu ciel ou rose clair ? »
« Je ne… comprend pas très bien… de quoi vous parlez. »
« Crème, blanc, bleu ciel ou rose clair ? » martela Maman. « Quelle est la couleur que tu préfères là-dedans ? »
« Oh. Heu. Je… ne sais pas… »
« Rose clair ? »
« Crème. »
« Parfait, tu as de très bons goûts. »
Elle sifflota un petit air joyeux, se leva, et commença à débarrasser la table, ne se souciant nullement de savoir si son fils, sa bru et les deux parasites avaient fini de manger. Kurapika la suivit du regard alors qu'elle disparaissait derrière la porte de la cuisine.
« Mais… excusez-moi… pourquoi me demandiez-vous cela ? »
« Oh, » lui répondit la voix étouffée de Maman depuis le lave-vaisselle, « Mais, pour la robe de mariée. Bien sûr. »
« Oh, je comprend. Merci beaucoup. »
Kurapika se retourna d'un mouvement posé vers ses compagnons, un sourire inexpressif aux lèvres.
« Qu'est-ce qu'elle vient de dire, exactement ? » murmura t-il d'une voix tout aussi inexpressive.
« Oh non… C'est pas vrai, » s'étrangla Léolio tandis que Kirua s'écroulait sous la table et que Gon se demandait fébrilement pourquoi il était question de robe de mariée.
« Kurapika… »
« Quoi ? »
« Tu as vu ma mère ? »
« Non. »
Léolio referma la porte du salon, laissant le blondinet à son imposante encyclopédie sur la faune et la flore et la région. Il monta à l'étage, intrigué.
« Gon… »
« Quoi ? »
« Tu as vu ma mère ? »
« Nan. »
« Kirua… »
« Quoi ? »
« Et toi ? »
« Quoi, moi ? »
« Tu as vu ma mère ? »
« Oui, bien sûr. Au petit-déjeuner, ce matin. »
« … Et depuis ? »
« Nan. »
Léolio fixa un instant les deux gosses vautrés sur le lit de leurs aînés, le nez collé sur leur game-boy.
« … Vous êtes sûrs ? »
« Oui. Fiche-nous la paix, tu vas nous faire perdre. »
« Bon, bon… »
Etrange, ça. Dans le garage, peut-être… ? Il s'y dirigea d'une démarche incertaine, inquiet.
A défaut d'être un véritable garage, il s'agissait d'une vieille grange, aménagée lorsque Linda avait claironné haut et fort qu'elle voulait une voiture pour son anniversaire, dans les 15 ans auparavant.
Léolio ouvrit le battant de bois.
Oh.
« Kurapika… »
« Quoi ? »
« tu as vu la voiture ? »
« … Non. »
Le regard glacé qu'il lui jeta par dessus les pages jaunies incita prudemment le jeune homme à quitter la pièce et à aller s'adresser à Gon et Kirua.
« Gon… »
« Quoi ? »
« Tu as vu la voiture. »
« Nan. »
« Kirua… »
« Quoi ? »
« … Tu as vu la voiture ? »
« Oui, dans la machine à laver. »
« … Kirua. »
« NON, je ne l'ai pas vu, fiche-nous la paix ! »
« Bon, bon… »
Bien, songea t-il en refermant la porte. Faisons le point. Maman a disparu, et la voiture a disparu.
J'en conclue que la voiture se trouve en compagnie de Maman.
Mon dieu.
« Ça fait combien de temps, maintenant ? »
Léolio, écroulé d'angoisse dans les tréfonds du canapé, regarda sa montre.
Longuement.
« … Léolio ? »
« Cinq heures et demies. Cinq heures et demies qu'elle est sortie. Cinq heures et demies qu'elle aurait dû passer à se reposer dans une chaise longue, dans le jardin. Elle est malade, bon sang ! Elle devrait faire attention… Pourquoi se comporte t-elle toujours de cette manière ? On dirait une gamine ! »
« Arrête de te faire du mal. Elle va revenir. Tu t'expliqueras avec elle à son retour. Non ? »
« Elle n'a même pas de portable ! Qui sait ce qui peut lui arriver, dans l'état où elle est ? »
Kirua, négligemment appuyé sur le rebord de la fenêtre, n'écoutait le jeune médecin que d'une oreille passablement désintéressée.
« A ta place, je ne m'inquiéterais pas trop, » murmura t-il en jetant un vague coup d'œil derrière les carreaux.
