Oiseau de Justice
Chapitre 13: Pidgeon.
Le
lendemain, après une très mauvaise surprise au réveil,
Kaito vint me préparer pour la journée.
Je le
laissai me mettre le masque tout en maudissant les deux
chats.
L'Audace!
Ils avaient osé partager mon lit sans
mon consentement.
'Je leur revaudrai ça…' Pensai-je
tout bas, et avec ferveur.
« Et voilà! »
Fit Kaito.
Je mis mes verres pour regarder dans le miroir.
Un
homme, visiblement étranger, me regardait en retour.
Je
souris malgré moi. Je n'étais plus en fille,
alléluia!
« Voici le visage que tu vas porter
pour les quelques semaines à venir, Ben Aleck! »
Dit Kaito avec sa constante bonne humeur.
« Ben
quoi? »
« C'est le nom qui va avec ce
visage… Tiens. »
Il me passa un portefeuille
contenant quelques billets et un passeport.
Le passeport était
au nom d'un Ben Aleck, vingt-trois ans, sujet britannique.
Je
fronçai les sourcils.
« C'est pas un peu…?
Je veux dire, ce n'est pas illégal tout ça? »
Kaito
me regarda d'un air bizarre.
« Parce que
l'illégalité, ça te gênes? »
Voyant mon regard inquisiteur, il expliqua…
« On m'a quand même expliqué
un peu ce qui t'est arrivé.
Ceci… » Il tapa
le passeport du doigt.
« N'est pas quelque chose que
je fais à la légère. »
Il me
sourit cependant.
« Je suis tout de même content
de voir que tu sais encore faire la distinction. »
Il
me laissa seul, un peu, pour réfléchir avant le petit
déjeuner.
Je repensai vaguement à la notion de
justice, de légalité que m'avait enseignée mon
père, et, avec un certain malaise, à celle que Baïkal
avait implantée dans mon crâne.
Je me secouai la
tête, repoussant ces pensées pour essayer de me rappeler
comment on était censé manger avec un masque…
C'est
que ce n'est pas chose aisé!
Pidgeon se tenait
debout, dans l'ombre d'un des arbres de la grande place.
Non
loin, des enfants jouaient à faire s'envoler les pigeons,
qui revenaient aussitôt picorer les miettes de pique-niques
oubliés.
L'homme sourit, en voyant la personne qu'il
attendait s'approcher.
'Pile à l'heure.'
Pensa-t-il, en hochant la tête pour montrer son approbation.
Il venait de regarder l'horloge de la place.
Il s'avança
pour se placer à l'endroit convenu, ses bras couverts,
malgré la chaleur estivale.
Le jeune homme l'avait vu.
Il
s'approcha d'un pas hésitant, jetant un œil inquiet à
l'horloge à sa droite.
Lorsqu'il fut à distance
raisonnable, il s'arrêta.
« Chii! »
Sa voix trahissait son incertitude.
« Jeune homme, je
pensais que Dove vous avait fait comprendre notre goût pour les
déguisements. »
Il sourit en voyant le visage de
l'étranger, qui n'en était pas un, se remplir de
compréhension et d'admiration.
« Suivez-moi… »Fit-il,
sans lui donner le temps d'exprimer de vive voix ces
sentiments.
Ben Aleck, alias Akira, était
impressionné.
Pidgeon imitait le vieux Chii à la
perfection.
De sa façon de marcher à sa tenue, en
passant par sa façon de parler, un brin trop poli et
vieillot.
Akira était soudain affreusement conscient que le
japonais de son 'Ben Aleck' manquait cruellement d'un accent
anglais.
Il suivit Pidgeon aussi docilement que possible.
Celui-ci
le mena, via quelques tournants et ruelles, dans une petite rue
moyennement fréquentée, bordé d'enseignes
diverses.
« C'est ici. »
Ben regarda
l'enseigne de la porte en question.
« Une salle de
Billard…? »
Sans expliquer, Pidgeon lui fit signe
d'entrer après lui, malgré le panneau sur la porte
qui indiquait que le salon n'était pas encore 'ouvert à
la clientèle'.
Le tenant des lieux, qui était
entrain de nettoyer le comptoir, leva les yeux, l'air prêt à
dire:
« On est fermé! Cela ne se voit pas! »
… Avant d'apercevoir Pidgeon…
« Chii! Mon vieux!
Comment ça va? Cela fait un bail! »
Pidgeon,
voyant l'air confus de Ben, alias Akira, lui tapota l'épaule
tout en répondant au barman.
« Très bien
et toi? Au fait, ça tient toujours ton offre concernant
l'arrière salle? »
L'homme acquiesça
vigoureusement, et les mena vers une porte au fond.
Il passa une
clé à Pidgeon en lui demandant de jouer une partie
quand ils auraient fini.
S'ils avaient besoin de quoique ce
soit, il serait près du comptoir.
Pidgeon et Akira
rentrèrent dans la pièce.
Pidgeon pris soin de
refermer la porte derrière lui et de ranger la clé dans
une poche de son blouson.
« Bien. » Fit-il.
« Nous allons pouvoir commencer. »
Akira
déglutit.
Il s'était demandé ce qu'ils
avaient prévu comme tests à lui faire passer, de même
que leur but en ce faisant.
Il écouta avec attention ce que
lui dit Pidgeon, fronça les sourcils et lui demanda de
répéter.
Pidgeon s'exécuta, et Akira dût
croire, tant bien que mal, ce que lui avaient rapporté ses
oreilles.
« Vous allez m'apprendre la
calligraphie! »
