Bon, cette traduction n'a pas l'air d'enthousiasmer les foules ; tant pis, je continue.
Disclaimer: Ni les Blues Brothers, ni cette histoire ne sont à moi!
Chapitre2 : des filles et une fête
Assis sur un canapé en plastique violet, dans un box au fond du club, Elwood épluchait négligemment l'étiquette de sa canette de bière.
Ca ne peut pas être vrai, pensait-il.
Six ans plus tôt, il aurait donné n'importe quoi pour retrouver une famille, et maintenant c'était une famille qui forçait le passage pour s'imposer à lui. A présent il avait une belle-sœur et une nièce. C'étaient les premières femmes parmi ses proches, mises à part la Pingouine et la mère qui l'avait abandonné dans un kiosque à journaux à sa naissance, mais ni l'une ni l'autre ne comptait vraiment.
Alors, qu'est ce que je suis censé faire une fois que je suis en face d'elles ? songeait-il. La petite fille, surtout…
Il savait qu'il devrait lui consacrer du temps, mais quel genre d'occupations plaisait aux filles ? Faire du shopping ? Elwood avait horreur du shopping, quand il ne s'agissait pas de matos pour l'orchestre ou de voitures. Tout ce qu'il savait sur les gamines, c'était qu'on les associait généralement aux fringues, à de la musique pop au rabais, aux idoles d'ados, au maquillage, aux poupées, aux soirées-pyjama, et au désir bizarre de posséder un maximum de paires de pompes.
Mais là encore, la lettre disait que l'enfant était venue au monde quelques temps après la mort de Jake, elle devait donc avoir quinze ou seize ans, selon son mois de naissance. L'âge de Buster. Elle n'était plus si petite que ça… Ca permettait d'éliminer les poupées, et peut-être aussi les soirées-pyjama.
Est-ce que les filles organisent encore des soirées-pyjama à quinze ans ? se demanda Elwood.
De toute sa vie, il n'avait bien évidemment jamais mis les pieds dans une fête de filles, il n'avait donc aucun moyen de savoir.
Pendant ce temps, le groupe était occupé à accorder les instruments. Cab aidait Steve et Duck à brancher amplis et micros, tandis que Willie, Mack et Buster réapprovisionnaient le bar et faisaient la plonge. Les filles donnaient un coup de main, ou réajustaient leur maquillage et leurs petites tenues en coulisses.
Buster s'affairait à déballer des bouteilles qu'il rangeait le long des étagères, derrière le bar.
-Merde, dit-il. Willie, il nous manque cinq bouteilles de Jack Daniels.
-Tu es sur ? demanda Willie en s'approchant.
-Ouais. C'est même précisé sur l'inventaire, répondit Buster en lui tendant un papier.
Willie s'en saisit et le parcourut du regard.
-Quelle bande d'enfoirés, marmonna-t-il. Sans rire, s'ils continuent à m'entuber comme ça, je vais devoir me trouver de nouveaux fournisseurs. Il nous manque aussi d'autres trucs.
Il jeta le papier sur le comptoir.
-Elwood ! appela-t-il à travers la pièce.
Elwood eut un léger sursaut ; le train de ses pensées avait temporairement déraillé. Il se leva et couvrit la distance qui le séparait du bar.
-Elwood, tu pourrais faire un saut au magasin ? Il nous manque des trucs, demanda Willie.
-Tu me remets déjà au boulot ? plaisanta Elwood. Mon premier jour dehors… Je vois qu'on m'apprécie dans le coin…
-C'est bon, mon vieux, laisse tomber les violons, répliqua Willie. J'irais moi-même si ma voiture n'était pas en révision.
-Bien sûr que je vais y aller, approuva Elwood.
-Prends Buster avec toi, il a la liste. Oh, et voilà ma carte bleue, ajouta Willie en tirant un petit rectangle de plastique de sa poche-revolver et en le passant à Elwood. Elle s'appelle « Reviens ».
-Bien sûr, dit Elwood d'un air indigné, en haussant les sourcils.
Willie secoua la tête et se dirigea vers les boxes vides. Buster contourna le bar et sortit du club sur les talons d'Elwood.
Willie les suivit du regard jusqu'à ce que la porte soit complètement refermée sur eux. Puis il se tourna vers Mack.
-Ils sont partis, lui dit-il. Tu as récupéré la banderole chez Kinko ?
-Ouaip, répondit Mack. Je l'ai eue hier.
-Super. Allez, on s'y met, conclut Willie.