« AH ! On voit bien que ce n'est pas ta mère, qui disparaît sans crier gare dans la nature alors qu'elle est sensée être proche de l'agonie ! Ça se voit ! »
(« Oh, tu sais, ma mère… »)
« Mais tu vas te calmer, Léolio, oui ? »
« Pas avant qu'elle ne revienne ! Et en la connaissant, elle ne va pas rentrer avant trois heure du matin ! »
« BONJOUR MES AGNEAUX, VOUS AVEZ ETE SAGES ? »
La voix claire et enjouée de Maman venait de résonner dans le vestibule, aussitôt suivie du bruit de la porte d'entrée refermée avec fermeté. Linda apparut sur le seuil du salon, les joues rouges, les yeux pétillants, les cheveux en bataille, et les bras surchargés de sacs en papier.
Léolio s'élança vers elle et la saisit par les épaules.
« MAMAN ! Tu as fini de me faire des frayeurs pareilles, oui ? Où est-ce que tu étais passée ? »
Maman le fixa un instant en silence, ses yeux écarquillés en une expression d'incrédulité mêlée d'indignation.
« Mon chéri, je vais t'apprendre une chose, » déclara t-elle d'un ton décisif en se dégageant, « si je t'ai fait venir ici, ce n'est pas pour me faire chaperonner, mais pour te chaperonner toi. Tu n'as tout de même pas cru que ta petite Maman était suffisamment faible pour avoir besoin d'aide, hein ? »
« Ben… »
« Tu l'as cru ? »
Le ton était très dur.
« Non. Je sais que tu es capable de te prendre en charge. »
« Bien. »
« Heu… »
Léolio se gratta la nuque, balayant du regard les sacs bombés abandonnés sur le sol.
« Je peux quant même savoir où… tu es allé ? »
« En centre-ville, évidemment. C'est pour ça que ça m'a pris du temps, ce n'est pas la porte à côté. J'ai fait plein de petites emplettes ! » ajouta t-elle avec satisfaction.
« Ah… Tu as acheté quoi ? »
Maman observa son fiston avec un air d'intense satisfaction. Quitta Léolio du regard avec satisfaction. Pour aller scruter Kurapika avec satisfaction.
Kurapika qui sentit distinctement qu'il avait la chair de poule.
« Et bien… » susurra t-elle.
Elle se pencha, saisit un sac, farfouilla à l'intérieur, et en sortit un tissu semblable à du velours violet foncé, qui coulait entre ses doigts comme s'il s'agissait d'une matière liquide et qui possédait des reflets d'un pourpre incandescent lorsque les derniers rayons rougeoyants du soleil, filtrés par la baie vitrée, jouaient sur sa surface.
Maman le déplia.
Pâle comme la mort, Kurapika se mit à trembler.
« Qu'est-ce que… ça signifie ? » chuchota t-il d'une voix rauque.
« Ça signifie, ma petite, qu'il est grand temps que tu t'habilles avec un peu plus de féminité. Je n'ai pas acheté la robe de mariée, je veux que tu sois avec moi pour l'essayer. Mais j'ai acheté celle-ci, et plein d'autre, aussi. Je pense que c'est la bonne taille, j'ai l'œil, pour ça. Tu vas me l'essayer immédiatement, parce que je n'aime pas du tout tes vêtements actuels. Franchement, porter un pantalon sous une jupe, quelle idée… »
Le babillage sévère de Maman glissant lentement autour de son esprit sans parvenir vraiment à le pénétrer, Kurapika fixait, un souffrance absolue, douloureuse et éperdue lui écarquillant les yeux, la robe.
Car il s'agissait bien d'une robe.
Ouverte en V, de légers morceaux ondulés de tulle transparente bordant le décolleté, le bout des manches et le bas du tissus, elle devait lui arriver légèrement au-dessus des genoux.
Un joli décolleté, hein. Partant du bout des épaules pour arriver juste au dessus des seins, il mettait parfaitement en valeur la gorge et la poitrine, sans pour autant rien dévoiler de cette dernière.
Le problème étant que Kurapika ne possédait pas de poitrine.
Léolio, avisant la couleur du visage de son ami, s'empressa de venir poser une main réconfortante dans son dos, en cas d'un éventuel évanouissement.
« … aussi des sous-vêtements, il y a une ou deux robes avec lesquelles il faut des soutient-gorges particuliers, je vais te montrer. D'ailleurs je mettrais ma main au feu que tu portes des soutien-gorges de sport. C'est vrai que tu n'as presque pas de poitrine, mais quant même ! Il faut te soigner, fillette ! Tiens, en voilà un. Tu vas me porter ça avec cette robe, ce sera quant même un peu plus distingué. »
Un morceau de dentelle immaculé glissa subrepticement devant les yeux de Gon et de Kirua, avant d'être voilé par la robe.
L'un rougit, l'autre ricana.
Maman tendit le tout à sa très très très prochainement future bru.
Kurapika le fixa d'un regard vide d'expression, hébété.
« Prend-la ! » insista Maman.
« … hein ? »
« Prend-la, et va la passer. »
« … ha ? »
« Allez ! »
« … mais ? »
« Mais dépêche toi ! Qu'est-ce qui te prend ? »
« … je… »
Le jeune homme se mit à trembler se plus belle, commençant lentement à saisir l'évidence.
