Oiseau de Justice
Chapitre 11: Black Bird.
C'était prévisible.
J'aurai dû
m'en douter…
Je regardai l'enfant sur mes genoux avec un air
sceptique.
Il y avait jouer un rôle et jouer un
rôle…
L'enfant Shuri bavait.
Il a fallut que je tombe
sur le rôle de la baby-sitter…
'Je vous en prie! Faites
qu'il ne se mette pas à pleurer!'
Mon expérience
avec les jeunes enfants était quasi inexistante… Faut dire,
Baïkal les évitait le plus possible.
'Bave mise à
part, c'est vrai que c'est assez mignon un bébé…'
J'essayai
de me souvenir de pourquoi Baïkal les évitait. Quelque
chose à voir avec des odeurs et du bruit.
Une odeur
particulière me chatouilla les narines…
L'enfant leva
ses grands yeux vers moi.
L'odeur venait de la cuisine.
Je
soupirai de soulagement à l'idée que si jamais
l'enfant se mettait à brailler, les vraies femmes étaient
à portée de main. Je pouvais les entendre
papoter.
'Mais quand même, quel drôle
d'appartement…'
Les murs étaient couverts de babioles et de souvenirs hétéroclites… Dont une grande proportion de masques assez intimidants…
J'étais rassuré que ce n'était
qu'un domicile qu'Akako et son mari avaient emprunté pour
une courte durée à des amis en voyage. J'avais du mal
à imaginer un jeune enfant y grandir.
Soudain, un mouvement
attira mon attention.
Mes yeux s'écarquillèrent
d'épouvante.
Un grincement sinistre vint percuter mes
tympans.
'Mroww…'
Ses yeux ambrés semblaient se
jouer de moi.
C'était un affreux -chat-.
Tel un
chat, l'homme courait sans bruit. Arrivé à la fin du
mur, il sauta avec grâce au sol. Ses mocassins amortirent la
chute sans la moindre protestation.
L'homme sourit, ses yeux
cachés par l'ombre de son chapeau haut de forme et un
monocle.
Il parcourut le sol du regard, cherchant une indication
précise.
- à gauche.
Il dirigea ses pas
jusqu'au prochain repère dissimulé. À droite
cette fois-ci.
Il fit ainsi le tour de quelques amoncellements
d'arbres avant de trouver ce qu'il cherchait.
Assise sur une
bûche, une femme observait un groupe de corbeaux non loin
d'elle.
Raven s'était déguisée en femme
pour une fois.
« À porter tant de noir, tu me donnes
chaud! » Dit-il, faisant allusion à son
habillement. « On est quand même en juillet. »
Raven
eut un sourire.
« Et toi, Dove, à porter tant de
blanc, tu vas me rendre aveugle… » Elle se leva. Les
corbeaux l'ignorèrent. « Alors, comment cela se
passe-t-il avec 'Kato'? »
Dove fit apparaître
quelques colombes.
« Il m'a l'air bien têtu…
Mais il a des possibilités. Bien sur, seul l'avenir nous
dira si on a eu raison. »
La femme sortit une cigarette
de sa poche.
« Le détective n'a pas posé
trop de problèmes? » Dit-elle, en l'allumant.
Dove
eut un petit rire sarcastique.
« Comment t'as
su? »
« Pidgeon me l'a fait
comprendre. »
« Ah! Sacré Pidgeon.
Non, le détective ne nous a pas grandement gênés.
Le pauvre a usé de malchance… »
Dove tapa dans
ses mains, faisant à la fois sursauter quelques corbeaux et
apparaître quatre autres colombes.
« Comment se
passe la surveillance du groupe Tengu? » Sa voix avait
pris un ton plus sérieux.
Raven le regarda un moment avant
de répondre.
« Ils ont eu Black Bird. »
Dove
jura, faisant s'envoler ses dix colombes.
« Ils ne
sont pas encore au courant de nos activités, Black Bird n'a
pas eu de chance. Ils ne lui ont pas donné l'occasion de
parler… »
« Cependant je présume
qu'ils seront sur leurs gardes. » Ajouta Dove, l'air à
la fois déprimé et résolu.
« Exact. »
« Tu
as des demandes? »
La femme secoua la tête. « Pas
pour l'instant. »
« Bon, je te fais
confiance. » Il se détourna, avant
d'hésiter…
« Rien d'autre? »
Raven
eut un petit sourire.
« Rien, à part que je me
demande comment tu fais pour ne pas avoir chaud avec ta cape. »
Dove
émit un son amusé, avant de repartir, faisant un signe
d'au revoir d'une main gantée.
Raven resta un long
moment à l'ombre, dans son coin boisé. Ses yeux
reflétaient sa tristesse.
Encore un qui était
parti.
Jetant son mégot, elle regarda d'un air pensif le
groupe de corbeaux picorant tout prés.
Elle sortit un
marqueur de sa poche. C'était une pierre noire, ornée
d'une encoche.
D'un geste précis, elle le lança
au milieu des oiseaux vêtus de noir. Ils s'en allèrent
dans une cacophonie d'ailles et de croassements.