Elwood et Buster sortirent du magasin de vins et spiritueux en tâchant d'équilibrer précautionneusement leurs différents sacs remplis de bouteilles d'alcool. Une fois qu'ils les eurent déposés par terre à l'arrière de la Bluesmobile, ils reprirent la route du club.
Au bout d'un moment, Buster remarqua qu'Elwood avait choisi le chemin le plus long, et qu'il avait les yeux dans le vague comme cela lui arrivait parfois au volant.
-Accouche, mon vieux, dit finalement Buster.
-Hein ? répondit Elwood, qui n'avait entendu que d'une oreille.
-J'ai dit « accouche, mon vieux ». A quoi tu penses ? A cette lettre ?
-Ouais.
Elwood marqua une pause, puis regarda Buster.
-J'peux te demander quèqu'chose, gamin ? Est-ce que tu te rappelles avoir déjà eu une fille dans ton entourage ?
-Primo, j'ai seize ans, alors tu pourrais pas commencer par arrêter de m'appeler « gamin » ? interrogea Buster.
-Buster, commença Elwood, quand t'auras l'âge que j'ai, t'auras l'impression que n'importe quelle personne de moins de trente ans est un gamin.
Buster soupira ; il savait qu'il était inutile de discuter.
Elwood avait remarqué que Buster avait l'air plus âgé. Il avait grandi, son visage avait perdu ses traits juvéniles, sa voix était plus basse, et ses cheveux, qui avaient poussé, commençaient à lui tomber dans les yeux.
-Mais revenons à nos moutons, poursuivit Elwood. T'as un peu d'expérience avec les filles ? J'veux dire, dans ta famille, genre une cousine, une tante ou quoi… Quelqu'un que t'aurais pu rencontrer avant d'atterrir à l'orphelinat ?
Buster réfléchit un moment.
-Ben, personne avant que je devienne orphelin, mais une fois, dans une famille d'accueil, j'ai eu une sœur adoptive…
-De quoi elle avait l'air ?
-Ben, elle avait juste sept ans, expliqua Buster. Elle me faisait toujours jouer à la dînette ou à la poupée, ou… (il tressaillit) …à me déguiser…
-Mon pauv'vieux, fit Elwood d'un air incrédule. Bon, ça m'aide pas trop tout ça… Tu comprends, j'ai jamais eu de fille parmi mes proches. Enfin, à part la Pingouine, mais elle, elle compte pas.
-T'as raison. C'est une bonne sœur… Elles sont pas faites pareil… acquiesça Buster.
-Exact. Et le peu de familles d'accueil que j'aie connues, c'étaient toujours des couples qui n'avaient ou ne pouvaient pas avoir de gamins. Alors maintenant j'ai comme un problème, parce que je me retrouve d'un seul coup avec une nièce et une belle-sœur. Et la fille, je peux pas la traiter comme un de nos potes…
-En fait, tu pourrais t'en sortir avec ça, dit très sérieusement Buster.
-Quoi donc ?
-Bon, à en juger par les spécimens de mon lycée, il y a beaucoup de ce qu'on pourrait appeler des garçons manqués. Des nanas sportives et tout… En suite, il y a les filles moyennes, qui aiment des trucs de filles mais que tu verras jamais porter une jupe à part quand elles sont en uniforme pour l'école. Celles-là traînent autant avec des mecs qu'avec des nanas, expliqua Buster à Elwood qui écoutait attentivement. Et enfin, il y a les nénettes, qui s'habillent en rose, utilisent de la laque, du maquillage et autres saloperies de ce genre, poursuivit-il. Donc, à moins qu'elle appartienne à la catégorie des nénettes, ça sera pas trop la galère.
-Hmmm… Merci pour du conseil, Buster.
-Y'a pas d'quoi.
Le garçon haussa un sourcil et regarda Elwood.
-Au fait, en parlant de gonzesses, comment ça se fait que t'aies jamais eu de petite-amie ?
-C'est parce qu'y a pas de prisons mixtes, répondit simplement Elwood.
-Pourtant Jake aussi était en taule, et il a quand même trouvé le moyen de laisser une fille et de presque en épouser une autre, fit remarquer Buster.
-Bon, et comment ça se fait que toi, tu n'aies pas encore de copine ? contra Elwood avec raison.
Buster botta légèrement en touche.
-C'est bon, laissons tomber, répondit-il simplement.