Les larmes lui vinrent aux yeux.
« Je… Je ne veux pas… pas ça ! Léolio ! »
Il s'accrocha désespérément à sa chemise, plantant son regard dans celui du médecin, dont la couleur noisette ne reflétait pour le moment qu'une résignation sincèrement désolée.
« Kurapika… »
« NON ! Ne me force pas ! S'il te plaît ! Pas ça, pas ça ! »
Il jeta un coup d'œil terrorisé à la robe.
« Léolio… ! »
« Je suis vraiment navré… Mais… »
« Qu'est-ce qu'il y a ? » soupira Maman avec exaspération. « Si ça ne te plaît pas, j'en ai d'autres. »
« Non, Maman. Celle-ci est très bien, je t'assure. N'enfonce pas le clou. Elle va la porter… N'est-ce pas, Kurapika ? »
« Non… Non… »
« Mais si. Donne-lui, Maman. »
Maman tendit à nouveau la robe.
Le tissus glissa et le soutien-gorge fut dévoilé au sus et au vu de tous.
C'était un joli soutien-gorge, tout petit, dont la dentelle était fleurie d'élégants motifs de marguerites.
Kirua ne le quittait pas des yeux.
Kurapika finit par pousser un cri étranglé et par se jeter sur le tout, serrant le sous-vêtement contre sa poitrine pour le cacher aux regards purs et innocents de ses cadets.
Il se précipita dans le vestibule, en direction de l'escalier.
« Attend, » intervint Maman, « je viens avec toi, je vais t'aider à passer la robe, je… »
« NON ! C'est bon ! Je peux me débrouiller toute seule ! »
« Comment ça ? Pourquoi ? Qu'est-ce que ça peut faire, entre femmes ? »
Un long hurlement de rage et de désespoir leur parvint depuis le premier étage.
« MAIS LAISSEZ-MOI TRANQUILLE, BORDEL ! »
Maman observa, pensive, le haut de l'escalier où venait de disparaître la silhouette de Kurapika.
« Finalement, je l'aime bien, cette petite, » murmura t-elle avec satisfaction.
Ce furent les grincements de pas lents et accablés sur les marches de bois qui avertirent, un quart d'heure plus tard, du retour attendu du blondinet.
Kirua, un ricanement sadique lui effleurant les lèvres, se précipita en bas de l'escalier pour l'accueillir, suivit de près par une très enthousiaste Maman.
Gon et Léolio se lancèrent un regard où l'apitoiement côtoyait une curiosité mal dissimulée – Léolio jugea cependant plus prudent de ne pas aller à la rencontre du blondinet, juste au cas ou la curiosité l'emporterait sur l'apitoiement. Il ne tenait pas à ce que Kurapika puisse penser qu'il se réjouissait de ses malheurs.
Ils attendirent donc de pied ferme au fond du salon, les yeux rivés sur la porte entrebâillée par laquelle venaient de se faufiler Maman et Kirua.
Maman et Kirua dont ils entrevoyaient les silhouettes derrière ladite porte, et qui ne daignaient pas donner signe de vie.
Léolio entendait toujours Kurapika descendre l'escalier.
Il vit Maman et Kirua s'écarter, un éclair mauve surgir par la fente de la porte, le battant de bois s'écarter lentement, et…
Wahou.
Il avait prévu de se mordre les joues à l'avance, sachant pertinemment que la curiosité, après avoir victorieusement gagné contre l'apitoiement, se muerait immanquablement en amusement puis en une franche envie d'hurler de rire.
Il n'en eut pas besoin.
On ne rit pas de l'art.
Car Kurapika, blonde silhouette dont la pâleur était rehaussée par le mauve profond de sa tenue, yeux clairs baissés vers le sol, une subtile rougeur esquissée sur ses joues, était la personnification même de l'Art.
Un silence empli d'admiration respectueux s'empara de Gon et de Léolio.
Dans le dos du blondinet, Kirua faisait la moue, extrêmement déçu ; il préférait, quant à lui, de loin le ridicule à l'art.
Quant à Maman, elle fixait sa montre. Sourcils froncés. Lèvres légèrement incurvées en un semblant de sourire dont le sardonisme aurait grandement inquiété Léolio s'il n'avait pas eut les yeux fixés sur les jambes du Kuruta. (Re-wahou. Il avait rarement vu des gens avoir d'aussi jolies jambes. Même des filles.)
Elle releva la tête, capta le regard de son fils, et son sourire s'agrandit.
« (N'est-ce pas qu'elle est mignonne ?) Bon, c'est pas tout ça, mais il est sept heure, il faut que j'aille préparer le repas, moi. »
Léolio cligna des yeux, sortant de sa rêverie nébuleuse.
« Ah ? Heu ? On va t'aider… »
« NON ! Non non non non non non non non ! Non non non ! Hors de question. Ne vous approchez pas de la cuisine avant que je ne vous en ait donné l'autorisation. Vous restez ici. Vous ne bougez pas. C'est clair ?
« Heu… Oui, Maman. »
« Bien. »
Léolio la regarda s'éloigner, un très mauvais pressentiment lui plombant la poitrine.
Kurapika était toujours planté au milieu de la pièce.
« Wah, Kurapika, » finit pas s'écrier Gon, « ce que tu es… »
« Je vous préviens tout de suite. »
Le chuchotement atrophié qui venait de s'échapper des lèvres du blondinet donnait la sensation d'une souffrance sourde et vibrante, pas loin d'être poussée à son paroxysme.
« Avisez-vous de ne faire rien qu'un seul commentaire sur la façon dont je suis habillé, et je vous bute. »
Ce n'était pas un avertissement. C'était une constatation.
Les yeux de Léolio s'empressèrent de quitter les frêles gambettes pour aller se poser sur le plafond.
La salle à manger était ténébreuse, mais il s'agissait de ténèbres chaleureusement accueillante, au centre desquelles scintillait avec douceur la lumière dorée d'un chandelier, illuminant les cinq assiettes disposées autour de lui.
Enfin, deux, en particulier.
Léolio tilta.
« Maman. Qu'est-ce que ça signifie ? »
« C'est le repas des amoureux, » annonça joyeusement Maman en saisissant les deux hunters par le bras et en les menant à leur places attribuées.
Elles les installa, plaça correctement le chandelier entre eux, rapprocha encore un peu les deux assiettes, lissa les serviettes en papier rouge carmin d'un geste expert, versa du vin dans leur deux verres, y déposa quelques grappes de raisin au pied, enveloppa la tablée d'un long regard de satisfaction comblée, et s'assit en face des deux jeunes gens.
Gon et Kirua prirent place près d'elle, mi-gênés, mi-interloqués, et mi-morts de rire.
Léolio toussa.
« Maman. Explique-toi. S'il te plaît. »
« Mais je viens de te l'expliquer, » gronda Linda, irritée, « c'est le repas des amoureux. Vous savez bien, le dîner romantique, avec les chandelles… »
« Maman. Un dîner romantique, c'est sensé se passer entre deux personnes seules, et assises l'une en face de l'autre. Comment ça se fait que tu nous ait placés côte à côte ? »
Mmaan haussa les épaules.
« Si je ne vous avez pas placé de cette manière, où est-ce que j'aurais pu m'asseoir pour profiter du spectacle, dis-moi ? »
Silence.
Gon cligna des yeux, interloqué, et Kirua pouffa.
« … Oui. Bien sûr, Maman. C'est vrai. Excuse-moi. J'aurais dû y penser. »
« Evidemment, que tu aurais dû. »
Elle les scruta avec tendresse.
« Vous formez un si joli couple, tous les deux, » murmura t-elle rêveusement en tendant un bras pour triturer le nœud violet des cheveux de Kurapika.
Elle avait vraiment tenu à ce qu'il le mette avant de passer à table. Vraiment.
Le Kuruta ferma les yeux et baissa la tête, tentant douloureusement d'échapper à la réalité.
« Bon. Très bien. A table ! » s'écria Maman.
Le dîner se déroula sans grand incident majeur. Gon et Kirua confondait parfois la table avec leurs assiettes, erreur déroulant du manque de visibilité certain qui régnait de leur côté, et Léolio et Kurapika mangeaient en évitant soigneusement de se regarder – si l'on pouvait qualifier de 'manger' les quelques miettes que le blondinet ingurgitait. Le tour désastreux que prenait sa vie lui ruinait l'appétit.
Quant à Maman, pensive, elle observait ses deux poussins.
Il y avait quelque chose qui la turlupinait.
N'était-ce que le silence qui s'était emparé de la tablée (troublé uniquement par les piaillements des gosses. « Gon. Cette boulette de maïs est de mon côté de la table, donc elle est à moi. » « Maaaaaais Kirua ! Elle vient de mon côté ! C'est juste qu'elle a roulé tout seule ! ») mais il y avait aussi autre chose. Essentiellement.
Au bout d'un certain temps, elle finit par plaquer brutalement son couteau et sa fourchette sur la table, par joindre les mains et par poser son menton dessus, dardant un long coup d'œil pénétrant sur son fils et sa fiancée et attirant les regards des quatre protagonistes.
Silence.
« Heu… Maman ? »
« Ce n'est pas normal. »
« … Ah ? »
« Non. »
« Ah… »
Silence.
« Pour un jeune couple comme vous, ce n'est pas normal du tout. »
« Ah. »
« Je ne sais pas si c'est par excès de pudeur ou quoi que ce soit, mais je ne trouve pas ça normal. »
Le silence s'abattit de nouveau sur la pièce, les paroles de Maman l'ayant alourdit d'une ou deux tonnes de plomb.