Elwood gloussa et engagea tranquillement la Bluesmobile à travers d'étroites ruelles. Il se sentait un peu rasséréné, mais il n'avait toujours pas l'ombre d'un plan pour briser la glace entre lui et cette nièce dont il avait appris l'existence le jour-même.
Murph ouvrit la porte juste assez pour pouvoir jeter un coup d'œil dans l'entrebâillement. Il vit Elwood et Buster récupérer les sacs de bouteilles à l'arrière de la Bluesmobile. Il referma doucement le battant.
-Les voilà, annonça-t-il à voix basse.
Cab dégringola de la chaise qui lui tenait lieu de perchoir après avoir noué les dernières ficelles de la banderole, et rejoignit le reste du groupe et les filles rassemblés autour du bar. Même Matara, qui ne travaillait plus au club depuis près de deux ans, s'était jointe à eux en l'honneur d'Elwood.
Buster poussa la porte et resta appuyé au battant pour laisser Elwood passer devant lui.
-ELWOOD ! salua tout le monde en chœur comme il entrait, les bras chargés de poches en papier.
Les yeux d'Elwood s'élargirent derrière ses lunettes noires. Au-dessus de la scène était suspendue une large banderole en plastique qui disait « Bon retour parmi nous, Elwood ! » Dans l'un des coins y était dessiné un oiseau qui tenait dans son bec un jeu de clés passé à un anneau. Toutes les filles portaient des chapeaux de fête étincelants (qui restaient du dernier réveillon de Nouvel An), et soufflaient dans des langues-de-belle-mère en gloussant et en applaudissant.
-Wow, fit Elwood dans un souffle.
Il était touché par cette attention. De toute sa vie, personne n'avait jamais donné de fête pour lui. Il sentit les larmes lui monter aux yeux, mais s'efforça de les réprimer. Buster se tenait dans l'encadrement de la porte, un grand sourire en travers du visage.
-Oh, wow, répéta Elwood en déposant les sacs sur la table la plus proche. J'sais vraiment pas quoi dire…
-Eh bien, tourne-toi donc pour remercier Buster, lança Matara depuis le bord du podium, où elle était assise. Tout ça, c'était son idée.
Elwood fit face à Buster.
-C'est vrai ? C'est toi qui as fait tout ça ?
Buster piqua un fard.
-Ben, c'est moi qui ai eu l'idée. Mack a fait faire la banderole ; Cab et Willie ont trouvé un moyen de t'éloigner.
-Alors vous n'aviez pas vraiment besoin d'alcool ? questionna Elwood.
-Si, répondit Willie. Mais on a fait en sorte d'en manquer. Bon, tout le monde, on ouvre dans une demi-heure, alors on a pas de temps à perdre.
Cab s'approcha d'Elwood pour lui remettre son harmonica et un microphone.
-Elwood, c'est à toi que reviennent les honneurs du premier numéro, ce soir.
Elwood baissa les yeux sur le micro et son Hohner Special 20.
Soudain, du coin de l'œil, il s'aperçut que l'un des projecteurs de la scène était braqué dans la mauvaise direction : lumière lui arrivait en pleine face. Il plissa les paupières.
-Eh, Willie, t'as un projo qui… commença-t-il.
Il remarqua un éclat de lumière qui se reflétait sur le bouton du micro, et baissa le regard sur lui.
Et sans rien avoir prémédité, il sut exactement ce qu'il allait faire au sujet de sa nièce.
-L'orchestre… murmura-t-il dans un souffle.
Voilà ! Il irait voir sa nouvelle belle-sœur et sa fille, et il laisserait cette dernière se joindre à l'orchestre. Enfin, si elle avait hérité ne serait-ce que de la moitié des talents vocaux de son père, et si la mère donnait sa permission.
-C'est ça… L'orchestre, voilà, murmura-t-il.
-Elwood, tu te sens bien mon vieux ? s'enquit Cab.
Elwood secoua la tête pour y voir plus clair.
-Ouais, j'vais très bien.
-Qu'est-ce que tu disais au sujet des projos ? intervint Willie.
-Juste qu'il y en avait un qui… commença Elwood en désignant la scène.
Mais la lumière anormale n'était plus là. Le podium était éclairé comme d'habitude, et aucun spot n'était pointé dans la mauvaise direction.
-Euh, laisse tomber. J'ai mal vu, j'imagine, éluda Elwood.
Il conclut qu'il avait dû s'agir du fruit de son imagination, d'une illusion inexpliquée et source d'inspiration…
Fin du deuxième chapitre.