Kurapika commença légèrement à trembler.
« Ah ? » articula difficilement Léolio.
Gon et Kirua décidèrent de commune mesure que la scène qui se déroulait près d'eux avait beaucoup plus d'intérêt que la boulette de maïs qu'ils essayaient vainement de se départager, et se tournèrent vers les trois autres, attentifs à ce qui allait suivre.
Maman inspira profondément, exaspérée.
« Vraiment. Oui. C'est normal, vous savez. On sait tout que vous êtes ensemble, alors il n'y a aucune honte à faire ça devant nous, vous savez. »
« … … A-ah ? »
« Mais oui. »
Silence.
« F… Faire quoi, Maman ? »
« Mais vous embrasser, évidemment. »
Silence très pesant.
Kurapika déglutit, tremblant de plus belle.
« Je ne vois pas en quoi ça vous pose problème. Vous êtes amoureux. Notre présence ne devrait pas vous gêner. »
« Ça, c'est sûr. »
Gon rappela Kirua à l'ordre d'un coup de pied dans les chevilles.
« M-maman… pourquoi tu sors ça… tout d'un coup… »
« Vous mourrez d'envie de vous embrasser. Faîtes-le. »
« Quoi… Mais… Mais non… On a pas envie… »
« Mais si, vous en avez envie. »
« Mais non… »
« Vous en avez envie. »
« Oui. »
Kurapika releva précipitamment la tête.
« (Léolio !) Heu… Mad… Linda… On… On préfère… le faire… en privé… pas devant tout le monde… »
(« Ah oui ? »
« Kirua ! »)
« Mais vous ne le faîtes pas devant tout le monde. Vous le faîtes devant nous. »
« Mais… »
« Ça ne pose aucun problème. »
« Mais si… »
« Allez-y, embrassez-vous. »
« Mais… »
« Embrassez-vous. »
« NON ! »
« Navré, Kurapika. »
Car, avant que le blondinet n'ait pu réagir, Léolio l'avait serré contre lui, lui avait saisit la nuque et avait happé ss lèvres sans crier gare, en un long baiser.
Long parce que pétrifié et gêné plus que langoureux.
Les gosses écarquillèrent les yeux.
(« Ils… Ils l'ont fait… J'y crois pas… »
« YEAH ! LINDA POWER ! J'aime cette femme. »)
Maman se renversa sur sa chaise, satisfaite.
Au bout de quelques secondes mitigées, Léolio finit par surmonter sa gêne – et sa peur, et par se reculer, cherchant aussitôt des yeux un objet susceptible de lui servir de bouclier contre l'inévitable attaque d'un Kuruta enragé. Ne trouvant rien, il se contenta de faire le mort, fixant le coin le plus écarté possible du blondinet.
De nouvelles secondes de silence passèrent.
L'inquiétude prenant le pas sur l'instinct de surprise, Léolio finit par jeter un coup d'œil à sa chère et tendre.
Kurapika, pâle comme un linge, tremblant, les yeux écarquillés, pétrifié, semblait faire tout son possible pour refuser d'intégrer ce qui venait de se passer.
Léolio vit distinctement le combat faire rage dans les beaux yeux clairs, avec plus de précision que s'il était aux premières loges d'un tournois de catch.
Et il vit la lutte prendre fin.
Kurapika se releva d'un bond et, étouffant un long hurlement désespéré, se rua hors de la salle à manger.
Gon et Kirua retournèrent à leur boulette de maïs.
(« Le pauvre, quant même… »
« C'est ma boulette, Gon. »
« Mais ! »)
Maman finit tranquillement son verre de vin d'une longue gorgée.
« Elle est bien prude, ta copine, Léo. »
« Mmh. Tu es satisfaite ? » gronda le jeune homme.
« Ah, oui. Amplement. Tchin ! »
Léolio était tout de même légèrement embêté.
Il avait vu le regard de son ami ; et il n'avait pas échappé à sa grande perspicacité que le blondinet était un petit peu bouleversé par les événements.
Aussi, il se jurait, en gravissant les marches de l'escalier, d'aller s'excuser sincèrement pour tout à l'heure, et de lui promettre que ça ne se reproduirait plus.
Il n'avait pas envie que Kurapika se mette à lui faire la tête.
Il longea le couloir et poussa la porte de la chambre, pénétrant dans la pièce adoucie par la lumière ocre pâle des lampes de chevet.
Kurapika était assis près d'une vieille coiffeuse en cerisier bordant la fenêtre, nœud défait, regard nébuleux, joues légèrement rouges et triturant sa robe entre ses doigts crispés.
Léolio soupira, s'adossant à la porte de la chambre.
« Bon. Heu… Je suis navré pour tout à l'heure. Vraiment. Mais… Elle nous aurait harcelé jusqu'à ce qu'elle ait obtenu ce qu'elle voulait… alors… Enfin, je te présente toutes mes excuses. Les plus sincères. Voilà. Tu… ne m'en veux pas trop ? »
« Nan, je t'en veux pas. »
« … Oh ? »
Léolio fixa son ami.
Longuement.
« Tu… Tu es sûr ? »
« Oui oui. Sûr. »
Le blondinet n'avait pas encore levé les yeux sur lui. Il se contentait de continuer à massacrer le tissus de sa robe, le regard toujours perdu dans le vague.
Léolio plissa les yeux. Peut-être qu'il aurait mieux fait de ne pas attendre la fin du repas et de monter direct après Kurapika.
Et soudain, il avisa ce qu'il y avait sur la coiffeuse.
« K… Kurapika ! Qu'et-ce que ça signifie ? »
« … De quoi ? »
« ÇA ! » s'écria t-il, effaré, en pointant les trois bouteilles du doigt.
Deux d'entre elles étaient vides, la troisième à moitié pleine. Un verre à pied renversé les côtoyait.
« Oh. Ça ? Ça signifie du Châteaubriand. Cuvée 1857. La cave de ta mère a de très bons goûts. »
Il fronça les sourcils.
« Je veux dire : ta mère a de très bons goûts. »
« Oh c'est pas vrai… Kurapika… »
Le jeune médecin se précipita sur son ami, le saisissant par les épaules et plongeant son regard inquiet dans le sien.
« Alors c'est à ce point-là ? La situation te désespère au point de t'enivrer ? Kurapika… ! »
Regard vide.
« Ah bon ? »
« Mais il fallait me le dire, enfin ! Je ne sais pas ce que j'aurais fait, mais… J'aurais fait quelque chose ! L'alcool n'est pas une solution, tu le sais très bien ! »
Le blondinet lâcha sa robe et bailla.
« Elle est gentille, ta mère. Je la déteste. »
Léolio soupira, sourit, et alla s'asseoir sur le bord du lit.
« Ce n'est pas méchant, tu sais. C'est juste dans son caractère. Elle ne se rend pas comte qu'elle peut blesser les gens. »
« C'est un vrai fauve. J'aurais bien aimé que tu lui présente ton ancienne petite amie d'avec qui tu as rompu. Elle aurait dégusté, c'te mijaurée. »
(« Victoria n'était pas une mijaurée… »)
« Toi, t'es pas comme ça. T'es ni classe, ni intelligent, ni… classe, mais t'es pas comme ça. T'es gentil. Tu m'obliges pas à porter des robes. »
« Heu… Oui… Non… »
« Comment elle me va, ma robe ? »
C'était une intonation particulière, dans la voix du Kuruta, qui faisait que Léolio sentait qu'il y avait une réponse précise à donner à cette question. L'ennui c'était qu'il ne savait pas laquelle.
« … Oui ? … Non ? »
« Non ? Elle ne me va pas ? »
« … Heu ? »
« Elle ne me va pas ? C'est la couleur ? Ou alors c'est le nœud ? »
« Tu… Tu es sûr que tu veux que je te réponde ? »
« Mmh. Quitte à me travestir autant que ça m'aille bien. »
« … Bon, ben… Pour être honnête… Tu… Tu es… splendide. Vraiment. »
« Je suis ridicule. Je le savais. »
« Mais non, je viens de dire… »
La phrase de Léolio mourut sur ses lèvres. Il commençait à prendre conscience qu'argumenter avec un Kuruta en état d'ivresse n'était pas une action brillante d'utilité.
Et puis, le premier instant de stupeur passé, il fallait bien reconnaître que voir Kurapika travesti et ivre avait de quoi éveiller la curiosité de n'importe qui.
Le jeune médecin observa donc tranquillement son ami se dépêtrer comme il le pouvait pour retirer le nœud de ses cheveux, grommelant par intervalle de virulentes injures à l'égard du ruban violet. Léolio n'aurait pas aimé être à sa place.
… A la place du ruban.
« T'es vraiment ivre mort, hein ? » fit-il remarquer au bout d'un moment en laissant échapper un petit rire.
Les mains de Kurapika cessèrent de se débattre avec ses cheveux et il enveloppa Léolio d'un regard lointain.
« Moi ? Ivre ? Oh. Non. Je ne crois pas. Non. C'est pas vrai, non. »
« T'as bu combien de verre ? »
Regard encore plus lointain. Le blondinet esquissa vaguement un léger décompte sur ses doigts.
« Oh. Heu. »
Il fixa ses mains. Un + un + un + un… Heu ? Un + un.
« Deux ? »
« J'en doute. »
« Un petit peu ? »
« Laisse tomber. »
Les yeux du jeune homme glissèrent lentement vers le bas.
Pouvait-il se permettre de… ?
« Cerise, avec un arrière-goût de framboise. »
« Quoi ? »
« Le goût du Châteaubriand. »
« Oh. »
De toute évidence, il pouvait se le permettre.
« Je peux te dire quelque chose ? »
« Ah bon ? »
« Tu as vraiment de très jolies jambes. »
« Ah bon ? » répéta le Kuruta en fixant ses chevilles avec intérêt. « C'est vrai ? Tu trouves ? Je peux m'habiller comme ça plus souvent, si tu veux. »
« … ? Heu. Oui, enfin, je pense pas que demain tu sois du même avis. »
Intrigué, le blondinet fronça les sourcils.
« Tu crois ? »
« J'en suis certain. »
« Oh. »
Silence.
Kurapika leva les mains pour reprendre la lutte qui l'opposait au morceau de tissus.
« Eh, ne t'acharnes pas trop dessus, quant même, tu vas le… »
Shrack.
« … déchirer. »
« AÏE ! Il… Il m'a agressé, il m'a arraché les cheveux ! »
« … »
Léolio retint un hoquet de rire. Kurapika, hunter de la black list et garde du corps, se tenait la tête à deux mains, les larmes aux yeux, parce qu'il venait de s'arracher des cheveux en tentant de s'enlever un ruban.
C'était un spectacle à la fois distrayant et touchant.
« Tu as besoin d'aide, Kurapika ? » demanda t-il d'un ton goguenard.
« Oui ! S'il-te-plaît ! Il est en… heu… »
Une + une.
« … deux parties, mais, mais, mais… Elles sont toujours accrochées. Elle fait bien les nœuds, ta mère. Je la déteste. »
« J'arrive. »
Léolio se leva et alla se pencher au dessus de son kuruta, démêlant les nœuds avec une dextérité toute médicale.
« … Voilà. Ce n'était pas bien compliqué, c'était juste une mèche qui… »
C'était mouillé. Sucré. Doux. Chaud. Et très alcoolisé.
Léolio se jetta brusquement en arrière.
« Heu… K... Kurapika… T-tu viens de m'embrasser, là ? »
« Oui. »
Le blondinet fixait sur lui de grands yeux pleins de candeur.
« J'embrasse mal ? Toi, c'était très bien, tout à l'heure. »
« Heu… A-attend… Je sais que… que tu es ivre, mais, mais quant même ! Qu-qu'est-ce qui te prend ? »
Noyé dans les vapeurs de l'alcool, le Kuruta eut une petite moue offensée.
« Quoiii ? On est fiancés, non ? Qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu m'as embrassé, je t'embrasse, c't'un prêté pour un rendu. »
« … »
« Tu m'embrasses encore ? »
« Oui, heu, ben, non, hein. »
Le regard du Kuruta glissa vers la bouteille à demi-pleine qui campait dans son dos.
« Ah, non, l'alcool, ça suffit pour ce soir, OK ? » s'écria le médecin en s'empressant d'éloigner la bouteille. « Au dodo, maintenant. »
« Mmh… Dodo ? »
« Oui. Dodo. »
« Tu me mets en pyjama ? »
« …Qu… NON ! Tant pis pour toi, tu dormiras tout habillé. »
« …Toi aussi, alors. »
« Si ça te fait plaisir… »
« Je dois être vraiment très fatigué. Je sens que je ne vais pas avoir la force d'aller jusqu'au lit tout seul… »
Léolio scruta le visage du Kuruta. Si le regard de son ami n'avait pas été aussi nébuleux, il l'aurait presque suspecté de faire des sous-entendus.
« … Très bien. Je vais te porter… »
Grand sourire.
« Merci. »
Kurapika était léger. Il était léger, et il portait une robe. Léolio portait Kurapika, travesti en fille et léger comme une plume, dans ses bras.
« Tu me poses, maintenant ? Je veux dormir. Dodo. »
« Heu, oui, pardon. Dodo. »
Il le déposa sur le lit.
« … »
« … Lâche mon cou, Kurapika. »
« Mmmh… Non. »
« Lâche mon cou, ou je me fâche. »
« Nan. »
« Kurapika… »
« Fais-moi l'amour. »
« … »
« S'il te plaît. »
« ... Quoi ? »
« Fais-moi l'amour. »
« N… Nan… ! »
« Fais-moi l'amour. »
« Ah… t'as pas la force de persuasion de ma mère, désolé… »
« Je la déteste. »
« Je sais, oui. Lâche-moi. »
« Non. »
« Ne m'oblige pas à faire quelque chose qu'on regrettera tous les deux demain matin ! Surtout moi… Je n'ai pas envie d'être passé à tabac… »
« Mais ! Je promet de pas te tuer. De toute façon j'aurais tout oublié. »
« Ouais ben ça c'est pas sûr, hein… »
« S'il te plaît. »
« Non. Tu es ivre mort, tu ne te rends pas compte de ce que tu racontes. Tu n'es même plus capable de réfléchir ! Pourquoi tu me demandes… ça… à moi ? Tu es un garçon, oui ou non ? »
« Oui. Non. Heu… »
Le jeune médecin se dégagea brutalement, reculant de quelques pas – par mesure de prudence.
« Ça suffit. Vraiment. Tu as besoin de sommeil. »
« … méchant, » murmura faiblement le Kuruta en remontant la couverture sur son menton. « Pourquoi tu réagis comme ça ? Puisqu'on va se marier ! »
« Tu n'as aucune envie de m'épouser, Kurapika. Ce n'est pas un vrai mariage, ce qu'on va faire. »
« Meuh si. »
« Non. »
« … Alors, tu veux vraiment pas… »
« Dors. »
Le blondinet, luttant contre l'irrésistible appel des profondeurs embrumées du sommeil, se releva sur un coude, observant avec perplexité le méchant-qui-n'avait-pas-voulu-le-réconforter s'installer dans un fauteuil.
« Bah ? Qu'est-ce que tu fais ? »
« Je vais dormir dans le fauteuil. J'ai le droit ? »
« Je vais compter jusqu'à cinq. Si à cinq tu n'es pas sous la couette à côté de moi, je vais chercher ta mère et je lui dit que tu fais lit à part. »
« Hein ? »
« Un. Deux. Heu… »
Un + un + un.
« … Trois. »
« D'ACCORD ! J'arrive ! J'arrive… »
« Quant même. »
Léolio grommela en se glissant sous les couvertures, se faisant la remarque que, si Kurapika n'était plus irritable en état d'ivresse, il était fatiguant.
« Dis, tu es sûr qu'on pourrait pas… »
« Non ! »
« Boooon… J'ai rien dis… »
« J'éteins la lumière. »
« Bonne nuit ! »
« … Pourquoi tu dis ça de manière aussi enjouée ? »
« … »
« Bonne nuit. »
La pièce fut plongée dans le noir.
Léolo ferma les yeux en soupirant.
Il était fatigué.
Vraiment fatigué.
« Kurapika. »
« Quoi ? »
« Reste de ton côté du lit. »
« Mais ! »
« Kirua… »
« Mmh ? »
« C'est mal… »
« Meuh non. »
Par mesure de précaution, le jeune assassin jeta tout de même un coup d'œil à la porte fermée du salon, et baissa le son de la télé.
« C'est pas des films pour nous, Kirua… »
« C'est tout leur intérêt. »
« Kirua… Vaut mieux éteindre… Y'a même pas d'histoire… »
« Y'a pas besoin d'histoire. »
« Kirua… »
« Mais qu'est-ce que vous regardez ? »
« Argh ! »
« Argh ! Ah, c'est vous, Linda. J'ai cru que c'était Kurapika. On se serait fait écorchés vifs. »
« Ce n'est pas un film pour vous ! »
« Ah ! Tu vois, Kirua, qu'est-ce que je te disais ? »
« … »
« Ce n'est pas parce que vous dormez dans le salon qu'il faut en profiter pour regarder la télé aussi tard le soir ! »
« C'est ce que je lui ai dit. »
« … »
« Ce genre de film est interdit aux moins de 18 ans ! »
« Je me disais, aussi. »
« … »
Maman avait les yeux rivés sur l'écran.
« Il vous faut au moins la présence d'un adulte ! » déclara t-elle fermement en se laissant tomber près des gosses sur le canapé.
« … hein ? »
« C'est dommage, vous auriez dû arriver plus tôt, le meilleur moment est passé. »
« Il fallait m'appeler, vous n'avez pas à regarder ce genre de films seuls. »
« Navré. J'y penserais, la prochaine fois. »
« … »
Kirua et Maman, allongés sur le ventre sur le lit défait, fixait le poste dans un regard d'une inquiétante intensité. La lumière bleuâtre qui se reflétait sur leur visage leur donnait l'allure de deux vampires en manque d'hémoglobine.
Gon grogna et préféra se rabattre du côté des oreillers, enfouissant sa tête sous l'un d'eux et essayant de trouver le sommeil.
Entreprise rendue très dure par les bruits insolites qui s'échappaient du poste, et qui le fut encore plus lorsque Kirua questionna en toute apparente franchise :
« Vous croyez que Léolio et Kurapika, ils sont en train de faire ça, en ce moment ? »
Maman n'eut pas l'air de percevoir l'ironie sardonique du propos et étudia l'écran avec attention.
« Ça ? Ooooh non. J'en doute fort. Pas si Léolio a hérité de son père, en tout cas. »
Gon serra l'oreiller contre ses oreilles avec l'énergie du désespoir.
